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La faculté de déférer le serment supplétoire est formellement inscrite dans l'article 1529. Or, aux termes de l'article 1567, cette faculté n'existe qu'aux conditions suivantes: 1o que la demande ne soit pas pleinement justifiée; 2° qu'elle ne soit pas entièrement dénuée de preuve. De la combinaison de ces deux articles il résulte qu'à son tour la législation qui nous régit n'admet pas que les livres soient considérés comme un titre suffisant et légitime : Solas sufficere non posse. Mais elle voit dans leur existence une présomption assez grave pour faire naître le doute, créer une vraisemblance qu'il convient de creuser, et rendre admissible la preuve testimoniale. Notons bien, en effet, que le serment supplétoire ne peut être ordonné que dans les cas où la preuve testimoniale est recevable 1. Dire qu'on peut déférer celui-ci, c'est par cela même déclarer qu'on peut recourir à celle-là. Autrement il serait vrai que, pouvant le plus, le juge ne pourrait pas le moins.

Donc les livres des marchands peuvent créer en leur faveur un commencement de preuve, à condition toutefois, comme le disait Dumoulin, que d'autres présomptions viendront en corroborer l'autorité. Ces autres présomptions exigées par Dumoulin étaient en première ligne : la moralité du marchand et la régularité de ses livres ; ensuite la modicité de la somme, la vraisemblance de la fourniture, sa proportionnalité avec la fortune et la dépense accoutumée du débiteur, l'habitude de celui-ci de prendre à crédit, etc... Ce sont là en effet autant d'éléments qu'on ne pourrait refuser d'apprécier.

Notons cependant que déférer le serment sup. plétoire ou ordonner une preuve orale n'est jamais pour le juge qu'une pure faculté, dont il peut user ou non, suivant qu'il le juge utile ou convenable. Conséquemment le refus, qu'il en ferait dans telle ou telle circonstance, pourrait bien être réformé comme un mal jugé par la juridiction du second degré, mais il ne saurait dans aucun cas constituer une violation de la loi susceptible d'être censurée par la cour de cassation.

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qui l'ont été en présence des parties, et de leur consentement réciproque, font foi entière de leur contenu.

Celles tirées sans l'autorité du magistrat, ou sans le consentement des parties, sur la minute de l'acte par le notaire qui l'a reçu ou par un de ses successeurs, ou par officiers publics dépositaires des minutes, peuvent faire foi quand elles sont anciennes, c'est-à-dire quand leur délivrance remonte au delà de trente ans.

Si elles ont moins de trente ans, elles ne peuvent servir que de commencement de preuve par écrit.

Enfin les copies tirées, sur la minute de l'acte, par tous autres que le notaire, ses successeurs, ou l'officier public dépositaire de la minute, ne pourront servir, quelle que soit leur ancienneté, que de commencement de preuve par écrit.

D'autre part, l'article 1556 dispose que la transcription d'un acte sur les registres publics ne pourra servir que comme un commencement de preuve par écrit, pourvu cependant qu'elle réunisse les conditions exigées.

En réalité, l'acte public procède plutôt de son rédacteur que de la partie elle-même. Cependant l'acte, portant la signature de celle-ci ou la mention qu'elle n'a pu ou su signer, fait pleine foi en sa faveur ou contre elle; or une copie rendant l'existence de l'acte probable, malgré qu'on ne puisse plus le représenter, il n'était pas juste de s'arrêter à l'imperfection de cette copie, et de repousser toute investigation ultérieure. Le législateur a donc justement agi en refusant à la copie toute l'autorité que le titre offrirait, mais en lui faisant toutefois produire l'effet d'un commencement de preuve.

Dans leur exécution, les prescriptions des articles 1555 et 1356 présentent les mêmes caractères que celles de l'article 1329. Ainsi, en ce qui le concerne, l'indépendance du juge reste entière et il peut toujours. si la vraisemblance créée par la copie lui paraît dès maintenant détruite par des vraisemblances contraires, refuser de prolonger un litige pouvant immédiatement recevoir une solution définitive.

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nies à l'audience; 4o du refus de comparaitre et de l'obscurité calculée des réponses.

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c'est que ces explications, purement verbales, pourraient être facilement déniées soit à une

1° Interrogatoire sur faits et arti- audience subséquente, soit devant le degré su

En la forme, l'interrogatoire est un acte public et authentique. Il est reçu par un magistrat, signé par la partie ou mentionnant qu'elle n'a su, n'a pu ou n'a pas voulu signer. Il est donc à l'instar d'un acte notarié et il doit conséquemment faire foi de ce qu'il contient. On n'hésiterait certes pas à le reconnaître si l'interrogé convenait formellement du reproche allégué par son adversaire; pourquoi en serait-il autrement si, tout en le contestant, le premier laisse échapper des déclarations rendant ce reproche vraisemblable? La seule différence possible, c'est que, dans le premier cas, il y aurait lieu à condamnation, et que, dans le second, cette condamnation sera subordonnée à la preuve que la vraisemblance du reproche fera admettre.

C'est au reste dans ce sens que la doctrine et la jurisprudence paraissent se fixer. La controverse qui s'était d'abord prononcée s'efface et disparaît devant la doctrine définitivement admise par la cour de cassation.

738. 2o Aveu de la partie.

Si l'interrogatoire sur faits et articles, si les déclarations faites à l'audience prennent le caractère d'un commencement de preuve par écrit, c'est en force des aveux qui y sont constatés. Dès lors on ne saurait refuser à l'aveu émané spontanément de la partie l'effet attribué à l'aveu provoqué par une de ces mesures.

:

Conséquemment, de quelque manière que l'aveu se produise, il y aura lieu savoir à condamnation, s'il porte sur le fond même du droit; à la recevabilité de la preuve testimoniale, si, portant sur des circonstances accessoires, il rend vraisemblable le fait allégué.

Il n'est pas même nécessaire que l'aveu se soit produit dans l'instance engagée. On pourrait, dans l'un de ces objets, invoquer utilement celui que le défendeur actuel aurait fait dans une instance précédente 1.

739.3o Déclarations contradictoirement fournies à l'audience.

Ces déclarations constituent de véritables aveux. Comme tels, elles doivent être considérées comme constituant le commencement de preuve, si elles rendent vraisemblable le reproche allégué 2. Mais ce qu'il importe de retenir,

4 Cass., 27 avril 1840; D. P., 40, 1, 212.

2 Cass., 10 juillet 1858; D. P., 58, 1, 348.

5 Montpellier, 5 juin 1859; D. P., 40, 2, 66.

périeur de juridiction; conséquemment la partie intéressée à les invoquer plus tard doit les faire constater en requérant immédiatement acte des termes dans lesquels elles se sont produites. L'absence de cette formalité ne permettrait pas au tribunal qui les a reçues de les admettre comme commencement de preuve ; dans tous les cas, l'autorité supérieure ne pourrait les accepter comme telles, alors même que les qualités du jugement, non frappées d'opposition, les mentionneraient par demandes et par réponses 3.

740. Une observation commune à tous les genres d'aveux, de quelque manière qu'ils se soient produits, c'est que, dans la recherche de la vraisemblance devant autoriser l'admissibilité de la preuve orale, l'appréciation du juge n'obéit à aucune loi, ne reconnaît aucune limite. De là il suit qu'on ne saurait l'astreindre à obéir à l'indivisibilité que la loi a, dans les cas ordinaires, imprimée à l'aveu 4. Il suffit, en effet, que sa conscience trouve dans l'aveu la probabilité voulue par la loi, pour qu'il ait la faculté, disons mieux, le devoir d'en déclarer l'existence et d'en déduire les effets.

741. La divisibilité de l'aveu est donc livrée à la prudence du juge. Mais cette règle reçoit une exception formelle lorsqu'il s'agit de l'existence d'un dépôt excédant 150 francs et dont il n'existe aucune preuve écrite. Les motifs de cette exception se puisent dans cette considération qu'en cette matière, la loi ne se borne pas à s'en référer au principe général de l'indivisibilité de l'aveu; l'article 1924 en spécialise de plus les effets en déclarant que dans ce cas le dépositaire doit en être cru soit sur le fait du dépôt, soit sur la chose qui en fait l'objet, soit sur le fait de la restitution. Dès lors isoler le fait du dépôt des déclarations relatives à sa quotité ou à la restitution, et puiser dans l'aveu ainsi isolé un commencement de preuve pour arriver à permettre la preuve par témoins soit de son importance, soit du défaut de restitution, c'est violer ouvertement les prescriptions de l'article 1924.

Il y a plus, l'aveu de n'avoir reçu que tels objets ne rend nullement vraisemblable le fait allégué que le dépôt comprendrait des objets plus considérables. La cour de Bordeaux, dans

Cass., 6 avril 1856; 2 juin 1837; 19 juin 1839; 18 mai 1840; Toulouse, 16 janvier 1841; J. D. P., 1840, t. Jer, p. 500; t. II, p. 594; 1841, t. 1, p. 441.

une espèce où il s'agissait d'un dépôt de titres, faisait, avec raison, remarquer qu'il était peu logique de conclure qu'un officier ministériel avait reçu dix-sept titres de créance, parce qu'il avouait de bonne foi en avoir reçu cinq. Une pareille argumentation, dit l'arrêt, pourrait avoir des conséquences effrayantes.

La cour réforma donc le jugement qui avait admis le contraire, et son arrèt, déféré à la cour de cassation, fut maintenu par décision du 6 novembre 1838 1.

Déjà la cour régulatrice s'était prononcée pour l'indivisibilité par arrêt du 26 septembre 1823. On peut donc considérer, comme un principe désormais acquis, que l'aveu du dépôt excédant 150 francs ne peut être isolé et fonder un commencement de preuve autorisant la preuve orale de la fausseté de la déclaration soit sur la quotité des objets déposés, soit sur le fait de la restitution.

-

742. 4o Refus de comparaître, refus de répondre, obscurité volontaire des réponses. Les ordres de la justice doivent être respectés et obéis. Celui qui prétend ne faire ni l'un ni l'autre mérite toute la sévérité des tribunaux.

L'article 330 du Code de procédure édicte la peine applicable en pareil cas. Le refus de comparaître ou celui de répondre peut non-seulement être un commencement de preuve, mais encore faire accepter les faits comme avérés et motiver une condamnation immédiate. La cour de Montpellier a fait de ce principe une application sévère en décidant que, sur l'appel du jugement tenant les faits pour avérés, le second degré de juridiction n'est pas tenu d'obtempérer à l'offre que fait l'appelant de subir l'interrogatoire qu'il a refusé de subir en première instance, et qu'il peut confirmer purement et simplement le jugement 2.

Ce que l'article 330 dit du refus d'exécution du jugement ordonnant l'interrogatoire s'applique au refus de comparaître à l'audience. Les motifs étant les mêmes, la solution doit être semblable.

Enfin, l'exécution voulue par la loi doit être une exécution franche, loyale et sincère. En conséquence, il est admis que l'ambiguïté, que l'obscurité volontaire et calculée dans les réponses, équivaut au refus de répondre, non pas qu'on puisse tenir les faits pour avérés, mais en ce sens que les juges peuvent en faire résulter le commencement de preuve 3.

J. D. P., 1858, t. II, p. 608. 224 novembre 1818.

Il résulte de ce qui précède que, quels que soient les termes de l'article 1547, sa disposition n'a rien de restrictif. Le législateur a, sous le nom d'écrits, compris tous les actes émanés de la partie et pouvant fournir contre elle la preuve des conventions en litige. « En effet, dit Toullier, l'article 1347 ne dit pas qu'on ne pourra considérer comme un commencement de preuve par écrit l'acte qui ne serait pas émané de celui à qui on l'oppose ou de son auteur; il dit seulement que les écrits émanés de l'un ou de l'autre sont des commencements de preuve, ce qui est bien différent 4. »

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744. Nous passons maintenant aux écrits de la partie ou de son auteur. Ce qu'il faut d'abord retenir en ce qui les concerne, c'est que l'article 1347 se contente d'exiger qu'ils soient émanés de l'une ou de l'autre. Cette expression indique que le législateur ne s'est nullement préoccupé de la perfectibilité de l'acte dont on excipera. Il est même certain qu'il n'a en vue que ceux ne pouvant par eux-mêmes créer un titre régulier. Dans le cas contraire, en effet, le titre se suffisant à lui-même, il ne pouvait s'agir de la question de savoir s'il pouvait constituer ou non le commencement de preuve.

745. Il faut ensuite remarquer qu'il n'y a réellement d'écrits émanés de qui que ce soit, que lorsque l'écriture ou la signature est reconnue par celui qu'on en soutient l'auteur. En cas de dénégation, on ne saurait rien inférer tant que la vérification demandée ou ordonnée n'aurait pas détruit cette dénégation.

746. L'écrit reconnu se placera nécessairement dans une des catégories suivantes : 1o Écrits non signés par la partie ou qui n'étaient pas destinés à l'être;

2o Ecrits irréguliers comme ne remplissant pas les conditions exigées pour leur validité; 5o Écrits nuls pour incompétence du fonctionnaire qui l'a reçu ou pour vices de forme;

4o Écrits ne constituant pas un titre par eux

3 Cass., 11 janvier 1827, 19 juin 1859; D. P., 59, 1, 287. 4 T. IX, p. 103, nos 169 et suiv.

mêmes, mais rendant vraisemblable le fait allégué.

747. Dans la première catégorie, se placent les livres des marchands, les registres ou papiers domestiques de la partie ou de son auteur; les uns et les autres sont, en effet, l'œuvre de celui qui les a tenus, quand bien même un tiers les eût écrits sous leur direction, ce qui se réalise souvent pour les livres de commerce.

La vraisemblance du fait allégué, puisée dans ces documents, doit donc constituer le commencement de preuve, tel qu'il est exigé par l'article 1347 contre leur auteur ou ses représentants.

748. — Ici se présente une difficulté. L'article 1550 défend de diviser les mentions des livres qu'on invoque. Celui qui prétend en tirer avantage doit les accepter dans leur entier, sans pouvoir répudier ce qu'ils ont de contraire à sa prétention. Par une parité de raisons incontestables, on doit admettre la même doctrine à l'endroit des registres et papiers domestiques. Cette indivisibilité devra-t-elle s'entendre d'une manière tellement absolue, qu'elle ne permet pas, en cas d'allégations contradictoires, de tirer des uns et des autres un commencement de preuve par écrit ?

Nous venons de voir la cour de cassation proclamer la divisibilité de l'aveu, malgré le texte formel de l'article 1356. Or, l'article 1350 ne fait que répéter pour les livres la règle que l'article 1536 appliquera plus tard à l'aveu. Dès lors, si celui-ci est inapplicable, lorsqu'il s'agit de la recherche d'un commencement de preuve, quel motif aurait-on de décider le contraire pour celui-là?

Nous admettons donc, à l'égard des livres, la distinction que la cour de cassation fait en matière d'aveu. Lorsque le demandeur sera dans l'impuissance de justifier sa prétention par une preuve quelconque, qu'il n'aura recours qu'aux livres seuls de son adversaire, il sera obligé de les accepter dans son ensemble. Si ces livres, mentionnant l'obligation, en mentionnent également l'extinction, sa demande sera repoussée. D'abord, parce que, tenu de la justifier, il n'a pas suffisamment rempli son devoir dès qu'il ne peut offrir à la justice qu'un document qui se contredit et qui laisse au moins la vérité dans le plus grand doute; ensuite, qu'en demandant foi et créance pour les livres, en ce qui concerne les allégations qui lui sont avantageuses, il leur confère une autorité morale rejaillissant sur l'ensemble et qui doit nécessairement empêcher le juge de se prononcer pour les unes plutôt que pour les autres.

Mais lorsque, armé d'une preuve décisive, le demandeur ne s'en réfère aux livres que pour y puiser la vraisemblance rendant sa preuve admissible, c'est nécessairement à d'autres idées qu'il faut recourir. Alors, en effet, il ne faut qu'un écrit émané de la partie, et le livre invoqué offre évidemment ce caractère. Alors, le juge n'a plus à prendre un parti définitif, il a seulement à rechercher le plus ou moins de vraisemblance des deux allégations. Or, la loi ne traçant à cette recherche aucun mode obligatoire, ne lui imposant aucun élément, le juge est parfaitement libre de se créer une conviction dont il ne doit même aucun compte. Comment, au surplus, oublierait-il que l'obligation est convenue par le débiteur lui-même, tandis que son extinction, contestée par le créancier, ne résulte que d'un fait personnel au débiteur et que le premier n'a jamais pu empècher.

La preuve testimoniale peut donc être ordonnée à l'effet de dissiper le doute que les livres font naître. Mais si cette preuve n'a rien de décisif, si le vague des dépositions vient replacer le juge en présence des énonciations contradictoires des livres, le principe de leur indivisibilité reprendra son empire et la demande sera repoussée.

749.- La seconde catégorie comprend essentiellement des titres faits contrairement aux dispositions des articles 1525 et 1326, c'est-à-dire l'acte non fait ou ne mentionnant pas qu'il a été fait en autant d'originaux qu'il y a d'intérêts distincts, et l'acte non écrit de la main du débiteur, ou dont la signature n'est pas précédéc d'un bon ou approuvé écrit par lui.

750. — L'ancienne jurisprudence était fort sévère à l'endroit des premiers. Le parlement de Paris leur refusait tout effet quelconque. Il considérait leur nullité comme tellement absolue, qu'il n'hésitait pas à la consacrer même dans le cas où l'acte avait reçu son exécution.

Cette doctrine était fortement blâmée par les jurisconsultes les plus éminents, comme confondant deux choses devant rester éternellement distinctes, à savoir ce qui est de l'essence du contrat, ce qui forme le vinculum obligationis, et ce qui est relatif à la preuve du contrat. «Dès l'instant, dit Merlin', que deux parties ont donné leur consentement, l'obligation est formée; et, soit que l'on puisse la prouver ou non, elle n'en a pas moins la vertu intrinsèque de lier les contractants. En bonne logique, le défaut de preuve d'un acte ne peut en emporter la nullité; il n'en peut résulter qu'un empèche

1 Rép., v Double écrit, no 7.

ment de fait à son exécution, et si on parvient à réparer ce défaut, à lever cet empêchement par des preuves tirées d'ailleurs, pourquoi l'acte ne serait-il pas pleinement exécuté? »

751. — C'était donc en présence des dispositions sévères de la jurisprudence et des observations graves de la doctrine que se trouvait placé le législateur du Code. L'article 1525 nous indique son choix. En effet, cet article ne déclare pas l'acte nul, il se borne à le considérer comme non valable. Or, dire qu'un acte n'est pas valable, ce n'est pas reconnaitre qu'il n'existe aucune obligation, c'est seulement proclamer que cette obligation n'est pas suffisamment prouvée. C'est ce que Toullier établit d'une manière victorieuse et sans réplique 1.

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753. Cependant, l'opinion que l'acte non fait double peut constituer un commencement de preuve n'est pas unanimement adoptée. Quelques auteurs, et parmi eux Duranton 2, soutiennent la négative. Ils ne méconnaissent nullement les considérations que nous venons d'exposer; mais, disent-ils, le Code exige l'égalité de position et de moyens de preuve dans ceux qui forment des conventions obligatoires de part et d'autre, ce qui n'existe pas évidemment pour la partie qui n'a pas eu d'acte, ou qui est censée n'en avoir pas eu, si celui qui est produit par l'autre partie ne contient pas la mention du nombre d'originaux qui ont dù être faits.

Cette opinion méconnaît ouvertement le texte et l'esprit de l'article 1525, et ajoute à sa disposition une pénalité que le législateur a formellement repoussée. Nous venons de le dire, l'article 1325 ne dit qu'une seule chose, à savoir: que le titre fait contrairement à ses prescriptions n'est pas valable, c'est-à-dire qu'il ne fait pas par lui-même pleine foi de ce, qu'il renferme. Il n'exclut donc pas la possibilité de le compléter par la preuve même testimoniale; ce qui le démontre, c'est que la nullité prononcée par l'an

1 T. VIII, nos 510 et suiv.

2 T. XIII, no 164.

cienne jurisprudence n'a pas été adoptée. C'est pourtant à cette nullité absolue et radicale qu'on arrive dans l'opinion que nous combattons.

Le reproche de blesser l'égalité voulue par la loi nous touche peu. Nul ne peut se créer un titre de sa propre faute, et celui-là commet évidemment une faute grave, qui, malgré la disposition de l'article 1325, traite sans donner à la convention synallagmatique les formes qu'elle doit recevoir. Cette faute doit d'autant plus être prise en considération, que l'omission qui la constitue peut n'être que le résultat d'un calcul frauduleux. S'il est vrai, en effet, que la partie retenant la minute unique de l'acte a pu vouloir se ménager la faculté de demander l'exécution de la convention ou de la refuser, il peut se faire aussi que l'existence de cette minute unique ou le défaut de mention du nombre des originaux ne soit, de la part de l'autre partie, qu'un moyen calculé pour se soustraire à ses engagements s'ils venaient à être trop onéreux pour elle.

Cette perspective indique qu'il n'y a de réellement équitable que le parti adopté par le législateur. De cette manière chacune des parties supporte la peine de la faute qu'elle a commise : la première, par la nécessité où elle est placée de compléter le titre et de fournir une preuve qui ne sera pas toujours possible, et sans laquelle cependant le titre ne pourra sortir à effet; la seconde, par la nécessité de subir cette preuve et de se soumettre à ses résultats.

En résumé, l'acte non fait double, ou ne mentionnant pas qu'il l'a été, réunit les conditions de l'article 1547. Il émane de la partie à qui on l'oppose; il rend le fait vraisemblable. D'autre part, l'article 1525 n'a pas prononcé la nullité du titre, il n'a donc nullement dérogé à la règle générale tracée par l'article 1547. Le juge peut donc admettre cet acte comme un commencement de preuve par écrit, et recevoir le porteur à prouver par témoins, soit que, contrairement à ce qui résulte du titre lui-même, on a réellement fait autant d'originaux qu'il y avait d'intérêts distincts, soit l'existence de l'obligation elle-même 3.

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