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nombre qui crieraient au dol et à la fraude, dès qu'on voudrait les contraindre à exécuter un engagement ne leur offrant plus l'avantage qu'ils s'en étaient promis. D'autre part, s'il existe des créanciers peu scrupuleux, il n'est pas rare non plus de trouver des débiteurs de mauvaise foi, tachant de se soustraire à une obligation régulièrement consentie et librement contractée.

Or, s'il importe de veiller à l'intérêt de ceux que la déloyauté opprime, il convient de protéger également les droits honorablement acquis et injustement déniés; en un mot, il ne fallait pas, pour empêcher la fraude des créanciers contre les débiteurs, encourager et favoriser celle des débiteurs contre les créanciers.

5. — C'était le moyen de concilier ces divers intérêts qu'il convenait d'adopter. Or, ce moyen les faits accomplis l'indiquaient naturellement; l'acte écrit fait supposer un consentement régulier, c'était là une présomption légale qu'on ne pouvait mettre de côté. En conséquence, l'acte devait faire foi de ce qu'il renferme et être exécuté, tant que le vice dont on le prétend souillé n'est pas établi. L'allégation de l'existence de ce vice impose à son auteur le devoir d'en fournir la preuve; cette preuve résultera de titres écrits ou de dépositions orales, mais elle ne sera recevable que si les faits cotés sont graves, précis et concordants. Elle sera même inutile si des présomptions, ayant ce triple caractère, peuvent dès à présent former la conviction du juge 1.

Voilà ce que le législateur a cru devoir faire; voilà la ligne de conduite qu'il a trouvée toute tracée dans les législations précédentes. Sans doute la difficulté de la preuve assurera, comme ses incertitudes, la réussite du dol et de la fraude dans quelques hypothèses. Mais le mal serait-il moindre, si, pour atteindre plus facilement le dol, on se fut exposé à condamner quelquefois la bonne foi elle-même? Le choix fait par le législateur entre ces deux dangers ne saurait donc lui mériter le reproche de faiblesse ou d'indulgence.

C'est aux magistrats à féconder, dans l'application, le germe de répression renfermé dans la loi. L'appréciation laissée à leur prudence et à leurs lumières, la recevabilité de la preuve testimoniale, l'admissibilité de celle par présomptions, sont autant de moyens propres à atteindre ce but si désirable, si intéressant pour l'ordre public lui-même.

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tère de la mission confiée aux tribunaux. Les procès en dol ou fraude offrent, non une question de droit, mais une pure question de fait. Les circonstances dont on se plaint existentelles? sont-elles prouvées? caractérisent-elles le dol ou la fraude? Tels sont les points uniques que ces procès donneront à résoudre. Dans une difficulté de cette nature, le magistrat n'a de guide assuré que sa conscience, d'autre élément de décision que son opinion elle-même. Dès lors, vouloir offrir des règles à leur appréciation, c'est paraitre tenter une entreprise sans utilité et sans but. Cependant, il est des notions que le juge ne doit pas négliger, alors même qu'il obéit aux inspirations de sa conscience. Il ne suffit pas qu'une cause soit équitable, il faut qu'elle soit, de plus, avouée par le droit. Or, éclairer les principes, les poser nettement, en déduire les conséquences, c'est encore se rendre utile en offrant des bases légales à cette appréciation souveraine.

C'est ce que nous venons faire en traitant une matière trop négligée de nos jours. Le Traité de M. Chardon a quelque peu vieilli, et nul autre que lui n'a traité le dol et la fraude d'une manière spéciale. Puissent nos efforts contribuer à leur répression!

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7. Pour atteindre à cette répression, il faut que les magistrats se pénètrent bien de l'esprit de la loi. Dans les procès de ce genre, le défendeur à la nullité fait les plus pressants appels à l'autorité du titre, surtout lorsque ce titre est authentique ; à l'entendre, il ne faut, sans mettre en péril les choses les plus sacrées, lui porter aucune atteinte ou en amoindrir la puissance.

8. — Oui, il importe que le titre soit respecté. Une convention légitime ne doit pas rester un vain mot. Mais tout cela ne peut et ne doit faire repousser, sans instruction, les reproches d'illegitimité adressés au contrat. La faveur accordée au titre par le législateur n'est que la conséquence de la présomption que ce titre est loyalement intervenu et que l'obligation qu'il crée est légalement contractée. C'est donc vouloir en méconnaître le caractère que de prétendre la convertir en une arme protectrice du dol ou de la fraude.

Le législateur y a si peu songé, qu'il n'hésite pas à anéantir le titre, lorsque le reproche est justifié, et c'est à la preuve testimoniale qu'il demande les fondements de ce reproche. L'admissibilité de la preuve orale, contre un titre écrit, indique bien le prix qu'il attache à la répression de tout ce qui altère la pureté et la loyauté du contrat.

9. Au reste, l'admissibilité de la preuve orale était une véritable nécessité. Le dol et la fraude se gardent bien de laisser après eux des traces écrites. Vouloir des titres écrits ou seulement un commencement de preuves, c'était renoncer à l'espérance de toute répression.

Cette considération avait paru si décisive à nos anciens jurisconsultes, qu'elle les avait même portés à se montrer peu exigeants sur les résultats de la preuve orale.

La fraude, dit Dumoulin, éloigne les témoins au lieu de les appeler; quare non ita exacte probationes de jure exiguuntur... Alioquin facillissime esset sophisticatione verborum, seu per verbales actus, quotidie eludere consuetudinem 1.

Simulationem probari ex indiciis et conjecturis, probationesque imperfectas, nimisque integras admitti 2.

Ce qui était vrai à cette époque n'a pas cessé de l'être, ou mieux l'est devenu plus encore aujourd'hui. Tout a progressé depuis lors, et le dol et la fraude ne sont certes pas restés en arrière. On pourrait donc enseigner encore aujourd'hui qu'on doit non-seulement admettre la preuve testimoniale, ce qui ne fait pas doute, mais encore qu'on ne doit pas trop se montrer sévère sur ses résultats.

10. Cependant, nous avons entendu souvent soutenir le contraire. Les nullités, a-t-on dit, sont odieuses, il faut donc se garder de les encourager, odia restringenda. Il n'y a de nullités odieuses que celles s'adressant à la forme, sans pouvoir atteindre le fond du droit. Qu'importe en effet, comme le dit un jurisconsulte moderne 3, dans le for intérieur, l'irrégularité d'une demande dans la forme, si cette demande est juste au fond?

Mais la nullité d'un acte couvrant sous sa perfection apparente un traité injuste, arraché par le dol ou suggéré par la fraude, n'est qu'une légitime satisfaction à la bonne foi indignement abusée; loin d'offrir quelque chose d'odieux, ce résultat n'a rien que de très-moral et de trèsjuste.

Ce qui serait véritablement odieux, ce serait d'entourer d'une sollicitude quelconque l'auteur présumé d'une fraude coupable, de contribuer, par une sévérité intempestive, à rendre la découverte du dol impossible, et d'assurer ainsi le triomphe d'une spoliation audacieusement. exécutée.

Ancienne coutume de Paris, § 25, no 62.

2 Leferon, sur l'article 15, Coutume de Bordeaux, titre

L'esprit de la loi repousse et devait repousser un pareil résultat. Les efforts des magistrats tendront sans cesse à en empêcher la réalisation. Ce n'est pas par des considérations pareilles que la demande en preuve doit être repoussée. Les invoquer, c'est se placer dans une contradiction flagrante avec là loi, avec la morale, avec la vérité.

11. C'est dans les faits du procès, dans les circonstances ayant précédé, accompagné et suivi le contrat; c'est dans la position des parties, dans la nature de la convention, dans les faits dont on demande la preuve, que se puiseront les éléments d'appréciation de son admissibilité. Ce que les magistrats ne doivent jamais perdre de vue, c'est que le dol et la fraude sont difficiles à justifier; c'est que si la condamnation injuste est à jamais regrettable, il importe peu que cette condamnation doive méconnaître des droits légitimes ou consacrer une prétention déloyale. C'est donc à concilier tous les intérêts qu'ils doivent tendre sans cesse. Ils y aboutiront en portant dans l'examen des difficultés qu'ils auront à résoudre les saines notions de l'équité et du droit.

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12. Les mots dol et fraude sont souvent réunis et confondus dans les œuvres de nos jurisconsultes. Cette confusion, qui n'existait pas dans le droit romain, est inadmissible. Sans doute, le dol et la fraude ont des caractères communs, subissent dans leur recherche l'empire de principes analogues, produisent des effets identiques. Mais il y a entre eux des différences notables dans leur nature, dans leur origine, souvent même dans leurs résultats.

Ainsi, le dol ne peut exister sans l'emploi de manœuvres, imputables à l'une des parties, ou exécutées dans son intérêt par un tiers.

La fraude, au contraire, ne réside le plus souvent que dans l'exécution d'une convention licite et juste, elle n'exige aucune manœuvre; elle est, dans certains cas, concertée entre toutes les parties contractantes.

Lé dol vicie essentiellement le contrat.

La fraude, même convenue, n'a souvent aucune influence sur la validité et, conséquemment, sur l'exécution à donner à la convention.

Aussi, verrons-nous que la plainte en fraude n'est pas toujours permise, tandis que celle en dol ne saurait, dans aucun cas, être refusée à la partie lésée.

13. Ces différences tracent naturellement

du Retrait lignager.

3 Solon, des Nullités, introduction, p. 6.

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19. La décision au correctionnel ne crée aucune fin de non-recevoir contre l'action ultérieure pour dol.

14. Le jurisconsulte Servius avait défini le dol en ces termes: Machinationem quamdam, alterius decipiendi causa, cum aliud simulatur et aliud agitur.

Les principes du droit romain sur la matière rendaient cette définition inacceptable par sa trop grande généralité. Nous verrons en effet, tout à l'heure, que le dol n'était pas toujours pris dans la même acception, malgré que dans tous les cas on pût relever les caractères exigés par Servius.

C'est par cette observation que Labéon contestait la justesse de la définition donnée par Servius. On peut, disait-il, tromper sans dissimulation; d'autre part, une dissimulation certaine n'est pas toujours et nécessairement répréhensible, dans le cas, par exemple, où elle n'a pour but que de protéger son intérêt légitime ou celui d'un tiers: Posse sine dissimulatione id agi, ut quis circumveniatur; posse et sine dolo malo aliud agi, aliud simulari, sicuti faciunt qui per ejus modi dissimulationem deserviant et tuentur vel sua, vel aliena.

15. Il fallait donc pour le dol une désignation qui ne s'appliquât qu'à lui et qui le caractérisât d'une manière précise et non équivoque. En conséquence, Labéon le définissait : Omnis calliditas, fallacia, machinatio, ad circumveniendum, fallendum, decipiendum allerum adhibita 1.

L. 1, Dig., S 2, de dolo malo. 2 Toullier, t. VI, no 87.

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17.

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Le dol dégénère en véritable délit, lorsque les manœuvres qui le constituent atteignent une gravité telle, que l'ordre public exige autre chose que l'annulation du contrat, avec dommages-intérêts. En conséquence, le préjudice provoqué, soit par l'emploi de faux noms ou de fausses qualités, soit par des manœuvres ayant eu pour objet de persuader l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, de faire naître l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident ou de tout autre événement chimérique, est une véritable escroquerie entraînant l'application d'une peine corporelle 3.

18. Notre sujet se restreignant au dol en matière civile, nous n'avions à indiquer ce qui précède que pour en déduire cette conséquence. La loi distingue formellement l'escroquerie du simple dol; dès lors, le fait insuffisant pour constituer le délit puni par l'article 405 du Code pénal peut créer une action en nullité de la convention et en dommages-intérêts. Cette action peut être intentée soit principalement, soit accessoirement à l'instance correctionnelle. Mais quelle que soit la décision de celle-ci, aucune fin de non-recevoir ne saurait être opposée à l'exercice de la première.

En matière de délits, comme en matière de crimes, l'intention est seule constitutive de la culpabilité. Les juges correctionnels décident donc plutôt une question intentionnelle qu'une question de fait. Aussi, l'acquittement prononcé ne prouve qu'une seule chose : l'absence de

3 Article 405 du Code pénal.

criminalité. Reste donc le fait matériel, dont les conséquences, plus ou moins nuisibles, peuvent ètre déférées à une autre juridiction. Si ce fait est imputable au prévenu, s'il est le produit de la ruse et du mensonge, ce prévenu, déchargé de la peine d'un délit non démontré, resterait passible de la réparation du préjudice naissant du fait qu'il aurait commis.

Ainsi la loi civile atteindra comme dol ce que la loi criminelle n'a pu atteindre comme escroquerie. Mais ce qu'il importe de remarquer, c'est que la compétence des tribunaux correctionnels est nécessairement subordonnée à la constatation du délit; qu'elle disparait avec celui-ci. Dès lors, en cas d'acquittement, les juges correctionnels ne peuvent statuer sur les prétentions de la partie civile, ni lui adjuger aucuns dommages-intérêts. Ils doivent donc la déclarer non recevable et la condamner aux dépens.

19. — Mais cette décision ne fait nul obstacle à l'introduction d'une action en nullité, ou en dommages-intérêts devant les tribunaux ordinaires. L'action civile pour dol diffère essentiellement de l'action civile pour escroquerie : chacune de ces actions a ses caractères spéciaux, obéit à des principes particuliers, reconnaît une compétence distincte. Conséquemment, la chose jugée sur la dernière n'est jamais opposable à l'action postérieure en dol. Elle ne produit d'autre effet que de rendre à tout jamais impossible une poursuite en escroquerie.

Mais le fait motivant celle-ci est de nature à constituer un dol. Il peut donc donner naissance à l'action ou à l'exception que le dol crée. On pourrait d'autant moins invoquer la maxime non bis in idem, que le juge correctionnel nonseulement n'a pas connu du dol, mais qu'il ne pouvait en connaitre.

Sans doute, c'est le même fait qu'il a eu à apprécier, mais son appréciation n'a dù et pu porter que sur le caractère de délit attribué à ce fait. N'oublions pas que l'article 360 du Code d'instruction criminelle appelle fait, l'accusation elle-même, le crime ou le délit qu'elle qualifie, et non l'acte matériel à raison duquel elle est intervenue 1. La décision crée la chose jugée sur cette criminalité, laquelle disparaissant fait place à un fait purement civil, sur les conséquences légales duquel rien n'a été statué, parce qu'elles n'ont jamais été en question 2.

1 Legraverend, t. I, p. 539, 400; Mangin, de l'Action publique, t. II, p. 544.

2 Cassation, 3 juillet 1844, D. P., 44, I, 64.

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20. L'équité et la morale exigent que les parties contractantes agissent, l'une envers l'autre, avec la plus entière bonne foi. De là cette conséquence, que les traités faits au mépris de cette prescription devraient être considérés comme incapables de produire un lien légal.

Mais il est, en législation, des nécessités invincibles. On ne pouvait proscrire tout ce que l'exacte probité réprouve, sans exiger des hommes une perfection n'existant nulle part, sans tomber dans les plus grands inconvénients, sans s'exposer à jeter la plus grande perturbation dans les transactions de la vie sociale.

Aussi n'a-t-on pas fait dépendre le sort des

contrats de l'existence avérée de toute ruse, de tout mensonge. Le dol seul les annule, et, par dol, le législateur entend les manœuvres et artifices ayant créé l'erreur préjudiciable à l'une des parties. 21. Pour tomber sous le coup de la loi, ces artifices et manœuvres doivent offrir dans leur conception, dans leur emploi, une gravité facilement appréciable. C'est ainsi que la doctrine et la jurisprudence l'ont depuis longtemps consacré. Cette gravité résultera de certaines conditions sur lesquelles le juge devra tout d'abord porter son investigation.

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22. La première de ces conditions est que les manœuvres et artifices aient été de nature à faire illusion à la personne trompée. La peine édictée contre le dol a surtout pour objet la juste réparation due à celui qui en a été victime. C'est à titre de dédommagement, que la loi accorde la nullité de l'acte, et, suivant les cas, une allocation de dommages-intérêts. Or, un dédommagement quelconque n'est dù qu'à celui qu'une force majeure a seule entraîné, qui n'a succombé que par l'effet d'une violence morale qu'il ne pouvait ni prévoir, ni empêcher.

Dans le cas contraire, celui qui se plaint a lui-même à se reprocher la légèreté de sa conduite, la foi qu'il a imprudemment accordée, lorsque des investigations, que son intérêt lui prescrivait, l'auraient mis à même de découvrir la ruse dont il a été victime. Conséquemment, lui accorder une réparation, serait récompenser son imprudence. Or, la loi doit bien protéger celui qui n'a pu se défendre, mais elle n'a aucune obligation envers celui qui, pouvant se protéger lui-même efficacement, a négligé ou dé daigné de le faire.

23. C'est en ce sens que nous disions tout à l'heure que tout mensonge, que toute ruse ne donne pas ouverture à l'action en dol; cependant, le résultat de l'un peut être identique à celui que l'autre produirait, c'est-à-dire qu'un préjudice grave a pu être réellement causé par la ruse ou le mensonge. Mais l'un et l'autre, se produisant simplement, pouvaient être reconnus. L'imprudence de la partie leur a seule donné l'effet qu'ils ont produit: il n'y a donc plus qu'une dissimulation que la loi et la morale réprouvent, mais qui ne peut constituer le dol puni par l'article 1116 du Code civil.

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faisant l'objet du marché, et que la partie avec qui je contracte aurait intérêt de savoir, est contraire à la bonne foi.

«Dans le for extérieur, une partie ne serait pas écoutée à se plaindre de ces légères atteintes que celui, avec qui elle a contracté, a données à la bonne foi, autrement il y aurait un trop grand nombre de conventions qui seraient dans le cas d'être rescindées. Il n'y a que ce qui blesse ouvertement la bonne foi qui soit, dans ce for, regardé comme un vrai dol, tel que toutes les mauvaises manœuvres et tous les mauvais artifices qu'une partie aurait employés pour engager l'autre à contracter 1. »

Vainement donc prouverait-on qu'on a été entraîné par la ruse, déterminé par le mensonge. Si les précautions ordinaires pouvaient déjouer la ruse, démasquer le mensonge, l'acte doit être maintenu. Il n'y a dol punissable que lorsque l'erreur inférée s'est produite par des moyens de nature à convaincre de la vérité de la fausse allégation, à endormir la vigilance et à rendre vaines toutes investigations.

25. Il résulte de là que c'est surtout sur la nature des moyens employés, sur leur gravité, que le plaignant doit appeler l'attention de la justice. C'est cette appréciation qui fournira la solution du litige. Dès lors, la question soulevée par la poursuite du dol est plutôt une question de fait, qu'une difficulté de droit. Les manœuvres et artifices signalés existent-ils? Ont-ils la gravité indispensable pour faire résoudre le contrat? Telles seront, en dernière analyse, les seules, les véritables difficultés.

Ce caractère du litige laisse une grande part à l'arbitrage souverain du juge. Il est cependant quelques principes de nature sinon à commander, du moins à diriger l'exercice de ce pouvoir. En voici notamment qu'on ne doit pas négliger. 26. L'article 1112 du Code civil, qui punit la violence, exige pour l'atteindre qu'elle ait été de nature à faire impression sur un esprit raisonnable; doit-on exiger ce caractère en matière de dol?

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Il y a entre la violence et le dol cette différence que la première, s'annonçant par des actes matériels, sera parfaitement appréciable dans ses divers degrés. Elle procédera d'ailleurs, et presque toujours, par les mêmes moyens, et l'on comprend que, pour en juger les effets, on ait exigé que les actes la caractérisant aient pu faire une grave impression, au moins sur une intelligence éclairée, sur une raison ordinaire.

A Des Obligations, no 30.

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