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et décidé au congrès de Vienne que le Palatinat appartenant au grand due de Bade serait donné au roi de Bavière, après la mort de Charles-Louis, à défaut d'héritier måle dans la dynastie régnante. On ne considérait pas alors comme habiles à succéder, d'après les règles de l'ancien droit public d'Allemagne, les margraves de Hochsberg, nés d'un mariage morganatique (1). Mais le grand duc Charles-Louis, et celui qui venait de mourir, les avaient rappelés à leur succession intégrale, et obtenu leur reconnaissance de la part des grandes puissances de l'Europe, à l'exception de l'Autriche. Tout récemment encore, peu de mois avant la mort de ce prince, une alliance défensive avait été conclue entre le grand duc Louis et la Prusse, qui s'obligeait à maintenir les margraves de Hochsberg et leur descendance mâle et directe dans la plénitude de leurs droits. Mais la Bavière, secrètement appuyée, disait-on, par l'Autriche, persistait à soutenir les siens sur le Palatinat, et on pouvait craindre qu'elle n'entreprît de se mettre, lors du décès du grand duc Louis, en possession de cette province.

C'est dans cette crainte généralement répandue que Léopold avait pu différer la publication de la mort de son frère, et prendre des mesures pour s'assurer l'intégralité de la succession. Aussi le serment des troupes fut prêté sur tous les points du grand duché, à l'instant même de la proclamation; et des pièces d'artillerie fu

(1) Le margrave Charles-Frédéric avait épousé en secondes noces, mais de la main gauche (espèce de mariage qui rend les enfans légitimes, mais non habiles à succéder aux fiefs), Louise, fille d'un baron de Geyer, qui fut élevée (le 26 mai 1796) au rang de comtesse de Hochsberg, demeurée veuve le 10 juin 1811. En 1817, le grand duc Charles, ne se voyant point d'enfans, déclara ceux de la comtesse d'Hochsberg habiles à succéder.

Ils étaient trois :

Léopold, né le 29 août 1790, grand duc actuel;
Guillaume, né le 28 avril 1792;

Maximilien, né le 9 décembre 1796,

qui prirent alors le titre de margraves, et qui sont aujourd'hui les chefs de la famille grand-ducale,

rent transportées en toute hâte de Carlsruhe à Manheim, pour y être braquées sur le pont par lequel on communique avec la rive gauche du fleuve qui appartient à la Bavière.

Mais ces précautions étaient inutiles. Soit que le roi de Bavière ne crût pas cette catastrophe bien prochaine, soit qu'il n'ait pas voulu recourir à l'emploi de la force afin de faire valoir ses prétentions, le grand duc Léopold a pris possession de toutes les provinces de Bade sans obstacle, et les révolutions dont plusieurs É ats germaniques furent bientôt le théâtre firent oublier ces intérêt de famille. Commençons par celle dont la cause remonte à des teinps antérieurs.

DUCHÉ DE Brunswick.

Nous avons rapporté dans notre dernier volume (pages 290293) la décision prise par la diète germanique contre le du: de Brunswick, dans sa querelle avec son oncle le roi d'Angleterre Le duc, au lieu de s'y soumettre, avait quitté ses États pour un temps, et sans donner à personne de délégation de son pouvoir, de manière à jeter partout le désordre et la confusion. Il avait ordonné à ses conseillers, employés et officiers, de ne point communiquer avec les États alors assemblés, de sorte que leurs délibération s se trouvèrent ainsi paralysées. Pareil empêchement fut mis à l'exer cice du pouvoir judiciaire, et il annula ensuite de son autorité souveraine plusieurs sentences rendues par la Cour suprême.

La diète informée de ces actes extravagans, rendit alors, et fit expédier au duc un décret (du 2 avril) qui le sommait péremptoirement de se conformer à sa première décision, et comme il n'en tint pas plus de compte, le roi de Saxe, chargé de l'exécution du décret fédéral, mit ses troupes en mouvement pour occuper le duché, tout en employant ses bons offices pour amener le duc à une conciliation. Ces bons offices appuyés de démonstrations militaires ne furent pas sans effet. S. A. R. se soumit en partie à ce que la diète demandait, mais il continuait à se débattre sur les termes de la réparation exigée pour le roi d'Angleterre, lorsque la mort de ce prince (26 juin ) lui donna répit ou moyen d'échapper à ce

qu'il regardait comme un acte humiliant, et il en profita pour se rendre plus odieux qu'il n'était déjà à ses sujets. L'exemple et la chute de deux dynasties royales furent des leçons impuissantes. Il se flattait de conjurer l'orage qui grondait sur sa tête, ou d'en profiter pour affermir et augmenter son pouvoir.

Le 6 septembre, il avait fait braquer quelques pièces de canon dans différentes parties de la capitale; cette mesure acheva d'exaspérer des sujets déjà si mécontens. Dans la soirée même, à la sortie du théâtre, il se vit entouré d'un peuple irrité qui s'était assemblé pour l'attendre, et il n'échappa à sa fureur que par la vitesse de ses chevaux. Mais la multitude plus animée le suivit, et arriva bientôt en foule devant le palais. Le duc effrayé lui ayant fait alors demander par l'officier commandant ce qu'elle voulait : C'était, répondit-on, que les pièces de canon braquées sur la ville fussent enlevées ; que les états, institués sous la tutelle du roi d'Angleterre, fussent reconnus; que le duc restât dans son duché, au lieu d'aller courir le monde, pour échapper aux sentences de la diète, et qu'il n'allât point ainsi prodiguer à l'étranger l'argent du pays. Sur l'assurance donnée que le prince acquiescerait à ces demandes, la foule se dispersa.

Le lendemain matin (7 septembre), la magistrature de la ville, alarmée de l'état des choses, fit assembler les citoyens qui formaient des députations pour aviser aux moyens d'obtenir sans troubles nouveaux l'exécution des promesses faites. Mais le duc, qui avait repris confiance, était résolu de répondre avec du canon. Les bourgeois, alarmés de la lutte sanglante qui ne pouvait manquer d'avoir lieu entre la populace et les soldats, demandaient à prendre les armes et à se joindre à ceux-ci pour maintenir l'ordre public. Mais le duc n'y voulait consentir qu'à la condition que les bourgeois ne seraient armés que de piques et de sabres, et qu'ils ne s'approcheraient pas du palais.

Cependant la populace devenait de moment en moment plus menaçante, et le duc en reprit de l'effroi. Informé par l'officier, commandant ses troupes, qu'il ne pouvait plus compter sur elles, il envoya demander aux magistrats de prendre des mesures pour

la défense de son palais. Mais il était trop tard : il s'était opposé à ce que les bourgeois eussent des armes à feu; ils s'étaient armés de ce qui leur était tombé sous la main; mais ils ne purent tenir devant cette multitude. Les troupes rangées en avant et entre les deux ailes du palais étaient d'environ huit cents fantassins et centvingt cavaliers, avec plusieurs pièces de canon. Mais, comme le commandant l'avait prévu, elles refusèrent de faire feu. La foule commença par briser les fenêtres des ailes, et pénétra bientôt dans l'intérieur du palais, d'où le duc n'eut que le temps de s'échapper pour sauver sa vie. Un peloton de hussards postés sur les derrières le reçut dans ses rangs et l'escorta jusqu'à la frontière, d'où le prince les congédia. Cependant le peuple avait mis le feu au château du côté par où il avait pénétré, mais le vent donnant du côté opposé, il eut le temps de le piller et de briser ou jeter par les fenêtres tout ce qu'il ne pouvait enlever. La troupe s'étant retirée, il arriva une foule de curieux qui vinrent pareillement regarder cette scène de destruction, le pillage et les progrès du feu qui dura quarantebait heures, et réduisit le palais en cendres, sans qu'on fît le moin dre effort pour l'arrêter. Dès qu'on apprit le départ du duc, les bourgeois et les militaires prirent de concert la garde de la ville. L'ordre y fut immédiatement rétabli; et nul autre que le prince n'eut à souffrir pour sa personne ou sa propriété. Le prince Guillaume, frère puîné du duc, qui se trouvait au château de Richmond, s'étant immédiatement rendu à Brunswick, prit sans opposition la direction des affaires publiques.

Quant au duc, qui s'était sauvé d'abord à Londres, où le nouveau monarque (Guillaume IV) refusa de le recevoir, il envoya à son frère une commission bien inutile alors, qui l'autorisait à prendre la régence. Les états s'assemblèrent et votèrent au prince Guillaume une adresse dans laquelle, après lui avoir exposé les calamités occasionées par la folle et atroce conduite de son frère, ils demandaient comme une nécessité des circonstances qu'il fût pris des arrangemens qui l'empêchassent de reparaître jamais au milieu des Brunswickois comme leur souverain. Le prince les assura, dans sa réponse, qu'ils pouvaient compter sur la franchise et le zèle qu'il

mettrait à concourir avec les états à toutes les mesures constitutionnelles nécessaires pour rétablir et assurer la prospérité du pays; qu'il s'emploierait lui-même, en négociant avec son frère, pour atteindre au but de leurs désirs; que si, contre son attente, ses efforts étaient trompés, il ne pouvait s'engager à prendre de luimême les résolutions en question; mais qu'il ne s'opposerait pas à ce que les états demandassent l'intervention du roi de la GrandeBretagne et d'Hanovre, et il ne doutait pas que leurs vœux ne fussent écoutés par ce sage et généreux monarque.

Quant aux négociations entamées par le duc, elles furent bientôt rompues: il se montrait intraitable.

Retourné en Allemagne du côté de Fulde, il fit demander une entrevue à son frère, qui la refusa non sans raison. Il dépêcha ensuite un officier démissionnaire du service de Bavière chargé de proclamations, à l'effet de prendre le gouvernement du duché qu'il déclarait retirer à son frère; mais le prétendu gouverneur eut à peine mis le pied sur le territoire de Brunswick qu'il fut arrêté; et comme l'existence d'un gouvernement légal était indispensable, le prince Guillaume continua de le garder du consentement des cours de Londres, de Berlin et de Vienne. Une proclamation apprit au peuple que, sur les instances réitérées du roi d'Angleterre et de Hanovre, il avait gardé la régence, qu'il avait été prié de ne pas abandonner dans de pareilles circonstances jusqu'à ce que S. M. eût pris un arrangement relatif aux affaires du duché.

SAXE-ROYALE.

La Saxe, que la diète germanique chargeait naguère de faire exécuter ses arrêts contre le rebelle duc de Brunswick, allait être ellemême un théâtre de commotions populaires. Les états assemblés depuis plusieurs mois n'offraient que l'ombre d'une représentation nationale, un instrument utile au gouvernement pour faire voter les propositions qu'il voulait couvrir d'un vernis de popularité; mais quoique cette institution fût loin de répondre à l'esprit du siècle, aux besoins politiques du temps, il en était sorti des vues

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