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NOTICE

C'est encore une conférence d'il y a vingt ans, faite à Niort à l'appel de M. Duruy, le 9 mars 1867, que nous rééditons ici.

Plus favorisée jusqu'à ce jour que le Conseil d'État, la Cour des comptes, moins rapprochée de la politique, a pu, depuis sa création en 1807, traverser sans commotion les révolutions de notre pays. Sauf quelques modifications d'une importance secondaire, et que nous signalons en note de cette seconde édition, la Cour des comptes est aujourd'hui ce qu'elle était alors. L'intérêt de cette étude de 1867 n'a pas été placé par les événements dans le domaine exclusif de l'histoire, et nous n'avons aucun remaniement à lui faire subir pour lui maintenir son titre primitif: « La Cour des comptes et son histoire ».

Nous souhaitons que ce travail réédité n'ait pas cessé de mériter le bienveillant accueil qu'il reçut, lors de sa publication, de la Cour elle-même, conformément aux précieux témoignages que nous avons reçus.

On a parlé, dans ces derniers temps, de supprimer la Cour des comptes, par motif d'économie ! Puisse la fortune de la France n'être pas soumise à cette épreuve, qui apprendrait une fois de plus combien certaines

économies prétendues sont coûteuses ! et cela à l'heure même où les États étrangers qui ne possédaient pas cette institution placent leurs finances sous sa sauvegarde!

C'est un motif de plus pour nous de rendre par une publication nouvelle un nouveau témoignage aux services de la Cour des comptes, trop peu connus (les menaces actuelles en sont la preuve), parce qu'ils n'ont pas l'éclat de la publicité.

LA COUR DES COMPTES

ET

SON HISTOIRE

En choisissant pour sujet de cette conférence la Cour des comptes et son histoire, je ne me suis pas dissimulé que si je prenais pour thème l'une de nos plus grandes institutions, je venais aussi vous entretenir d'une partie de notre droit public, spéciale, peu connue, bien qu'elle appelle la publicité la plus entière, obscurcie pour beaucoup par des préjugés invétérés, et considérée par le plus grand nombre comme souverainement aride.

Je viens en effet vous parler de finances, et, dans le vaste domaine de notre législation financière, c'est la comptabilité publique qui doit nous occuper au point de vue de sa sanction.

J'ai à vous parler du jugement des comptes de gestion qui doivent être fournis par les comptables, et du contrôle des comptes d'administration qui doivent être présentés par les ordonnateurs.

Telle est, en effet, la double mission de la Cour des comptes : juger certains comptes, contrôler les autres; et j'admets que cette étude semble, au premier abord, présenter peu d'attraits.

Mais veuillez songer qu'il s'agit de la fortune de la France! que cette fortune passe entre les mains des comptables, les uns comptables de matières, chargés de la garde des maga

sins, des arsenaux, des usines, qui contiennent ou fabriquent ces richesses d'équipement et d'armement qui aident nos flottes et nos armées à la défense nationale; les autres, comptables de deniers publics, préposés à la recette, préposés à la dépense, dans les caisses desquels passent, et les fonds des établissements publics, et les fonds des 37,548 communes de France, et toutes les ressources du budget de l'État!

Veuillez considérer que ce trésor se forme par le sacrifice de tous, et du riche et du pauvre, dans la proportion des facultés imposables de chacun, ce qui est à la fois l'égalité et la justice en matière d'impôts !

Veuillez considérer que la loi française, sagement protectrice de la chose commune, veut que l'on rende compte de toutes les sommes, et de leur perception, et de leur emploi; de sorte que le jugement et le contrôle des comptes ont pour objet d'empêcher des mains criminelles ou seulement négligentes de compromettre ces valeurs ou de les détourner de leur destination exclusive à l'acquittement des charges sociales!

Il s'agit, en un mot, de protéger la fortune publique contre les dilapidations, les désordres et les moindres négligences.

Si je ne m'abuse, lorsqu'on se place à ce point de vue (et l'on s'y place logiquement, forcément), la scène change.

Nous ne trouvons plus seulement de fastidieuses questions de chiffres; nous sommes en présence d'un intérêt national immense... Et l'étude d'un corps de magistrature, organisé pour lui donner satisfaction, ne saurait sans doute être dépourvue d'attraits dans un pays profondément démocratique comme le nôtre, où chacun est contribuable, où chacun est citoyen, et où la première règle de la comptabilité est celle de la publicité la plus entière.

Cette pensée m'a dirigé lorsque j'ai offert de consacrer à la Cour des comptes notre conférence d'aujourd'hui. Il m'a semblé que c'était là l'une de ces parties de notre droit public à la vulgarisation desquelles il pouvait être utile et patriotique de participer dans la mesure de ses forces.

Nous diviserons cette conférence en trois parties.

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