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pose aussi dans son article 2 qu'« en cas d'absence, de maladie ou d'empêchement, le maire est remplacé dans la présidence du conseil municipal par celui des adjoints qui est appelé à remplir les fonctions de maire ».

Lorsque la loi du 21 mars 1831, remplissant les promesses de l'article 69 de la Charte de 1830, est venue commencer la série des modifications à la législation de l'an VIII par un retour nécessaire au principe électif, l'institution des adjoints a été maintenue et leur caractère légal de suppléants du maire expressément conservé.

L'article 5 de la loi du 21 mars 1831 est ainsi conçu:

<< En cas d'absence ou d'empêchement, le maire est remplacé par l'adjoint disponible, le premier dans l'ordre des nominations. En cas d'absence ou d'empêchement du maire et des adjoints, le maire est remplacé par le conseiller municipal le premier dans l'ordre du tableau, lequel sera dressé suivant le nombre des suffrages obtenus ».

L'article 4 de la loi du 5 mai 1855 a reproduit le principe de cette disposition et une partie de ses termes, en ne maintenant toutefois l'ordre du tableau pour les conseillers municipaux qu'à défaut d'une désignation spéciale du préfet.

Ce qui est frappant dans ces textes successifs, ce n'est pas seulement qu'aucun d'eux ne confère au maire le droit de désigner son suppléant et que la loi le désigne elle-même ; c'est aussi qu'elle désigne toujours les adjoints, en l'an IX, en 1806, en 1831, en 1855. Il n'en est autrement que si eux-mêmes font défaut, et dans ce cas un conseiller municipal est appelé, également en dehors du choix du maire. Encore l'est-il dans l'ordre du tableau ou suivant une désignation préfectorale, suivant ces lois diverses.

Ce principe de vocation légale et exclusive des adjoints disponibles à la suppléance du maire, nous le retrouverons dans le régime de la délégation.

§ 3.

De la délégation des pouvoirs du maire et sa comparaison avec la suppléance du maire.

La délégation des pouvoirs du maire est soumise à des règles qui diffèrent sur de nombreux points de celles de la suppléance, mais qui leur ressemblent en ce qui touche la prérogative des adjoints.

Une analyse exacte présente jusqu'à sept différences essentielles entre la délégation et la suppléance. Ces différences sont toutes rationnelles, parce qu'elles s'enchaînent les unes aux autres et découlent toutes du même motif.

La première de ces différences consiste en ce que la délégation s'opère par la volonté du maire, tandis que nous avons vu la suppléance déférée par la loi. Cette différence de règles est très logique, car la suppléance met un maire provisoire à la place du maire définitif qui fait momentanément défaut. Le suppléant possède toutes les fonctions du maire qui ne peut en remplir aucune, tandis qu'au cas de délégation, le maire est présent au milieu de ses administrés ; « il est seul chargé de l'administration », dit la loi, et il administre ; il ne délègue des portions de son autorité que parce qu'il juge lui-même la charge trop lourde. La délégation ne peut donc être que volontaire : c'est de son essence ; imposée, elle serait la négation du principe d'unité d'action; la loi se contredirait.

Une seconde différence entre la suppléance et la délégation dérive directement de la première. C'est que le maire qui ne peut, ni en droit, ni en fait, avoir à surveiller l'action de son suppléant, doit au contraire exercer sa surveillance sur celle de son délégué. Cela tient toujours au motifque le maire a seul la plénitude de l'autorité. Le délégué n'est en réalité, dans l'esprit de la loi, que son agent, bien qu'il ne puisse le choisir que dans des limites fixées par la loi.

11 en est de même de la troisième différence. Tant que dure la

suppléance, le maire ne peut accomplir aucun acte de ses fonctions. Il conserve le titre de maire, mais provisoirement l'autorité déplacée se trouve en d'autres mains. Il a, s'il est permis d'emprunter cette formule juridique, la simple jouissance sans l'exercice du droit. Tandis au contraire que, sans mettre un terme à la délégation, il peut, quand il le juge à propos, user de son droit supérieur, en reprendre à toute heure l'exercice, et accomplir lui-même la fonction par lui déléguée. Le fait de la délégation, même pendant sa durée, même en présence du délégué, disponible, ne fait nul obstacle à l'action du déléguant.

La quatrième différence est d'une haute importance pratique. Le maire est entièrement irresponsable des actes du suppléant qu'il ne choisit ni ne peut surveiller. Sa responsabilité personnelle peut être engagée au contraire par l'administration partielle du délégué, qui n'agit que parce que le maire l'a voulu et seulement sous sa surveillance.

La cinquième différence entre les deux mesures, suppléance et délégation, se réfère à un autre ordre d'idées, sans cesser de dépendre du même motif. Il s'agit de l'étendue de la suppléance et de la délégation. L'une est totale, l'autre est partielle. La suppléance embrasse tous les pouvoirs du maire; elle est intégrale, parce qu'il s'agit de mettre un agent faisant fonction de maire à la place du maire absent. La délégation au contraire ne peut être que partielle, parce que le maire est là présent ; qu'il est investi de toute l'autorité, et que s'il la déléguait tout entière, c'est qu'il ne voudrait que l'honneur sans les charges, et sa responsabilité prouverait son erreur. En déléguant la totalité de ses pouvoirs, il signerait son abdication, sinon sa démission.

La sixième différence consiste en ce que la loi permet au maire de déléguer à plusieurs des portions diverses de son autorité. Nous avons vu que la suppléance, au contraire, en vertu même de son intégralité, ne donne lieu qu'à une vocation unique. Il ne peut y avoir qu'un seul suppléant; il peut y avoir plusieurs délégués. Cette pluralité possible de déléga

tions concomitantes a pour raison d'être, ainsi que nous l'avons vu, le poids de l'administration qui augmente avec l'importance des communes, tandis que la suppléance n'exige jamais qu'un homme pour en remplacer un autre, sauf au suppléant, momentanément investi de toutes les prérogatives du maire, à déléguer lui-même. Nous avons déjà montré que cette faculté de déléguer à plusieurs est la raison d'être de toutes les dispositions législatives qui ont cherché à proportionner le nombre des adjoints au chiffre de la population.

La septième différence entre la suppléance et la délégation qu'il nous reste à signaler, atteint l'extrême limite du pouvoir du maire en cette matière. Comme celle qui précède, elle n'existe pas dans les communes de 2,500 habitants et au-dessous, qui, aux termes de l'article 3 de la loi du 5 mai 1855, ne peuvent avoir qu'un seul adjoint. Mais il en est autrement dans toutes les autres qui possèdent deux ou plusieurs adjoints. Cette différence consiste en ce que le maire, dans l'exercice de son pouvoir de délégation, n'est point lié par le rang de ses adjoints. Il peut librement choisir parmi eux celui ou ceux à qui il lui convient de déléguer telle ou telle partie de son autorité, taudis que nous avons vu que le maire ne choisit jamais son suppléant, qui est indiqué par le rang d'élection.

Mais là s'arrêtent les différences entre la suppléance et la délégation des pouvoirs du maire, et nous retrouvons ici la règle commune, que nous avons rencontrée en traitant de la suppléance, et que déjà nous avions formulée en donnant la définition des adjoints.

Ils sont, avons-nous dit, les suppléants et les délégués du maire. Ils sont investis de cette double aptitude d'une manière exclusive, tant qu'ils sont disponibles. Nous avons vu qu'en vertu des textes relatifs à la suppléance, les adjoints présents et non empêchés peuvent seuls, suivant leur rang, suppléer le maire. De même, ils peuvent seuls être délégués par lui ; il les délégue suivant sa volonté et selon son choix, mais sans qu'il puisse l'étendre en dehors d'eux. Dans l'exercice de son droit de délégation, le maire ne peut franchir le cercle de ses ad

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joints présents et non empêchés. C'est en cela que consiste leur prérogative; c'est la raison d'être de leur dénomination même, de leur institution et de leur nombre.

En les créant, le législateur s'est proposé, sans porter atteinte au principe d'unité de l'autorité municipale, de s'assurer la présence d'officiers municipaux associés à l'action administrative par cette attribution, possible et exclusive, de toute l'autorité municipale: à titre de suppléant au profit d'un seul, et de parties diverses de cette même autorité au profit d'un seul ou de plusieurs à titre de délégués du maire.

Tel est l'esprit qui anime non seulement les textes relatifs à la suppléance que nous avons passés en revue, mais aussi ceux relatifs à la délégation des pouvoirs du maire que nous allons trouver aussi, pour le passé, dans les actes de l'an IX et de 1806 et ensuite dans la loi d'administration municipale du 18 juillet 1837.

L'article 7 de l'arrêté consulaire du 2 pluviôse an IX (22 janvier 1801), rendu au lendemain de la loi de l'an VIII et pour son exécution, et dont nous avons cité l'article 3 sur la suppléance, est le point de départ de tous les textes ultérieurs relatifs à la délégation. Cet article 7 est ainsi conçu : « Le maire sera seul chargé de l'administration; il aura seulement la faculté d'assembler ses adjoints et de les consulter lorsqu'il le jugera à propos, et de leur déléguer une partie de ses fonctions ».

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Le décret du 4 juin 1806 qui rapporte le précédent, s'exprime peu près de la même manière dans son article 5, ainsi conçu : « Le maire est seul chargé de l'administration; il a la faculté d'assembler ses adjoints pour les consulter et de leur déléguer une partie de ses fonctions ».

Ce décret de 1806 a lui-même été remplacé par les lois municipales qui ont réglé les mêmes points. Mais ces textes de l'an IX et de 1806 ont, en cette matière, une grande importance, en ce qu'ils montrent l'origine et la persistance des dispositions relatives à l'institution des adjoints, toujours investis, depuis leur loi de création, du droit exclusif à la délégation, comme à la suppléance.

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