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administrateurs légaux des biens en dépendant. Ils représentent, quant à ce, le failli et les créanciers. Les jugements rendus contre eux ou obtenus à leur requête constituent donc la chose jugée en faveur ou contre le failli et les créanciers; et si le premier reprend plus tard l'exercice de ses actions, s'il est remis à la tète de ses affaires, il n'en demeure pas moins obligé d'exécuter ces jugements, tout comme il serait en droit d'en recueillir le bénéfice.

562. Relativement aux créanciers, les syndics ne les représentent que pour les rapports que chacun d'eux peut avoir avec la faillite qu'ils administrent. De là cette conséquence : que les jugements rendus contre les syndics n'affectent que les droits que les créanciers ont contre la masse. C'est ce que la cour de cassation a explicitement consacré en décidant que les jugements qui condamnent les syndics à satisfaire à une obligation par eux prise au nom de la masse n'ont pas l'autorité de la chose jugée contre les créanciers personnellement ; que leur exécution ne peut être poursuivie contre ces créanciers que jusqu'à concurrence des forces de la faillite 1.

De là il résulte encore que les droits des créanciers hypothécaires ou privilégiés, se trouvant placés en dehors des éventualités de la liquidation, ne peuvent être modifiés, altérés ou aliénés que par ces créanciers eux-mêmes. Conséquemment, les jugements obtenus contre ou par les syndics, au préjudice de ces droits, ne pourraient être opposés aux créanciers comme constituant l'autorité de la chose jugée 2.

563. Les syndics étant les continuateurs du failli, tous les jugements antérieurs à la faillite doivent être respectés par eux. Ils ne pourraient remettre en question ce qui en a fait l'objet sans être repoussés par l'exception de chose jugée, sauf les cas de fraude spécialement prévus par les lois concernant les faillites.

564. — Il n'y a réellement aucune identité de personnes entre le débiteur principal et la caution. Il semblerait dès lors que la chose jugée avec l'un ne devrait ni nuire ni profiter à l'autre. Cependant le droit romain décidait nettement le contraire 3, et cette solution avait été pleinement admise par notre ancienne jurisprudence.

« La raison, dit Pothier, c'est que la dépendance de l'obligation d'une caution de celle du débiteur principal, à laquelle elle a accédé, fait regarder la caution comme étant la même partie

Cass., 17 mars 1840; J. D. P., t. Jer, 1840, p. 546. 2 Cass., 11 mars 1823.

que le débiteur principal, à l'égard de tout ce qui est jugé pour ou contre celui-ci. C'est pourquoi si le débiteur principal a eu congé de la demande du créancier, pourvu que ce ne soit pas sur des moyens personnels à ce débiteur principal, la caution, depuis poursuivie, peut opposer au créancier l'exception rei judicatæ.

«Le créancier ne peut, en ce cas, répliquer que c'est res inter alios judicata. Car, étant de l'essence du cautionnement que l'obligation de la caution dépende de celle du débiteur principal, qu'elle ne puisse devoir que ce qu'il doit, qu'elle puisse opposer toutes les exceptions in rem qui peuvent être par lui opposées, il s'ensuit que tout ce qui est jugé en faveur du débiteur principal est censé l'être en faveur de la caution, qui doit à cet égard être censée la même personne que lui. Vice versa, lorsque le jugement a été rendu contre le débiteur principal, le créancier peut l'opposer à la caution et demander qu'il soit exécutoire contre elle. »

Les articles 2036 et 2250 du Code civil prouvent que ces règles sont passées dans le droit qui nous régit. Le premier autorise la caution à opposer au créancier toutes les exceptions appartenant au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette. Or, de toutes les exceptions, celle de la chose jugée, ayant anéanti la dette, est la plus importante, la plus décisive. Elle appartient incontestablement au débiteur principal, on ne saurait dès lors la refuser à la caution sans violer l'article 2036.

Vainement dirait-on que c'est là une exception personnelle au débiteur, que la loi défend à la caution d'invoquer. Il n'y a d'autres exceptions de ce genre que celles exclusivement attachées à la personne et résultant d'une qualité qu'elle seule peut invoquer. Ainsi l'état de femme mariée, de mineur, d'interdit, etc..., c'est là un motif de nullité de l'obligation, mais de nullité relative. La caution pourra d'autant moins s'en prévaloir, que son engagement tient peut-être à la connaissance de l'incapacité du débiteur principal et au désir du créancier de se soustraire ainsi au danger qu'il redoute. Si donc le jugement avait annulé l'obligation du débiteur principal sur une de ces causes, la caution ne pourrait l'invoquer. Alors, mais alors seulement, il s'agirait d'une exception exclusivement personnelle au premier.

D'autre part, l'article 2250 dispose que l'interpellation faite au débiteur principal, ou sa

3 L. 21, 4, Dig., de except. rei jud.

reconnaissance, interrompt la prescription contre la caution. «Il résulte évidemment de cet article, dit Merlin 1, que dans les poursuites exercées contre le débiteur principal, et dans les actes qui, de sa part, tendent à les prévenir, la caution est considérée par la loi comme ne formant avec lui qu'une seule et même personne; comme représentée par lui; et de là à la conséquence que le jugement rendu contre le débiteur principal est censé rendu contre la caution, il n'y a qu'un pas qu'il est impossible de ne pas franchir. » Telle est aussi l'opinion de Toullier 2.

Merlin et Toullier admettent donc que ce qui a été jugé par rapport à la dette, contre le débiteur principal, réfléchit directement contre la caution, et de là ils concluent avec raison qu'à défaut d'appel de la part de l'un, l'autre pourra l'émettre de son chef, dans les trois mois de la signification du jugement qui lui serait faite à personne ou à domicile. Mais de là aussi résulte l'impossibilité pour la caution de former tierce opposition au jugement. Le contraire, admis par la cour de Lyon, a été repoussé par la cour de cassation 3. Toutefois, et aux termes de la doctrine de la cour suprême, cette impossibilité n'existe que pour le cas où la tierce opposition reposerait sur des moyens communs avec le débiteur principal, déjà soumis au juge et appréciés par lui. Si les moyens étaient purement personnels à la caution, la tierce opposition serait recevable.

La caution ne représente dans aucun cas le débiteur principal. Dès lors les jugements rendus en sa faveur ou contre elle ne sauraient être opposables ou profiter à celui-ci. L'identité des parties requise par l'article 1551 n'existerait pas dans les deux instances. Il ne pourrait done y avoir chose jugée.

Cette règle ne souffre aucune exception lorsque la caution a été condamnée. Elle en comporte une dans l'hypothèse contraire. En effet, si le jugement déclare que la caution est libérée parce qu'elle a payé la dette, le débiteur principal pourra s'en prévaloir par un double motif: 1o parce que le payement a anéanti la dette visà-vis du créancier, qui ne saurait prétendre être payé par le débiteur, après l'avoir été par la caution; 2o parce que le jugement qui constate que celle-ci a payé lui donne le droit de se faire rembourser par le débiteur. Ce jugement équivaut donc à une cession de la part du créancier,

1 Quest. de droit, vo Chose jugée, $18.

2 T. X, nos 209 et 210.

car il transfère, à proprement parler, la créance sur la tête de la caution, qui peut seule à l'avenir en demander et en poursuivre le paye

ment.

Dans tous les autres cas, la libération obtenue par la caution reste sans influence sur le sort du débiteur principal. Le jugement demeure pour celui-ci res inter alios judicata, et il peut être condamné tandis que la caution a été renvoyée de l'instance. Il n'y aurait même là rien de contradictoire, car l'engagement de la caution peut être irrégulier et nul, et la dette du débiteur exister très-légalement. Il reste donc nécessairement obligé tant qu'un jugement ne l'a pas personnellement et contradictoirement délié de ses obligations.

565. Les débiteurs solidaires sont les représentants les uns des autres. Celui qui paye fait la chose de tous, agit pour tous, et cette faculté il la puise dans les principes régissant la solidarité. La dette solidaire n'est qu'une seule et même dette, ceux qui l'ont contractée se sont réciproquement donné le mandat d'agir un seul pour tous. Le jugement rendu en faveur ou contre l'un d'eux est donc censé rendu en faveur ou contre tous les autres.

Cette conséquence nous parait résulter expressément de divers textes de lois. Ainsi l'article 1206 dispose que les poursuites contre l'un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l'égard de tous les autres; l'article 2249 ajoute que l'interpellation faite, conformément aux articles ci-dessus, à l'un des débiteurs solidaires, ou sa reconnaissance, interrompent la prescription à l'égard de tous les autres. Enfin nous lisons dans l'article 1565 que le serment déféré à l'un des débiteurs solidaires profite à tous les autres.

C'est cependant dans cet article qu'on a voulu puiser un argument en faveur de l'opinion contraire. Le législateur, a-t-on dit, se tait sur l'effet du serment déféré par l'un des débiteurs solidaires, il n'admet donc pas qu'il puisse lier les autres codébiteurs. D'où la conséquence que si le débiteur solidaire peut améliorer la position des autres débiteurs, il ne peut jamais la rendre plus mauvaise; dès lors, tout en profitant du jugement favorable à leur codébiteur, les débiteurs solidaires ne devraient pas être atteints par le jugement ayant condamné celui-ci.

Les articles 1206 et 2249 répondent suffisamment à ce qui fait la force principale de cette

327 nov. 1811.

objection. L'un et l'autre, en effet, prouvent que les actes faits avec, par ou contre le débiteur solidaire, obligent les autres codébiteurs. Le dernier reconnait formellement au codébiteur solidaire la faculté de priver ses codébiteurs du bénéfice de la prescription et d'empirer ainsi leur position. On ne saurait donc, sous le prétexte d'un résultat semblable, décider que le jugement rendu contre l'un doit rester étranger à tous les autres. On fait très-légalement, par l'in- | termédiaire de la justice, ce qu'il est permis de faire spontanément et volontairement.

Tout ce qui résulte de l'article 1365, c'est que la loi a positivement exclu la délation du serment des actes que le codébiteur solidaire peut faire au nom et dans l'intérêt de tous les autres débiteurs. Le fondement de cette exclusion est trèsrationnel, car le mandat qui résulte de la solidarité est celui de se défendre mutuellement par rapport à la dette commune. Or, déférer le serment, c'est renoncer à toute défense; c'est, en quelque sorte, donner sans condition 1, et, par conséquent,agir en dehors des limites du mandat.

Ainsi, l'article 1565 considère la délation du serment par le débiteur du même œil que la remise consentie par l'un des créanciers solidaires; et de même que cette remise ne comprend que la part de ce créancier 2, de même le serment déféré et accepté n'a d'effets qu'à l'encontre du débiteur. Mais une exception, résultant d'ailleurs d'un texte précis, n'a jamais eu pour effet de détruire la règle, elle la confirme au contraire, car sans celle-ci l'autre était complétement inutile. Or, la règle, en notre matière, étant que le débiteur solidaire agit pour tous les autres codébiteurs, la conséquence à en tirer, c'est que le jugement régulièrement obvenu contre l'un produit tous ses effets contre les autres.

Bien entendu, au reste, que cela ne se produit que pour les moyens communs et inhérents à la dette, car les exceptions personnelles à chacun des débiteurs solidaires ne pouvant, aux termes de l'article 1208, être invoquées que par lui, échappent forcément à l'autorité du jugement, dans lequel celui qui est au cas de les faire valoir n'a pas personnellement figuré. Il serait donc toujours recevable à en exciper. Il pourrait même, dans cet objet, former tierce opposition au jugement 3.

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qui a figuré au procès par le ministère d'un tiers a été réellement la seule partie intéressée. Il serait donc non recevable à intenter plus tard la même demande aussi bien que s'il avait nommément et personnellement agi. Par une juste et nécessaire réciprocité, celui qui n'a soutenu le litige que comme mandataire d'un autre, pourra ultérieurement demander, en son nom propre, l'objet qui faisait la matière du procès déjà jugé. Il est évident, en effet, qu'exercer un droit au nom et dans l'intérêt exclusif d'un tiers, ce n'est renoncer ni directement, ni indirectement au droit analogue qui peut vous appartenir personnellement et sur lequel d'ailleurs le juge n'a pu ni dù prononcer.

La même personne peut avoir deux droits qu'elle n'est pas toujours obligée de cumuler lorsqu'elle prétend les exercer. Or, chacun de ces droits peut puiser sa source dans une qualité différente. L'existence de ces qualités autorise donc autant d'instances distinctes.

567. Ainsi je revendique un immeuble en vertu d'un droit personnel. Je succombe. Plus tard, j'hérite d'un tiers ayant sur cet immeuble un droit analogue à celui que j'ai vainement réclamé. Je réalise de nouveau l'action en revendication. Dans cette instance, comme dans la première, la chose demandée sera la même, la cause pourra être identique. Les parties seront physiquement les mêmes; cependant l'exception de chose jugée ne sera pas recevable, parce que j'agis dans la seconde en une qualité différente de celle que j'avais dans la première. Le droit que j'y exerce ne m'appartenait pas dans l'origine, il reposait sur la tête de la personne que j'ai été appelé à représenter. Elle pouvait l'exercer sans craindre qu'on pùt lui opposer le résultat de la demande que j'avais intentée et à laquelle elle était demeurée étran– gère. Or, ce qu'on ne pouvait faire contre elle, on ne le pourrait contre moi, lorsque, appelé à lui succéder, je fais valoir l'action qui lui appartient.

C'est par application de ce principe que l'ayant cause peut quelquefois revenir sur la chose jugée avec son auteur. C'est ce que la cour de Toulouse a justement admis en jugeant, le 16 juin 1856, que lorsqu'un individu a été déclaré non recevable à attaquer, pour cause de simulation, un acte de vente par lui consenti, ses enfants peuvent néanmoins, sans qu'on puisse leur opposer l'autorité de la chose jugée sur l'action inten

3 Conforme, Merlin, loco citato: Toullier, t. X. n 202; Pothier, no 909.

tée par leur auteur, attaquer ce même acte de vente comme contenant une donation déguisée dont ils demandent la réduction. En effet, les enfants ont, pour tout ce qui concerne leur réserve, un droit propre et personnel, dont le père n'a jamais eu la disposition et qu'il n'a pu ni altérer ni détruire. Ils ne peuvent, dès lors, être considérés, quant à ce, comme les ayants cause de leur père, et, en cette qualité, liés par l'événement de l'instance qu'il a soutenue.

En thèse ordinaire donc, chacun peut renouveler autant de fois l'action qu'il a de droits distincts; il peut, après avoir succombé en son propre nom, agir comme représentant celui-ci, revenir ensuite comme l'ayant cause de celui-là. Il y a, en effet, autant de droits différents qu'il y a de personnes distinctes, et chacun de ces droits fournit une cause prochaine à l'action. Mais nous supposons, dans cette hypothèse, que ces divers droits ne se sont ouverts que successivement. Il en serait autrement si, avant l'intro- | duction de la première instance, ils reposaient tous sur la tête du poursuivant. La confusion qui en serait résultée substitue aux droits particuliers un droit unique, un patrimoine exclusif, personnel à l'héritier, et à raison duquel il ne saurait intervenir qu'un seul jugement, par la raison qu'il ne pourrait jamais exister qu'une seule action: Non enim potest amplius duas separatim morere, illæ enim actiones non sunt amplius separatæ, cum in eadem persona concurrant1.

La confusion de deux héritages amène donc celle des qualités. Il n'y a plus de droit particulier au père, à la mère dont on a hérité, et de droit personnel à l'héritier. Celui-ci existe désormais seul et comprend de plein droit tous les autres. D'où la conséquence que le jugement intervenu sur une action intentée postérieurement à la confusion rend toute action ultérieure non recevable, alors même qu'on' prétendrait l'exercer en qualité d'héritier de tel ou tel. Le successeur, dit Toullier, doit et peut appeler au secours de son action tous les moyens capables d'en assurer le triomphe, mais il ne peut pas plus séparer les qualités d'héritier de son père, de sa mère, qu'il ne pourrait séparer celles d'héritier de son aïeul, de son aïcule, d'un oncle, d'un frère, etc......., car si l'on admettait de pareilles séparations fictives, quel serait le terme du procès ??

Cet effet particulier de la confusion cesserait

4 Pothier, Pand., liv. XLVI, t. III, § 1; vid. L. 10, Dig, de act. empt.

si celle-ci ne s'est pas opérée. Or, on sait que l'acceptation bénéficiaire empêche toute confusion. Dès lors, l'héritier qui aurait réalisé cette acceptation serait à l'instar de celui qui n'a recueilli les diverses successions que successivement. Il pourrait donc exercer autant d'actions qu'il y a de droits différents, sans qu'on pút lui opposer l'exception de chose jugée sur l'une

d'elles.

568.

Telles sont les conditions exigées par l'article 1551, conditions impérieuses et dont la réunion peut seule constituer l'autorité de la chose jugée. Ces conditions doivent être i rigoureusement observées, car l'action est de droit commun, et, dans le doute, c'est en sa faveur qu'on doit se prononcer.

Cependant la jurisprudence a introduit une exception quant à l'identité des parties. Elle a admis que l'instance, suivie de bonne foi et sans collusion avec l'héritier apparent, créait la chose jugée en faveur et contre l'héritier réel. Cette exception est juste en équité et en raison. L'héritier apparent exerce valablement les actions de la succession, on est obligé de s'adresser à lui, comme de répondre à son attaque; et, puisque cette obligation n'est que la conséquence de la négligence de l'héritier réel, il ne serait pas rationnel de punir les tiers en les rendant victimes de cette négligence.

La cour d'appel de Pau a admis le principe à l'endroit du propriétaire apparent. Elle a en effet décidé que les jugements rendus sans collusion contre le possesseur jouissant de tous les droits attachés à la propriété ont l'autorité de la chose jugée contre le véritable propriétaire qui ne s'est fait connaître qu'après la décision du procès, qu'en conséquence celui-ci n'est pas recevable à les attaquer par la voie de la tierce opposition. Voi Voici les motifs puissants à l'aide desquels la cour arrive à cette solution:

« Attendu qu'il est de principe que le possesseur est de droit réputé propriétaire de la chose possédée, tant que le propriétaire ne se présente pas; que puisque le possesseur jouit de tous les droits attachés à la propriété, il en résulte du moins que les actes qu'on est contraint de faire avec lui ou contre lui, relativement à la chose possédée, doivent être valables; qu'ainsi l'article 1240 du Code civil, en renouvelant les dispositions du droit romain, a déclaré que le payement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance est valable, encore que ce possesseur

2 T. X, no 214.

en soit plus tard évincé; que par la même raison ceux qui ont des droits à exercer, relativement à la chose possédée, doivent pouvoir s'adresser au propriétaire apparent, tant que le véritable propriétaire reste inconnu. Que, s'il en était autrement, et que l'on fut obligé de recommencer, avec les propriétaires qui étaient restés cachés, les procès jugés contradictoirement avec les propriétaires apparents, le litige pourrait devenir interminable au moyen de mutations successives et secrètes; enfin, les demandeurs pourraient se trouver exposés à voir s'écouler, pendant le cours de procédures vaines, un temps assez grand pour éteindre leur action ou faire disparaître leurs preuves; qu'un tel système, qui porterait le trouble dans la société, est réprouvé par la justice, par la jurisprudence et par l'opinion commune des auteurs 1. »

Le pourvoi formé contre cet arrêt fut rejeté par la cour de cassation, le 7 juillet 1824. Il est vrai que la cour suprême motive son arrêt plutôt sur le fait que sur le droit. Mais, en présence de la doctrine si juridique de la cour de Pau, il y a lieu de croire que si son examen eût été nécessaire, le sort du pourvoi n'eut pas changé. 569. En résumé, la chose jugée, n'étant qu'une exception, doit être sévèrement appréciée. Elle ne peut être admise que dans les conditions que nous venons d'examiner. Si ces conditions se rencontrent, toute nouvelle action est impossible, la première sentence ayant complétement épuisé le litige et enlevé au magistrat son caractère de juge: Judex postea quam semel sententiam dixit, postea judex esse desinit 2. Cet effet ne se réalise pas seulement à l'égard des juges qui ont rendu la sentence, il régit tous les tribunaux français. Quel que fùt donc le juge investi de la connaissance du second litige, il ne pourrait passer outre à l'examen et au jugement, en présence de l'exception de chose jugée, soulevée par une des parties.

Cette exception ne constitue dans tous les cas qu'un avantage que la partie peut répudier. Le juge n'est donc pas tenu de la consacrer d'office et de suppléer au silence de la partie. Il n'en est pas de même en matière criminelle, la règle non bis in idem doit être toujours rigoureusement appliquée. Le jugement qui l'aurait violée, alors même qu'aucune des parties ne l'a invoquée, n'échapperait pas à la censure du degré supérieur ou à celle de la cour de cassation.

14 juillet 1823.

2 L. 55 et 62, de re jud.

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