NOTICE

SUR

LA VIE ET LES TRAVAUX DE M. HENRI BAUDRILLART.

MESSIEURS,

La notice que vous aimez à consacrer à vos morts est le suprême et touchant adieu que vous leur adressez, avant qu'ils n'entrent définitivement dans le passé.

Henri Baudrillart n'y trouvera pas l'oubli.

En étudiant sa vie pour en rassembler les principaux traits, en pénétrant par la lecture de ses œuvres dans l'intimité charmante de son cœur et de son esprit, je voyais de plus en plus combien cet homme de devoir, cet écrivain distingué, dont vos bienveillants suffrages m'ont fait le successeur, est digne de rester dans le souvenir de l'Académie et de prendre place dans son histoire, après avoir pris une part si active à son œuvre.

Sa vie qui s'est écoulée, laborieuse et grave, au milieu des transformations les plus rapides et les plus radicales que les sociétés modernes aient jamais connues, a toujours pris pour se diriger ces deux idées maîtresses dont l'Académie s'efforce de perpétuer le culte, au milieu des choses qui s'écroulent, l'amour de la science et l'amour de l'humanité.

Le jour où ses travaux reçurent leur récompense par

NOUVELLE SÉRIE.

XLII.

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son entrée à l'Institut, il en éprouva une grande joie; son cœur, si sensible aux nobles satisfactions, en fut profondément ému; il était trop modeste pour s'en glorifier, il lui sembla plutôt qu'il venait de contracter vis-à-vis de la science une sorte de dette et que pour la payer il devait lui donner sa vie sans partage.

Il se consacra, n'épargnant jamais ni ses forces, ni son temps, à l'étude, sous la forme philosophique, historique, expérimentale, de ces grandes et passionnantes questions sociales, qui forment plus particulièrement le domaine de l'Académie des sciences morales et politiques et sont bien faites pour lui assigner un rôle considérable dans le mouvement de notre extraordinaire époque.

Vous l'aviez associé d'une façon toute particulière à votre action, en le chargeant d'étudier sur les lieux la condition des populations agricoles de cette terre de France. dont il fut toujours, dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, le fidèle et dévoué serviteur.

La mort seule put interrompre, à soixante-dix ans, son rude labeur; quand il la vit approcher, il songea bien moins à ménager sa santé défaillante qu'à achever l'œuvre que vous attendiez de son consciencieux dévouement.

Cette énergie virile se devinait dans tout son être; sa taille trapue, ses épaules robustes, sa démarche un peu pesante, semblaient faites pour les lourds fardeaux de la vie; la fermeté de ses traits réguliers, des sourcils épais sous la saillie d'un front puissant, les plis expressifs que le temps met au visage, pouvaient lui donner comme un air de sévérité ; ce n'était que l'enveloppe d'une âme délicate, dont les timidités, les tendresses, les aspirations contenues se reflétaient dans la douceur et la mélancolie du regard, qu'une certaine myopie rendait un peu hésitant.

Ne semble-t-il pas que quelques-uns de ces caractères reparaissent dans l'œuvre de l'écrivain; on les retrouve pour ainsi dire, dans la correcte gravité du style, dans la