Page images
PDF
EPUB

ver, même par témoins, l'existence de la société avec laquelle ils ont traité. L'exigence d'une preuve écrite ne concerne que les associés, car seuls ils sont dans le cas de se la procurer. Dès l'instant qu'une société s'annonce au public par des actes formels, par l'emploi d'une raison sociale, les tiers ne sont pas même obligés d'en demander la preuve ou de s'informer si elle a été ou non régulièrement établie. Ils agiraient sans doute beaucoup plus prudemment s'ils prenaient ces informations, qui ne sont pas, d'ailleurs, toujours faciles. Mais le seul danger auquel ils s'exposent en ne les prenant pas, c'est la chance de ne pas prouver la société. Les déclarer non recevables à faire cette preuve, ce serait porter une atteinte grave à la bonne foi et à la confiance, sans lesquelles il n'y a pas de commerce possible; donner une prime à la cupidité et à la fraude, puisque les associés pourraient, en celant leur acte social, se soustraire à leurs engagements. Une pareille immoralité ne pouvait trouver place dans la loi.

Ainsi, la position des créanciers vis-à-vis des associés est aussi nette que possible. Il suffit que la société ait existé de fait, pour qu'ils soient en droit d'en revendiquer contre ces derniers les effets tels qu'ils résultent du droit commun. Ils peuvent, de plus, en cas de dénégation de l'existence de la société, la prouver par témoins et, dès lors, par des présomptions graves, précises et concordantes.

720. — Mais il n'en est pas de même des créanciers sociaux à l'endroit des créanciers particuliers de chaque associé. On sait que l'actif social est affecté par privilége aux premiers et que les seconds ne sont payés qu'en cas d'excédant et seulement sur la part et portion de leur débiteur. Celui-là donc qui, débiteur actuel, contracte une société, en nom collectif surtout, enlève à ses créanciers le gage de leur créance, qu'il affecte par privilége à ceux qui traiteront plus tard avec la société.

Un pareil résultat serait une monstruosité s'il pouvait être atteint sans que ceux qu'il tend à dépouiller eussent été mis à même de l'empêcher. Or, cette mise en demeure ne peut résulter que de la publication de la société. Ainsi avertis du danger qui les menace, les créanciers personnels des associés futurs pourront faire procéder à la liquidation et prendre toutes les mesures qu'ils croiront nécessaires à la conservation de leurs droits.

Conséquemment, si l'acte de société n'a reçu aucune publicité, si aucune des formalités voulues par la loi n'a été remplie, la société est nulle

comme étant faite en fraude des créanciers, et l'effet de cette nullité est de laisser intacts les droits que la société avait pour but de détruire.

Cela n'a jamais été douteux des créanciers personnels aux associés. Le défaut de publication, imputable à chacun de ces associés, les rend non recevables à en repousser les conséquences. Mais on s'est fait plus de difficultés lorsque les créanciers personnels se trouvent en présence des créanciers sociaux.

On a dit, dans l'intérêt de ceux-ci, que là nullité ne produit pas d'effet rétroactif, qu'elle n'efface pas le passé pendant lequel ont pu être faits des actes de bonne foi; que la disposition de l'article 42 du Code de commerce a été dictée par cette considération que la foi publique ne pouvait point être trompée et qu'on ne pouvait point enlever aux tiers, qui s'étaient confiés en l'apparence, les garanties qu'ils avaient espérées; qu'admettre que si le défaut de publicité ne peut être opposé par les associés, il le peut être par leurs créanciers personnels, c'est retirer d'une main ce qu'on a donné de l'autre. C'est, contre le texte même de l'article 42, faire prévaloir la forme sur le fond, l'écrit et les formalités de publication sur le contrat dont ils ne sont que l'accessoire.

Sans doute entre associés la nullité n'affecte que l'avenir, surtout par cette considération que l'associé, en ne réclamant pas, a légalement consenti à tout ce qui s'est fait. Conséquemment, et lorsque plus tard il change d'avis et poursuit la nullité, ce changement ne prouve pas qu'il n'ait pas volontairement accepté le passé. Tout ce qui s'en induit, c'est qu'il ne consent plus pour l'avenir; il est donc rationnel de ne pas confondre ce passé et cet avenir; de laisser le premier produire tous ses effets sous l'empire de ce consentement dont l'existence tacite est au moins incontestable.

Il y a donc eu, dans cette hypothèse, une société de fait, dont la liquidation profite ou nuit à toutes les parties intéressées, surtout à celles qui ont toléré et encouragé ce qu'elles pouvaient empêcher.

Or, tel n'est pas incontestablement la position des créanciers personnels de l'associé; étrangers à l'acte de société, ils n'ont pu s'opposer à ce qu'il fut consenti, ni surtout veiller à leurs intérêts. Ils sont légalement présumés en ignorer l'existence, ils ne peuvent être tenus de l'attaquer qu'à l'instant où, en le leur opposant, on prétend en profiter à leur détriment. Mais quelle serait l'importance de ce droit qu'on ne leur conteste pas, si la nullité, qu'ils ont la faculté de

demander, laissait le passé en dehors de toute atteinte, c'est-à-dire consommait la spoliation!

Par la force des choses mèmes, la nullité que le créancier personnel fait prononcer remonte donc à l'origine de l'acte de société. Ce n'est que de cette manière que son action aura pour lui des effets utiles. Si le passé était maintenu, si le privilége des créanciers sociaux demeurait acquis par le fait de l'association, on arriverait à ce résultat que l'action du créancier, ne pouvant être exercée qu'après la société, s'ouvrirait juste au moment où le mal, qu'elle a pour objet d'empêcher, serait consommé.

D'ailleurs entre les créanciers sociaux et les créanciers personnels, qui sont les uns et les autres de véritables tiers, il n'y a pas à hésiter. Les premiers ont pu vérifier la condition légale de leur débiteur, et s'ils s'en sont fiés à l'apparence, ils ont imprudemment agi. Que cette imprudence ne soit jamais un titre pour les associés, on le comprend, mais les tiers ont le droit de s'en prévaloir. Les seconds, au contraire, sont au-dessus de tout reproche; ils ne pouvaient en effet ni prévoir, ni empêcher que leur débiteur contractat une société. Il est donc juste que, par rapport à eux, cette société devant les dépouiller soit revêtue de toutes les formes prescrites par la loi. En effet, la publicité donnée à celle-ci eùt suffi pour éveiller leur attention et les mettre à même de parer à la spoliation les menaçant. Consommer cette spoliation, lorsqu'ils n'ont pas même été avertis, ce serait consacrer une iniquité et encourager la fraude.

Nul doute en effet qu'une société clandestine ne doive être considérée comme faite en fraude des créanciers personnels des associés. Le droit de ces créanciers à la faire annuler se puise donc dans l'article 1167. Il n'est donc pas exact de dire que, consacrer ce droit, c'est retirer d'une main ce qu'on a donné de l'autre; dans son exercice, les créanciers n'étant nullement les ayants cause de leur débiteur.

L'évidente justice de la solution que nous indiquons a été consacrée par la doctrine et la jurisprudence 1. Elle est aujourd'hui hors de

toute contestation.

721. - De nombreux exemples de fraude présumée nous sont offerts par la loi sur les faillites. Événement capital dans la vie commerciale, la faillite place le négociant dans une position exceptionnelle, et l'expose à toutes les exigences soit de son propre intérêt, soit de celui

4 Merlin, Quest. de droit, vo Société, § 2; Troplong, art. 1862, nos 857 et suiv.; Delangle, sur l'art. 42, no 547 ;

de certains créanciers désireux de se soustraire au naufrage.

Cette position appelait l'intervention énergique. de la loi. Il importait dans tous les cas d'assurer la dépossession entière du failli, l'égalité absolue entre les créanciers. Tout acte, tendant à éluder l'une ou l'autre, constitue donc une fraude punissable tantôt par la voie correctionnelle ou criminelle, tantôt par la juridiction civile seulement.

Nous n'avons pas à nous occuper de la banqueroute, nous nous bornerons donc à dire quelques mots de la fraude purement civile.

C'est surtout aux approches de la faillite que cette fraude surgit. Les actes faits depuis la cessation des payements ou dans un temps voisin en fourniront quelquefois de nombreux exemples.

722. D'après notre Code de commerce ancien, le désinvestissement du failli remontant de plein droit au jour de la cessation des payements, tous les actes faits depuis cette cessation ou dans les dix jours qui l'avaient précédée étaient présumés frauduleux. Mais cette présomption n'allait pas jusqu'à exclure la preuve contraire. La loi de 1838 a déserté ce système. Le désinvestissement du failli ne date plus que du jour du jugement déclaratif; jusque-là donc le failli a joui de tous ses droits, pu exercer ses actions et continué légalement l'administration de ses affaires. Mais cette capacité n'est respectée qu'autant que ses effets auront tourné à l'intérêt général des ayants droit ; qu'autant surtout que le failli n'en aura pas abusé, soit dans son intérêt ou celui de ses proches, soit en faveur de quelques créanciers, au détriment de la masse.

De là une première distinction. Les actes faits par le failli seront antérieurs ou postérieurs au jugement déclaratif. Ces derniers sont de plein droit présumés frauduleux et comme tels annulés, quelle que soit la bonne foi de ceux qui ont contracté avec lui.

723. — On distingue ensuite, pour les actes antérieurs, ceux qui ont précédé de plus de dix jours la cessation réelle des payements, de ceux qui ont été faits depuis ou dans les dix jours. Les premiers sont présumés sérieux et sincères, ils doivent, en conséquence, produire tous leurs effets, sauf la faculté pour les créanciers de les attaquer comme ayant été faits en fraude de leurs droits, ce qu'ils sont tenus de prouver en la forme ordinaire.

cass., 15 fév. 1821, et autres arrêts cités par ces auteurs.

724. Les actes faits dans les dix jours de la cessation ou depuis sont présumés frauduleux. Mais l'effet de cette présomption se renferme dans les hypothèses formellement énoncées dans l'article 446 du Code de commerce.

Ainsi sont de plein droit présumés frauduleux, tous actes translatifs de propriété mobilière ou immobilière à titre gratuit ;

Tous payements, soit en espèces, soit par transport, vente, compensation ou autrement, pour dettes non échues; et, pour dettes échues, tous payements faits autrement qu'en espèces ou effets de commerce;

Toute hypothèque conventionnelle ou judiciaire, et tous droits d'antichrèse ou de nantissement sur les biens du débiteur, pour dettes antérieurement contractées.

La nature de ces actes en indique suffisamment le caractère. Elle prouve chez le failli la volonté de diminuer ou d'anéantir son actif au préjudice de la masse, tout au moins le désir de blesser l'égalité devant régner entre les créanciers; chez ceux qui ont traité avec lui, la volonté de se soustraire à un danger dont ils connaissent et apprécient l'imminence. C'est du moins ainsi que le législateur l'a admis, puisqu'il prononce la nullité absolue de tous ces actes.

Il y a également fraude présumée dans le fait du créancier qui, ayant obtenu une hypothèque valable, n'en a requis l'inscription que plus de quinze jours après la date de l'acte constitutif. Le discussion législative de l'article 448 nous apprend qu'on a voulu atteindre par sa disposition un abus contre lequel le commerce n'avait pas cessé de réclamer. Un commerçant, obligé de conférer des hypothèques sur ses biens et voulant ne subir aucune atteinte dans son crédit, obtenait que l'hypothèque ne fût pas publiée; puis la déconfiture arrivant, des inscriptions nombreuses faisaient évanouir cet actif, sur l'apparence duquel cependant le public avait traité. C'est ce calcul que le législateur a voulu détruire en n'accordant qu'un délai fort court pour réaliser l'inscription des hypothèques valablement conférées, c'est son existence qu'il présume dès que ce délai n'a pas été mis à profit.

Mais cette présomption n'exclut pas la preuve contraire. Le défaut d'inscription peut tenir à des obstacles réels, sérieux, à une force majeure que le créancier n'a pu ni prévoir ni empêcher. Dans chacune de ces hypothèses, il y aurait injustice à punir le créancier d'une faute qui n'est pas son fait. Dès lors la preuve acquise de l'une d'elles ferait fléchir la rigueur de la loi. C'est dans ce sens que l'article 448 se borne à dire que

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

La preuve orale est admissible lorsque la fraude déguise une convention illicite.

766. Exemples fournis par la jurisprudence. 767. L'admissibilité de la preuve par témoins rend admissible la preuve par présomptions.

768. Définition des présomptions.- Conséquences. 769. Existe-t-il, en matière de simulation, des faits devant plus particulièrement en déceler l'existence?,

725. Hors les cas exceptionnels que nous venons de parcourir, la fraude n'est jamais présumée. Son existence doit être prouvée par celui qui l'allègue.

La preuve littérale est certainement la plus efficace, la plus décisive de toutes les preuves. Mais, il faut bien le reconnaitre, elle n'existera que dans des cas exceptionnels et fort rares. Telle n'est pas, en effet, l'allure habituelle de la fraude; elle se garde bien de laisser après elle des traces rendant sa découverte évidente et sa répression certaine.

[blocks in formation]

mier renferme la prohibition formelle de la preuve orale lorsqu'il s'agit d'un intérêt supérieur à 150 francs. Nous avons déjà donné l'historique de cette disposition; nous n'avons donc, quant à ce, qu'à nous en référer à nos précédentes observations 1.

727. — Mais cette prohibition reçoit exception, notamment lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit ou lorsque le poursuivant a été dans l'impossibilité de se procurer une preuve écrite. 728. Dans cette dernière catégorie se placent naturellement ceux qui se prétendent victimes d'une fraude accomplie contre eux sans leur participation et sans leur concours. Une fraude de ce genre est un véritable dol. La preuve testimoniale, toujours admissible pour celui-ci, le sera également pour celle-là, que nous avons déjà dit s'appeler fraude de re ad rem 2. Il est, en effet, évident que celui qui n'a connu la fraude que par le préjudice qu'il en éprouve, a été dans l'impossibilité de s'en procurer une preuve écrite, et se place conséquemment dans l'exception consacrée par l'article 1348.

729. Il n'en est pas de même de la fraude de persona ad personam, c'est-à-dire de la simulation concertée entre les parties à l'effet de nuire et de préjudicier aux droits des tiers. Ici il faut distinguer entre ces tiers et les parties elles-mêmes.

L'article 1167 tranche la question à l'égard des premiers en les autorisant à attaquer directement l'acte frauduleux. La conséquence de cette action directe est l'admissibilité de la preuve testimoniale, sans laquelle cette action ne saurait aboutir, ce qui serait absurde. En effet, qui veut la fin veut les moyens; refuser ceux-ci serait d'autant plus injuste dans la circonstance, qu'étrangers à l'acte, les tiers exposés à le subir ne pouvaient même le prévoir; qu'on ne saurait donc équitablement leur reprocher l'absence d'une preuve écrite qu'ils n'ont jamais été dans le cas de se procurer.

Mais telle n'est pas évidemment la position des contractants. Leur présence forcée à l'acte, leur concert frauduleux les a mis à même de se procurer la preuve écrite du véritable caractère de leurs accords. Sans doute l'intention d'assurer le succès de la fraude est exclusive de l'idée d'insérer dans l'acte la constatation de cette fraude; mais ce qui ne pouvait s'accomplir de cette manière, pouvait l'être par une

2 Vid. suprà, no 642.

15

contre-lettre séparée et distincte. Ce devoir, imposé par la loi, était conseillé par la prudence. La partie qui a négligé de le remplir a d'autant plus de tort, qu'il lui était facile de prévoir que celui qui ne recule pas devant l'indélicatesse de s'associer à une fraude contre un tiers, pourrait être assez déloyal pour tenter de s'en appliquer personnellement le bénéfice.

Donc, le complice de la fraude ne pourra invoquer la preuve testimoniale non-seulement contre les tiers, mais encore contre son complice. Sa prétention, à cet égard, serait invinciblement repoussée en force de la maxime nemo auditur, etc... Mais, comme nous l'avons déjà dit, cette solution n'est rationnellement admissible que dans l'hypothèse où le porteur du titre, se retranchant derrière sa teneur, en soutient la complète sincérité. Si, désertant ses énonciations, il est obligé de puiser les preuves de la réalité de l'obligation ailleurs que dans le titre même, le demandeur devrait être admis à discuter ces preuves et à les détruire même par la preuve orale. L'aveu de l'insuffisance du titre, rendant la simulation vraisemblable, serait justement invoqué comme un commencement de preuve par écrit, constituant, aux termes de l'article 1347, une exception à la prohibition de la preuve testimoniale.

730. De tout temps, en effet, le commencement de preuve a produit ce résultat. C'est ce qu'avaient formellement reconnu les ordonnances de 1566 et 1667. Il est vrai que la première ne désignait pas nommément le commencement de preuve, mais, à défaut du nom, elle renfermait évidemment la chose dans cette disposition: N'entendant exclure les preuves des conventions particulières et autres qui seraient faites par les parties sous leurs seings, sceaux el écritures privées.

731. Aucune de ces ordonnances n'avait toutefois défini le commencement de preuve. La doctrine, suppléant à ce silence, le faisait résulter de tout acte ou écrit, d'où il ressort quelque preuve, quoique non suffisante: Ex qua nonnulla probatio elici potest 2. L'appréciation de l'un et de l'autre, de leurs caractères, de leurs conséquences, était souverainement laissée à l'arbitrage des juges 3.

Le Code civil a comblé la lacune de la législation précédente. L'article 1547, en déclarant le commencement de preuve exception à la prohibition de la preuve testimoniale, le définit : Tout

1 Sup., no 251.

2 Boiceau, l. 2, chap. Ier, nos 3 et 4; Jousse, sur l'arti

écrit émané de la partie à qui on l'oppose ou de celui qu'elle représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué. L'appréciation des tribunaux se trouve donc circonscrite aujourd'hui dans ces limites, en ce sens qu'après avoir déclaré que l'écrit émane de la partie ou de son auteur, qu'il rend le reproche vraisemblable, ils ne pourraient le récuser comme commencement de preuve.

732. Mais l'article 1547 ne défend pas d'admettre tout autre document, c'est-à-dire que la règle qu'il pose est susceptible de reccvoir des exceptions. Ces exceptions sont consacrées les unes par la loi, les autres par la jurisprudence.

733. La première exception légale concerne les registres et livres des marchands. En règle ordinaire, ces livres ne peuvent faire foi contre les tiers; était-il juste cependant de leur refuser toute autorité, même celle de créer un commencement de preuve.

En présence des termes formels de l'article 1347, cette question n'en était pas une. Évidemment les livres du marchand ne sont pas émanés de la partie à qui ce marchand les oppose. Ils manquent donc d'une des conditions essentielles exigées par notre article.

Mais le commerce vit de crédit, et il n'est pas dans ses usages, surtout pour les ventes à la consommation, d'exiger une reconnaissance écrite, dont la souscription d'ailleurs serait dans bien des cas impossible, tous les consommateurs ne sachant pas lire ou écrire. La fortune du marchand serait donc à la merci de ses pratiques. s'il suffisait d'une dénégation pour être à tout jamais libéré.

Ce résultat inique avait touché notre ancien droit et l'avait déterminé à se relâcher de la rigueur du principe suivant lequel nul ne peut se créer un titre à soi-même. En conséquence, adoptant la règle tracée par la loi 6, Code, de probatione, à l'endroit des registres domestiques, nos anciens jurisconsultes, et notamment l'illustre Dumoulin, admettaient que les livres des marchands ne pouvaient suffire seuls pour faire condamner les tiers, mais qu'appuyés par d'autres présomptions, ils devaient être considérés comme un commencement de preuve, autorisant le juge à déférer le serment supplé

toire.

734. Cette doctrine, recommandable sous tous les rapports, a été consacrée par le Code.

cle 5, tit. XX; ord. de 4667.

3 Cass., 9 février 1801, 16 août 1851.

« PreviousContinue »