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avaient cependant pour tactique de se réunir toutes les fois qu'il était question d'agir contre l'ennemi commun: dès que le trône fut renversé, elles s'écartèrent pour ne plus se rapprocher. La journée du 10 août devint le sujet de leur scission définitive; les Girondins se vantaient d'en être les auteurs; les Jacobins de leur côté s'en attribuaient toute la gloire; il n'y avait qu'un seul point sur lequel les uns et les autres s'accordassent, savoir celui de l'érection d'une république; mais les derniers la voulaient comme moyen de parvenir à un autre gouvernement; les premiers, au contraire, la voulaient comme résultat.

Tout ce qui ressemblait à l'autorité d'un seul était principalement odieux aux Girondins; les Orléanistes eux-mêmes ne pouvaient raisonnablement espérer de réussir qu'après avoir traversé l'anarchie républicaine, aussi Philippe fut-il le premier à applaudir à l'installation du gouvernement populaire : les Jacobins demandaient ouvertement une dictature, un triumvirat; les Cordeliers flottaient indécis entre ces différents systèmes, et ce fut la cause secrète de l'union qui exista longtemps entre Robespierre et Danton. Ces trois partis exerçaient plus ou moins d'influence sur les sections de Paris, qui elles-mêmes entraînaient les autres départements : le plus puissant était celui des francs Jacobins, dont la société mère, du sein de la capitale, étendait sur toute la France ses vastes ramifications. Depuis le 10 août, l'attitude de tous ces partis devenait de jour en jour plus hostile. Le ministère évidemment girondin Clôture vouait une haine commune aux autres factions.

de l'As

semblée

L'Assemblée législative qui sentait tout le danger législad'une position pareille, voyait approcher avec joie le tive.

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moment de sa dissolution constitutionnelle. Le conseil municipal outré de la résistance qu'il avait éprouvée dans cette assemblée, désirait avec ardeur de la voir remplacée, espérant trouver moins d'opposition dans les législateurs qui succéderaient; en conséquence il se hâta d'envoyer à l'assemblée expirante, une députation, pour qu'elle eût à convoquer les assemblées primaires. Robespierre et ses adhérents ne restèrent pas oisifs dans cette circonstance; les choix horribles qui sortirent des ces colléges électoraux prouvèrent l'activité des Jacobins ; les principaux élus étaient Danton, Marat, Billaud et tant d'autres monstres que nous avons vu figurer sur le zodiaque politique. Le duc d'Orléans fut nommé député par la protection de Marat; ce trait suffit pour caractériser l'esprit qui dominait la France à cette affreuse époque.

La Convention se réunit dans une des salles des Tuiture de leries, et ce fut de ce lieu qu'elle envoya une députala con- tion à l'Assemblée législative pour la prier de lui céder nationale son local. Les nouveaux députés prirent séance au

vention

manége le 21 septembre, après avoir reçu les félicita-
tions de ceux qu'ils remplaçaient : nous devons dire que
beaucoup de ces derniers avaient été réélus; plus ambi-
tieux que les constituants, qui s'étaient exclus eux mêmes
de la nouvelle formation, les législatifs avaient eu le soin
de se déclarer éligibles. Les Jacobins virent avec dou-
leur
que
la Convention flotterait indécise entre eux et
et leurs rivaux; bientôt le fougueux Marat prêcha hau-
tement dans sa feuille incendiaire contre les élections,
et provoqua
l'établissement d'une dictature.
Les Girondins, dont les espérances s'étaient tout-
à-coup ranimées, résolurent à leur tour d'en imposer

de la ré

à leurs adversaires par la vigueur d'une attaque inopi- Proclanée. Malheureusement dès cette première séance du mation 21 septembre, ils se laissèrent enlever l'initiative de la publique république par les Jacobins, dont la popularité s'accrut considérablement : réduits à applaudir la mesure qu'ils ambitionnaient de proposer, les Girondins, dès ce moment, luttèrent avec un désavantage tous les jours plus marqué. La royauté fut abolie et la République proclamée sur la proposition de Collot-d'Herbois: la majorité de l'Assemblée en frémissait de jalousie et de honte mais un comédien n'en demeura pas moins le fondateur de la république française.

La veille du jour où cette révolution était proclamée, le canon de la victoire se faisait entendre à Valmy: l'armée du duc de Brunswick repoussé dans une attaque, coupée de ses communications, abîmée par une maladie cruelle, loin de suivre la marche triomphale sur Paris qu'on lui avait promise, ne songeait qu'au moyen de sauver ses débris. Nous allons reprendre la narration militaire de ces événements que nous avons été forcé de retarder un moment.

Plan de

campa

CHAPITRE VII.

Invasion et retraite de la Champagne.

Par suite de l'alliance défensive, conclue le 7 février 1792, entre les cabinets de Vienne et de Berlin, et des arrangements convenus entre ces deux puissances, les Prussiens se disposèrent, aussitôt après la déclaration de guerre, à se mettre en marche pour le Rhin; mais, par une lenteur aussi fatale aux succès de leurs armes qu'à la famille royale qu'elles voulaient sauver, ces troupes n'arrivèrent à Coblentz qu'à la fin de juillet. Dès longtemps, et même avant la guerre, on avait débattu à Vienne et à Berlin le plan d'opérations convenable. Le duc de Brunswick, appelé à Potzdam, y avait eu le 11 février des conférences à ce sujet avec le Roi et le comte de Schulembourg. Le prince de Hohenlohe-Kirchberg s'y était rendu plus tard, pour stipuler la part que l'armée impériale devait y prendre. Enfin le 19 juillet, l'Empereur, le roi de Prusse et le duc de Brunswick s'étaient réunis à Mayence, où ils arrêtèrent les dispositions suivantes :

1o Le prince d'Esterhazi, renforcé de cinq mille émigue des grés aux ordres du prince de Condé, placé sur la rive alliés. droite du Rhin, était chargé de menacer les frontières de France depuis la Suisse jusqu'à Philipsbourg.

2o Le comte d'Erbach devait remplir le même objet sur la rive gauche du fleuve, depuis ce point jusqu'à la Sarre.

3o Les Prussiens et les Hessois, renforcés par douze mille émigrés, réunis à Trèves ou aux environs de Co

blentz, sous les ordres des princes frères de Louis XVI, formaient l'armée principale d'invasion: elle devait remonter la rive gauche de la Moselle, venir par Luxembourg attaquer Longwy, et au besoin Montmédi; se porter ensuite sur Verdun, place hors d'état de faire une longue résistance; enfin, de là se diriger selon les événements par Châlons sur Paris.

4° Le prince de Hohenlohe-Kirchberg (1), après s'être séparé du comte d'Erbach, était destiné à passer la Moselle entre Thionville et Trèves, pour couvrir la gauche des Prussiens et attaquer successivement Thionville et Metz, où l'on avait des intelligences.

5. Le général comte de Clairfayt, renforcé de quatre mille émigrés rassemblés par le duc de Bourbon dans dans les Pays-Bas et le Luxembourg, était destiné à couvrir la droite des Prussiens, et devait à cet effet passer la Chiers entre Montmédi et Sedan; laisser quelques troupes devant Sedan et Mézières, pousser l'armée de Lafayette qui couvrait ces deux places, traverser la Mense entre Verdun et Sedan pour marcher à Rheims, et se mettre en mesure de suivre également la route de Paris par Fismes et Soissons, à moins qu'il ne parût plus convenable de se rejeter à droite pour prendre à revers les troupes et les places françaises du Hainaut et de la Flandre.

6' Le corps autrichien des Pays-Bas, aux ordres du duc de Saxe-Teschen, devait faciliter l'invasion de la

(1) Il y avait à cette armée deux généraux du même nom qu'il ne faut pas confondre; le prince de Hohenlohe-Kirchberg, commandait un corps d'armée autrichien; le prince de Hohenlohe-Ingelfingen, commandait l'avant-garde prussienne : ce dernier acquit depuis une funeste célébrité par la bataille de Jéna, et la capitulation de Prenzlow.

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