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adjurant ses amis de tout entendre et ses adversaires de tout dire.

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Nous le déclarons hautement, disait-il, nous croyons aux périls qui menacent la France et dans son repos et dans son avenir: dans notre pensée ces périls sont imminens; nous ne voulons point être coupables envers notre pays d'un silence qui, dans les circonstances graves où nous sommes placés, serait une lâche trahison : nous ne voulons point qu'un jour on puisse charger notre mémoire d'une telle accusation. Quoi qu'il puisse arriver, nous remplirons nos devoirs...

Ici M. de Conny rappelle qu'il a existé, dès le commencement de la révolution, une faction puissante dont la haine contre les rois fut poussée jusqu'au délire, et dont le triomphe fut signalé par l'attentat du 20 janvier. Cette faction, il la retrouve au 20 mars!

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«C'est elle, s'écrie-t-il, qui consacra de nouveau le dogme de la souveraineté populaire, qui proscrivit une seconde fois cette royale maison à qui la France devait tout: ses libertés et sa gloire... Cette faction n'a jamais désavoué ses principes, son dogme favori. Vainement voudrait-elle dissimuler ses desseins, la conscience publique lui arrache le masque hypocrite dont elle veut se couvrir; désormais les illusions sont impossibles; ses défensears sont ses complices...

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Cependant c'est nous qui paraissons comme accusés; c'est à nous que l'on ne cesse de dire que nous conspirons contre la liberté de notre pays...

Dussent les cris des passions tromper l'opinion contemporaine, nous nous présentons sans crainte à l'avenir : il dira qui a mieux servi la cause du pays et de la liberté, de nous ou de nos adversaires...

Il est dans l'éternelle nature des choses que le pouvoir ne puisse exister qu'à des conditions qui forment son essence, et sans lesquelles il cesse d'être.

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« Aucune monarchie ne nous semble possible avec les principes qui surgissent au cœur de la société; la résistance par association est subversive de tous les principes de gouvernement... Le droit d'association politique s'exerçant en dehors de tous les pouvoirs de la société, ne peut exister sans porter atteinte au principe de l'autorité monarchique.

« Nous ne discuterons point ici quelles furent les secrètes pensées de ceux qui ont participé à ces actes. De telles investigations ne nous appartiennent pas; mais nous devons proclamer hautement, que de tels actes constituant l'exercice du pouvoir souverain, nou-seulement sont an outrage à la royauté, mais, par leur nature même, sont le renversement de tout ordre social: nous devons dire hautement que si,. en présence de telles doctrines et de tels faits, l'autorité restait impassible, tout serait perdu, la foi à la royauté serait éteinte, et l'anarchie serait constituée.

Dans des temps où on parle sans cesse de contre- révolution, où nous sommes désignés sous le nom de contre-révolutionnaires, nous devons nous expliquer sans détour. La France doit savoir qui nous sommes, et d'abord, j'ai besoin de le dire: si pour être contre-révolutionnaire il faut combattre les principes de la révolution, vouer ses crimes à l'excécration des siècles, j'ai

ėtė, je suis, je serai contre-révolutionnaire; ce sentiment est celui de ma vie entière: je prendrais pour affront qu'on en puisse douter...

La contre-révolution a été faite en France le jour où l'antique famille de nos rois nous fut rendue. Nous sommes donc contre-révolutionnaires, car nous avons béni cet heureux retour, et en exprimant cette pensée, nous sommes les organes de la France. Car la France entière est contre-révolutionmaire, car elle a subi la révolution; mais elle déteste la révolution; elle en désavone les crimes; car elle voit dans les Bourbons le gage de la durée des institutions qu'elle doit au noble cœur de ses rois. La France est contrerévolutionnaire, car elle veut l'ordre, le repos et les libertés; elle sait que ces biens précieux disparaîtraient dans un commun naufrage, si de nouvelles révolutions jetaient le vaisseau de l'État à travers les régions des tempêtes...

Mais si vous êtes contre-révolutionnaires, vous voulez, nous demandet-on, le retour de l'ancien régime ? je répondrai avec la même frauchise: non, nous ne le voulons pas, non, nous ne le voulons pas, car il est impossible; nous ne voulons pas ce que le temps a détruit sans retour.

« Mais, nous le répétons, nous acceptons les formes nouvelles de notre gouvernement; la Charte est l'œuvre de notre Roi, et à ce titre sacré ; la Charte a reça nos sermens; nous nous inclinons devant elle, car elle est une émanation royale. Toute conspiration contre la royauté est un attentat envers la Charte. Au vingt mars, nous fùmes ses défenseurs, mais la révolution fut victoriense, et la Charte disparut avec les Bourbons.

«Proclamons-le hautement, messieurs, les pouvoirs de la société n'ont point reçu la mission de se traîner en esclaves au char de cette nouvelle puissance que l'on décore du nom d'opinion publique; ce ne sont point ces caprices qu'ils doivent sabir. Loin d'être subjugués par elle, ils doivent par leur habileté savoir lui imprimer une direction grande, noble et généreuse.

Si le pouvoir s'abaissait à ramper en esclaves aux pieds de cette puissance, il ne serait plus pouvoir, il serait sous le joug du plus honteux servage qui puisse être imposé; il aurait abdiqué son caractère, il aurait méconnu sa noble destination, car il cesserait d'exercer sur les peuples une action morale. Succédant à tant de ministères qui depuis quinze ans ont paru sur cette scène si agitée et si mobile, une grande mission est imposée au ministère du 8 août. Pour le dire d'un mot, c'est l'œuvre de la restauration qu'il s'agit de consolider; ce sont les bienfaits promis aux peuples qu'il faut réaliser; c'est l'esprit de faction qu'il faut combattre et détraire; c'est un vaste système d'enseignement fondé sur l'accord éternel de la religion, des sciences et des lettres dont il faut doter la France; c'est l'arbitraire et le despotisme de la république et de l'empire qu'il faut extirper de nos Codes et de nos lois; c'est un système de recrutement militaire qui ne fasse plus peser sur les peuples de nos campagnes ce poids écrasant qui ne rappelle que trop la conscription de l'empire, qu'il faut effacer de notre législation...

Il faut à la fois savoir d'une main hardie combattre les factions, et par des institutions en harmonie avec les besoins des temps et les destinées de la France, réunissant les divers élémens dont doit se composer la puissance aristocratique, créer des intérêts qui la défendent et rendent à nos provinces cette vie morale dont elles sont privées.

« Nous pensons que l'aristocratie ne peut être puissante qu'autant qu'elle réanira dans un faisceau les diverses élémens de supériorité qu'une société renferme dans son sein: le problème à résoudre est dans la combinaison de ces élémens divers qui doivent imprimer à cette puissance un caractère essentiel

lement populaire, car elle sera vouée à la défense des intérêts généraux de la société. Les peuples reconnaitront de plus en plus alors que tout ce qui accroît les forces de la monarchie, aceroit le bien-être des conditions, même les plus inférieures, et qu'en définitive tout ce qui est monarchique est essentiellement populaire.

«Si le ministère qui a été formé le 8' août marchait dans les voies de celui qui l'a précédé, ses destinées sont écrites, il ne pourrait y échapper; le sort des ministres qui ne sont plus annoucerait assez celui qui serait réservé à leurs successeurs. Les ministres qui sont tombés le 8 août ne sont tombés que parce qu'ils n'ont pas compris les conditions du pouvoir; ils ont tenu d'une maiu timide le gouvernail, et le gouvernail s'est brisé entre leurs mains.

Ici l'honorable orateur rappelait les titres du chef de l'administration actuelle (M. de Polignac) à la confiance du monarque et des royalistes, son émigration, son retour en France, son courage et son dévouement fraternel dans la conspiration de 1804. Il revenait sur les dangers qui menacent la dynastie royale et la France, et concluait au rejet du projet d'adresse.

M. Félix Faure, qui se présenta ensuite pour défendre l'adresse, ne s'attacha non plus qu'à la question vitale qui résultait des derniers paragraphes. Il déplorait d'abord la lacune laissée jusqu'ici dans la Charte par le défaut d'une loi sur la responsabilité des ministres et la légèreté avec laquelle on traitait cette Charte, consacrée par les traités, par les sermens les plus solennels des rois et des peuples, et il n'hésitait pas à voir dans les faveurs, dans les choix et dans la conduite générale du ministère l'indice assuré d'un système hostile aux libertés publiques.

On était impatient de voir un ministre paraître à la tribune. Ce fut celui de l'intérieur, M. de Montbel, qui s'y présenta le pre

mier.

« Si l'on jugeait de l'état de la France par les tableaux désastreux qu'on se plait à tracer chaque jour, dit S. Exc, ne penserait-on pas que le peuple gémit sous un dur esclavage, que ses droits sont méconnus, qu'il est sacrifié aux caprices de l'arbitraire, que la plus insigue injustice dicte tous les actes du pouvoir, que les sources de la prospérité publique tarissent devant les excès du despotisme? Je vous le demande, messieurs, qu'y a-t-il d'exact dans de semblables déclamations. La paix publique n'est troublée que par les cris de la licence, qui, chaque jour, proclame l'anéantissement de la liberté. Il y a plus de vérité qu'on ne pense dans ces étranges clameurs. Quand la voix de la licence se fait entendre, la liberté est menacée. Que devient en effet la liberté de l'homme de bien qu'opprime la calomnie, de l'administrateur dont on incri

mine les intentions les plus pares, dont on s'attache à paralyser l'action, dont on s'erudie à anéantir l'influence?

Mais si le mal n'existe pas réellement, nous dit-on, du moins la crainte du mal est réelle, et cette crainte est née avec un ministère que nous accusous de s'interposer entre le Roi et le peuple. Oui, messieurs, en effet, interposés entre le Roi et le peuple, nous avous été les dispensateurs des bienfaits inépuisables du monarque à la population reconnaissante dont nous lui avons rapporté les bommages et les bénédictions. Et, taudis qu'un hiver rigoureux faisait peser tane de maux sur la France, nous avons eu à signaler au Roi un peuple entier offrant le touchant spectacle de la bienfaisance la plus active, et du malheur le plus résigné : partout, au milieu des plus cruelles privations, l'ordre, la sagesse, le respect des lois et de l'autorité royale à côté des déclamations furieuses de quelques hommes qui, au sein des jouissances du luxe, s'irritent de je ne sais quel malheur qu'enfante leur infatigable imagination. Ceux-là seuls sont conpables de séparer le Roi de son peuple, qui, sans cesse, cherchent à égarer Popinion publique par les assertions les plus odieuses, qui invoquent contre le gouvernement des mesures préventives qu'ils prétendent avoir en horreur; qui s'efforcent d'entrainer une population fidele dans une association coupable, en quelque sorte nouvelle loi de suspects qui n'est pas dirigée contre les seuls ministres, car la supposition d'une ordonnance illégale n'entraîne pas seulement l'idée d'un contre-seing responsable. Elle calomnie cette main auguste que le people ne connait que par les bienfaits qu'elle répand.

Telles sont, messieurs, les insinuatious perfides, telles sont les manœuvres que le Roi a signalées dans son discours; tels sont les obstacles qn'une malveillance ostensible prépare à son gouvernement; tels sont les obstacles que le Roi trouvera la force de surmonter en s'appuyant sur la juste confiance, sur l'amour de son peuple, sur la coopération qu'il n'aura pas vainement demandée aux pairs et aux députés de la France.

Sous les formes d'un langage respectueux, il est vrai, on exige du Roi la révocation de ses ministres dout on accuse la pensée; mais a-t-on réfléchi aux résultats nécessaires d'une semblable exigence? ne voit cu pas combien on menace ainsi les institutions elles-mêtaes, dans leurs dispositions les plus essentielles? que deviendraient en effet les articles 13 et 14 de la Charte? où serait l'independance du pouvoir exécutif, que resterait-il de l'autorité royale? Le Roi, renonçant à sa liberté dans le choix de ses agens, recevrait désormais les ministres que lui imposerait la majorité des Chambres. En cas de discord entre elles, à laquelle des deux devrait-il obéir? Ainsi une seule Chambre absorberait les deux autres pouvoirs législatifs; ainsi par ses ministres elle s'emparerait de la puissance exécutive, de l'initiative des lois, de l'armée..... Est-ce là l'esprit de nos institutions.

C'est le sentiment profond de cette vérité qui faisait dire avec tant de raison à celui de nos collègues que vos récens suffrages ont signalé à la nomination da Roi (1): « Le jour où le gouvernement n'existera que par la majorité de la « Chambre; le jour où il sera établi en fait que la Chambre peut repousser les * ministres du Roi et lui en imposer d'autres, qui seront ses propres ministres, ⚫ et non les ministres du Roi; ce jour-là, c'en est fait, non-seulement de la Charte, mais de cette royauté indépendante qui a protégé hos pères, et de laquelle seule la France a reçu tout ce qu'elle a jamais eu de liberté et de bon. -Leur; ce jour-là nous sommes en république. »

(1) M. Royer-Collard, discours prononcé dans une session précédente.

. L'auteur de la Charte a dit en l'octroyant : «Quand la violence arrache des « concessions à la faiblesse du gouvernement, la liberté publique n'est pas moins « en péril que le trône même. » La concession anjourd'hui demandée, le Roi ne veut pas, le Roi ne peut pas vouloir l'accorder, parce que ses droits sont sacrés, parce qu'il veut les transmettre intacts à ses successeurs, parce qu'il a juré de maintenir les institutions et qu'il n'a jamais manqué à sa parole.

«Quant à nous, messieurs, il ne saurait nous être indifférent de ne pas obtenir votre approbation; il nous importe encore plus de ne pas vous donner le droit de nous refuser votre estime. Nous ne nous dissimulons pas toute la difficulté de nos, devoirs; mais, convaincus de leur importance, nous saurons les accomplir. A des outrages que nous ne provoquerons jamais, à des attaques que nous n'avons pas méritées, nous n'opposerons que la loyauté de notre conduite. Celui dont le pouvoir a créé notre existence a seul droit de l'anéantir : tant qu'il le jugera convenable, nous resterons dévoués à son service. Rien n'ébranlera notre résolution, rien ne saura lasser notre constance. On ne nous verra, pas abandonnant le poste que le Roi nous a confié, répondre par une làcheté à l'honneur que nous avons reçu de lui... »

A ce discours écrit, souvent interrompu par de vives marques de satisfaction du côté droit, M. Benjamin Constant répondit surle-champ par une improvisation dans laquelle il commençait par justifier des paroles prononcées par l'honorable président (M.RoyerCollard) dans des circonstances tout-à-fait différentes de celles d'aujourd'hui.

Quant à l'objet principal de l'adresse, quant à ces expressions où le ministre et ses amis voyaient un outrage pour S. M., l'honorable orateur en expliquait la raison et le sens véritables, et s'attachait à démontrer qu'elles n'avaient rien d'injurieux ni d'attentatoire à la prérogative royale....

«Eh quoi! disait-il en substance, attaquons-nous cette prérogative en signalant les défiances qui règnent dans le pays, et en exprimant des vœux pour que les causes de cette défiance disparaissent ? Nous ne disons pas que les ministres doivent se retirer parce qu'ils excitent la défiance du pays, nous disons que l'accord doit exister entre les pouvoirs, et qu'il importe de le rétablir. La royauté a dans les mains une ressource constitutionnelle dont elle peut user, c'est la dissolution. La Chambre dit que de tristes antécédens l'obligent à ne se point confier aux ministres actuels. La sagesse royale choisira entre les députés et les ministres nous n'attaquons pas la prérogative royale, nous demandons qu'elle rétablisse l'harmonie entre les pouvoirs, on en renvoyant les ministres ou en en appelant à cette nation à laquelle M. le ministre de l'intérieur luimême vient de rendre un juste hommage, en disant que partout les lois et l'autorité royale sont respectées et obéies.

Le ministère actuel a fait peu d'actes, je l'avoue; mais cette absence d'actes même est, à mes yeux, l'un de ses torts: au milieu d'une nation' active dont toutes les facultés politiques et industrielles demandent à se développer, cette immobilité est une faute grave qui expose le ministère à de justes et sévères

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