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mettaient en évidence l'extrême impressionnabilité réflexe des hystériques en état d'hypnotisme. C'est ce qu'il exprimait, de la façon la plus expressive, dans un Mémoire à l'Académie des Sciences, en disant : « Il ressort de tous ces faits que les hystériques, en état d'hypnotisme, offrent une hyperexcitabilité nerveuse telle, qu'il n'est pas d'instrument de physique qui puisse arriver à un même degré d'actions aussi infinitésimales déterminées par les divers agents physiques. » C'est la même constatation qui faisait dire à un physicien éminent, M. Jamin, professeur à la Sorbonne, un jour qu'il assistait aux expériences de la Pitié, cette parole que nous avons retenue: « Dans nos laboratoires, nous n'avons pas de réactifs plus sensibles que ne le sont vos hystériques. >>

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Dumontpallier, secondé dans ses recherches sur les agents physiques chez les hystériques par deux élèves dévoués, MM. Paul Magnin et Bérillon, devint bientôt le chef d'une véritable école d'hypnologie, connue sous le nom d'Ecole de la Pitié. Les travaux de l'Ecole de la Pitié ont été publiés, de 1882 à 1887, dans les comptes rendus de la Société de Biologie. Ils ont fait l'objet de deux thèses soutenues à la Faculté de Paris, l'une par M. Paul Magnin, sous le titre : Etude clinique et expérimentale de l'hypnotisme. Les excitations périphériques chez les hystéro-épileptiques à l'état de veille et d'hypnotisme; l'autre, par M. Bérilion, sous ce titre: Hypnotisme expérimental. La dualité cérébrale et l'indépendance fonctionnelle des deux hémisphères cérébraux.

Pendant quelque temps les expériences de Dumontpallier passionnèrent

le monde scientifique. Les représentants les plus autorisés de l'Académie des Sciences lui prodiguèrent leurs encouragements. Pasteur, Chevreul, Milne-Edwards, Faye, Paul Bert, Brown-Séquard, Henri Bouley et beaucoup d'autres vinrent dans le service de Dumontpallier suivre ses démonstrations expérimentales, et apporter à ses recherches l'appui de leur autorité scientifique.

Lorsque Dumontpallier présenta à la Société de Biologie ses communications dans lesquelles il démontrait la possibilité de mettre en action l'activité physique ou sensitive d'un seul hémisphère cérébral, Paul Bert qui présidait la séance s'exprma ainsi : « Depuis près de trente ans, je suis avec le plus vif intérêt tous les progrès de ce que l'on appelait autrefois le magnétisme animal, et que l'on appelle maintenant l'hypnotisme. Eh bien, je ne vois dans les découvertes auxquelles on arrive actuellement rien d'absolument nouveau. >>

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« Les observateurs anciens ont vu, plus ou moins, tous les faits qu'on donne aujourd'hui comme nouveaux, et les ont décrits. Il faut reconnaître, cependant, que les observateurs actuels ont le mérite de les étudier avec plus de méthode. >>

«Le seul fait réellement nouveau, disait en terminant Paul Bert, qui m'a le plus frappé, et que les anciens magnétiseurs n'avaient jamais réalisé, c'est celui de diviser l'homme hypnotisé en deux et d'en faire un individu double. J'estime donc que ces études doivent être poursuivies en raison de l'intérêt exceptionnel qu'elles présentent. »

En résumé, l'oeuvre de Dumontpallier en hypnotisme se répartit en deux périodes très distinctes. Dans la première, il ne s'écarte pas du domaine purement expérimental, étudiant, avec la collaboration de ses deux élèves, Ma

gnin et Bérillon, le rôle des agents physiques dans la production des phénomènes de l'hypnotisme chez les hystériques hypnotisables. Dans la seconde, il se montre surtout préoccupé de déterminer les applications pratiques de l'hypnose au traitement des troubles fonctionnels et les névropathies. Dans ces deux ordres de recherches, il ne cesse jamais de prouver qu'il savait unir la rigueur scientifique d'un physiologiste consommé à la perspicacité d'un clinicien de premier ordre.

Il y a quelques mois, le Dr Félix Regnault, retraçant le rôle joué par lui dans l'évolution de l'hypnotisme, après avoir rappelé que Dumontpallier avait été l'élève favori de Claude Bernard, s'exprimait ainsi :

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« Dans ces conditions, expérimentant les phénomènes hypnotiques avec toute la prudence et la réserve scientifiques qu'on était en droit d'attendre de son passé, il fut convaincu, et, loin de reculer devant le scepticisme universel, il s'efforça de faire partager ses convictions.

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«Quand la vérité est contraire aux idées reçues, il faut un grand courage et une grande fermeté de caractère pour l'affirmer. Dumontpallier eut ce courage dans plusieurs mémoires à l'Académie des Sciences, il l'eut dans son service, qui devint un centre de recherches et d'enseignement hypnologiques. « Si Dumontpallier se fùt tu à cette époque, il serait resté l'égal de beaucoup de médecins aux travaux estimables, voilà tout. Il parla et se trouva placé hors pair; il devint un maître. >>

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En effet, Dumontpallier fut un maître dans toute l'acception du terme. Il a formulé une doctrine et il a fondé une école durable. Son œuvre est continuée par ses élèves qui ont fondé sous son patronage l'Institut psycho-physiologique de Paris. Cet institut destiné à fournir aux médecins et aux étu

diants un enseignement pratique permanent sur toutes les questions qui relèvent de l'hypnotisme, de la psychologie et de la pédagogie suggestive, comporte: 1° l'Ecole de psychologie; 2° un laboratoire de recherches psychologiques; 3° le dispensaire neurologique et pédagogique; 4° le musée de psychologie. Parmi les études dont s'honore l'Institut psycho-physiologique, il convient de citer en première ligne les applications de la suggestion hypnotique à la pédagogie. Ces recherches cliniques ont permis de déterminer les indications précises d'une nouvelle thérapeutique des maladies de la volonté. C'est par elle qu'on arrive à guérir les habitudes morbides telles que l'onanisme, l'onychophagie, la kleptomanie, l'incontinence d'urine, les troubles du caractère, l'alcoolisme et les diverses intoxications dans lesquelles l'aboulie est toujours le syndrome prépondérant.

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Le nom de Dumontpallier a été mêlé à tous les principaux événements qui ont marqué en France la renaissance des études psychologiques. En voici les dates principales: En 1877, il publiait le rapport sur la métallothérapie, qui marque l'entrée de l'hypnotisme à la Salpêtrière. En 1889, il était spontanément désigné par tous pour présider le premier Congrès international de l'hypnotisme.

Le 25 mai 1891, il présidait la manifestation organisée en l'honneur du Dr Liébeault. Nul n'était mieux qualifié pour interpréter les sentiments de reconnaissance et d'affection qui avaient inspiré les admirateurs du vénéré Dr Liébeault. Il appartenait à l'homme intègre qui, dans des circonstances difficiles, eut le courage de rendre une entière justice à Burq, l'inventeur

de la métallothérapie, de consacrer les mérites du modeste médecin dont les patientes recherches ont doté la médecine d'une thérapeutique nouvelle : la suggestion.

Enfin, le 20 juillet 1891, Dumontpallier consolidait l'oeuvre générale en présidant la création de la Société d'hypnologie et de psychologie dans laquelle viennent se grouper tous ceux que passionne l'étude des rapports du moral avec le physique. Cette Société, imitant en cela ce que la Société de Biologie avait fait pour Reyer, son président fondateur, le nomma président perpétuel.

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On peut dire qu'un des plus grands services que Dumontpallier ait rendu à la cause de l'hypnotisme fut d'accepter la présidence du premier congrès international de l'hypnotisme expérimental et thérapeutique, tenu à l'HôtelDieu de Paris, du 8 août au 12 août 1889.

En cette circonstance, Dumontpallier fit preuve d'une élévation de caractère peu commune. Plusieurs de ses collègues des hôpitaux l'avaient avisé que le fait d'accepter la présidence du congrès de l'hypnotisme était de nature à compromettre le succès de sa candidature à l'Académie de médecine. Il répondit simplement : « Si le vote de l'Académie pouvait être influencé par des considérations aussi étrangères à l'esprit libéral et scientifique, je préfèrerais n'en pas faire partie. » L'avenir lui prouva qu'il avait eu raison de ne pas douter du libéralisme des membres de l'Académie de médecine, car il y fut élu par la presque unanimité des suffrages.

L'influence exercée au congrès de l'hypnotisme par Dumontpallier fut

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