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NOTICE

Nous avons été souvent consulté par des sociétés savantes, charitables ou autres, à l'occasion de leur reconnaissance comme établissements d'utilité publique, sur les avantages de cette reconnaissance, sur sa procédure et ses conditions. Plus d'une fois aussi, dans cet ordre d'idées, nous avons eu l'occasion de communiquer aux membres de ces sociétés et à leur bureau, les pièces dont la réunion va former cette XIIe étude.

Ces circonstances nous font penser que leur réimpression peut être utile.

Nous les avons écrites en décembre 1874, février et juin 1875, comme rapporteur du Conseil d'une société savante, dont nous avons, depuis de longues années, l'honneur d'être membre et l'un des anciens présidents, la Société des Antiquaires de l'Ouest, ayant son siège à Poitiers.

Dans d'autres ouvrages nous avons traité du régime légal des établissements d'utilité puplique, comparé à celui des établissements publics. Nos rapports, ici réunis, de 1874-1875, présentent une application et la mise en œuvre des principes qui régissent la première catégorie de ces établissements.

DROIT PUBLIC.

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T. I.

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1

DE LA RECONNAISSANCE

D'UNE SOCIÉTÉ SAVANTE

COMME ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLIQUE

I

PREMIER RAPPORT

SUR LA RECONNAISSANCE DE LA Société des Antiquaires de l'Ouest COMME ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLIQUE

Il y a quelques mois, votre Conseil d'administration s'est de nouveau posé la question de savoir si la Société des Antiquaires de l'Ouest, bien qu'elle ait fourni une longue, utile et féconde carrière de quarante années, sous la seule autorisation ministérielle du 24 février 1835, nécessaire pour la mettre en règle avec les lois relatives au droit de réunion, ne ferait pas bien de solliciter aujourd'hui du Gouvernement un décret qui la reconnaisse comme établissement d'utilité publique.

Votre Conseil a chargé de l'examen de cette question une commission composée de MM. de la Boutetière, Ragon, de la Ménardière, et Ducrocq, rapporteur.

Cette commission a été unanime, et a conclu à ce que la Société fit sans retard les démarches ayant pour objet sa reconnaissance comme établissement d'utilité publique.

Son rapport a été lu au Conseil de la Société dans sa séance du 12 décembre dernier ; le Conseil, à l'unanimité, en a adopté les conclusions et a bien voulu faire sienne l'œuvre du rapporteur.

Aussi est-ce du Conseil même de votre Société que nous avons été l'organe, et non pas seulement de la commission par lui nommée, lorsque, dans votre séance du 17 décembre dernier, nous avons eu l'honneur de vous demander de prendre cette proposition en considération dans les formes déterminées par l'article complémentaire de vos statuts.

Aujourd'hui vous êtes encore réunis, Messieurs, en exécution de la même disposition, sagement imposée pour les modifications à apporter aux statuts de la Société.

En conséquence, vous avez été spécialement convoqués, un mois à l'avance, pour voter définitivement, s'il y a lieu, dans cette première séance ordinaire de l'année 1875, la proposition déjà prise en considération dans la dernière séance réglementaire de 1874.

Voici les motifs de cette proposition.

D'une part, cette transformation de son régime légal sera pour la Société la source d'importants avantages; d'autre part, ce changement ne présente aucun inconvénient qui puisse inquiéter les consciences les plus indépendantes ou les plus timorées.

Les avantages que vous en recueillerez sont tous ceux attachés par la loi à la personnalité civile ou morale.

Ces avantages vous manquent aujourd'hui.

D'après les principes de notre droit public, nulle réunion, nulle association, même régulière au point de vue des lois de police, nul corps ne peut devenir une personne morale capable de posséder les droits privés des Français qu'en vertu d'un acte de la puissance publique qui lui confère ce caractère. Tel est l'objet de la reconnaissance comme établissement d'utilité publique. Elle ne peut émaner que d'un décret rendu en assemblée générale du Conseil d'État, aux termes de l'article 5, § 4, du

règlement d'administration publique du 21 août 1872 (1), rendu en exécution de la loi du 24 mai 1872 sur le Conseil d'État.

Vous existez sans doute déjà très régulièrement, en conséquence de l'arrêté ministériel de 1835, mais seulement comme réunion de plus de vingt personnes autorisées; mais vous n'existez pas comme personne morale ou civile, capable d'être propriétaire, créancière ou débitrice, de passer des contrats, d'ester en justice, d'accomplir les actes de la vie civile.

A cet égard, vous n'avez qu'une existence de fait ; vous manquez de l'existence légale.

Quelques applications de ces principes juridiques et quelques exemples suffiront pour mettre en lumière l'infériorité de cette situation, ses dangers, et les avantages inhérents à la situation contraire.

En l'état actuel, la Société des Antiquaires de l'Ouest ne peut légalement recevoir ni donation ni legs. Pour être capable de recevoir entre-vifs ou par testament, il faut en effet, aux termes de l'article 906 du Code civil, exister au moment de la donation ou de la mort du testateur, et vous n'existez pas en tant qu'être de raison ou être juridique investi de la personnalité morale.

N'ayez pas la pensée, Messieurs, que vous seriez toujours à temps, en présence de libéralités mobilières ou immobilières qui vous seraient faites, de solliciter alors votre reconnaissance comme établissement d'utilité publique, en même temps que l'autorisation gouvernementale d'accepter la libéralité, exigée par l'article 910 du Code civil. Ce serait une dangereuse erreur, qui pourrait vous donner quelque jour d'amers regrets. Il serait en effet trop tard. Peut-être le Gouvernement, dont vos titres mériteraient toujours la haute protection, pourrait s'y prêter et vous accorder le tout à la fois par le même décret. Mais il ne pourrait le faire que sous la réserve du droit des

(1) Ce texte remplacé d'abord par le décret du 2 août 1879, art. 7, l'est aujourd'hui par le décret du 3 avril 1986 qui n'exige plus dans ce cas l'intervention de l'Assemblée générale.

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