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la règle actori incumbit onus probandi. Mais telle n'est pas la position du débiteur auquel on oppose l'exécution de l'obligation contre laquelle il se pourvoit en nullité ou en rescision. Il n'a plus rien à prouver une fois qu'il a justifié sa demande. C'est au créancier qui veut tirer de l'exécution une fin de non-recevoir contre l'action en nullité ou en rescision, à établir, suivant la règle reus excipiendo fit actor, l'existence des conditions moyennant le concours desquelles l'exécution volontaire équipolle à confirmation, et à démontrer, par conséquent, que l'exécution a eu lieu en connaissance du vice dont l'obligation est entachée et dans l'intention de l'effacer. Telle était aussi l'opinion d'abord enseignée par Merlin.

3o parce qu'ils tendent à enlever au créancier le bénéfice de la ratification. Le système contraire n'a donc aucun fondement réel. Non-seulement il fait abstraction complète du fait d'exécution, mais il méconnait en outre les conséquences légales que cette exécution doit entraîner.

C'est la démonstration de ce double tort, clairement établie par Toullier, qui a amené la rétractation de Merlin. En voici les termes : << Toullier a raison de dire que je ne m'étais pas exprimé avec mon exactitude ordinaire. Tout bien réfléchi, je crois mes arguments plus spécieux que solides, et en voici deux auxquels ils me paraissent devoir céder :

« 1o On n'exécute un acte que parce qu'on le connaît bien, car il n'y a qu'un insensé qui

Mais il est facile de se convaincre que la posi-puisse exécuter un acte qu'il ne connaît pas ou tion supposée des parties, sur laquelle cette opinion s'étaye, n'est pas réellement celle qu'elles occuperont respectivement. Le demandeur en rescision sera arrêté in limine litis par la fin de non-recevoir tirée de la ratification. Il ne pourra donc établir l'irrégularité de l'acte qu'après avoir fait disparaître cette fin de non-recevoir.

Le fondement de celle-ci se trouvant dans l'exécution, c'est à celui qui l'oppose à prouver cette exécution. Cette preuve faite, le demandeur doit être éconduit, à moins qu'il ne prouve à son tour que cette exécution ne réunit pas les caractères constitutifs de la ratification. C'est là son exception pour laquelle il devient réellement demandeur, et qu'il est tenu de justifier.

Vainement objecte-t-on que l'exécution n'équivalant à ratification qu'à certaines conditions, celui qui excipe de l'une doit prouver qu'elle est conforme au désir de la loi. L'exécution se suffit à elle-même. Elle est légalement présumée exemple de tout vice. Certes, l'exécution déterminée par le dol ne produirait aucun effet. Ira-t-on jusqu'à prétendre que celui qui oppose la ratification tacite sera obligé de prouver que l'exécution dont il se prévaut n'est pas le résultat du dol? Ce qu'on ne ferait pas pour le dol, on ne saurait le faire pour l'erreur. Celleci n'est pas plus présumée que le dol lui-mème, et si celui qui allègue l'un est tenu de le prouver, il n'y a aucun motif pour dispenser de la même obligation celui qui se prévaut de l'autre.

Ajoutons avec la cour de cassation 2, que cette obligation doit être imposée au débiteur : 1o parce que les faits d'où l'erreur peut résulter lui sont personnels; 2° parce que ces faits constituent une exception établie pour son utilité;

T. II, p. 455, note 20.

qu'il ne connait qu'imparfaitement, et la démence ne se présume pas. Exécuter un acte, c'est agir comme si l'on en avait une parfaite connaissance; c'est donc avouer qu'on le connait dans toutes ses parties. Or, si l'aveu d'un fait ne prive pas celui duquel il est émané du droit de le rétracter pour cause d'erreur, il le place du moins dans la nécessité de prouver que c'est par erreur qu'il lui est échappé. L'article 1536 du Code civil est formel, et il n'est point de principe plus constant dans toute la jurisprudence.

« 2o Sans doute l'exécution d'un acte nul ne peut être réputée volontaire qu'autant qu'elle n'est pas le fait de l'erreur; mais elle ne peut aussi être réputée telle qu'autant qu'elle n'est pas l'effet de la violence et du dol. Or, quand un acte nul a été exécuté par une partie qui avait le droit de le faire annuler, et qu'elle vient ensuite en demander l'annulation, lui siérait - il bien, pour repousser la fin de non-recevoir que lui opposerait le défendeur, de dire à celui-ci : L'exécution dont vous excipez a été l'effet de la violence et du dol, elle n'a donc pas été volontaire de ma part, et comme c'est à vous à ver qu'elle a été l'ouvrage de ma volonté, c'est nécessairement aussi à vous à prouver que je n'y ai été induit ni par violence ni par dol? Non certes, et le défendeur lui répondrait victorieusement Par cela seul que vous avez exécuté l'acte, vous êtes censé l'avoir exécuté spontanément et en pleine liberté; ni le dol, ni la violence ne se présument; l'exécution que vous avez donnée à l'acte sera donc réputée volontaire tant que vous ne prouverez pas qu'elle vous a été arrachée par violence ou surprise par dol. Eh bien! point de différence entre l'erreur

2 25 juillet 1825.

prou

et la violence ou le dol. L'une ne se présume pas plus que les autres. La simple allégation de l'erreur ne peut donc pas avoir plus d'effet que la simple allégation du dol ou de la violence, elle ne peut donc pas faire retomber sur le défendeur le fardeau de la preuve que l'exécution n'a pas été déterminée par l'ignorance du vice de l'acte 1. »

Cette démonstration nous paraît sans réplique. Nous admettons donc que l'exécution fait présumer par elle-même la connaissance du vice de l'obligation; que cette présomption doit céder devant la preuve du contraire; que cette preuve est à la charge exclusive du débiteur prétendant se faire relever des effets de l'obligation.

609. Ce caractère de l'exécution produit en outre cette conséquence, qu'elle emporte virtuellement l'intention de purger le vice de l'obligation. Exécuter volontairement un acte qu'on sait être nul ou rescindable, c'est indiquer aussi positivement que possible qu'on renonce à l'attaquer désormais. Cela est si évident, que les réserves qui accompagneraient l'exécution n'en atténueraient aucunement l'importance et n'apporteraient aucun obstacle à la fin de non-recevoir qu'elle crée.

Cette décision est parfaitement juridique. Que peuvent signifier des protestations, des réserves, à côté d'un fait diametralement contraire, volontairement accompli. La seule protestation efficace, c'est de ne pas faire ce qu'on sait n'être pas obligé de faire. Qu'y a-t-il de plus inconciliable avec la faculté de demander la nullité d'une obligation, que l'exécution préalable de cette obligation? Le fait a beaucoup plus de puissance que la parole. Toute manifestation d'une volonté contraire à l'acte qu'on exécute reste sans efficacité possible 2.

610. Il en serait autrement si l'exécution était forcée, si elle n'était que la conséquence inévitable et nécessaire du caractère ou de la nature de l'obligation nulle ou rescindable. Dans l'un comme dans l'autre cas, l'exécution cesserait d'être volontaire. Elle ne suffirait donc pas pour créer la ratification, alors même qu'on aurait exécuté sans réserves ni protestations.

L'exécution est une conséquence de l'acte, lorsque le fait qui la constitue découle naturellement de l'engagement contracté irrégulièrement. Tel est le cas rappelé par la loi 3, § 2, Dig., de minoribus. Un mineur a imprudem

Quest. de droit, vo Ratif., w 5.

2 Cass., 28 juillet 1829.

ment accepté une succession. Devenu majeur, il a payé quelques dettes échues et urgentes de cette même succession. Ce payement ne saurait équivaloir à ratification, parce qu'il n'est qu'une conséquence inévitable et directe de l'acceptation 3.

611. Le payement intégral ou partiel d'une lettre de change ou de tout autre effet négociable, entre les mains d'un tiers porteur, dans quelque hypothèse qu'il ait été réalisé, ne saurait empêcher le souscripteur de faire prononcer plus tard la nullité de l'effet contre le premier porteur. La raison en est que la nullité du titre n'est pas même opposable aux tiers porleurs de bonne foi, et que l'obligation de le désintéresser demeurerait entière, quand même le débiteur aurait obtenu judiciairement cette nullité. Il peut donc faire avant ce qu'il serait tenu de faire après. Un pareil payement ne saurait d'ailleurs jamais être considéré comme fait dans l'intention de renoncer au recours que l'existence du dol créerait.

Mais hors ces rares exceptions, l'exécution volontairement réalisée, après la découverte du vice de l'acte, entraînerait la ratification. L'effet de celle-ci, comme celui de la ratification expresse, assure l'existence de la convention, la purge du vice dont elle pouvait être entachée, et devient une fin de non-recevoir insurmontable contre toute recherche ultérieure.

612. Les principes que nous venons d'exposer pour les obligations s'appliquent aux libéralités. Remarquons en effet que la prohibition de l'article 1559 ne concerne que les nullités de forme dont la donation entre-vifs peut être entachée. Cette restriction, personnelle d'ailleurs au donateur, prouve suffisamment que la donation entachée d'un vice intrinsèque peut devenir l'objet d'une ratification soit expresse, soit tacite. La donation nulle en la forme, et qui serait exécutée par les héritiers du donateur, ne pourrait plus tard ètre querellée de nullité par

eux.

Les héritiers sont, par rapport aux donations consenties par leur auteur, placés sur la même ligne qu'à l'endroit des dispositions testamentaires. Conséquemment l'exécution sciemment donnée aux unes et aux autres les purge des vices dont elles pourraient être entachées tant en la forme qu'au fond; elle crée donc une fin de non-recevoir insurmontable contre toute action ultérieure.

3 Duranton, t. XIII, 285.

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Importance de l'article 1504 pour la répétition de ce qui a été payé sans être dû.

628. Ce n'est que l'action que l'article 1304 atteint,
même dans le cas de non-exécution.
629.

Conséquences quant à l'exception.
650. Origine de la règle quæ temporalia ad agendum
perpetua sunt ad excipiendum.

631.

Motifs du silence gardé par l'article 1504 sur

l'exception.

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Application de la règle en matière de dol. 633. Condition de cette application. 634. L'exception perpétuelle n'est donc que la défense à la demande.

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La possession est le fait dominant du litige.
Conséquence dans le cas de ratification expresse

ou tacite.

657. L'exception n'est admissible que lorsqu'elle tend à conserver un état de choses depuis longtemps exis

tant.

658. Ce caractère dicte la solution des difficultés que
la question peut faire naître. - Application.
659. Résumé.

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base la plus usuelle du droit de propriété. Laisser ces transactions éternellement en suspens, c'était atteindre la propriété elle-même et blesser au cœur toute société. En présence d'un pareil danger, on s'explique facilement comment, au milieu des difficultés soulevées par son application, l'admission de la prescription, comme principe, a été unanimement adoptée.

Le Code civil n'a donc fait qu'accepter le legs que lui avaient fait les précédentes législations. L'article 1504 n'a introduit qu'une seule modification, à savoir la détermination du délai de dix ans pour la prescription des actions en nullité comme pour celles en rescision. De cette manière, la controverse, qui avait si vivement jusque-là préoccupé la doctrine et la jurisprudence. sur le caractère de l'action, s'est trouvée désormais complétement sans objet.

-

614. Avant d'examiner le texte de cet article, il importe de bien préciser son esprit. Nous pourrons ainsi déterminer la nature de la prescription qu'il consacre, et cette détermination nous servira à résoudre quelques difficultés sur lesquelles la doctrine n'est pas encore définitivement fixée.

615. — Un des jurisconsultes les plus éminents de notre époque, Troplong, recherchant quels sont les fondements philosophiques de la prescription, arrive à cette conclusion que les droits, considérés dans leur idéal, ne peuvent recevoir du temps aucune modification, que ce n'est donc pas sur lui qu'est directement fondée la prescription, qu'elle a sa base dans la possession de celui qui acquiert, et dans une présomption de renonciation chez celui qui néglige sa propriété, et que le temps n'y intervient que comme mesure des éléments sur lesquels elle repose.

616. Cette conclusion, en ce qui concerne la déchéance consacrée par l'article 1504, sera d'une incontestable justesse, s'il est vrai que le principe de cette déchéance réside dans l'exécution que l'acte nul ou rescindable a reçue. Cette exécution, conférant à l'un la possession, constitue l'autre en négligence et finit par faire admettre sa renonciation si, pendant dix ans, il n'a pas revendiqué contre un pareil état de choses. ntOr, que tel soit le fondement de la prescription

613. Si la prescription, comme moyen d'acquérir, a pu paraitre odieuse, c'est incontestablement lorsque, invoquée par la mauvaise foi, elle vient au secours de la violence ou du dol. Cependant les diverses législations qui se sont succédé n'ont pas hésité à l'admettre, et cet assentiment commun que cette institution a rencontré à toutes les époques est un témoignage irrécusable de sa nécessité.

Cette nécessité est d'ailleurs attestée par les considérations sur lesquelles est fondée la prescription. Les transactions entre citoyens sont la

autorisée par l'article 1504, c'est ce dont il n'est pas permis de douter. La perte d'un droit quelconque, par le seul effet du temps, n'était pas admissible en principe, car le temps n'intervient dans la prescription que comme mesure des éléments sur lesquels elle repose. Le législateur ne pouvait consacrer une injustice aussi flagrante.

La consécration de la prescription suppose donc la possession d'une part, la négligence de l'autre. C'est le froissement d'intérêt qui en résulte, c'est le préjudice permanent, éprouvé par celui contre qui on prescrit, qui proteste perpétuellement contre son silence. Légalement mis en demeure de faire valoir ses droits, il consomme lui-même la spoliation dont il se prétendrait victime si son inaction s'est prolongée jusqu'au terme fixé pour la prescription. Or tout cela ne peut se réaliser que par l'exécution dont l'acte nul ou rescindable a été l'objet.

617. A défaut d'exécution, en effet, le débiteur n'éprouve aucune atteinte ni dans sa fortune, ni dans ses droits. Il ne peut être accusé de négligence, car son intérêt ne le sollicite pas d'agir. L'existence de l'acte nul ou rescindable constitue tout au plus une menace dans l'avenir, menace d'autant plus vaine que l'inaction du créancier peut être considérée comme un aveu de l'invalidité de son titre, comme une renonciation à s'en prévaloir. Apparente ou réelle, cette présomption excuse le silence gardé par le débiteur, qui doit d'autant moins s'adresser à la justice qu'il ne pourrait en obtenir que ce qu'il possède déjà.

La prescription atteignant en cet état le débiteur serait un fait injuste, d'autant plus anormal que le créancier aurait prescrit sans avoir possédé. Or, de toutes les conditions, la possession est la plus indispensable pour pouvoir prescrire. Conséquemment, nul ne peut prétendre avoir prescrit une action, ou, ce qui est la même chose, s'en être libéré par le laps de temps dans lequel son exercice est circonscrit, s'il n'en a possédé l'objet pendant tout ce temps. L'exécution de l'acte nul ou rescindable pouvant seule donner cette possession, il faut en conclure que, dans l'esprit de la loi, pour que la prescription de l'article 1504 soit applicable, il faut que l'acte ait été exécuté pendant dix ans. Cette intention nous la rencontrons dans le texte d'une manière bien plus formelle encore. Dans tous les cas où L'ACTION en nullité ou en rescision n'est pas limitée à un moindre temps, par une loi particulière, cette ACTION dure dix

ans.

C'est donc l'action seule qui est déclarée susceptible d'être atteinte par la prescription. Or, l'action n'étant que le droit de poursuivre en justice ce qui nous est du ou ce qui nous appartient, la nécessité de l'intenter suppose que celui à qui elle est imposée n'a pas ou n'a plus ce qu'il devrait avoir; en d'autres termes, que la convention nulle ou rescindable l'a privé

d'une partie de ce qu'il avait à recevoir ou l'a dépouillé d'une chose qu'il avait toujours possédée et qu'il est en droit de redemander.

Alors, mais alors seulement, l'inaction qu'il s'impose en présence d'un préjudice flagrant, parfaitement connu, donne à sa conduite le caractère d'abandon qui, rapproché de la possession décennale de son adversaire, détermine et doit déterminer la prescription.

618. Le texte de la loi est donc parfaitement d'accord avec son esprit. La première condition, essentielle à l'application de l'article 1504, est que l'acte nul ou rescindable ait reçu son exécution; que cette exécution ait duré dix ans sans réclamation. C'est l'action résultant de cette exécution qui se prescrit par le laps de dix ans. Ce qui le prouve encore mieux, c'est la perpétuité de l'exception dont nous aurons à nous occuper.

La prescription de l'article 1504 n'est donc qu'un mode de ratification tacite. Seulement, l'effet que produit dans celle-ci le fait postérieur d'exécution est ici la conséquence du silence obstiné du débiteur. Ce caractère de la prescription explique les conditions que la loi a tracées dans le point de départ du délai qui la constitue.

-

619. L'exécution décennale n'est utilement invoquée que lorsqu'elle émane d'une personne capable, d'un consententement éclairé sur le vice de la convention: Contra non valentem agere non currit præscriptio. Or, la loi considère comme suffisamment empêché d'agir, nonseulement celui qui est incapable de contracter, mais encore celui qui ignore l'existence du droit que la prescription doit lui ravir. C'est ce qui résulte explicitement de l'article 1304.

«Le délai de dix ans ne court, pour les actes faits par un interdit, que du jour de la levée de l'interdiction; pour les actes faits par un mineur, que du jour de la majorité; pour ceux faits par la femme mariée non autorisée, que du jour de la dissolution du mariage; dans le cas de violence, que du jour où elle a cessé; dans les cas d'erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts. >>

On le voit, la loi présume dans la prescription l'effet que la ratification produit, à savoir : la renonciation à se pourvoir contre le vice de l'acte. Il fallait donc que dans l'une comme dans l'autre, le débiteur pùt valablement alié

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ignore la nature vicieuse de l'engagement qu'il a souscrit. Cette ignorance du vice est présumée la cause unique de l'exécution, laquelle, se trouvant entachée d'erreur, ne saurait créer aucun lien obligatoire. C'est ce qui se réalise pour la ratification; c'est aussi ce que la loi admet pour la prescription.

Dès lors, le moment de la découverte du dol sera d'une importance décisive dans les procès où s'agite la question de prescription. L'action, en effet, se trouvera éteinte ou non, suivant la détermination que recevra ce point de départ de la prescription. A la charge de qui doit-on imposer le fardeau de la preuve ?

621. Il semblerait résulter de l'article 1504 que c'est à celui qui excipe de la prescription qu'incombe ce devoir. Il n'y a prescription que si l'exécution s'est réalisée dans les conditions voulues par la loi. Celui-là donc qui invoque cette exécution devrait en justifier le caractère, pour pouvoir utilement s'en prévaloir.

Mais les considérations que nous avons invoquées pour la solution de cette question, à l'endroit de la ratification, doivent recevoir, dans cette circonstance, une entière application et conduire à une conséquence identique. L'exécution n'est jamais présumée le résultat de l'erreur. C'est la présomption contraire qui est seule admissible. La partie qui l'invoque n'a donc à prouver que son existence et sa durée.

Cette preuve fournie, la prescription est acquise, à moins que le débiteur n'allègue et ne prouve que le point de départ assigné n'est pas celui qui doit être adopté; en d'autres termes, que la découverte du dol ne remonte pas à dix ans. Cette allégation le constitue demandeur en exception. La preuve est donc à sa charge, et cela par les motifs que nous avons déjà rappelés, à savoir qu'elle ne peut résulter que de faits qui lui sont personnels, que ces faits constituent une exception établie par son utilité, qu'ils tendent à enlever au créancier le bénéfice de la prescription 1.

622. - Mais il n'en est pas de cette preuve comme de celle de l'hypothèse prévue par l'article 448 du Code de procédure civile, elle ne doit pas être nécessairement une preuve écrite. C'est par les documents du procès, par les renseignements fournis par les témoins, c'est enfin par les présomptions qu'elle peut être acquise. 623. Les principes généraux du droit sur l'interruption de la prescription reçoivent une

1 Cass., 23 juin 1825; Grenoble, 1er mars 1827; D. P., 25, 1, 400; 27, 2, 95.

application incontestée à celle édictée par l'article 1504. Tout acte constitutif d'une interruption, soit naturelle, soit civile, produirait donc, dans les conditions exigées par la loi, tous les effets dont il est susceptible.

624. — Qu'en est-il des causes qui suspendent la prescription? Le délai de dix ans, qui aurait commencé de courir contre un majeur, serait-il suspendu par la minorité ou l'interdiction de son héritier?

L'affirmative n'était pas douteuse en droit romain. Le mineur, comme l'enseigne Ulpien, était considéré comme lésé, en cela même qu'il n'avait pas formé en temps utile l'action que son auteur lui avait transmise: Hoc enim ipso deceptus videtur, quod cum posset restitui intra tempus statutum ex persona defuncti, hoc non fecit 2. On lui accordait done, pour intenter l'action après la majorité, le même temps qui restait au défunt au moment de sa mort: Tempus quod habuit is cui hæres extitit. La prescription restait donc suspendue depuis le décès du majeur jusqu'à la majorité de son héritier. Ce temps d'arrêt n'était que la conséquence de la règle contra non valentem agere non currit præscriptio.

Le fondement de cette doctrine, consacrée par notre droit, a été admis par le Code civil. L'article 2252, à la section des Causes qui interrompent la prescription, dispose que la prescription ne court pas contre les mineurs et les interdits. Conséquemment notre question serait toute tranchée, si l'on déclarait cette disposition applicable à la prescription de l'article 1504.

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C'est cette applicabilité que nie Toullier. « Le « Code, dit cet éminent jurisconsulte, a obéi, « quant à ce, à d'autres principes que le droit romain, afin de ne pas prolonger l'incertitude « des transactions. Ce n'est qu'à l'égard des actes faits par les mineurs et les interdits, et « non à l'égard des actes faits par ceux auxquels «ils succèdent, que l'article 1304 ordonne que « le temps ne courra que du jour de la majorité << ou de la levée de l'interdiction. De plus, l'ar«<ticle 1676 porte expressément que le délai «donné pour la rescision de la vente pour lé«sion des sept douzièmes court contre les ab«sents, les interdits et les mineurs venant du «< chef d'un majeur 3.

Nous pourrions dire de Toullier ce que luimême disait tout à l'heure de Merlin: il ne s'est pas exprimé avec son exactitude ordinaire,

2 L. 19, Dig., de minoribus.

3 T. VII, no 615.

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