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tions des parties et non pour en trafiquer. Il ne peut et ne doit intervenir entre les citoyens que comme ministre des lois et non comme l'agent des intérêts, de la haine et des passions de l'homme. S'il descend honteusement de son tribunal, s'il abandonne le sacerdoce auguste qu'il exerce pour échanger sa qualité d'officier de justice contre celle d'acheteur d'action, il avilit le caractère honorable dont il est revêtu, il menace, par le scandale de ses procédés hostiles, les familles qu'il ne doit que rassurer par ses lumières et ses vertus. Il cesse d'être magistrat, il n'est plus qu'oppresseur.

Il serait à craindre, ajoutait l'orateur du tribunat, que les différentes personnes énumérées dans l'article n'inquiétassent les plaideurs par leur influence ou tous autres moyens, et qu'armés de leur titre d'acquisition, elles ne les forçassent à faire en leur faveur des sacrifices considérables pour se débarrasser d'adversaires dangereux.

La loi a donc suivi, en cette circonstance, la voie que nous avons déjà signalée en traitant du dol présumé. Plus la fraude est prochaine et facile, plus elle redouble de précautions et plus elle en suppose aisément l'existence. Or, on pouvait prévoir, sans trop de témérité, que les personnes dont parle l'article 1597, voulant se faire céder des droits litigieux, feraient nécessairement valoir leur position, leur influence, sauraient adroitement semer des craintes sur le résultat. Consacrer de pareilles manœuvres, c'était encourager une fraude d'autant plus dangereuse, que celui qui en est l'objet a moins de moyens de s'y soustraire. C'est pour obvier à cet inconvénient que la loi a consacré la prohibition absolue que nous trouvons dans l'article 1597.

707. — Cet article place sur la même ligne les procès et les droits et actions litigieux. Cette locution ne serait qu'un pléonasme s'il fallait, dans l'occurrence, appliquer l'article 1700 du Code civil, suivant lequel on doit considérer comme litigieux le droit sur lequel il y a procès ou contestation. Cette considération a amené la doctrine à conclure que l'article 1597 n'exige pas que le procès soit commencé. Il y a droit douteux, et partant incessible, toutes les fois que le droit à céder est non reconnu, incertain, sujet à contestation et de nature à appeler les parties devant les tribunaux 1.

708. Il en est de la nullité résultant de l'article 1597, comme de celle prononcée par

Duranton, t. XVI, no 145; Troplong, art. 1597, n" 200.

l'article 1596. Le cessionnaire seul est non recevable à s'en prévaloir. Le cédant le peut, quoi qu'en dise Duranton, car la loi présumant la fraude le suppose trompé, admet qu'il a cédé devant une influence irrésistible ou obéi à des conseils intéressés et pernicieux. On se placerait donc en contradiction flagrante avec l'esprit de la loi, si, punissant le cédant de la fraude dont il est victime, on prétendait l'empêcher d'en poursuivre la réparation sous prétexte d'une complicité dans la violation de la loi 2.

La partie engagée dans le litige peut avoir un grand intérêt à se trouver en face de son véritable compétiteur. Elle se débarrasse d'abord d'un adversaire redoutable par sa position de fortune et son influence; elle se ménage, dans tous les cas, les moyens d'obtenir de l'intéressé direct des déclarations et des aveux dont elle pourra se prévaloir dans l'instance. A ce double titre, son droit de demander la nullité de la cession est incontestable.

709. Dans chacune des hypothèses des articles que nous venons d'examiner, la nullité des ventes, adjudications ou cessions ne serait pas éludée par les précautions prises pour masquer la violation de la loi, et notamment par l'interposition d'un prétendu acquéreur, adjudicataire ou cessionnaire. Cette interposition peut être prouvée dans tous les cas. Serait elle de plein droit admise pour les personnes indiquées par l'article 911 du Code civil?

L'identité de solution semble devoir être la conséquence de l'identité des motifs. Il s'agit dans nos trois articles, comme dans l'article 911, d'incapables ayant intérêt à masquer la fraude par une simulation offrant quelques chances de réussite. Or la loi, qui tient à réprimer cellesci, n'attache pas un moindre prix à la répression de celles-là pourquoi donc prendrait-elle des moyens différents en présence de circonstances identiques?

Cependant l'application absolue de l'article 911 conduirait dans l'espèce à des résultats absurdes. Il faut donc adopter comme règle certaine que interposition de personne viciant l'acte dont la nullité est réclamée, ce moyen peut toujours être allégué et prouvé; que son existence légalement acquise, lorsque l'avantage conféré à l'incapable doit lui arriver sous le couvert de ses père, mère, enfants ou descendants, ou de son conjoint, peut être détruite dans l'espèce par la preuve contraire 3.

2 Voy. Troplong, ibid, no 194.

3 Voy. infrà, t. II, chap. III, sect. IV, § 4.

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«Il ne peut y avoir sûreté pour le commerçant, si l'intermédiaire ne conserve pas un caractère de neutralité absolue entre les contractants qui l'emploient. Dès que son intérêt peut être attaché directement ou indirectement à la négociation à laquelle il s'entremet, il trompe nécessairement une des parties et peut-être toutes deux. Un agent intermédiaire, qui fait pour son compte des opérations de commerce, viole tous les principes qui constituent sa profession, il trahit à la fois la confiance publique et la confiance du commerce, ce n'est le plus souvent qu'un rival trompeur qui usurpe des droits illegitimes en prenant un caractère qui ne lui appartient pas; qu'un concurrent d'autant plus dangereux qu'il opère connaissant parfaitement les intentions de ses commettants, trompés par son titre officiel. »

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pour revendre, on ne prend des valeurs que pour les transmettre soit à titre de négociation, soit à titre de payement. La nullité de l'opération première eut donc amené une cascade de nullités et une véritable perturbation dans la marche naturelle du commerce. On devait donc se taire sur la nullité, laissant, à chaque espèce particulière, à amener la décision juridique qu'elle comportera.

Quelle est la conséquence de ce silence? Fautil l'interpréter dans le sens de la validité absolue de l'opération? L'affirmative n'est pas douteuse quant au courtier ou à l'agent de change luimême. Il ne pourrait en effet tenter de se soustraire à ses engagements qu'en excipant de son propre délit, ce qui doit lui être interdit de la manière la plus absolue 2.

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713. La cour de cassation a jugé, le 15 mars 1810, que celui qui a traité avec un courtier ne peut, excipant de l'article 85, se refuser de faire face à ses engagements. La doctrine a inféré de cet arrêt que la nullité ne pouvait, dans aucun cas, être prononcée; nous ne pouvons partager cette opinion, en tant qu'elle tend à empêcher la nullité d'être prononcée dans tous les cas et d'une manière absolue.

Nous distinguerons d'abord entre une négociation d'effets commerciaux et une vente de marchandises. Si l'agent de change, réalisant la première, a reçu les valeurs et compté les espè ces, il n'y a plus moyen de prononcer la nullité. Le souscripteur des effets ou l'endosseur qui les a transmis à l'agent de change ne saurait prétendre qu'on doit les lui restituer sans qu'il soit tenu de rembourser lui-même l'argent qu'il a reçu en échange. Tout ce qu'il peut prétendre, c'est la réparation du préjudice que la déloyauté de l'agent de change lui a occasionné : or cette réparation n'exige pas la nullité de l'opération. elle se réalise par une allocation de dommages

711. Il y a donc, dans le fait du courtier ou de l'agent de change violant les prohibitions de la loi, un véritable abus de confiance. C'est plus qu'une fraude, c'est un délit que l'article 87 du Code de commerce punit de la destitution et d'une amende, dont le maximum est fixé à 5,000 francs. L'existence du fait est à tel point constitutive du délit, que les tribunaux ne peu vent apprécier la question intentionnelle, et moins encore refuser de prononcer la peine, sous prétexte de bonne foi. Mais le fait d'im-intérêts. mixtion rentre dans leur examen, en ce sens que l'acte reproché peut être déclaré ne pas constituer le délit caractérisé par la loi, comme s'il s'agissait de quelques opérations isolées, accidentelles, expliquées par des motifs légitimes.

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Dans l'espèce jugée par la cour de cassation, le demandeur en nullité était le souscripteur des effets que l'agent de change, à qui ils avaient été cédés par le porteur, poursuivait en payement. Or il est évident que la nullité n'était pas même sérieusement opposable. En effet, débiteur certain des sommes réclamées, le souscripteur ne pouvait se soustraire au payement, parce que son créancier direct avait traité avec un agent de change. Tout ce qu'il pouvait soutenir, c'est que la négociation illicite n'avait pu transférer la propriété; que, conséquemment, l'agent de

2 Bordeaux, 23 nov. 1828.

change ne devait pas être considéré comme tiers porteur sérieux et de bonne foi, et que toutes les objections opposables à son cédant pouvaient lui être opposées. Mais prétendre ne pas payer, parce qu'il avait plu au porteur de traiter avec un agent de change, c'était poursuivre un but irrationnel autant qu'inique; le proscrire était donc un devoir pour les tribunaux.

A plus forte raison devrait-on le décider ainsi toutes les fois qu'après avoir pris personnellement des valeurs, l'agent de change les a endossées à des tiers qui en demandent payement. Cette demande ne comporterait aucune exception de la nature de celle que nous examinons, à moins qu'on ne prouvât que le porteur n'est qu'un prète-nom, et, dans ce cas, nous venons de le dire, tout ce que pourrait exiger le souscripteur ce serait la réparation du préjudice qu'il éprouve.

On doit appliquer la même règle à l'achat de marchandises. Si le vendeur a livré, il ne serait pas recevable à redemander la marchandise, si elle est encore entre les mains du courtier ayant traité pour son compte. A plus forte raison, si le courtier l'avait revendue à des tiers. Ce que la loi autorise dans ce cas, c'est l'action en indemnité si un préjudice quelconque a été souf

fert.

Mais, s'il ne s'agit que d'une promesse de négociation ou d'une vente à terme, nous croyons que l'agent de change ou le courtier ne serait pas recevable à demander l'exécution de la promesse et la livraison effective soit des billets, soit des marchandises. Le traité sur lequel cette demande s'appuierait étant un délit, l'obligation aurait une cause illicite ne créant aucun droit et conséquemment aucune action. D'ailleurs, pourquoi forcerait-on l'exécution, lorsqu'on reconnaît que cette exécution engage l'agent de change ou le courtier à réparer le dommage? N'est-il pas naturel de prévenir plutôt que de réparer, et, puisque les choses sont en l'état, de ramener les parties au respect de la loi que l'une d'elles a complétement oublié.

Nous croyons cette doctrine juridique. Ce qui le prouve, c'est qu'il est admis en principe que les courtiers sont sans qualité pour exercer en leur propre nom les actions en payement ou en livraison des marchandises vendues par leur entremise 1. Pourraient-ils donc faire pour leur propre compte ce qu'il leur est interdit de faire pour le compte d'autrui ? La réponse ne saurait être douteuse, avec d'autant plus de raison que

Cass., 2 brumaire an XIII.

l'esprit de l'arrêt que nous rappelons amène à cette conséquence qu'on ne prohibe l'action pour compte du tiers que parce que le courtier y trouverait le moyen d'éluder la prohibition, et qu'on a craint qu'il figurât réellement lui-même sous le manteau de celui dont il a emprunté le nom.

Ainsi l'opération faite contrairement aux prescriptions de la loi, et qui n'a pas reçu immédiatement son entière exécution, peut être annulée. Mais l'agent ou le courtier contrevenant ne peut, dans aucun cas, demander cette nullité. Pour lui, il n'y a pas de distinction à faire, il est, dans tous les cas, obligé d'exécuter ses engagements.

714.

- Il suit de ce qui précède que la nullité étant opposable à l'agent de change ou au courtier, on pourrait également l'opposer au tiers poursuivant pour contraindre soit à accepter, soit à effectuer la livraison, si ce tiers n'était que le prête-nom de l'un ou de l'autre. Mais cette simulation n'est jamais présumée. C'est à celui qui l'allègue à en fournir la preuve. A défaut de cette preuve, le tiers est considéré comme de bonne foi et conséquemment maintenu dans le bénéfice de l'opération 2.

715. Quelle est la véritable portée de la défense faite par l'article 86 aux agents de change ou courtiers, de garantir l'exécution des marchés faits par leur entremise? Le courtier de commerce qui, moyennant un ducroire, garantit la solvabilité de l'acheteur qu'il propose, contrevient-il à cette prohibition?

Cette question, que le texte de la loi semble résoudre par l'affirmative, doit surtout être examinée au point de vue de l'esprit du législateur, et cet examen doit déterminer la solution contraire.

Ce que la loi a voulu, c'est prohiber au courtier toute opération commerciale pour son propre compte. A cet égard, les paroles de Portalis, déjà rappelées, ne laissent aucune place au doute.

Cette volonté serait demeurée sans effet si la prohibition directe eût pu être indirectement éludée. Or, un des moyens les plus propres à éteindre ce dernier résultat, eût été la garantie de l'exécution des marchés. Qui ne voit, en effet, les conséquences possibles de cette garantie?

Un courtier voulant acheter ou vendre selon la chance de la spéculation, mais ne pouvant le faire en son nom, l'eùt fait en celui du premier venu, en se rendant garant de l'exécution. L'époque de la livraison arrivée, le prétendu traitant n'aurait pu ou voulu soit livrer la marchandise,

2 Cass., 18 décembre 1828.

soit l'accepter, soit payer la différence. En vertu de la garantie promise, le courtier eut donc été contraint de recevoir ou d'opérer lui-même cette livraison, ou de payer la différence et de se livrer dans tous les cas à des opérations commerciales.

La prohibition de garantir l'exécution n'a pas d'autre objet que de mettre le courtier dans l'impossibilité d'avoir jamais à livrer, ou à recevoir des marchandises, ou à payer des différences; de l'empêcher ainsi de prendre part à des spéculations et de tenter de réaliser un bénéfice ou une perte sur les traités qu'il détermine par son intermédiaire. Il faut donc reconnaitre que tout ce qui ne sera pas de nature à amener l'un ou l'autre ne rentrera pas dans la prohibition qui lui est faite.

Or, garantir la solvabilité de l'acheteur, c'est sans doute s'exposer à une perte, mais sans compensation aucune du côté des bénéfices. La perte elle-même ne sera pas une conséquence du marché, en ce sens que l'insolvabilité postérieure peut tenir à de tout autres causes; il peut se faire que le marché en lui-mème ait été fort avantageux; enfin, lorsque le payement devra s'effectuer, le marché aura été exécuté depuis longtemps, l'un n'étant que la conséquence de l'autre.

Garantir la solvabilité de l'acheteur est si peu garantir l'exécution du marché, que si celui-ci refuse la livraison, le vendeur n'aura aucun recours contre le courtier. Ses droits à contraindre l'acceptation se concentreront contre l'acheteur, et ce n'est qu'après livraison effectuée et reçue que l'obligation éventuelle du courtier aura une valeur quelconque.

Donc garantir la solvabilité, c'est faire un crédit à l'acheteur. Aucune loi ne défend au courtier de prêter de l'argent à ses clients. Il pourrait leur avancer les fonds au moment de l'achat, pourquoi ne pourrait-il pas s'engager à prèter les fonds au moment du payement?

Vainement exciperait-on de ce que l'article 85 lui défend de payer et de recevoir pour le compte de ses commettants. Cette prohibition ne s'étend pas aux prèts personnels qu'il pourrait consentir à ceux-ci. C'est ce que la jurisprudence a admis à toutes les époques .

Ainsi, garantir la solvabilité de l'acheteur, ce n'est pas violer la prohibition de l'article 86. Admettre le contraire, serait consacrer que le législateur a parlé d'une manière; agi de l'autre.

Paris, 9 juin et 14 nov. 1856; D. P., 1856, 2, 127; J. D. P., t. I, 1857, p. 237.

Le courtier garantissant la solvabilité conserve son caractère de neutralité, il ne trompe ni l'une ni l'autre des parties, ni toutes deux. Il ne trahit ni la confiance publique ni celle du commerce; il n'est, pour aucune des parties, ni un rival ni un concurrent. Il ne réunit donc aucune des conditions par la crainte desquelles on lui a interdit le commerce.

Tout ce qui peut résulter de l'acte que nous examinons, c'est que le courtier sera d'une extrême circonspection dans le choix de ses clients acheteurs, c'est qu'il ne s'entremettra que pour des gens actuellement solvables, ce qui sera un avantage signalé pour le vendeur.

A cet avantage s'en joindra un autre dans l'intérêt du commerce en général, du petit commerçant en particulier. On sait toutes les peines qu'éprouvent quelquefois ces derniers pour se procurer un crédit qui finit souvent par les faire arriver à un si haut degré de prospérité. Or, ce résultat sera atteint par l'obligation éventuelle du courtier, et il le sera sans préjudice pour le vendeur que cette obligation éventuelle garantit suffisamment. Ainsi absence complète de tous inconvénients d'un côté, avantage immense de l'autre; conclusion logique : il n'est pas possible que la loi ait entendu prohiber un pareil état de choses.

Remarquons cependant que la garantie de la solvabilité peut n'être qu'une simulation. Ainsi le courtier pourrait, à l'aide de ce prétexte, faire réellement le commerce pour son propre compte, sous le couvert d'une personne interposée. Mais cette simulation est impossible lorsque la garantie de la solvabilité s'applique à une généralité d'acheteur; la découverte de l'interposition de personnes et sa preuve feraient condamner le courtier, non pas pour avoir garanti la solvabilité de l'acheteur, mais pour avoir réalisé lui-même indirectement ce que la loi lui interdit de faire directement.

716. Quel est le caractère de la violation des articles 83 et 86 du Code de commerce? L'acte du courtier constitue-t-il une infraction disciplinaire? Est-il un délit spécial? C'est surtout au point de vue de la prescription que la solution de cette difficulté est utile.

Dans une affaire portée à la chambre du conseil de Toulon, on a prétendu que l'acte du courtier était surtout une infraction disciplinaire passible même des peines de l'article 87; qu'en conséquence sa découverte autorisait les poursuites, quelle que fût l'époque à laquelle l'acte remonterait.

Cette doctrine nous parait inadmissible. Elle

est en contradiction avec les termes de l'article 87 lui-même.

La discipline, dit le Dictionnaire général de Dalloz, est un pouvoir de police intérieure et de surveillance, établi pour maintenir dans les corps ou compagnies l'exacte observation des devoirs que leur imposent les lois de leur institution. Il y aura donc fait purement disciplinaire toutes les fois qu'il y aura eu infraction à cette police intérieure, et lorsqu'il s'agira d'une atteinte portée à la dignité du corps ou de la compagnie.

Mais le fait disciplinaire peut revêtir des proportions plus amples. il peut blesser les droits des tiers ou violer des prescriptions d'ordre public. Dans ce cas, l'action disciplinaire qui, d'après Dalloz, s'exerce souvent sur des faits non définis à l'avance, mais dont l'appréciation est laissée à un pouvoir discrétionnaire, est indépendante de l'action publique et de celle de la partie lésée.

:

Ainsi le même fait peut donner naissance à trois actions l'action disciplinaire, l'action du ministère public, l'action civile, en réparation du dommage. Chacune de ces actions a une juridiction qui lui est propre. En général, l'action purement disciplinaire, surtout en ce qui concerne les officiers ministériels ou publics, est déférée aux tribunaux civils.

Or, l'article 87 confie la répression des actes indiqués par les deux articles précédents aux tribunaux correctionnels. Cette première dérogation au droit commun, en matière disciplinaire, établit déjà qu'il s'agit d'autre chose que d'un fait purement disciplinaire.

Ce qui le prouve mieux encore, c'est la pénalité. La destitution est le dernier échelon des mesures disciplinaires lorsqu'elle est prononcée par le pouvoir ordinairement investi. Ici elle n'est plus qu'une peine, puisqu'elle est à ce titre prononcée par les tribunaux correctionnels. De plus l'amende que Pardessus appelle à juste titre correctionnelle 1, et qui doit être simultanément prononcée, achève de fixer le véritable caractère de l'acte que la compétence de la justice correctionnelle ferait à elle seule supposer.

Ainsi la violation des articles 85 et 86 constitue un véritable délit ; c'est ce qu'enseigne notamment Mollot. en parlant des actions pénales pour usurpation ou contravention.

« Les unes sont dirigées, dans l'intérêt des agents de change, contre ceux qui s'immiscent dans leurs fonctions: les autres le sont contre

1 T.. Jer, no 74.

les agents de change eux-mêmes pour violation des lois et règlements; toutes sont portées devant le tribunal correctionnel, parce qu'elles ont pour objet la répression d'un délit 2. »

La fait ainsi qualifié, il en résulte qu'aux termes de l'article 637 du code d'instruction criminelle, la poursuite du ministère public se prescrit par trois ans. L'action ultérieurement intentée devrait donc être déclarée irrecevable.

717. L'article 42 du Code de commerce prescrit la publication des actes de société. L'absence de cette formalité est considérée comme une fraude dont les résultats different selon qu'il s'agit des associés entre eux, des créanciers sociaux ou des créanciers particuliers de chaque associé.

718.

Par rapport aux associés, l'absence de publication annule la société. Cette nullité peut être demandée à toutes les époques, mais ses effets ne concernent que l'avenir, les affaires traitées jusque-là sont liquidées, et la répartition des bénéfices ou pertes opérée dans les proportions indiquées par le pacte social, lient les associés jusqu'au moment où la nullité est acquise.

719. Par rapport aux créanciers sociaux, le défaut de publication ne saurait leur être opposé. La raison en est simple, la loi ne pouvait rendre les tiers responsables pour n'avoir pas fait ce qu'ils ont été dans l'impuissance de faire. L'omission. justement reprochable aux parties signataires de l'acte, ne saurait, dans aucun cas, atteindre ceux qui, demeurés étrangers à cet acte, restaient nécessairement étrangers aux formalités qui devaient le suivre.

Cette position des tiers amène à cette conséquence: que les stipulations de l'acte non publié ne peuvent leur être opposées. Ainsi, la solidarité étant de droit commun entre associés en nom collectif, chaque associé serait tenu sur tous ses biens de l'intégralité de la dette, quelles que fussent les dérogations renfermées au pacte social. En effet, les associés peuvent stipuler des dérogations au droit commun, mais la loi ne consacre ces stipulations que lorsque les tiers ont été mis en demeure de les connaître par la publicité qu'elles reçoivent de l'accomplissement des formalités prescrites par l'article 42 du Code de commerce; à défaut de cet accomplissement, ces dérogations ne sont plus considérées que comme une fraude contre les tiers et absolument nulles par rapport à eux.

Une seconde conséquence du défaut de publicité, c'est de conférer aux tiers le droit de prou

2 Des Bourses de commerce, chap. IV, titre IX, no 459.

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