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CHAPITRE II.

SITUATION ACTUELLE. — RÉGLEMENTATION.

Dans l'exposé des motifs du projet de loi tendant à rendre l'enseignement obligatoire, le Ministre de l'instruction publique (M. Jules Ferry) justifiait en ces termes la disposition qui prescrivait l'établissement, dans toute commune, d'une caisse des écoles :

Pour faire entrer l'obligation dans les mœurs et dans la pratique, nous comptons sur deux institutions sans l'action desquelles la loi serait lettre morte l'une,. toute nouvelle, la commission scolaire; l'autre, déjà ancienne dans bon nombre de communes, mais qui de facultative deviendra obligatoire, la caisse des écoles. Elles aideront à lutter efficacement contre les deux grandes causes du mal : la négligence et la misère.

En général, dans les divers projets de loi rédigés sur cette matière, et même dans certaines législations étrangères, on semblé s'être plus préoccupé du mauvais vouloir et de l'obstination de certaines familles que des difficultés réelles qui résultent pour beaucoup d'autres de leur situation de fortune; ces difficultés, nulle pénalité ne les fera disparaître.

Nous sommes, au contraire, disposés à croire que les cas de résistance aveugle, opiniâtre et systématique deviendront bientôt assez rares dans notre pays; mais la loi s'exécutera d'autant plus aisément que les familles seront témoins des efforts faits par les communes et l'État par pour faciliter aux pauvres l'accomplissement du devoir scolaire. C'est l'œuvre, féconde entre toutes, des caisses des écoles qui, par des secours de toute nature, contribuera le plus, pensons-nous, à assurer dans la pratique l'assidue fréquentation.

En vous demandant d'en rendre partout l'établissement obligatoire,

nous ne vous proposons que de généraliser une institution dont les
bienfaits ne sont pas contestés. Depuis plusieurs années, le Parlement
inscrit au budget un crédit spécial pour cet objet; l'article 10 du pro-
jet de loi propose de garantir aux communes les plus pauvres une
part de subvention proportionnelle à leurs efforts.

La distribution des secours dont la caisse disposera se fera par les
soins de la commission scolaire. Il nous a semblé que la réunion de
ces deux sortes d'attributions rendrait plus facile à la commission
scolaire l'acceptation et l'exécution sérieuse de ce mandat.

Si, d'une part, c'est un tribunal de famille qui exhorte, réprimande
et au besoin défère à une justice plus rigoureuse les parents récalci-
trants, c'est, en même temps, un comité de patronage et d'assistance
qui, informé des besoins et des détresses, a qualité pour y porter
remède autant que le permettent les ressources de la caisse.

Le Parlement est entré dans ces vues. L'article 17 de la
loi du 28 mars 1882 est ainsi conçu :

La caisse des écoles instituée par l'article 15 de la loi du 10 avril
1867 sera établie dans toutes les communes.

Dans les communes subventionnées dont le centime n'excède pas
30 francs, la caisse aura droit, sur le crédit ouvert pour cet objet au
Ministère de l'instruction publique, à une subvention au moins égale
au montant des subventions communales.

La répartition des secours se fera par les soins de la commission
scolaire.

Au lendemain même du vote de la loi, le Ministre s'em-
pressa d'adresser aux préfets des instructions pour la nomi-
nation des membres des commissions scolaires et pour la
création des caisses des écoles. La circulaire du 29 mars
1882, dont il faut louer le caractère libéral, s'exprimait
ainsi en ce qui concerne les caisses des écoles:

Aux termes de l'article 17, il doit être établi une caisse des écoles
dans chaque commune.

C'est surtout avec l'obligation de l'instruction que cette utile institution est appelée à porter tous ses fruits et à faciliter la fréquentation régulière de l'école par des secours aux enfants indigents, par la fourniture d'aliments chauds en hiver, de vêtements et de chaussures, par le don de livres de classe, papier, etc.

Je vous envoie un modèle de statuts qui pourra servir de guide dans les communes non encore dotées d'une caisse d'école.

Il est bien entendu que, pour la rédaction de ces statuts, toute latitude est laissée aux conseils municipaux, qui sont les meilleurs juges des services à rendre par la caisse de l'école, eu égard aux besoins particuliers de la localité, et, par suite, de l'organisation qu'il convient de lui donner.

Il conviendra d'inviter les maires à faire prendre, dans la session de mai, une délibération portant création de cette caisse et à proposer l'inscription au budget additionnel de 1882, et le vote, au budget de 1883, d'une subvention.

La loi nouvelle dispose que, dans les communes subventionnées dont le centime n'excède pas 30 francs, la caisse aura droit, sur le crédit ouvert pour cet objet au Ministère de l'instruction publique, à une subvention au moins égale au montant des subventions communales.

Vous aurez, en temps utile, à me transmettre des propositions collectives formulées dans un cadre que je fais établir et dont vous recevrez ultérieurement le modèle.

Les statuts, non imposés, mais seulement proposés par le Ministre, étaient ainsi libellés :

ARTICLE PREMIER. Une caisse des écoles est instituée à

en exécution de l'article 17 de la loi du 28 mars 1882. Elle a pour but de faciliter la fréquentation des classes par des récompenses, sous forme de livres utiles et de livrets de caisse d'épargne, aux élèves les plus appliqués, et par des secours aux élèves indigents ou peu aisés, soit en leur donnant les livres et fournitures de classe qu'ils ne pourraient se procurer, soit en leur distribuant des vêtements et des chaussures et, pendant l'hiver, des aliments chauds. ART. 2. Les ressources de la caisse se composent :

1o Des subventions qu'elle pourra recevoir de la commune, du département et de l'État;

2o Des fondations ou souscriptions particulières,

3° Du produit des dons, legs, quêtes, fètes de bienfaisance, etc.; 4o Des dons en nature, tels que livres, objets de papeterie, vètements, denrées alimentaires.

ART. 3. La société de la caisse des écoles comprend des membres fondateurs et des membres souscripteurs.

ART. 4. Le titre de fondateur de la caisse des écoles sera acquis par un versement minimum de francs une fois payés ou de

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ART. 5. Le titre de souscripteur résultera d'un versement annuel de francs au minimum.

autres

ART. 6. La caisse des écoles est administrée par un Comité composé des membres de la Commission scolaire locale et de membres élus, pour une période de

rale des sociétaires, et rééligibles.

ans, par l'assemblée géné

Ce Comité, présidé par le maire, élit, chaque année, un vice-président, un secrétaire et un trésorier.

Il pourra s'adjoindre, en nombre indéterminé, des dames patron-

nesses.

ART. 7. Toutes les fonctions du Comité de la caisse des écoles sont essentiellement gratuites.

ART. 8. Le Comité arrête, chaque année, le budget des dépenses de la caisse des écoles et règle l'emploi des fonds disponibles. Il détermine la somme que le trésorier conservera pour les dépenses présumées de l'année, le surplus devant être placé sur l'État en rentes 3 p. 100 amortissables.

ART. 9. Le Comité se réunit au moins trois fois par an, savoir: dans le mois qui suit la rentrée des classes, dans celui qui précède Pâques et dans le mois qui précède l'ouverture des vacances. Il se réunit plus souvent si le président juge nécessaire de le convoquer, ou si cinq de ses membres en font par écrit la demande.

ART. 10. Le Comité aura la faculté de convoquer à ses réunions l'instituteur, l'institutrice et la directrice de l'école maternelle; mais ces fonctionnaires n'auront que voix consultative.

tinée à encourager et à faciliter la fréquentation de l'école par des récompenses aux élèves assidus et par des secours aux élèves indigents.

Le revenu de la caisse se compose de cotisations volontaires et de subventions de la commune, du département ou de l'État. Elle peut recevoir, avec l'autorisation des préfets, des dons et des legs.

Plusieurs communes peuvent être autorisées à se réunir pour la formation et l'entretien de cette caisse.

Le service de la caisse des écoles est fait gratuitement par le percepteur.

Dans l'instruction générale du 12 mai 1867 pour l'exécution de la loi du 10 avril, le ministre faisait ressortir en termes saisissants les avantages multiples et variés de la Caisse des écoles appelée à suppléer à l'insuffisance des ressources communales pour un grand nombre de dépenses qui, sans être obligatoires, sont d'une utilité incontestable :

Il ne suffit pas, par exemple, en de certains cas, disait-il, d'ouvrir gratuitement à un enfant la porte de l'école; l'expérience prouve que beaucoup d'enfants qui y sont admis à cette condition se dispensent d'y paraître, ou y paraissent si irrégulièrement qu'ils n'en profitent réellement pas. Cela tient à plusieurs causes que la caisse des écoles peut faire disparaître. Le besoin qu'ont les parents des services de leurs enfants; la caisse ne peut-elle pas leur allouer des secours à la condition de l'envoi régulier des enfants à l'école? Ces enfants manquent de vêtements, ne peut-elle leur en donner? Ils n'ont pas le moyen de se procurer des livres et du papier, ne peut-elle leur en fournir? Ne peut-elle pas récompenser par quelques dons les enfants les plus assidus; accorder des prix en dehors de ceux pour lesquels le conseil municipal alloue une certaine somme, ou en doubler la valeur; aider certaines familles à payer l'écolage; donner à l'instituteur lui-même soit une gratification, soit les livres dont il aurait besoin pour l'instruction de ses élèves ou la sienne propre; ou enfin

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