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LIVRE III.

Seconde période de la campagne de 1792.

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Entrée des

Prise de la

Lord Gower, ambassadeur d'Angleterre, quitte Paris. - Position embarrassante de tous les cabinets envers le conseil provisoire. - Dumouriez entre en Belgique, à la tête de quatre-vingt mille hommes, et ne sait pas profiter de sa supériorité pour prévenir le duc de Saxe-Teschen sur la Meuse. Il l'attaque de front à Jemmapes. Suites de cette journée. Les Autrichiens se replient derrière la Meuse, puis derrière la Roër. Français à Bruxelles, Liége et Aix-la-Chapelle. citadelle d'Anvers et du château de Namur. - L'ouverture de l'Escaut indispose la Hollande et fournit un nouveau prétexte aux Anglais pour l'exciter contre la France. Disputes de Dumouriez et des Jacobins. Ce général commet la faute de laisser les Autrichiens sur la rive gauche du Rhin. Course de Custine sur la Lahn. Le roi de Prusse le chasse des montagnes du pays de Nassau et reprend Francfort. - L'armée du Rhin est repoussée sur Mayence. - Combat de Hocheim. - Expédition tardive et inutile de Beurnonville sur Tréves. L'armée de la Moselle ramenée sous Sarrelouis dans une entière désorganisation. Situation critique de la France au milieu de ses prospérités passagères. Les Jacobins énorgueillis provoquent tous les peuples et menacent de renverser tous les trônes. - Décrets imprudents du 19 novembre et 15 décembre. Louis XVI mis en jugement. Affaires du Midi. - Montesquiou forcé par Clavière à menacer Genève d'un siége, et la Suisse de la guerre. La conduite sage et prudente de ce général épargne à la France les suites de cette faute impardonnable. Embarras d'Anselme

-

dans le comté de Nice.

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L'Angleterre arme en silence et se

prépare sous le voile de la neutralité à tirer parti de l'embrasement général de l'Europe.

CHAPITRE X.

Invasion de la Belgique. Bataille de Jemmapes.

suspendu

tous les

ques.

La catastrophe du 10 août avait jeté l'Europe dans Le 10 une véritable anarchie diplomatique; tout présageait août a des déchirements affreux. Quelle apparence en effet un que les gouvernements sanctionnassent l'insurrection de rapports la nuit fatale qui venait de mettre le sceptre constitu- polititionnel de Louis XVI aux mains de quelques conjurés? Ses anciens alliés se déclareraient-ils complices de la faction victorieuse, en maintenant leurs traités avec la France? Devait-on attendre que ces souverains, exempts de passions, se renfermassent dans le cercle d'une politique toute nationale, sans s'arrêter à aucune considération secondaire; et n'était-il pas probable qu'ils se laisseraient entraîner par l'intérêt apparent de venger leur dignité outragée dans la personne du roi de France? L'honneur, autant que le désir de conserver leur trône, ne semblait-il pas leur commander une ligue générale pour tirer vengeance de cet attentat.

L'effet immédiat de cette journée fut la suspension de tous les anciens rapports; le gouvernement révolutionnaire devait être préalablement reconnu avant qu'il fût possible d'en établir de nouveaux, et cette démarche était un pas aussi délicat que décisif. L'ambassadeur d'Angleterre partit sur le champ pour Londres; celui de Hollande ne tarda pas à l'imiter. Le chevalier d'Yriarte, envoyé d'Espagne, se rendit également à Madrid, et le tableau qu'il fit de cette déplorable journée, était de nature à ébranler le système et le

TON. II.

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Situation

crédit du comte d'Aranda; cependant M. d'Ocarit: resta chargé d'affaires. La Suède et le Danemarck e conservèrent également ; ils attendirent, les uns et les autres, des instructions de leurs cours avant d'entrer en relations avec le Conseil exécutif.

D'un autre côté, la nation française voyait ses efforts militaire couronnés des plus heureux succès et son territoire de la délivré. Le Palatinat, les États de l'électeur de Mayence, et ceux du roi de Sardaigne se trouvaient envahis, la Belgique était à la veille de l'être.

France.

par

Le Conseil exécutif avait néanmoins une tâche audessus de ses forces; la désorganisation exerçait déjà ses ravages sur des armées qui avaient à peine vu l'ennemi. L'administration de la guerre, confiée à Pache, laissait tous les services dans un dénuement absolu, et périr de misère ces braves volontaires accourus des extrémités de la France à la défense de la capitale. Le ministre, aussi confiant que médiocre, n'était, à proprement parler, qu'un chef de chancellerie, commis les meneurs de la Convention à la signature des dépêches. Les bureaux, dirigés par les adeptes les plus marquants du club des Jacobins, étaient devenus le réceptacle de l'intrigue et de la friponnerie. Ce désordre de l'administration se faisait ressentir plus ou moins dans toutes les armées. Les efforts de Dumouriez tendaient à en préserver la sienne. Déjà celle du centre éprouvait les effets désorganisateurs de l'indiscipline, compagne ordinaire de la pénurie. L'armée de Custine s'alimentait plus facilement, graces aux ressources des riches pays qu'elle occupait, et au petit nombre de ses bataillons. En Savoie, le bon ordre et la sagesse de Montesquiou avaient resserré les liens de la discipline

prêts à se dissoudre : à Nice, au contraire, les troupes vivaient au jour le jour, et ne se soutenaient que du produit du pillage. D'un autre côté, les levées d'hommes avaient cessé avec les dangers de la patrie; aucun nouveau bataillon ne s'était formé depuis le mois d'octobre; ce n'était qu'avec peine qu'on avait achevé d'armer et d'équiper ceux dont l'organisation était commencée avant la retraite des Prussiens, et ces corps n'avaient fait que remplir les vides que les fatigues de la guerre occasionnèrent dans les cadres des diverses armées.

Plan

Malgré les embarras de tout genre qui assiégeaient le Conseil exécutif, il pouvait encore beaucoup espérer pour conquéde l'esprit qui animait la masse de la nation, et des rir la sacrifices que les Français étaient prêts à faire pour Belgique conserver l'indépendance de leur pays. Si l'ignorance de ses agents causait des pertes à ses armées, l'état des alliés ne paraissait guère plus florissant ; et il avait sur eux l'avantage de se trouver beaucoup plus rapproché de ses ressources. Aussi pressait-on avec toute l'activité possible les préparatifs de l'expédition de Belgique, qu'il importait de terminer avant que l'ennemi pût revenir de sa stupeur et recevoir des renforts.

Dumouriez allait toucher au comble de ses vœux. Il se voyait enfin à la tête d'une armée nombreuse chargé de la conquête d'une province que, depuis les campagnes de Louis XIV et de Louis XV, on regardait comme l'acquisition la plus utile aux intérêts de la France.

La situation relative des deux partis et l'esprit des Avantapeuples en rendaient le succès infaillible. Nourrir la ges de guerre par la guerre; reculer les frontières de la nou-treprise.

cette en

velle république jusqu'au Rhin; se renforcer des levées belges; en imposer à la Hollande; la soustraire à l'influence anglaise, en lui prouvant que la France de 1792 n'était plus celle qui avait permis à quinze mille Prussiens de venir dicter des lois à La Haye, au mépris de ses engagements; enfin, s'assurer d'une bonne ligne militaire pour la campagne prochaine sur le Rhin: tels étaient les résultats possibles de cette expédition, si l'on parvenait à la conduire avec habileté et à en profiter avec modération. On ne fit ni l'un ni l'autre, et pourtant peu s'en fallut qu'elle n'atteignit son but. Fautes Nous avons déjà dit au chapitre VII, que c'était en dans les suivant les Prussiens avec quatre-vingt mille hommes, donnant la main à Custine sur la Moselle, et redescendant ensuite le Rhin avec cent mille combattants, que Dumouriez aurait non seulement forcé les Autrichiens à évacuer les Pays-Bas, mais qu'il les eût encore mis dans l'impossibilité d'en sortir. Il serait difficile de dire combien de malheurs des avantages si décisifs eussent épargné à la France: à la vérité une telle opération exigeait un coup-d'oeil exercé dans les grandes combinaisons de la guerre, que nul général ne possédait alors.

combi

naisons.

Après avoir posé avec le Conseil exécutif les bases de son plan, et obtenu quelques secours en numéraire et en effets d'équipement, le général en chef repartit de Paris dans les derniers jours d'octobre, emportant la promesse d'un crédit de trois millions, d'une prochaine remonte, et de l'envoi des effets d'équipement et surtout des capotes qui lui étaient indispensables, dans une saison și avancée. Les forces mises à sa disposition montaient à plus de quatre-vingt mille hommes, et les

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