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sur Luxembourg; les États se déclarèrent indépendants, après avoir déchu l'Empereur de sa souveraineté. Une espèce de république fédérative, fut d'abord créée et gouvernée par un congrès que dirigeaient Vandernoot et le chanoine Van Eupen; elle avait une petite armée de vingt mille hommes, et une milice, ou pour mieux dire, une levée en masse nombreuse qui n'exista jamais que sur le papier. Mais la division ne tarda pas à se glisser parmi les mécontents; les villes étaient menées par la populace, en Flandre surtout; le Brabant était soumis aux moines et aux nobles, et le clergé dominait également dans le Hainaut. Quoi qu'il en soit, la Prusse et l'Angleterre favorisant ces insurgés, pour faire diversion à l'alliance de Joseph et de Catherine, leur fournirent des armes et des officiers; le général en chef Schonfeld était prussien, et des aventuriers de tous les pays grossirent leurs rangs. Peut-être la France même, ne vit-elle pas sans plaisir cette levée de bouclier, dont le résultat devait tourner à son avantage, dès quel'indépendance de la Belgique en serait le prix. Si ses liaisons avec le cabinet de Vienne, depuis 1756, l'empêchaient d'en profiter ouvertement, elle n'en envoya pas moins des agents secrets près du congrès : Dumouriez, déjà connu par ses missions en Pologne et par ses connaissances politiques et militaires, s'étant rendu sur les lieux à cette époque, fut soupçonné de ne pas y être sans mission du gouvernement. Après la paix avec les Turcs et les conférences de Reichenbach, où le sort de la Belgique fut stipulé, le maréchal Bender rentra en forces dans ces provinces, et les soumit à la suite de quelques combats. Léopold, qui avait succédé à Joseph, fut reconnu, et rendit à son tour au pays ses anciens privi

léges. Les actes de sévérité inséparables d'un mouvement insurrectionnel de cette espèce, firent nécessairement beaucoup de mécontents: d'ailleurs, en modifiant les mesures de Joseph, le cabinet de Vienne n'avait pas détruit tout conflit d'intérêts, ni étouffé tous les germes d'ambition.

Ces considérations, jointes à la situation respective des armées, en 1792, firent penser à Dumouriez, qu'il suffirait de se présenter pour rappeler les patriotes brabançons sous les drapeaux. Il ne songeait pas que l'influence des hommes qui leur avait mis les armes à la main, était bien diminuée par la réaction, et que d'ailleurs, ils n'abondaient point dans le sens de la révolution française; elle avait sans doute un grand nombre de partisans dans la bourgeoisie des villes, mais ils se trouvaient disséminés et retenus par la crainte.

Des apparences si séduisantes peuvent expliquer les projets conçus par le ministre-général, lorsqu'il provoqua la déclaration de guerre, et la persévérance avec laquelle il poursuivit le plan d'invasion des PaysBas. Plus tard, il convint lui-même avoir formé des projets d'indépendance pour ces provinces dont il se flattait de devenir le Washington. Le rôle qu'il avait joué près de Van Eupen et de Vandernoot, put lui inspirer, dès ces premiers temps, l'idée de confédérer de nouveau le pays; une exacte connaissance des individus qui y avaient figuré, lui donnait l'espoir de se mettre à la tête de la nouvelle république. On ignore toutefois si ce beau rêve ne lui fut suggéré que par la mauvaise tournure des affaires, en février 1795, ou s'il n'en avait pas déjà le projet dès le début des hostilités.

L'administration de ces importantes provinces était

confiée à une espèce de ministère. L'archiduchesse Christine, ou son époux le duc Albert de Saxe-Teschen, présidait le conseil, formé par le comte de Mercy, ministre à Paris, négociateur du fameux projet de médiation armée, et par les comtes de Trautmansdorf et de Metternich. Ces vieux arcs-boutants de la diplomatie aulique administraient le pays avec plus de justice et de modération que de génie.

A l'approche de la rupture, le duc Albert avait ras- Position semblé ses forces disponibles en trois corps. A la droite, des le comte de Latour fut chargé de couvrir Tournai et troupes impériatout l'espace jusqu'à la mer. Le corps de bataille s'éta- les en blit à Leuze; la gauche, quoique point décisif de tout Belgique le théatre de la guerre, ne fut composée que d'un petit corps chargé de la garde de Mons. Toutes ces forces actives s'élevaient, indépendamment des garnisons, à trente-deux mille hommes, avec un parc d'artillerie nombreux.

On sait que Joseph II, non content de s'affranchir du traité des Barrières, avait fait raser toutes les places, comme trop onéreuses en temps de paix et trop difficiles à soutenir en temps de guerre. La seule forteresse de Luxembourg et le château de Namur, avaient été exceptés de cette mesure, et devinrent par cela même, comme par leur position stratégique, les clefs des PaysBas les citadelles de Mons, de Tournai, d'Anvers avaient été aussi conservées comme postes à l'abri d'un coup de main.

Dans cette situation des choses, la tâche de couvrir ces provinces lointaines, était fort délicate; tout le front d'opérations en Flandre, assurait aux Français une supériorité immense pour l'offensive, à cause des points

de départ que leurs nombreuses places leur offraient pour tomber sur l'ennemi partout où ils le jugeraient convenable. A ces chances défavorables pour les Inpériaux, se joignaient encore les défauts de leur ligne de retraite; celle-ci courant jusqu'au Rhin presque parallèlement à cette frontière hérissée de boulevards, on devait s'attendre à chaque instant, à voir les Français déboucher en forces sur les communications, s'en emparer, et contraindre les Autrichiens à évacuer le pays, et peut-être même à se faire jour. Heureusement pour le duc, que ni lui, ni ses adversaires, ne jugèrent tous les dangers de sa position.

Plans des L'espoir assez fondé de conquérir la Belgique, avant généraux que les alliés fussent en mesure de soutenir le faible français. corps chargé de la défendre, était la seule excuse que les provocateurs de la déclaration de guerre pussent alléguer; et il n'y avait que le succès de cette opération qui pût justifier une lutte si impolitique.

En effet, les armées françaises du Nord et du Centre ne comptant pas moins de cent mille hommes, auraient pu laisser quelques garnisons dans les places, jeter soixante mille combattants sur la gauche du duc Albert, et après l'avoir écrasée à Mons, se rabattre sur le reste de son corps afin de l'acculer à la mer du Nord; mais alors la stratégie était à son berceau: un tel mouvement n'entrait guère dans la tête des généraux.

Le vieux maréchal de Rochambean, s'exagérant le dénuement de toutes les parties du service administratif, craignant l'insubordination des troupes, et n'ayant qu'une faible confiance dans ses bataillons de volontaires, était d'avis de rester sur la défensive, et de rassembler le gros de son armée à Famars.

Dumouriez voulait surprendre l'ennemi, profiter de sa dissémination, de son étonnement, et de l'esprit révolutionnaire qui couvait encore en Belgique pour tomber sur Bruxelles.

Le Roi avait d'abord adopté le plan du maréchal, mais Dumouriez appuyé du crédit des Girondins, fit prévaloir le sien. S'il faut en croire ce que ce ministre dit lui-même dans l'histoire de sa vie, Lafayette consulté sur cette invasion, l'aurait approuvée au fond, et se serait chargé de l'exécuter avec cinquante mille hommes, qu'on eût rassemblés par une marche concentrique au confluent de la Sambre et de la Meuse, pour déboucher de Namur vers Liège. Ce général fut ainsi le seul qui saisit le point décisif, et prouva par cette circonstance qu'il eût fait la guerre avec distinction, si le sort n'en avait décidé autrement.

Soit que le ministre ne fût pas doué d'un jugement militaire assez profond pour découvrir la supériorité du plan de Lafayette, soit qu'il eût de la répugnance à rendre justice à son émule, ou enfin que ce dernier eût perdu toute la confiance des révolutionnaires, en se rapprochant de la cour, et que l'on craignît de lui donner trop d'influence en lui accordant un si beau commandement; sa proposition fut rejetée, et l'invasion, exécutée de la manière la plus contraire aux principes de l'art, eut l'issue qu'on devait en attendre.

d'inva

sion de la

Pour concilier toutes les opinions, prendre un peu de Projet chaque projet, on résolut de déboucher sur quatre colonnes: la 1re de quinze cents hommes, de Dunker-Belgique. que sur Furnes; la 2o de quatre mille, de Lille sur Tournai; la 3o de dix mille, de Valenciennes sur Mons; enfin Lafayette, après avoir rassemblé un corps de

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