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Plus de 100 pages à l'Indo-Chine française sont consacrées par M. le capitaine Bouinais et M. Paulus. Nous trouvons dans leur notice un ensemble de renseignements des plus complets sur la Cochinchine, le Cambodge, l'Annam et le Tonkin. Les auteurs sont sobres de conclusions : ils pensent cependant que les faits constatés en Cochinchine permettent de bien augurer de l'avenir économique de nos possessions indo-chinoises. Ils donnent d'utiles avis.

Un explorateur, M. Lemire, a écrit la notice sur la Nouvelle-Calédonie et ses dépendances: les îles Loyalty, Bélêp, Huon, Chesterfield, les Nouvelles-Hébrides. Ce qu'il sait de ces pays lointains le porte à protester contre ceux qui disent que les Français n'ont pas d'initiative!

C'est le romancier Pierre Loti qui a révélé à plus d'un Français un peu brouillé avec la géographie l'existence de coins de verdure perdus au milieu de l'immense Pacifique.

La France étend son action sur plusieurs de ces oasis. Nous avons en Océanie établi notre protectorat ou notre influence sur plusieurs archipels; nous y rencontrons d'autres compétiteurs, les Anglais, les Allemands notamment l'Europe se prépare des ports de relâche pour le jour où la grande route passant par le canal de Panama sera

ouverte.

MM. Goupil et Lemire ont été chargés de nous renseigner sur Tahiti et les îles sous le vent, les Gambier, les Tubaï, les Marquises, dont la plus importante est Nouka-Hiva. Les Marquises, qui ont un climat sain, sont au milieu de la route qui conduit du Panama en Australie, en Chine, en Indo-Chine.

M. Nicolas, de l'infanterie de marine, démontre que Saint-Pierre et Miquelon tiennent le troisième rang comme importance commerciale parmi nos colonies. Comme revenus annuels elles sont supérieures à plusieurs de nos départements métropolitains.

M. Isaac, sénateur de la Guadeloupe, Hurard, député de la Martinique, ont rédigé des notices fort précises sur les colonies qu'ils représentent.

M. J. Leveillé, l'éminent professeur de l'École de droit, a fait un voyage à la Guyane. Il en a rapporté des observations et études personnelles qui donnent beaucoup d'attrait à son travail qui est impartial et des plus instructifs.

Il y joint quelques indications sur le problème pénitentiaire qui mérite les honneurs d'une publication spéciale.

Avec les îles Kerguelen, dont la plus connue, l'ile de la Désolation, mérite son nom, nous pouvons clore la série.

Faisons la récapitulation avec M. Rambaud : en additionnant les chiffres des colonies et des pays de protectorat, nous arrivons à 3 mil

lions de kilomètres carrés (six fois la superficie de la France) et 24 millions et demi d'habitants.

L'Angleterre étend son influence sur plus de 21 millions de kilomètres carrés et 270 millions d'âmes.

In cauda venenum. Dans sa conclusion, M. Rambaud dit que la France est presque la seule nation qui se soit approchée de la solution pour le problème de l'administration des races étrangères.

Eh! bien, c'est là un trait de chauvinisme qui nous paraît plus qu'exagéré. Si nous voulons coloniser, il faut radicalement changer nos procédés d'administration. Nous ne perdrons pas pour cela, je l'espère, ce qu'il y a en nous de généreux et d'humain.

Nos lois et notre justice doivent protéger tous les sujets de la France, même et surtout ceux qui ne sont pas électeurs. Nous nous ferons aimer des Arabes, des Malgaches, des Annamites, en leur donnant de la sécurité et de la justice; point n'est nécessaire d'en faire nos maîtres en en faisant des électeurs de députés.

Elle est aussi agaçante que dangereuse, la folie des gens qui, au nom d'un principe abstrait, veulent détruire la personnalité politique de la France en mettant dans le Parlement un tiers de députés toucouleurs, malinkés, canaques, hovas, malgaches, coulys, indiens, tonkinois, annamites aux doigts bifurqués, tahitiens, kabyles, berbères, arabes, etc. (ils représenteraient 24 millions de coloniaux contre 48 millions de Français).

Nous comprenons que l'Angleterre n'ait pas songé à approcher de cette belle solution: être gouvernée par ses 270 millions de sujets coloniaux, avoir un Parlement anglais ayant une majorité de brahmines et une minorité anglaise réduite peut-être à l'obstructionisme. Oh! certes, de quelque temps l'Angleterre n'approchera pas de cette belle solution pour le problème de l'administration des races étrangères. Elle va dans l'autre sens.

M. Rambaud dit : « La France seule, jusqu'à présent, a osé concevoir «< la métropole et les colonies comme formant une seule patrie, un seul État; non seulement elle a doté ses dépendances de représentations lo«< cales, mais, par une politique qui remonte au décret du 22 août 1792, « elle leur a assuré une représentation dans son Parlement ».

Et voilà comment, dans une phrase à panache, où le problème véritable n'est même pas posé, on lance dans un livre grave, une thèse destructive de la personnalité politique de la France.

Il y a eu des barbares au Sénat romain, mais à quel moment ! Une administration à tête d'empereur n'est point gênée par des barbares faciles à corrompre.

Après avoir tenu en tutelle trop étroite les colonies, ne tombons pas

dans un autre excès en mettant la métropole sous la tutelle des colonies.

Mais nous n'en sommes pas là; nous ne sommes pas encore submergés.

Le sens des réalités aura raison de ces thèses vagues mi-oratoires, misentimentales, fruits d'un certain état mental que les positivistes appellent l'esprit métaphysique et que M. Taine a décrit sous le nom d'esprit classique. LÉON ROQUET.

LE LOGEMENT DE L'OUVRIER ET DU PAUVRE, par M. ARTHUR RAFFALOVICH. 1 Vol. in-8. Paris, Guillaumin, 1887.

Les logements insalubres pourraient être divisés en deux catégories: ceux qui le sont par la faute de leurs habitants, et ceux qui le sont par le fait de la disposition des lieux. Quand les deux causes d'infection se trouvent réunies, elles ne s'additionnent pas, elles se multiplient l'une par l'autre et produisent des situations immondes.

M. Raffalovich le constate à plusieurs reprises dans son livre, où il résume son expérience et celle de beaucoup d'autres : il y a des gens qui ont des habitudes de malpropreté et peuvent rendre infect le logement le plus propre.

La première des conclusions auxquelles on arrive donc dans cette question est qu'il y a tout d'abord beaucoup à faire du côté de l'éducation. Mais la question n'est pas, hélas! simple affaire d'éducation et il n'est personne qui ne sache, par le récit des autres du moins, l'horreur de certains quartiers des grandes villes, vrais ghettos de la misère et du vice.

Depuis longtemps, dans toutes les nations civilisées, on s'est occupé de ces enfers.

On s'en est occupé d'abord par égoïsme, parce que dans ces milieux pestiférés certaines maladies étaient endémiques, et que les contagions venaient là couver, germer, prendre force, s'essayer aux ravages.

Mais si l'intérêt bien entendu des classes aisées a pu les pousser à s'intéresser à ces plaies horribles des grandes villes, il n'a pas été seul à les entrainer vers cette étude. C'est à l'altruisme et à la philanthropie qu'on doit non seulement d'avoir incessamment poussé le cri d'alarme, mais aussi trouvé quelques remèdes ou quelques améliorations partielles.

A cette heure le problème se pose d'ailleurs dans des termes plus vastes, il embrasse non seulement la question des maisons sans air, des trous fétides, mais d'une façon plus générale celle des logements des pauvres.

Dans ces termes mêmes le problème est encore mal énoncé. L'ouvrier, le travailleur fort et vaillant mais peu fortuné, dont le travail est très peu rémunéré, ne doit pas être confondu avec les loqueteux insouciants, les dépenaillés paresseux qui ne rêvent pas de gagne-pain autre que la mendicité.

On est donc amené à distinguer trois objets d'étude :

1o La nécessité de la disparition de certains foyers de pestilence; 2o La physiologie et la thérapeutique d'une misère endémique particulière aux grandes agglomérations;

3o Les habitations et les logements d'ouvriers.

Ces trois objets d'étude sont souvent rangés sous la même étiquette : logements insalubres.

M. Arthur Raffalovich a passé en revue dans un livre de près de 500 pages les solutions diverses qui ont été proposées ou mises en pratique en matière de logements insalubres, aux États-Unis, en Angleterre, en France, en Allemagne, en Belgique.

Il nous décrit les maisons mal aérées, les entassements de gens dans des logements exigus, et il nous indique ce qui a été fait par les gouvernements, les municipalités, les initiatives individuelles, les associations.

Il semble résulter des documents fournis par l'auteur, que si l'on devait décerner un prix de mérite, miss Octavia Hill, de Londres, aurait des chances de l'obtenir; elle achète des maisons malsaines, les répare, et à force d'entente et d'économie, fait de bonnes œuvres sans faire de mauvaises affaires. L'œuvre de M. White, de New-York, est également des plus méritantes. Il construit beaucoup de maisons, il donne un dividende à ses locataires fidèles, il leur rend 10 pour cent sur leurs loyers s'ils paient quatre semaines d'avance, etc.

Les œuvres importantes ont été faites par des associations. De toutes les sociétés, celles qui nous paraissent les plus intéressantes et que nous voudrions le plus voir acclimater en France, ce sont les buildings societies de Philadelphie.

M. Raffalovich nous en décrit le mécanisme avec détails; nous n'en dirons qu'un mot: un certain nombre de personnes associées versent 5 francs par mois. Chaque mois l'une d'elles achète aux enchères le total mensuel de la cotisation; — s'il y a 2.000 associés, c'est 10.000 fr. - Celui qui achète se libérera par annuités mensuelles. Avec ses 10.000 francs il peut acheter un logis qui sera le gage de son achat-emprunt. Le mois suivant ce sera un autre qui fera la même opération. Ces sociétés de crédit mutuel méritent d'être étudiées avec soin; elles assurent dans bien des cas une solution excellente de la question des logements d'ouvriers.

En matière d'association, les Américains sont admirables. Ils ont réussi dans plusieurs tentatives des plus curieuses.

Les Anglais peuvent aussi, en ces matières, nous fournir des exemples. La question des logements insalubres préoccupe les Anglais depuis fort longtemps.

Le Parlement est intervenu souvent et de plusieurs façons en armant les autorités locales de pouvoirs pour combattre la nuisance des logements insalubres, en expropriant des maisons insalubres, en venant en aide à des entreprises de construction, etc... Toutes ces entreprises n'ont pas été heureuses, les autorités locales n'ont pas toujours usé de leurs pouvoirs, et en définitive c'est aux initiatives des gens charitables, aux associations qu'on doit les meilleurs résultats. Ce sont des associations ou de simples particuliers comme M. Waterlov qui prouvent qu'on peut en toute sécurité engager des capitaux dans la construction de maisons modèles; ce sont des sociétés qui poursuivent l'application des lois: telle, la «< Mansion House Council on the Dwellings of the poor », qui poursuit un triple but faire l'éducation des habitants, obliger les propriétaires et les autorités locales à se conformer aux lois existantes, tenir en éveil l'opinion publique.

Ces exemples de l'Angleterre sont à méditer en France, où nous avons à redouter un socialisme d'Etat qui ne demande qu'à s'essayer sur la grande agglomération parisienne en attendant un plus vaste champ d'expérience.

En France, on peut cependant citer quelques tentatives heureuses, parmi lesquelles celles de MM. Leroy-Beaulieu, Dietz-Monnin, Dr Blanche, etc. Mais nous renvoyons le lecteur au livre très intéressant de M. Raffalovich. L'auteur y a résumé un très grand nombre de faits. Peut-être a-t-il été entraîné parfois à mettre un peu de hâte dans son travail; il n'aurait pas répété page 101, mot pour mot, tout un long passage déjà mis page 59, s'il avait tenu son œuvre plus longtemps sur le métier.

M. Raffalovich pourra tenir compte de notre observation inspirée par la sympathie quand il corrigera sa seconde édition. Nous désirons que ce petit livre soit lu; il nous intéressera tous et peut-être, en le lisant, des philanthropes y puiseront des idées d'œuvres pratiques et bonnes. LÉON ROQUET.

LES LOIS D'ASSISTANCE OUVRIÈRE EN ALLEMAGNE, par M. ED. GRuner. Paris, Chaix, 1887.

M. Gruner, ingénieur civil des mines, ancien élève de l'École polytechnique, a publié sous ce titre une étude excessivement intéressante et instructive sur la législation qui régit l'assurance obligatoire des

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