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n'ajoute rien pour en fixer la durée. N'est-ce pas dire qu'il entend s'en référer à la règle générale, qui ne permet de l'exercer que dans les dix ans du partage? Ce langage devient positif si, du texte, on rapproche les motifs qu'en a donnés l'orateur du gouvernement. Des explications de Bigot de Préamteneu il résulte, en effet, qu'en réservant aux ascendants la faculté de présider à la répartition de leurs biens, le législateur s'est proposé, d'abord, d'assurer au père le pouvoir de régler le sort de la famille, en fixant à jamais les droits de ses enfants, et ensuite d'apporter un remède aux graves inconvénients qui naissaient, dans l'ancienne législation, de la résolution des droits attribués par les partages anticipés. Cette double intention resterait sans effet dans le système contraire.

Cette doctrine, développée dans une consultation de Dalloz aîné, consacrée par plusieurs cours, a été sanctionnée par la cour de cassation 1.

921. Le système contraire, que plusieurs cours ont adopté, se fonde sur les considérations suivantes : Bien qu'il résulte implicitement de l'article 1504 du Code civil que la prescription de toute action rescisoire commence du jour de l'acte attaqué, on ne peut toutefois raisonnablement supposer que le législateur ait entendu soustraire cette nature d'action aux règles régis sant la prescription en général. Il est de principe que la prescription ne peut commencer de courir que du jour où celui qui veut attaquer un acte est complétement fixé sur l'étendue des droits que cet acte lui confère; que s'il résulte, soit de l'acte lui-même, soit des dispositions de la loi, que ces droits ne seront entièrement déterminés que par un événement postérieur à l'acte, il est évident que ce n'est qu'à la survenance de cet événement que l'action en rescision peut être exercée, puisque jusqu'alors le droit, à raison duquel peut naître l'action, reste indéterminé. Il suit de là que si la part héréditaire de l'enfant ou descendant qui a concouru à un partage anticipé ne peut être connue définitivement qu'à l'époque du décès de l'ascendant auteur du partage, ce ne sera également qu'à cette époque qu'il faudra se pourvoir contre le partage, puisque alors seulement il connaitra s'il est ou non lésé.

Les enfants ou descendants ne sont aptes soit à attaquer les dispositions prises par leur auteur, soit à revenir sur les partages faits par lui, que

113 juillet 1836, 4 février 1844; D. P., 56, 1, 297; 45,

dans les cas déterminés par la loi. Ils ne peuvent notamment réclamer une part héréditaire plus forte que celle qui leur a été attribuée, que lorsque celle-ci est inférieure à leur réserve légale.

Or, la succession d'un individu ne s'ouvre que par sa mort naturelle ou civile. Cette succession se compose de l'universalité des biens, soit qu'il en possède encore au jour de son décès, soit qu'il en ait pendant sa vie disposé à titre gratuit. C'est par la liquidation de cette universalité que s'établira nettement la réserve légale afférente à chacun des enfants ou descendants. Dès lors, et jusqu'à cette liquidation, il ne peut exister de lésion et conséquemment d'action en réparation.

Les articles 1075 et suivants ne dérogent en rien à ces principes. Ils confèrent bien à l'ascendant la faculté de faire lui-même le partage entre ses descendants, partage que ceux-ci pourront attaquer s'il y a lésion ou insuffisance dans l'attribution faite à chacun d'eux. Ils admettent que les biens non partagés que l'ascendant délaissera à son décès seront divisés aux formes de droit. Mais ils n'établissent ni expressément, ni tacitement que, pour évaluer la quotité disponible et la lésion, il ne faut avoir égard qu'aux seuls biens ayant fait la matière du partage et nullement à ceux existant encore dans la succession. De ce silence du législateur il faut conclure qu'il n'a voulu porter aucune atteinte aux principes d'après lesquels il prescrit qu'il sera procédé à cette évaluation aux titres des Successions et Donations. Il résulterait du système contraire qu'il y aurait, pour les biens délaissés par le mème individu, deux successions distinctes et entièrement indépendantes l'une de l'autre la première, réglée de son vivant, l'effet du partage anticipé; la seconde, à régler après son décès. Il existerait donc deux réserves légales, deux quotités disponibles, conséquence bizarre et cependant forcée, à laquelle on ne peut raisonnablement supposer que le législateur ait voulu arriver 2.

Ainsi, il ne peut y avoir lésion appréciable qu'après le décès de l'ascendant et au moment où il sera procédé à la constitution générale et définitive de la masse active de la succession. Jusque-là, il ne saurait en exister réellement aucune, puisque l'inégalité offerte par le partage anticipé pourra disparaître par une attribution spéciale sur les biens encore libres. Ce ne serait donc que dans l'hypothèse où il n'en existerait aucun de ce genre au décès de l'ascendant, que, toute affectation supplémentaire devenant im

2 Nimes, 17 mars 1841; J. D. P., t. II, 1841, p. 52.

possible, naît la certitude d'une lésion et que s'ouvre conséquemment l'action en rescision. Dès ce moment aussi, l'action devenant recevable, le délai de la prescription, suspendu jusque-là, commence de courir.

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922. Cette doctrine nous paraît plus équitable, plus conforme aux véritables principes. Aux considérations décisives qui précèdent on peut en joindre d'autres qui ne sont ni moins puissantes, ni moins juridiques. Ainsi, et en première ligne, l'exercice de l'action en lésion suppose chez celui qui s'y livre le droit de contraindre à un nouveau partage plus équitable.

Le descendant n'a pas ce droit. Il est pendant toute la vie de son auteur sans qualité, car cette qualité est une conséquence du droit de copropriété sur la masse des biens à partager, droit qui ne saurait exister tant que la succession n'est pas effectivement ouverte.

Dans l'opinion que nous combattons, on veut faire résulter l'acquisition de ce droit en faveur du descendant, de la nature même de l'acte; et c'est ainsi qu'on soutient que le partage anticipé participe du contrat et de la donation.

tral;

Cette qualification est une hérésie en droit; elle intervertit la nature et le caractère du conelle en méconnaît la portée véritable. L'ascendant ne s'est jamais désinvesti de la généralité de ses biens. Il les divise lui-même à ses plaisir et volonté. Le dessaisissement est successif et spécial, chaque descendant n'a jamais eu la propriété de ce qui est entré dans le lot des autres, car les biens ne sortent de la possession de l'ascendant que pour passer immédiatement dans celle de chacun d'eux. Leur rôle à tous n'est donc qu'une acceptation de la donation particulière qu'ils reçoivent, dont la régularité et l'existence actuelle n'ont nul besoin de leur concours, ni de leur consentement.

En réalité donc, il n'intervient et ne peut intervenir de contrat de descendant à descendant. Le partage anticipé n'est qu'une donation qui se renouvelle autant de fois qu'il y a de parts à faire, et dont l'intérêt pour chacune d'elles se concentre entre celui qui reçoit et celui qui donne. Mais les donataires entre eux n'ont jamais été dans l'indivision que le contrat supposé aurait eu pour objet de faire cesser.

Ce principe vient d'être formellement consacré par la cour de cassation. Dans une espèce qui lui était soumise, la cour d'Amiens avait vu dans le partage fait par l'ascendant, d'abord la donation créant une indivisibilité entre les ascendants, ensuite un contrat particulier à ceux-ci, ayant pour objet de faire cesser l'indivision.

Mais, sur le pourvoi dont il a été l'objet, l'arrêt d'Amiens a été cassé par la cour suprême, le 4 juin 1849: Attendu qu'on ne saurait voir dans cet acte, comme l'a fait la cour d'Amiens, deux contracts distincts, indépendants, dont l'un, donation du père aux enfants, aurait saisi immédiatement ceux-ci de la propriété indivise des biens donnés, dont l'autre, étranger au donateur, exclusivement personnel aux donataires, aurait eu pour objet le partage de ces biens; qu'on ne peut briser de la sorte l'unité d'un contrat dont toutes les stipulations concourent au but que le père de famille déclare s'être imposé, sans dénaturer le caractère de l'acte 1.

Cet arrêt est d'autant plus remarquable que, dans l'espèce, le père de famille avait donné tous ses biens à ses enfants qu'il avait ensuite dirigés dans le partage consenti par eux. On ne devrait donc pas résister lorsque c'est le père lui-même qui, procédant au partage, a formé les parts, et que les enfants ne sont intervenus que pour accepter celle qui leur est attribuée.

Chacun des descendants n'est donc qu'un donataire. Comment donc lui reconnaître le droit et lui faire un devoir de se plaindre de la lésion relativement à d'autres donations qu'il n'a pu ni régler ni empêcher, dans un moment surtout où il n'existe pas même encore une lésion appréciable, ainsi que nous venons de l'établir.

Sous un autre rapport, la demande en rescision serait plus irrecevable encore. L'ascendant, tant qu'il vit, est l'arbitre souverain de sa fortune et de la disposition à laquelle il lui convient de recourir. Il peut donner tout à l'un, ne donner rien à l'autre, investir même un étranger de l'universalité de ses biens, sans que les héritiers futurs, mème légitimes, puissent l'en empêcher ni s'en plaindre. Incontestablement, la faculté de donner le tout implique celle de créer des portions inégales, sauf les réclamations que la mort du donateur soulèvera et pourra faire consacrer, quant à ce, si cette inégalité va jusqu'à entamer la réserve légale, ou constitue pour un des portionnaires un préjudice de plus d'un quart.

Mais si d'une part, et pendant la vie de l'ascendant, le descendant n'est que donataire; si d'autre part le premier n'a, dans les libéralités qu'il concède, d'autre règle à suivre que sa volonté ou ses caprices, la conséquence rigoureuse n'est-elle pas que l'enfant ou descendant ne pourra être admis à se plaindre? Il pouvait ne rien recevoir, et, parce qu'il a reçu quelque

1 Dalloz P., 49, 1, 507.

chose, on l'admettrait à quereller la détermination du père de famille, qu'on l'eût forcé de respecter dans le premier cas?

Admettez que la demande de l'enfant fût recevable, quelle sera la conséquence de l'action accueillie par la justice? La rescision de l'acte et, par une déduction logique, la reprise de possession par l'ascendant de la masse partagée et le refus absolu de procéder à un nouveau partage. Ce qui arrivera, peut-être, c'est que, pour punir celui qui a fait annuler son œuvre, l'ascendant délaissera l'intégralité de sa fortune à ses autres enfants, heureux encore si, pour punir ce qu'il considérera comme un acte de désobéissance et de rébellion, il ne cherche pas à dénaturer sa fortune pour avantager, par la fraude, celui qu'il avait voulu favoriser. Obliger l'enfant à attaquer du vivant de l'ascendant, c'est donc le contraindre à agir contre son propre intérêt; c'est l'exposer à perdre plus encore que ce que la réussite de son action serait dans le cas de lui faire gagner.

L'article 1079, dit-on, fait obstacle à ce résultat. Il consacre en effet le désinvestissement de l'ascendant dès que le partage est par lui régulièrement consommé. Dès cet instant cesse aussi la liberté illimitée qu'il avait de disposer de ses biens, il n'y a plus qu'une question d'égalité intéressant les descendants et les concernant dès lors exclusivement.

Erreur évidente et certaine. Il est bien vrai que l'acte de partage désinvestit l'ascendant, et cela par la raison toute simple que ce partage constitue cette disposition qu'il était libre de réaliser ou non. En conséquence, tant que ce partage existe, le désinvestissement est incontestable; mais la rescision qui viendrait l'atteindre en ferait cesser tous les effets, et autant en ce qui concerne l'ascendant que par rapport aux descendants eux-mêmes. Les droits du premier revivraient donc en leur entier, avec d'autant plus de raison et de certitude que seul il a des droits sur la masse totale, chaque copartagé n'ayant jamais pu posséder que la part que lui attribuait le partage.

Ne perdons donc pas de vue, d'ailleurs, que l'ascendant ferait justement observer que son désinvestissement n'avait été par lui consenti qu'à condition que sa volonté ne rencontrerait aucun obstacle. Or, la rescision, détruisant l'édifice par lui organisé, fait disparaître cette condition; il reprend la propriété dont il s'était dépouillé et il rentre dans la faculté de retenir ses biens ou de les abandonner de nouveau.

Pour que l'article 1079 pùt avoir pour effet

de faire survivre le désinvestissement de l'ascendant aux conditions l'ayant déterminé, il faudrait que le législateur eùt fait un devoir d'attaquer le partage de son vivant. Mais l'article 1079 est muet à cet égard, et ce n'est que par une induction fort hasardée qu'on prétend établir le contraire.

En effet, dit-on, de toutes les difficultés communes aux partages après décès et aux partages anticipés, il n'en est pas une qui, déjà prévue au chapitre 6 du titre des Successions, ait été, on ne dira pas de nouveau et spécialement réglée, mais simplement rappelée dans le chapitre 7 du titre des Donations et testaments; ne faut-il pas en conclure que le rappel, dans l'article 1079, d'une faculté écrite dans l'article 887, est la preuve que le législateur a voulu faire partir le délai de dix ans du jour de l'acte? Non certes, telle n'est pas la conclusion à tirer du rapprochement des articles 887 et 1079. Si ce dernier est explicite sur la faculté d'attaquer le partage anticipé pour cause de lésion de plus du quart, c'est que le législateur, introduisant un droit nouveau, ne pouvait pas ne pas s'en expliquer.

Dans notre ancien droit, en effet, l'action en lésion, ouverte contre les partages après décès, n'était pas admise contre le partage fait par l'ascendant lui-même. Fidèle aux inspirations du droit romain, on considérait ce partage comme l'exercice d'un acte de la puissance paternelle qu'il fallait respecter, alors même qu'il portait atteinte à la légitime que chaque enfant aurait dù rigoureusement recevoir 1.

C'est ce droit que le législateur voulait abroger, et cette abrogation ne pouvait résulter de l'article 887, uniquement relatif aux partages après décès. Il fallait donc, puisqu'on affectait une section du Code aux partages faits par l'ascendant, y inscrire la pensée de la nouvelle doctrine, sans quoi on n'eût pas manqué d'induire, du silence du législateur, que ces partages restaient inattaquables comme sous l'ancien droit. Voilà le motif unique du rappel, dans l'article 1079, de la faculté déjà inscrite dans l'article 887 pour les partages après décès. Ce rappel ainsi motivé, il est impossible d'en conclure ni que le législateur ait voulu déroger en rien à la faculté qu'a l'ascendant de disposer pendant sa vie à ses plaisir et volonté, ni surtout que les enfants ou descendants puissent, avant d'avoir acquis la qualité d'héritier, quereller

1 Furgole, des Test., chap. VIII, sect. e, nes 149 et

suiv.

cette disposition, ni moins encore qu'ils doivent l'attaquer pendant la vie du donateur.

923. La conséquence logique que nous tirons de ces prémisses, c'est que la prescription du droit ne court que du jour du décès. C'est ce que la cour d'Aix a jugé le 7 juillet 1842. Son arrêt, rédigé par le savant magistrat, M. le président Lerouge, résume puissamment les raisons de décider que cette opinion peut invoquer. A ce titre, il clora notre discussion beaucoup plus convenablement que ne le feraient nos propres observations.

« Considérant que l'ascendant qui fait, par un acte entre-vifs, un partage entre ses descendants, ne donne et n'entend donner, à chacun d'eux, que les biens compris dans le lot qu'il lui attribue individuellement; que dès lors ce partage rend, il est vrai, chaque copartagé propriétaire de son lot, mais ne lui confère aucuns droits sur les biens compris dans les lots des autres descendants, et par conséquent ne confère aux différents copartagés aucun droit de propriété sur la masse des biens faisant l'objet du partage; et comme il est d'ailleurs incontestable qu'avant le partage entre - vifs les descendants n'avaient aucun droit acquis sur les biens de l'ascendant donateur, on doit en conclure : qu'après, comme avant le partage entre-vils fait par un ascendant, les descendants n'ont, durant sa vie, aucun droit de copropriété sur la masse des biens compris dans le partage;

«Considérant qu'à la mort de l'ascendant, ses descendants, appelés à recueillir sa succession, sont, de plein droit, saisis de l'universalité de ses biens; que, dès ce moment, ils ont un droit de copropriété tant sur tous les biens existants au jour du décès, que sur ceux qu'on y réunit fictivement pour former la masse, sur laquelle doivent être calculées la quotité disponible et la réserve légale ; mais qu'ils tiennent ce droit de copropriété, non de la volonté de leur auteur, mais de celle de la loi, en un mot, de la qualité d'héritier, qui ne leur est acquise que du jour du décès de l'ascendant donateur;

« Considérant que celui qui attaque le partage entre-vifs. fait par l'ascendant, a pour but d'obtenir un nouveau partage des biens compris dans l'acte dont il demande la rescision; d'où il suit que l'action en rescision ne peut être intentée que par celui qui aurait qualité pour demander un nouveau partage;

« Considérant que pour former une demande en partage, il faut avoir un droit actuel de copropriété sur la chose à partager, soit que ce droit dérive de la qualité d'héritier, soit qu'il

dérive d'un titre, tel que l'acquisition en commun, ou la donation faite à plusieurs d'une chose indivise;

« Considérant que, du vivant du donateur, le copartagé qui attaque, pour cause de lésion, le partage entre-vifs fait par l'ascendant, et qui par suite demande un autre partage, n'a d'autre titre que le partage lui-même, acte lui conférant seulement la propriété de son lot, et non la copropriété de la masse des biens ayant fait l'objet du partage; que le droit de copropriété sur la masse ne peut dériver pour lui que de la qualité d'héritier, laquelle ne lui est acquise que du jour du décès de l'ascendant donateur ; d'où la conséquence que le copartagé n'a ni qualité, ni titre pour attaquer, durant la vie de l'ascendant donateur, le partage entre-vifs fait par celui-ci entre ses descendants;

Considérant qu'on objecterait vainement que le titre du copartagé réside dans l'article 1079 du Code civil, suivant lequel le partage fait par l'ascendant peut être attaqué pour cause de lésion de plus du quart;

<< Considérant que ni dans le passage invoqué, ni ailleurs, il n'est dit que le copartagé pourra attaquer du vivant de l'ascendant; qu'on est donc obligé de supposer, pour un cas unique, l'existence d'une faculté toute spéciale qui ne se trouve nulle part écrite dans la loi et qu'il eût été nécessaire de formuler en termes explicites; qu'une telle faculté serait, ainsi qu'on l'a précédemment établi, en contradiction manifeste avec ce principe incontestable que l'action en partage n'appartient qu'à celui qui a un droit actuel de copropriété sur la chose à partager;

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cipes, a voulu créer, pour le premier cas, un droit exorbitant qui autoriserait le copartagé à attaquer le partage entre-vifs, non pas seulement après le décès, mais encore durant la vie de l'ascendant donateur;

« Considérant, sous un autre point de vue, que l'ascendant peut, durant sa vie, disposer de sa fortune de la manière la plus absolue, suivant sa volonté et même ses caprices; que si, s'abandonnant à des passions mauvaises, il avait recours à de coupables manœuvres pour enrichir les complices de ses égarements au préjudice des héritiers du sang, ses actes, quelque domma geables qu'ils fussent, ne pourraient être attaqués qu'après sa mort ; qu'il en serait de même, à plus forte raison, si, par acte entre-vifs, l'ascendant disposait de sa fortune entière en faveur de l'un de ses descendants; qu'il n'est donc pas possible de comprendre comment le législateur, qui interdit aux descendants d'attaquer, du vivant de leur auteur, les actes par lesquels il dispose, à leur préjudice, de l'universalité de ses biens, les autoriserait, par une exception toute spéciale et non écrite, à attaquer, avant le décès de l'ascendant, un partage entre vifs, sous prétexte que les biens ne sont pas également distribués entre eux; qu'en permettant à l'un des copartagés d'attaquer, pour cause de lésion de plus d'un quart, le partage entre-vifs fait par son auteur, la loi a voulu non pas apporter des restrictions et des entraves au pouvoir absolu de l'ascendant sur sa fortune pendant sa vie, mais empêcher que, sous prétexte de faire entre ses descendants la distribution de ses biens, il ne blessât trop ouvertement le principe d'égalité qui doit présider aux partages ou même qu'il portât atteinte à la réserve légale de ses descendants; et comme la qualité d'héritier peut seule donner à ceux-ci le droit de demander le partage ou de réclamer la réserve légale, il en résulte que l'exercice de l'action qui leur compète à cet égard, aux termes de l'article 1079, se trouve suspendu jusqu'au décès de l'ascendant, puisque c'est à cette époque seulement que la qualité d'héritier leur sera acquise. »

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arrêt de Toulouse fixant au jour de l'acte le point de départ de la prescription 1.

On peut donc considérer la controverse comme tendant à s'effacer. L'avenir du système qui fait courir la prescription du jour du décès de l'ascendant donateur nous paraît désormais assuré.

925. — Le partage après décès sera nécessairement inégal, si l'un des cohéritiers a diverti l'actif de la succession ou exagéré le passif à son profit personnel. Il importe peu, dans ce cas, que la lésion atteigne ou non les proportions exigées par l'article 887. Il ne s'agit plus, en effet, de faire rescinder le partage, mais de le compléter en opérant la division des choses qu'il ne pouvait pas comprendre. Aussi, l'article 792 qualifie-t-il lui-même de demande de partage supplémentaire le droit qu'il accorde.

926. Dans ce nouveau partage, la position du recéleur est nettement dessinée par le législateur. Il ne peut, à aucun titre, prétendre aucune part dans les objets qu'il est condamné à restituer à la succession. Nous l'avons déjà dit, en pareille matière la loi applique la peine du talion dans toute sa rigueur. L'auteur du recélé voulait frustrer ses cohéritiers de la part leur revenant, il sera privé de la sienne.

Les juges ne sauraient, dans la poursuite de ce but, déployer une trop grande sévérité. Les choses, en effet, ne sont pas égales. Les réclamants ont le devoir de prouver la soustraction, ce qui est difficile et, ce qui l'est bien davantage, le chiffre exact auquel elle s'élève. Nanti frauduleusement de ce qui ne lui appartient pas, le recéleur a pour lui d'abord la chance de n'être pas convaincu, ensuite l'incertitude qui régnera forcément sur le montant de ce qu'il devra restituer. De telle sorte que, même après condamnation, il pourra lui rester une indemnité plus que suffisante des effets de cette condamnation. C'est à la justice des tribunaux à compenser et à faire disparaître cette inégalité, dùt sa décision aller au delà de la vérité. L'équité n'en serait nullement blessée. Obliger un voleur à rendre plus qu'il n'a pris ne saurait être envisagé comme un malheur trop regrettable, car le préjudice qui en résulterait ne serait qu'une conséquence de son improbité même.

Il n'y a donc pas à hésiter. Le recélé étant constant, on ne doit pas craindre d'élever le chiffre de la condamnation autant que le permettra la plus stricte vraisemblance.

927. — Le caractère du détournement ressort suffisamment du fait lui-même. Celui qui

12 août 1848; D. P., 48, 1, 174.

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