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dans une simple ruse. Le contraire se réalise dans les assurances. Il y a dol, par cela seul que l'un des faits indiqués par l'article 548 s'est réalisé dans les conditions tracées.

Cette première modification au droit commun s'explique par la nature mème des choses. Le contrat d'assurance est un acte exceptionnel pour l'exécution duquel on ne pouvait recourir aux obligations imposées aux parties dans tous les autres contrats. On ne pouvait notamment exiger de l'assureur qu'il se livrât à des investigations plus ou moins minutieuses, à l'effet de contrôler les déclarations qu'il reçoit, de découvrir les circonstances qu'on lui tait. Le temps qu'une pareille recherche cut consommé aurait, dans bien des cas, rendu l'assurance impossible, en amenant l'échéance du risque qui devait en faire le sujet.

On obéissait donc à une nécessité réelle en l'autorisant à accepter, comme sincère, la déclaration de l'assuré. Comme contre- poids à cette confiance obligée, il était indispensable de placer celui-ci entre la nécessité de dire la vérité et toute la vérité, et la perte du bénéfice qu'il aurait voulu se procurer par un mensonge ou par une réticence.

193. De là, la présomption de dol, par cela seul que la vérité a été déguisée ou tue, alors même qu'aucune manœuvre, dans le sens attaché à ce mot, ne pourrait être imputée à l'assuré.

L'article 348 va plus loin encore; il n'exige même pas que la réticence, que la fausse déclaration, que la différence entre le connaissement et la police aient été réalisées dans l'intention de tromper. Le dol existe sans le consilium fraudis, indispensable dans les cas ordinaires.

Il suffit, en effet, que le fait dissimulé ou faussement déclaré, que la différence signalée, ait été de nature à influer sur l'opinion du risque pour que le contrat soit frappé d'une nullité absolue. Vainement donc l'assuré prétendrait-il que c'est de bonne foi qu'il a caché un fait qu'il croyait indifférent; que sa déclaration n'est fausse que parce qu'il a été lui-même trompé ; que la différence entre la police et le connaissement s'est réalisée à son insu. Il n'en subirait pas moins la rigueur de l'article 548.

Cette solution était imposée autant par la faveur spéciale que l'on voulait conférer aux assurances que par une exacte appréciation de leur nature. Il est, en effet, de l'essence de ce contrat qu'il existe un risque certain, déterminé, sur l'importance duquel se basent les prévisions des assureurs et leurs exigences relativement à

la prime. Or, si les circonstances de ce risque lui sont dissimulées ou inexactement rapportées, si les marchandises mentionnées dans le contrat ne sont pas celles portées sur le connaissement, son adhésion à ce contrat est le résultat d'une erreur, et ce vice dans le consentement enlève à la convention l'une de ses qualités essentielles.

En cet état, qu'importe que l'assuré ait été de bonne foi? L'erreur existe matériellement, et sa certitude entraine la nullité de l'acte. Aussi la loi ne s'est-elle nullement préoccupée de la réalisation d'un dommage, la validité du contrat ne dépend pas de la nocuité de la circonstance dissimulée ou faussement déclarée. Eùt-elle été sans influence sur la perte de l'objet assuré, la convention n'en est pas moins annulable. C'est la disposition expresse de l'article 348.

Ainsi, en matière d'assurances, la loi modific complétement les principes généraux. Ce n'est plus le consilium fraudis et l'eventus damni qui constituent le dol; c'est le mensonge, c'est la réticence, quels qu'en aient été le motif et la cause. Cette réticence, ce mensonge a-t-il influé sur l'opinion du risque ? C'est tout ce que la loi exige pour prononcer la nullité de l'acte. 194. Ces principes sont nettement consacrés par la décision suivante, rendue le 15 juin 1822 par le tribunal de commerce de Marseille, et acquiescée par la partie condamnée.

Le 12 juin 1821, les sieurs Argenti et compagnie firent assurer, pour le compte de Rodocanachi, de Livourne, la somme de 5,000 fr., valeur de 2,000 florins d'Auguste, prêtés à la grosse par leur maison de Constantinople, avec affectation sur le corps du navire le Véridique, capitaine Radoconich, Autrichien. Cette assurance fut faite sur les risques d'un voyage de Constantinople à Trieste, à la prime de deux pour cent.

Lors de la signature de la police, le navire était déjà parti de Constantinople depuis quelque temps; il avait relâché à Scio pour cause de fortune de mer; là il avait été réparé, et le capitaine avait été obligé d'emprunter à la grosse; enfin il avait fait une autre relâche à Corfou, d'où il était reparti le 30 mai.

Les circonstances du départ de Constantinople et de la relâche à Scio, bien que connues des assurés, n'avaient pas été déclarées aux assu

reurs.

Le 25 juin 1821, le navire le Véridique fit naufrage dans l'Adriatique, à la suite d'une voie d'eau considérable. Le 28, Argenti et compagnie firent abandon aux assureurs, et les citèrent en payement de la perte.

Mais les assureurs demandèrent la nullité de l'assurance, pour cause de réticence, fondée sur le silence gardé sur le départ du navire et la relâche à Scio. Ces circonstances, disaient-ils, que la lettre d'ordre prouve avoir été connues des assurés, donnaient au risque proposé un caractère de gravité et une étendue plus considérable. C'est donc sciemment que les assurés avaient voulu faire courir les risques à compter du départ de Constantinople et faire peser sur les assureurs le résultat d'événements antérieurs à l'assurance, événements connus, qui leur inspiraient des craintes, et qui pouvaient avoir des suites fâcheuses; enfin ces faits étaient de nature à augmenter l'opinion du risque et à détourner les assureurs de s'en charger.

Les assurés répondaient, entre autres, que la relâche à Scio était indifférente, puisque les assureurs étaient francs d'avaries; que le silence gardé sur le départ de Constantinople n'avait pu aggraver les risques qui étaient en réalité diminués; qu'enfin la perte était survenue postérieurement aux relâches, et que ces relâches n'avaient nullement influé sur la perte; qu'ainsi on ne saurait se plaindre d'aucune réticence et d'aucune dissimulation sur des faits pouvant aggraver le risque.

Mais le tribunal pensa le contraire et déclara par conséquent la nullité de l'assurance. Après avoir établi la réalité des faits dont les assureurs se plaignaient, après en avoir déterminé le caractère, le jugement repousse en ces termes l'exception des assurés :

«Attendu que vainement les assurés ont-ils excipé de ce que les faits dissimulés n'ont pas amené directement le sinistre, et de ce que le prêt à la grosse, qui constituait l'aliment de l'assurance dont il s'agit, était affranchi de toute avarie;

«Que ces raisons ne sauraient aucunement atténuer la faute des assurés, puisque la loi prononce la nullité de l'assurance dans le cas même où la réticence n'aurait pas influé sur le dommage ou la perte de l'objet assuré; qu'il suffit qu'elle ait diminué l'opinion du risque, pour être de nature à annuler le contrat ;

« Attendu qu'il est de l'essence du contrat d'assurance que les assureurs soient instruits de tout ce que les assurés savent, pour être véritablement mis à leur lieu et place; que ces derniers, en leur cachant des circonstances graves du risque, n'obtiennent d'eux qu'un con

Clariond, Journal de jurisprudence, année 1822,

p. 115.

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195. De ce qui précède il résulte que, pour l'application de l'article 548 et pour la présomption de dol, la matérialité du fait est décisive. Y at-il réticence, fausse déclaration ou différence? L'objet de l'une ou de l'autre a-t-il eu pour effet d'influer sur l'opinion du risque, la police est présumée le résultat du dol, et par conséquent nulle. Cette présomption est de celles qui n'admettent pas même la preuve contraire. Ainsi le jugement qui, après avoir consacré l'existence du fait et son caractère, maintiendrait le contrat, violerait expressément le texte et l'esprit de la loi.

Mais l'existence de la réticence, de la fausse déclaration de la différence, ses conséquences par rapport à l'opinion du risque, pourront souvent présenter des difficultés plus ou moins sérieuses. A cet égard, et comme pour toutes les questions de fait, la loi s'en remet entièrement aux lumières et à la prudence des magistrats 2.

196. — Toutefois, il est des faits dont l'omission ou l'inexactitude entraîne avec elle une décision affirmative sur la question de savoir si le risque a été diminué ou changé. Nous voulons parler de ceux dont la déclaration est exigée par l'article 552 du Code de commerce. Cependant nous devons faire remarquer que la doctrine et la jurisprudence ont admis entre eux des nuances qu'il est indispensable de signaler. Tous ne produisent plus aujourd'hui le même résultat. Nous verrons, en les parcourant, que ce n'est pas sans raison qu'on a ainsi modifié la disposition de l'article 552.

L'assuré, aux termes de cette disposition, doit déclarer :

--

10 Son nom et son domicile.

197. Il est de l'essence de tous les contrats que les parties qui y figurent soient clairement désignées. Dans l'assurance, le n. n de l'assureur est toujours connu. Il est donc naturel que celui qui contracte avec lui soit nommé dans l'acte, c'est là un corrélatif qui paraît commandé par la nature des choses.

L'omission de cette formalité devrait-elle être considérée comme ayant influé sur l'opinion du risque et entrainer conséquemment la nullité de l'assurance? Une réponse affirmative cût été bien sévère, d'autant que si la police est faite sous scing privé, elle portera sur le double ori

2 Cass., 25 mars 1855; Journal du Palais, année 1855.

ginal la signature de l'assuré; et que cette signature peut être considérée comme l'équivalent de la mention du nom dans le corps de l'acte. On a donc dù se prononcer pour la négative. Telle est l'opinion de Pardessus.

198. Cette opinion, consacrée par la jurisprudence, a trouvé cependant des contradicteurs. La désignation du nom de l'assuré, a dit M. Bernard, est d'ordre public; permettre qu'elle soit omise, c'est se priver du moyen de constater si l'assurance n'est pas une gageure, puisqu'on ne pourrait vérifier si l'assuré est, ou s'il représente le véritable propriétaire des choses assurées. Telle est aussi l'opinion de BoulayPaty 1.

Nous croyons que ces honorables jurisconsultes exagèrent les inconvénients que le défaut de mention du nom de l'assuré peut offrir. Il est évident, comme nous venons de le dire, que le défaut de mention ne peut s'entendre que d'une omission dans le corps de l'acte. Car, s'il était absolu au point de comprendre l'absence même de la signature, il y aurait évidemment nullité en la forme, il n'aurait jamais existé de contrat. Mais l'identité du signataire n'est susceptible d'aucune difficulté. Celui-là connu, on pourra toujours exiger de lui la preuve qu'il est propriétaire, ou qu'il représente le propriétaire de l'objet assuré.

Si de ces considérations on passe à l'esprit de la loi, on se confirme bien plus dans la solution que nous indiquons. Pourquoi, dans l'hypothèse de l'article 348, la loi place-t-elle l'assurance sous la présomption d'erreur d'un côté, sous la présomption de dol de l'autre? C'est qu'elle suppose qu'au moment du contrat l'assureur n'a eu ni raison de douter de la véracité de l'assuré, ni moyen de connaître ce qu'on lui taisait. En est-il de même pour ce qui concerne le nom de l'assuré? Ne pouvait-il pas, ne devait-il pas le demander? La faute résultant de son omission n'est donc pas exclusivement imputable à l'assure; et l'assureur trouverait une récompense de sa propre négligence dans la faculté qu'on lui reconnaîtrait de puiser, dans cette négli gence même, le prétexte de se délier de ses obligations. Ce n'est pas évidemment pour une pareille hypothèse que l'article 348 a été sanc tionné. Nous aurons occasion de le dire souvent, la loi n'a voulu que rendre justice aux assureurs, sans prétendre leur sacrifier les droits légitimes des assurés.

T. III, p. 296.

2 Valin, sur l'article 5; Émérigon, t. I, p. 55.

BÉDARRIDE. 1.

Ce qui est vrai pour l'indication du nom est, à plus forte raison, vrai pour celle du domicile. Il est un cas cependant où l'omission de celle-ci entraînerait la nullité de l'assurance; comme si l'assuré était domicilié dans un pays en état de guerre avec un autre. La confiscation de la propriété de leurs ennemis respectifs est un droit pour les nations belligérantes. Appartenir à l'une d'elles, par son domicile, serait donc une circonstance qui aggraverait singulièrement le risque. Toute réticence à cet égard rentrerait sous l'application de l'article 548 2.

2o Sa qualité de propriétaire ou de commissionnaire.

199. En thèse ordinaire, l'accomplissement de cette formalité n'est pas d'un grand intérêt pour les assureurs. En effet, que le souscripteur de la police soit propriétaire ou commissionnaire, il n'en est pas moins personnellement tenu du payement de la prime. D'autre part, il suffit, comme l'enseigne Émérigon, que l'aliment du risque soit réel, et que le connaissement soit conforme à la police, pour que l'assurance doive sortir à effet.

200. Cependant il est des hypothèses où l'omission et l'inexactitude de la déclaration à cet égard peuvent entrainer la nullité. Aussi devons-nous faire remarquer que, malgré les énonciations de la police, les assureurs sont toujours admis à agiter la question de propriété, lorsque la connaissance du véritable propriétaire peut influer sur le sort du contrat 3.

-

201. L'assurance réalisée par un créancier privilégié ou non, sur les effets de son débiteur, est-elle valable?

Pardessus enseigne l'affirmative. Il pense que dans ce cas le créancier est présumé le mandataire du propriétaire, son débiteur.

Nous ne saurions admettre cette doctrine. En droit, il est de principe que le mandataire oblige son mandant pour tout ce qu'il a fait dans la limite de ses pouvoirs. Or, cet effet pourrait-il se produire dans l'espèce? Les assureurs pourraient-ils faire condamner le propriétaire de l'objet assuré au payement de la prime stipulée par son créancier? Celui-ci aura-t-il le droit de la répéter après l'avoir payée?

Notre première question n'est pas de pure hypothèse. Le créancier qui a fait assurer peut, avant le payement de la prime, tomber en déconfiture, devenir insolvable. Comment, dans

5 Aix,7 janvier 1825; Journal du Palais, année 1825.

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ce cas, les assureurs obtiendront-ils leur paycment?

Diront-ils que le propriétaire a donné un mandat tacite? Mais celui-ci répondra avec succès que s'il n'a pas lui-même fait assurer, c'est qu'il n'a pas cru qu'une assurance fût nécessaire, ou qu'il a considéré comme plus avantageux de courir pour son propre compte les chances de la navigation, et de gagner ainsi luimême la prime plus ou moins considérable qu'il aurait fallu payer aux assureurs. En présence d'une pareille déclaration, d'une volonté de ce genre suivie d'exécution conforme, comment présumer un mandat contraire?

Qu'on y prenne garde d'ailleurs. L'admission du mandat tacite, en matière d'assurances, deviendrait bientôt une arme terrible contre les assureurs eux-mêmes; on sait, par exemple, que le propriétaire qui fait assurer doit au moment de l'assurance faire connaître toutes les circonstances de nature à influer sur le risque; que cette obligation existe alors même que l'assurance, ayant été contractée par mandataire, n'exige pas le concours personnel de l'assuré; que, dans ce dernier cas, la dissimulation d'un fait essentiel, connu de celui-ci, constitue la réticence dolosive, alors même que le mandataire ne l'a pas lui-même connu. Or, dans le système du mandat tacite, à quelle date en placera-t-on l'origine? comment reconnaîtra-t-on s'il est antérieur ou postérieur à l'accomplissement et à la connaissance du fait constituant la réticence? Et ce qui est possible lorsqu'il existe une lettre d'ordre, pourra-t-on le faire dans un cas de mandat tacite?

La réponse est facile. Il est clair en effet que bien souvent on exciperait de la qualité de créancier et conséquemment du mandat tacite, ne fût-ce que pour se dispenser de produire la lettre d'ordre, surtout lorsque par sa date, par son contenu, cette lettre serait de nature à prouver une rélicence et à déterminer ainsi la nullité de l'assurance.

Le système du mandat présumé ou tacite ouvrirait donc une large porte à la fraude. On doit dès lors se hâter de le proscrire, dans l'intérêt des assureurs eux-mêmes.

En droit, ce système est insoutenable, soit qu'on l'envisage sous l'influence du droit commun, soit qu'on le rapproche des principes spéciaux de la matière.

Invoquerait-on en droit commun la disposition de l'article 1166, en faisant remarquer l'intérêt qu'avait le créancier à ce que l'assurance préservât de tout péril le gage de sa

créance? Mais ce serait méconnaître le véritable caractère de cette disposition et vouloir lui donner une extension dont elle n'est pas susceptible.

Il est de principe, en effet, qu'il est des actes exclusivement réservés au débiteur, des droits qui sont tellement inhérents à sa personne, qu'ils ne peuvent être exercés que par lui seul. Dans le nombre, se place incontestablement le droit d'administrer sa fortune dont l'exercice n'a et ne peut avoir d'autre juge que lui-même. Aucun majeur ne peut être privé de ce droit, si ce n'est dans les cas prévus par la loi, et notamment dans ceux d'interdiction pour cause de démence ou par suite de condamnation criminelle, ou de faillite.

Or, contracter ou non une assurance, n'est ce pas administrer sa fortune? La chance aléatoire qui en fait la base permet-elle de juger a priori si le débiteur a bien ou mal fait de s'en abstenir? Il est sans doute prudent de prévoir un sinistre et de chercher à se mettre à couvert de ses conséquences. Mais si le voyage réussit, le défaut d'assurance aura été avantageux au débiteur, en l'affranchissant du payement d'une prime quelconque. L'article 1166 n'a donc pas été admis pour régir une matière pareille. Ne pas faire assurer constitue tout au plus une imprévoyance, et la loi qui défend une inaction évidemment nuisible aux créanciers, n'a pu songer à les autoriser à suppléer à l'imprévoyance que leur débiteur commet dans l'administration de ses biens.

Essayerait-on de l'article 1167? voudrait-on faire considérer l'inaction du débiteur comme une fraude contre ses créanciers? Ce système serait insoutenable. Courir soi-même les chances d'un voyage maritime ne peut jamais caractériser une fraude, car c'est là une faculté que la loi n'a jamais interdite à personne. Or, on ne saurait commettre une fraude lorsqu'on ne fait qu'user d'un droit qu'il vous est loisible d'exer

cer.

De quoi d'ailleurs pourrait justement se plaindre un créancier, fùt-il privilégié sur la marchandise à assurer? De deux choses l'une: ou il a connu au moment de la vente ou du prêt la destination de l'objet affecté à sa créance, et, s'il le jugeait utile, il devait stipuler l'obligation pour son débiteur de faire l'assurance ou, mieux encore, obtenir le mandat exprès de la contracter lui-même; ou il a ignoré cette destination, et, dans ce cas, comme en négligeant dans le premier la précaution dont nous venons de parler, il a volontairement suivi la foi de son débi

teur, et couru les chances du mode d'administration qu'il plairait à celui-ci de choisir.

Que si des principes ordinaires nous passons à ceux régissant spécialement les assurances, nous acquérons de plus fort la conviction que l'assurance par le créancier des facultés appartenant à son débiteur ne saurait constituer un de ces actes dont l'article 1166 confère la faculté aux créanciers d'un individu. L'assurance, en effet, affecte la chose qui en fait l'objet. Le payement de la prime est privilégié sur les effets assurés. Consentir la promesse de ce payement, c'est donc aliéner une portion de la chose elle-même. Comment concilier un tel pouvoir avec l'absence de toute idée de propriété? Pour accueillir le système que nous combattons, il faudrait donc admettre que, par la disposition de l'article 1166, la loi a permis au créancier de disposer des biens de son débiteur, sans son concours et sans l'intervention de la justice?

Il y a plus encore. En cas de sinistre dépassant le règlement d'avarie, le payement de l'assurance ne peut être poursuivi qu'après le délaissement des effets échappés au naufrage. I est de l'essence de ce délaissement de transférer la propriété de ces effets aux assureurs en échange du prix qu'ils ont reçu dans le contrat. Les qualités requises pour consentir ce délaissement sont donc, chez celui qui est appelé à le faire, d'abord qu'il ait été partie en l'assurance, ensuite qu'il ait la propriété de ce qui en a fait l'objet pour pouvoir la transmettre.

Or, dans l'espèce donnée, sera-ce le créancier qui consentira le délaissement? Mais il n'a aucun droit d'aliéner ce qui n'est pas sa propriété. Le transfert qu'il en aurait fait serait frappé d'une nullité radicale, comme constituant la vente du fonds d'autrui. Sera-ce le débiteur? Mais à quel titre? Étranger à l'assurance, seraitil recevable à exiger des assureurs ce que ceuxci n'ont jamais été obligés de lui donner? On le voit donc, le délaissement serait impossible et conséquemment l'assurance ne pourrait jamais sortir à effet. Elle est donc nulle.

Nous pensons avoir démontré que l'opinion de Pardessus est inadmissible. Il faut donc conclure des termes de l'article 548 que, pour contracter valablement une assurance, il faut être ou le propriétaire, ou le mandataire du propriétaire des objets assurés.

202. — Il importe de remarquer que la dé

Rouen, 5 décembre 1807. D. A., t. II, p. 58. 2 Aix, 7 janvier 1823.

3 Bordeaux, 18 février 1823; Aix, 26 juin 1826; D. A.,

claration que l'on agit comme mandataire peut avoir son utilité dans le cas surtout où il s'agit de prouver, par la date de la lettre d'ordre, que le mandant connaissait avant l'assurance une circonstance importante qui aurait été tue aux assureurs. Nous avons dit que cela suffirait pour constituer le dol présumé, alors même que le mandataire eût été dans l'ignorance la plus complète et que conséquemment la réticence ne put lui être imputée. C'est à bon droit cependant qu'on n'a pas fait de cette déclaration une condition essentielle à la validité de l'acte. Les assureurs ayant la faculté d'agiter la question de propriété, même dans le cas où l'assurance est contractée pour le compte de qui il appartiendra 2, arriveront facilement à apprécier la qualité en laquelle a agi le souscripteur de la police; et s'il n'a joué que le rôle de commissionnaire, la nécessité de communiquer la lettre d'ordre, s'il en existe de spéciale, leur assure l'exercice de leurs droits contre le réclamant.

203. L'article 348 ne fait pas un devoir au commissionnaire de faire connaître le nom de son mandant. Il est cependant un cas où le silence, gardé sur ce point, constitue une réticence dolosive. Ainsi si le propriétaire de qui l'ordre d'assurer émane appartenait à une nation belligérante, l'assurance dans laquelle il ne serait pas indiqué serait frappée de nullité, comme entachée d'une réticence dolosive 3.

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204.

- Le nom et la désignation du navire.

La connaissance du navire qui doit être l'objet ou le lieu du risque est un des éléments essentiels de l'assurance. C'est par elle que les assureurs apprécieront les chances de l'opération par le plus ou moins de dangers qu'offrent les qualités du navire, sa construction, son âge. Conséquemment, si l'assuré a inexactement signalé le nom du navire, l'assurance qui a été consentie sur le corps de ce même navire est évidemment nulle. La fausseté de la déclaration, son inexactitude même, crée une présomption de dol. Dans la même hypothèse, l'omission du nom enlèverait tout aliment au risque et annulerait par conséquent l'assurance.

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