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NOTICE

Les décrets du Président de la République portant règlement d'administration publique sont les actes du pouvoir exécutif qui se rapprochent le plus des lois. Il importe de ne pas confondre avec eux les décrets administratifs, individuels et spéciaux, qui n'ont des règlements d'administration publique que la forme, et que l'on appelle par ce motif les décrets rendus dans la forme des règlements d'administration publique. Une confusion entre ces deux sortes de décrets s'était glissée dans un projet de loi en 1878. Ce projet, qui fut pour nous l'occasion de rappeler et de justifier cette distinction, a été entièrement remanié par les Chambres avant de devenir la loi du 23 octobre 1884 qui fait elle-même le règlement que le projet primitif proposait de laisser au gouvernement le pouvoir de faire.

Mais la rectification par nous demandée avait été alors reconnue fondée par un illustre Garde des sceaux.

Nous établissons que ces deux espèces d'actes du chef de l'État diffèrent en effet par leur nature légale, par les voies de recours dont ils sont susceptibles, par la sanction attachée à leurs dispositions. Il y a donc un intérêt d'ordre supérieur et permanent à ne pas

que

les confondre, surtout dans la rédaction des lois. Cependant cette confusion a été renouvelée depuis 1878, dans d'autres projets ou propositions de loi. Elle a même passé dans une loi importante, non sans d'humbles avertissements aient encore été donnés. L'article 6 de la loi du 27 février 1880, relative au Conseil supérieur de l'instruction publique et aux Conseils académiques, qualifie à tort de « décret rendu << en la forme des règlements d'administration publi<«<que », un décret qui ne peut être qu'un décret portant règlement d'administration publique (1), ainsi que cela résulte de notre démonstration.

Il peut donc n'être pas sans utilité, pour mettre en garde contre le retour de semblables méprises, de rééditer ces quelques pages.

(1) Cet article est ainsi conçu : « Un décret rendu en la forme des règle<<ments d'administration publique, après avis du Conseil supérieur de l'ins«truction publique, détermine les droits d'inscription, d'examen et de « diplôme à percevoir dans les établissements d'enseignement supérieur « chargés de la collation des grades, ainsi que les conditions d'âge pour « l'admission aux grades ».

DE LA DISTINCTION

DES DÉCRETS PORTANT RÈGLEMENT D'ADMINISTRATION PUBLIQUE

ET DES DÉCRETS RENDUS DANS LA FORME
DES RÈGLEMENTS D'ADMINISTRATION PUBLIQUE

(Rectification demandée au projet de loi de 1878
sur les ventes judiciaires d'immeubles.)

Dans le monde économique, toutes les industries sont solidaires en vertu des lois naturelles qui président au développement du travail humain. Dans les législations positives, il n'est pas une branche qui soit entièrement indépendante des autres. Tout s'enchaîne en économie politique ; tout s'enchaîne aussi dans le droit; et de ces deux sciences il n'est pas une partie qui ne se rattache par quelques points à celles même dont elle semble en apparence le plus éloignée.

C'est ainsi que le projet de loi sur les ventes judiciaires d'immeubles, dont le Gouvernement vient de saisir la Chambre des députés, paraît au premier abord étranger aux principes du droit administratif et aux règles de l'administration française. Il s'agit surtout d'une loi de procédure, et, bien que le projet évite de toucher aux dispositions importantes du Code de procédure civile, deux articles de ce Code doivent être modifiés.

Cependant cette loi de procédure intéresse notre législation financière, puisqu'elle a pour principe de déclarer sujets à restitution, suivant le prix définitif d'adjudication et les charges,

les droits de timbre, d'enregistrement, de greffe et d'hypothèque, mesure qui constituera un sérieux bienfait pour la petite propriété foncière.

En outre, la rédaction des articles 3, 4 et 7 de ce projet de loi, tel qu'il est inséré au Journal officiel du 28 janvier 1878 (page 764, Chambre des députés, annexe no 289, séance du 14 janvier 1878), soulève l'importante question administrative de la distinction des décrets suivant leur nature légale et la dénomination propre à chacun d'eux.

C'est à ce titre que nous croyons devoir signaler une erreur dans la rédaction de l'article 3 de ce projet de loi et indiquer la rectification, suivant nous, nécessaire.

Nous ne prétendons pas en exagérer l'importance, mais la correction juridique importe beaucoup à la bonne rédaction de toutes les lois, de celles qui font partie de notre législation administrative non codifiée, et surtout de celles qui par quelques côtés touchent à nos codes. Combien de confusions et même d'erreurs dans les idées ont été engendrées par une terminologie défectueuse ! Que d'incertitude l'emploi du mot de propriété jette encore dans la détermination du régime de la domanialité publique ! Que de temps il a fallu à la doctrine et à la jurisprudence pour établir les différences pratiques qui séparent les établissements publics et les établissements d'utilité publique, trop souvent confondus, même par certaines lois, sous une seule de ces dénominations à tort considérée comme équipollente à l'autre !

Dans nos meilleures lois administratives, on rencontre encore de ces termes impropres, parfois empruntés mal à propos au langage judiciaire, et ces questions de mots engendrent soit des controverses, soit des interprétations défectueuses. Tel est, pour n'en citer qu'un exemple, le mot degré de juridiction dans l'article 49, § 2, de la loi d'administration municipale du 18 juillet 1837, inexactement employé dans une disposition où l'esprit du législateur, qui faisait une loi d'administration et non une loi de procédure, entendait étendre la même règle au pourvoi devant la Cour de cassation, qui n'est jamais un troi

sième degré de juridiction, comme à l'appel qui, au contraire, suppose toujours le deuxième et dernier degré de juridiction.

C'est une impropriété de termes non moins grande que nous relevons dans l'article 3 du projet de loi sur les ventes judi

ciaires d'immeubles.

De même que les lois administratives, comme l'article 49 de celle de 1837, ne s'écartent pas sans inconvénients de la correction du langage judiciaire ; de même, les lois de procédure judiciaire, comme celle qui nous occupe, doivent s'abstenir de porter atteinte à la correction de la langue et de la terminologie administratives.

L'erreur dans les mots provoque l'erreur dans les idées.

L'article 3 du projet de loi sur les ventes judiciaires d'immeubles est ainsi conçu :

« La demande en restitution des droits sera formée, dans les << deux ans, à compter du jour de l'enregistrement du procès« verbal d'adjudication. Un décret, rendu en forme de règlement « d'administration publique, déterminera les conditions à rem<< plir et les justifications à produire pour obtenir la restitution. »

Or, il ne s'agit nullement, dans l'espèce, d'un décret rendu en forme de règlement d'administration publique. Le décret à intervenir, aux termes de cet article 3 et de l'article 4 du même projet de loi, sera un décret portant règlement d'administration publique. Cette locution se trouve avec raison, et dans le texte même de l'article 7 (1) et dernier du projet de loi, et dans l'exposé des motifs du projet de loi.

Voici ce passage très exact de l'exposé des motif, tel qu'il est inséré au Journal officiel (loc. cit.):

« Quant aux détails d'application du principe, ils devront «< être réglés par un décret rendu en Conseil d'État. Il s'agit « de reviser le tarif du 10 octobre 1841, en ce qui concerne

(1) « Les dispositions des articles 1 et 2 de la présente loi recevront leur « exécution à partir de la promulgation du décret portant règlement d'ad« ministration publique et seront applicables aux ventes dont les procédu<<res commencées antérieurement n'auraient pas été suivies d'adjudications « à cette époque » (art. 7 du projet de loi).

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