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DES PLANTES VÉNENEUSES et des empoisonnements qu'elles déterminent, par M. CORNEVIN, professeur a Ecole nationale vétérinaire de Lyon. Un vol. in-8°, Paris, Firmin-Didot, 1887.

M. Cornevin vient de publier. chez l'éditeur Firmin-Didot, un livre qui, crovons-nous, est appelé a un grand succès. Il traite des plantes véneneuses et s'adresse particulièrement aux médecins et aux vétérinaires; mais on peut affirmer qu'il interesse tout le monde et il serait assurément à désirer qu'il se repandit dans les campagnes où les végétaux dont il s'occupe amènent de si frequents et parfois de si graves accidents.

Les plantes dotées de propriétés nocives sont, en effet, beaucoup plus nombreuses qu'on ne le pense communément. Pour s'en convaincre, il suffit de consulter la table des matières de l'ouvrage de M. Cornevin. On y trouvera énumérées plus de trois cents espèces dangereuses et, cependant, il ne s'occupe que des plantes phanérogames appartenant à la flore européenne.

Dans la première partie de son livre, l'auteur traite de l'étude générale des poisons d'origine végétale et des intoxications qu'ils occasionnent. Cette étude soulève des questions multiples que M. Cornevin examine avec une parfaite competence; les unes se rapportent aux plantes qui élaborent les poisons; les autres, aux organismes qui sont impressionnés par les matières toxiques.

Les plantes, indépendamment des matières utiles qu'elles nous fournissent, élaborent également des poisons dont l'étude chimique est déjà fort avancée, mais il n'en est pas de mème du déterminisme de feur formation, qui est subordonné aux progrès de la chimie biologique et de la physiologie végétale.

Dans l'état actuel de nos connaissances, on peut, suivant M. Cornevin, admettre que la formation des poisons se rattache à quatre modes :

1o La substance toxique existe dans la graine: elle ne subit pas de modifications lors de la germination, mais elle passe intégralement et immédiatement dans la tigelle et la radicelle qui sont vénéneuses au moment même de leur formation. Il n'y a pas d'interruption dans la toxicité de la plante;

2o Le principe vénéneux n'existe pas dans la graine et on ne le rencontre pas dans la jeune plante; il ne se forme que plus tard, lorsque certaines parties qui l'élaborent, telles que les laticifères pour quelques végétaux, se trouvent dans les conditions nécessaires pour cette production. Il y a transmission héréditaire de la faculté créatrice du poison, mais non du poison lui-même;

3o Il peut arriver que la graine soit vénéneuse sans que la plantule, qui en est issue, le soit immédiatement;

4° Les éléments d'un poison peuvent exister dans un végétal, mais dans des parties ou des tissus séparés de telle sorte que le poison ne se forme réellement que lorsque ces' tissus ou ces parties sont déchirés et mis en contact les uns avec les autres. Tel est le cas de quelques rosacées, notamment des amandiers qui renferment de l'amygdaline et de l'émulsine, corps inoffensifs s'ils restent séparés, mais qui, mis en contact en présence de l'eau, produisent de l'acide cyanhydrique.

L'élaboration en poisons chez les végétaux est soumise à des variations nombreuses qui tiennent à diverses causes. Et les différences constatées tant dans le moment d'apparition que dans la quantité des substances toxiques élaborées, tiennent au végétal ou au milieu dans lequel il vit.

L'activité d'une plante vénéneuse peut être subordonnée à son âge; elle peut se montrer dans toutes les parties ou n'être l'apanage que de quelques-unes.

Si, en général, les jeunes pousses des végétaux dangereux élaborent plus activement des poisons que les tissus plus âgés, il n'en est pas toujours de même. Il existe même de très nombreuses plantes qui ne sont pas ou à peine vénéneuses dans le jeune âge et peuvent, à ce moment, être consommées impunément soit par l'homme, soit par les animaux et n'acquièrent des propriétés nocives qu'avec l'âge.

En ce qui concerne le milieu, il exerce une influence d'autant plus prépondérante que les végétaux ne peuvent, comme les animaux, se soustraire partiellement à son action.

La lumière, la chaleur, les saisons, la situation topographique, la nature du sol, la culture, les engrais prennent une part plus ou moins considérable dans l'élaboration et la migration des poisons.

Les empoisonnements spontanés se produisent surtout chez l'homme, dans les campagnes et notamment chez les enfants, car précisément le poison se concentre souvent dans le fruit qui le tente.

Quant aux animaux domestiques, observe judicieusement M. Cornevin, on dit assez fréquemment que, guidés par leur instinct, ils ne touchent point aux plantes qui peuvent les incommoder. Que si, par hasard, ils en mangent avec leurs aliments habituels, ils n'en prennent jamais suffisamment pour faire naître des symptômes alarmants. Cette observation n'est pas exacte, ainsi que de nombreux faits le prouvent. Les animaux sauvages ne s'empoisonnent pas en s'alimentant, à moins que l'homme n'intervienne pour mêler à leur nourriture quelque substance vénéneuse, mais les animaux domestiques sont dans de tout autres conditions. La domesticité a affaibli en eux l'instinct qui éloigne leurs

congénères en liberté des plantes vénéneuses; quand celles-ci ne possèdent ni saveur âcre, ni odeur nauséabonde, ils les mangent volontiers. De là de nombreux empoisonnements de chevaux et de bœufs par l'if à taie. Certaines circonstances, ajoute-t-il, favorisent les accidents. Tel est le cas des animaux tenus pendant l'hiver en stabulation et qui, au printemps, se jettent avec avidité sur la nourriture verte. Parfois, dans les pâturages, les bonnes et les mauvaises espèces sont si intimement mélangées que le bétail cousomme forcément des plantes nuisibles. D'autres fois, l'homme distribue à ses animaax un mélange de bonnes et de mauvaises herbes. Des graines vénéneuses peuvent être attribuées au bétail en même temps que les menus grains de céréales. On voit que diverses causes peuvent introduire des empoisonnements dans nos exploitations rurales, où le soi-disant instinct se trouve complètement en défaut.

La première partie de l'ouvrage se termine par l'examen des diverses causes qui font varier l'énergie d'un même poison.

La seconde partie, qui occupe la plus large place dans le livre de M. Cornevin et sera certainement lue avec intérêt et profit par tout le monde, est consacrée à l'étude des plantes vénéneuses. Il fait d'abord connaître leurs caractères botaniques; les principales espèces sont accompagnées d'excellentes figures qui permettront de les reconnaître aisément. Les accidents que leur consommation peut provoquer chez nos animaux domestiques, de même que chez l'homme et surtout chez les enfants, sont soigneusement indiqués. L'auteur décrit les symptômes consécutifs à l'empoisonnement, les lésions que celui-ci détermine et les principes toxiques auxquels les espèces doivent leurs propriétés nocives. Il signale les remèdes dont on peut faire usage en cas d'accident et met en garde contre les dangers qu'il peut y avoir à consommer la viande d'animaux abattus à la suite d'empoisonnements par certaines plantes.

M. Cornevin résume dans son livre tous les travaux de ses devanciers et des notices bibliographiques renseignent consciencieusement tous les documents où il a puisé; mais il a enrichi son ouvrage de nombreuses et importantes recherches personnelles.

Consacrée entièrement à l'étude des espèces vénéneuses, la seconde partie du livre ne saurait être analysée; aussi nous bornerons-nous à lui faire quelques emprunts qui, pensons-nous, pourront intéresser nos lecteurs et probablement leur donnner envie de faire plus ample connaissance avec le précieux volume.

Beaucoup de personnes apprendront, sans doute, avec étonnement, que le muguet, si recherché au printemps pour son odeur suave, est vénéneux dans toutes ses parties. Les fleurs sont les plus dangereuses,

les feuilles le sont moins. Il suffit de quatre gouttes d'extrait de muguet en injection intra-veineuse pour tuer un chien en dix minutes. Qui se doute que la violette dont les fleurs séchées sont employées en médecine, est dangereuse dans certaines de ses parties? Hé bien! les graines et le rhizome sont vénéneux, et un botaniste a même fait la curieuse observation que la vénosité du rhizome est d'autant plus accentuée que les fleurs sont plus odorantes.

On peut en dire autant de certaines plantes employées dans la nourriture du bétail. Sait-on, par exemple, que le trèfle hybride peut occasionner des accidents ? Que la consommation des pannicules mâles du maïs et du seigle lui-même peut n'être pas sans danger?

Dans les régions où les noyers sont nombreux et la paille rare, on a eu l'idée d'employer leurs feuilles comme litière; mais on a constaté que si les vaches en mangent, le lait diminue énormément et peut même se tarir complètement. Quant aux tourteaux d'huile de noix, qui ont, comme l'huile, l'inconvénient de rancir promptement, ils communiquent dans cet état à la viande des animaux qui les consomment, et particulièrement à celle du porc, une odeur qui se dégage à la cuisson et qui est tellement détestable qu'on répugne à manger un tel produit.

M. Cornevin a fait des cytises, et notamment du cytise commun (cytise à grappes, faux ébénier), une étude approfondie et il a soin de mettre en garde contre les erreurs répandues à propos de cette plante.

Des botanistes, dit-il, répètent encore aujourd'hui que les bestiaux broutent, avec plaisir, les pousses du cytise, sans faire aucune distinetion; les chasseurs parlent d'une prédilection du lièvre et du lapin pour le faux-ébénier et nos littérateurs, reprenant les images des anciens, nous montrent les chèvres s'attachant à cet arbrisseau. Il y a là des erreurs qu'il faut faire disparaître.

De nombreuses recherches expérimentales, poursuit-il, m'ont fait voir que toutes les parties du végétal sont vénéneuses, le bois, l'écorce, les feuilles, les bourgeons floraux, les fleurs, les gousses, les graines, ainsi que les parties souterraines. La dessiccation n'a aucune influence sur la toxicité du végétal. La cuisson, l'ébullition, même prolongées, n'ont pas davantage d'influence sur le poison qui n'est pas volatil. Enfin, il ressort de ses recherches que le toxique n'est point détruit par la germination, mais se retrouve dans la tigelle et la radicelle.

M. Cornevin ne manque pas d'appeler l'attention des cultivateurs sur les dangers qu'il y a à donner aux animaux de la ferme les criblures du tarare, criblures qui peuvent contenir des graines de nielle, de coquelicot, d'ivraie enivrante et déterminer chez les consommateurs les plus graves accidents.

Nous bornerons là nos citations, bien suffisantes, pensons-nous, pour donner une idée de la haute valeur de ce livre, qui, au surplus, est remarquablement bien écrit. Il n'existe pas, à notre connaissance du moins, d'ouvrage aussi complet et aussi pratique sur un sujet qui n'avait pas encore été traité au point de vue agricole. Il est à désirer qu'il se propage dans les campagnes; M. Cornevin se décidera sans doute, la première édition épuisée, à donner une nouvelle édition populaire, à bon marché, et rendra à l'agriculture un éminent service.

G. FOUQUET.

HAITI EN 1886, VU PAR UN FRANÇAIS, par M. PAUL DELÉAGE. Un volume in-12. Paris, Dentu, 1887.

M. Paul Deléage vient de publier un livre très intéressant sur la république d'Haïti qu'il a récemment visitée. « Pour ceux qui confondent journellement l'Océanie avec l'Atlantique, Tahiti avec Haiti, la reine Pomaré avec la princesse Olive, une terre soumise au protectorat français avec une ancienne colonie française devenue indépendante, quelques lignes de géographie pure, nous dit-il au quatrième chapitre de son livre, ne seront pas inutiles. Port-au-Prince est une ville de 30 à 40.000 âmes il n'existe sur ce point aucune donnée précise, capitale de la petite république d'Haïti, laquelle avec sa voisine, la petite république de Santo-Domingo, compose l'ancienne et importante possession de Saint Domingue, le plus beau joyau, au siècle dernier, du domaine colonial de la France. Les deux républiques se partagent également, disent les Haïtiens, inégalement, répliquent les Dominicains, la possession intégrale de cette ile, la seconde comme importance territoriale des Grandes-Antilles. Distante de Cuba et de la Jamaïque de vingt-quatre heures environ, cette belle contrée se trouve précisément entre ces deux îles sur la route future du Pacifique en face de Panama, dont elle est éloignée de cinq à six jours à peine. La République dominicaine est la partie espagnole de l'ile de Saint-Domingue, comme Haïti en est la partie réputée française. Il ne faut pas oublier d'ajouter que Saint-Domingue, n'appartient pas plus à l'Espagne, qu'Haïti n'est resté possession française ».

L'ile de Saint-Domingue est après celle de Cuba la plus importante des Antilles. Sa superficie est de 76.000 kilomètres, c'est-à-dire deux fois et demi celle de la Belgique. Seulement, la partie orientale n'est peuplée que de 200 à 300.000 habitants: tandis que l'Etat d'Haïti est peuplé de 700.000 à 800.000 d'habitants. Les Dominicains sont d'origine espagnole ou du moins parlent la langue espagnole. Les Haïtiens sont pour

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