Page images
PDF
EPUB

Il y a cependant une exception importante qu'il convient de rappeler. Le dol substantiel indirect détermine la rescision de l'acte, même contre le tiers, si celui-ci a traité à titre gratuit. Par exemple, vous me persuadez, par le moyen du dol, qu'une succession à laquelle je suis appelé est onéreuse, et vous parvenez, par vos manœuvres, à obtenir ma renonciation. En prouvant le dol, cause de ma détermination, je dois obtenir la nullité de cette renonciation, et cette nullité aura un effet direct contre l'héritier appelé à mon défaut, lequel sera tenu de me restituer l'hérédité et tous les fruits qu'il en aurait perçus. Il ne serait pas juste, en effet, qu'un autre profitât, même innocemment, de ce qui m'a été déloyalement extorqué et s'enrichit des dépouilles qui n'ont jamais dù lui appartenir. Ce grand principe d'équité était écrit dans la loi romaine Jure naturæ æquum est, neminem cum alterius detrimento et injuria locupletiorem fieri 1.

266. Ainsi le dol produit ou l'action en nullité ou rescision, ou l'action en dommagesintérêts. Quelle est l'étendue de l'une et de l'autre? C'est ce que nous allons examiner dans les paragraphes suivants.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

296.

1

La revendication des meubles ou droits incorporels n'est pas régie par l'article 2279.

297.

298.

299.

[blocks in formation]

Exceptions au droit de revendication. Contre qui l'action en nullité ou rescision doit être intentée.

--

267.

Dans son acception la plus usuelle, la nullité s'entend d'un vice radical qui atteint l'acte dans son essence, le frappe dans toutes ses dispositions et l'empêche de produire aucun effet.

Dans le langage du droit, on a toujours distingué la nullité de plein droit, c'est-à-dire celle que la loi a expressément prononcée et qui résulte d'un vice apparent et réel ayant empêché l'acte de se former, de la nullité par voie d'action, c'est-à-dire celle que la loi autorise le magistrat à prononcer, vérification faite des circonstances dont on prétend la faire résulter. Cette dernière était appelée en droit romain, restitution en entier; dans notre ancien droit, res

cision.

Différentes dans leurs causes, ces nullités étaient, sous l'une et l'autre de ces deux législations, soumises à un mode de poursuite bien distinct. En droit romain, la nullité de plein droit n'avait pas même besoin d'être prononcée, les parties pouvaient considérer l'acte comme n'ayant jamais existé, et revendiquer ce qu'elles

avaient volontairement payé. La restitution en entier ne pouvait être poursuivie que sur une autorisation préalable du préteur.

Dans notre ancien droit, on avait consacré le principe que nul ne pouvait se faire justice à soi-même; en conséquence la nullité de plein droit devait être prononcée par les tribunaux, mais chacun était libre de la provoquer directement, tandis qu'on ne pouvait se pourvoir en rescision qu'après l'obtention préalable de lettres de chancellerie.

Cet usage n'a été aboli que par la loi du 7 seplembre 1790, qui décida que l'action en rescision serait intentée comme l'action en nullité. L'article 1504 du Code civil a maintenu cette disposition, tout en élevant à dix ans les délais de la prescription pour l'une comme pour l'au

tre.

268.

Mais si elles ne diffèrent plus, quant à la forme et à la durée, ces deux actions n'ont pas cessé, à cause de la divergence de leur origine, de produire des effets bien distincts.

Ainsi l'acte radicalement nul n'a jamais pu se former, il n'a pas même l'apparence d'un contrat, n'est susceptible d'aucune exécution, alors même qu'il serait l'expression la plus sincère de la volonté des parties.

L'acte, simplement sujet à rescision, a toutes. les apparences d'un contrat régulier, il est présumé sérieux et sincère jusqu'à la preuve du vice qui doit l'anéantir.

De là, ces conséquences: 1o la démonstration matérielle de la nullité radicale, ou soit de la violation d'une disposition de loi, soit quant à la forme, soit quant au fond, entraîne inévitablement la chute de l'acte. Le juge n'a nullement à se préoccuper du plus ou moins de justice ou de convenance de ses dispositions. Il ne peut les maintenir, alors mème qu'il les reconnaîtrait et qu'elles seraient réellement avantageuses à la partie poursuivant la nullité.

Au contraire, l'acte sujet à rescision est toujours soumis à l'appréciation des magistrats, et sa nullité peut être refusée, car on doit, en pareille matière, considérer moins le vice en luimême que ses conséquences par rapport à l'intérêt des parties, et si, en définitive, le vice démontré certain ne doit causer aucun préjudice réel à celui qui se plaint, l'acte doit être maintenu.

2o L'acte radicalement nul ne doit point ètre exécuté provisoirement, ce principe est d'une

1 L. 5, Cod., de leg.

2 Duparc-Poullain, Principes du droit, t. VIII, p. 75;

haute importance toutes les fois qu'il s'agit de statuer sur la possession des objets en litige pendant la durée du procès.

Les législations précédentes nous offrent sur ce point de doctrine une unanimité parfaite. Le droit romain ne reconnaissait aucun caractère à l'acte contre les dispositions duquel la violation de la loi protestait sans cesse, et décidait nettement qu'on ne devait, dans aucun cas, lui accorder une exécution quelconque : Ea quæ lege fieri prohibentur, si facta fuerint, non solum inutilia sed pro infectis etiam habeantur... Certum est nec stipulationem hujus modi tenere, nec mandatum nullius esse momenti, nec sacramentum admitti 1.

Par application de ces principes, nos anciens jurisconsultes enseignaient que l'acte radicalement nul ne pouvait être considéré que comme un fait incapable de créer aucun droit, aucune action. C'est ainsi que d'Argentré le qualifie : Actus meri facti, sine ullo juris effectu, ne nomine quidem contractus digni. De là cette règle qu'il valait mieux ne produire aucun titre que d'en montrer un de ce genre: Melius est non ostendere titulum quam ostendere vitiosum.

Il n'en est pas de même de l'acte sujet à rescision, sa légalité apparente en commande le respect. L'équité et la justice exigent qu'il produise son effet, tant qu'on n'a pas justifié le vice dont on le prétend infecté. Il doit donc être provisoirement exécuté. Lui refuser cette exécution pendant procès, ce serait s'exposer à blesser des droits légitimes que la décision judiciaire consacrera peut-être; ce serait, en tous les cas, créer un préjugé dangereux que rien ne justifie.

C'est au reste ce que la doctrine et la jurisprudence ont de tous temps admis. «Tout acte

[merged small][ocr errors]

qui n'est pas radicalement nul, suivant les «lois du royaume, c'est-à-dire dont la nullité n'est pas prononcée par les lois, subsiste, << nonobstant l'action rescisoire, jusqu'à ce « qu'elle soit jugée définitivement et sans appel. "La provision est pour le titre, il doit avoir son «<exécution jusqu'après la sentence définitive. L'équité et le point de droit se réunissent au << maintien de cette vérité 2. "}

[blocks in formation]

précier plus sûrement la nature et les effets immédiats de l'action en rescision pour dol.

La nullité, qui en est le mobile et l'objet, ne pouvait être rangée dans la catégorie des nullités radicales. Pothier nous l'a dit lui-même : un consentement, quoique surpris, ne laisse pas d'être un consentement. D'autre part, l'acte est régulier en la forme, et cette double apparence indiquait quel devait être l'effet de l'attaque dirigée contre ses dispositions.

On ne pouvait donc qu'attendre le résultat de cette attaque et l'issue du débat contradictoire qu'elle allait soulever. La loi défend sans doute Je dol, mais elle ne le prohibe que lorsqu'il lui est démontré qu'il existe réellement; on ne pouvait donc argumenter de l'article 1116, pour prétendre à la nullité radicale de l'acte.

Au reste, le législateur n'a voulu laisser aucun doute, et l'article 1117 dispose que la convention contractée par dol n'est point nulle de plein droit, elle donne seulement lieu à une action en nullité ou rescision.

[ocr errors]

270. En réalité donc, la nullité résultant du dol se place dans les rangs des nullités par voie d'action; dès lors, et en vertu des principes que nous rappelions tout à l'heure, il faut conclure:

1° Que les tribunaux peuvent maintenir l'acte, alors même qu'ils reconnaîtraient le dol comme certain, si d'ailleurs celui qui se plaint ne peut en éprouver aucun préjudice. En conséquence, celui qui veut obtenir la nullité devra prouver autre chose que le dol lui-même, consilium fraudis; il lui faudra en outre justifier la réalité du préjudice, eventus damni;

2° Que l'acte attaqué doit être provisoirement exécuté sans caution, s'il est authentique ; avec ou sans caution, s'il est sous seing privé. Dans ce dernier cas mème, on doit être fort sobre de l'obligation du cautionnement et ne l'ordonner que dans de très-rares circonstances. Les magistrats ne doivent jamais perdre de vue que le titre se suffit à lui-même, et que tant que l'allégation qui lui est opposée n'est pas justifiée, elle ne saurait ni prévaloir sur l'apparence du titre, ni infirmer la foi qui lui est due.

Cette solution est surtout bonne à retenir lorsqu'un testament étant argué de captation, il y a lieu de régler à qui, du légataire universel ou des héritiers du sang, on doit confier l'administration des biens meubles ou immeubles composant la succession. Les principes que nous venons d'exposer suffisent pour indiquer que leur possession, et conséquemment leur administration, appartient évidemment au légataire,

tant que la preuve de la captation dolosive n'est pas établie. 271. L'action en nullité est ouverte en faveur de celui qui se plaint d'un dol substantiel. La certitude que, sans la perpétration du dol, le contrat n'eût pas existé, entraîne la nécessité d'annuler le contrat, afin que chaque partie soit remise au même état qu'avant le dol.

En général, le respect dû à l'acte volontairement souscrit fait refuser l'action de nullité à celui qui n'a éprouvé qu'un dol accidentel. Mais si la qualité de la chose sur laquelle le dol s'est exercé a dù paraître à celui qui se plaint tellement essentielle qu'on puisse supposer qu'en son absence il n'eut pas contracté, il serait par trop rigoureux de lui refuser cette action. Il est évident, en effet, comme nous l'avons déjà dit 1, que, dans cette hypothèse, il s'agit d'un dol ayant déterminé le contrat, car il est vrai que sans son emploi ce contrat n'eût pas existé. 272. Le principe de l'action en nullité ou rescision est, d'une part, la réparation de l'atteinte que celui qui en a été l'objet a éprouvée dans sa fortune; de l'autre, la peine due à celui qui s'est livré à un acte immoral et inique. Il suit de ce double caractère que l'action n'appartient qu'à celui qui a un préjudice à éprouver ou à craindre, et contre qui les manœuvres ont été dirigées.

-

Dès lors, si par des circonstances fortuites et imprévues l'acte entaché de dol, l'acte qui devait, par conséquent, être nuisible, devient avantageux à la partie restée étrangère au dol el cause à l'auteur de ce dol un préjudice grave, celui-ci ne pourrait en demander la rescision. Cette solution reçoit la double consécration des principes du droit et de la morale.

En droit, les nullités relatives ne peuvent être invoquées que par ceux en faveur de qui elles ont été créées. Or, celle de l'article 1116 est évidemment dans cette catégorie, car elle n'a pour objet que la réparation du préjudice souffert par l'une des parties sans qu'elle ait pu soupçonner les manœuvres ni s'en défendre.

Que si la partie, dans cette position et après la connaissance du dol, refuse de s'en prévaloir, l'acte devient la loi irrévocable pour tous. L'exécution accordée par celui qui pouvait l'attaquer, ce que nul ne peut le contraindre à faire, purge à tout jamais la convention du vice dont elle était entachée.

Aux yeux de la morale, l'idée d'un préjudice souffert par l'acte qui devait, qui était destiné à

4 Chap. Ier, sect. 11, 4er, nos 74 et suiv.

en causer un à autrui, n'a rien de répugnant. Tout l'intérêt, en pareille matière, est pour celui qui, déloyalement trompé, a souscrit un acte des conséquences fâcheuses duquel on doit le garantir. Mais on ne pouvait songer à protéger celui qui, ayant cherché dans le dol des ressources coupables, a vu tourner contre lui-même le mal qu'il voulait faire. Pour lui, d'ailleurs, l'acte a été spontané et libre, il doit donc l'exécuter tel qu'il l'a voulu, tel qu'il l'a fait. Sa plainte, fondée sur sa propre turpitude, ne mérite pas même d'être écoutée.

273. Ainsi, l'action en rescision n'appartient qu'à celle des parties qui a été ou dû être circonvenue par le dol. Mais elle ne lui est pas tellement personnelle qu'un autre que lui ne puisse en son nom l'exercer et la faire valoir. Elle passe, en conséquence, à ses héritiers dans le cas de l'utiliser dans les délais de l'art. 1304. La demande de ces héritiers ne pourrait être écartée, par le silence gardé par leur auteur, que dans le cas où on aurait pu l'opposer à cet auteur lui-même, c'est-à-dire si ce silence avait été accompagné de faits et circonstances de na'ture à constituer la ratification tacite ou expresse, telle qu'elle est déterminée par l'article 1528 du Code civil.

Du vivant même de la partie, l'action peut être intentée par ses créanciers sous un double rapport d'abord comme exerçant les actions de leur débiteur, aux termes de l'article 1166 du Code civil; ensuite en vertu du principe consacré par l'article 1167. L'inaction du débiteur, en présence d'un dol certain, pourrait fort bien n'être que le résultat d'une collusion frauduleuse pour grever les créanciers des conséquences d'un acle onéreux et contraire à leurs intérêts.

274. Pourrait-on exciper contre les créanciers des actes d'exécution ou de la ratification tacite du débiteur? Il est certain que si les créanciers agissent dans le cas prévu par l'article 1167, les actes d'exécution ou la ratification ne pourraient leur être opposés. On ne verrait dans ces divers actes que l'exécution d'une fraude concertée et dont l'existence a précisément donné ouverture à l'action. En effet, que la fraude résulte de l'acte dolosif, qu'elle résulte du silence gardé par le débiteur, tout ce qui a été fait pour le maintien de l'acte n'a et ne peut avoir pour objet que de le faire sortir à effet ; et ce qu'on ne peut faire directement ne saurait être fait d'une manière indirecte.

Si l'action des créanciers est celle autorisée par l'article 1166, il est bien évident qu'ils seront passibles des exceptions qu'on pourrait

opposer au débiteur lui-même. En conséquence, la ratification qui lierait celui-ci les lierait euxmêmes, à moins qu'ils n'attaquent de leur chef cette ratification comme faite en fraude de leurs droits. Mais dans ce cas, comme dans le précédent, la preuve de la fraude est à leur charge, et faute par eux de la fournir, tout comme si l'acte constituant la ratification s'était réalisé de bonne foi et en temps non suspect, l'acte attaqué devrait être maintenu.

275. Quel que soit le poursuivant, si la preuve des faits articulés était rapportée et si ces faits établissaient le dol, la demande devrait être accueillie. La justice aurait donc soit à rescinder l'acte ou à accorder les dommages-intérêts réclamés.

Remarquons, en effet, que, même pour le dol substantiel, la partie plaignante est libre de s'en tenir à l'acte et de réclamer une réparation pécuniaire. Le défendeur ne serait recevable ni à contester celle-ci, ni à s'en exonérer en demandant de son chef la rescision de l'acte. La partie lésée ayant seule action est, sans contredit, le meilleur juge du mode de réparation le plus convenable à ses intérêts. Elle peut donc choisir celui des deux auquel elle croit devoir s'arrêter, et ce choix est obligatoire pour la justice comme pour son adversaire.

Permettre à celui-ci d'imposer de son chef la rescision de l'acte, lorsqu'on lui demande des dommages-intérêts, c'était, dans bien des cas, s'exposer à rendre toute réparation impossible. La rescision peut être impraticable dans telle hypothèse, nuisible dans telle autre. Or, ce sera précisément dans les unes et les autres que le défendeur insistera plus vivement sur une rescision qui serait pour lui le gain du procès.

Par exemple, des matériaux ont été employés, des substances ont été mélangées avec d'autres ; on s'aperçoit ensuite de leur mauvaise qualité, et l'on découvre la ruse en faveur de laquelle le marchand a su fasciner les yeux de l'acheteur. Cependant, celui-ci ne pouvant les représenter en nature, la vente qui lui en a été faite ne pourrait être résiliée 1.

Ou bien, supposez un individu ayant acquis une propriété qu'il est venu habiter avec sa famille. Il s'aperçoit ensuite qu'il a été trompé et découvre comment il l'a été. Il regrette d'avoir fait une acquisition qu'il n'eût certainement pas faite s'il avait connu la vérité. Mais il a quitté son ancienne résidence, pris de nouvelles habitudes, et, pour payer le prix, fait dans sa for

1 Chardon, du Dol, t. Jer, no 24, p. 41.

tune des revirements sur lesquels il ne peut revenir 1.

Évidemment, dans l'un et l'autre cas, la rescision de l'acte ajouterait un préjudice grave à celui que le dol a fait éprouver. Il est donc certain qu'on préférera s'en tenir à une allocation de dommages-intérêts. On comprend dès lors pourquoi la loi a ouvert une double action et comment elle a cru devoir refuser au débiteur la faculté d'offrir l'une lorsqu'il se trouve sous le coup de l'autre.

Le débiteur serait-il fondé à se plaindre de cette détermination? Quel grief réel lui causet-on en lui imposant le mode de réparation poursuivi par celui qu'il a trompé ? C'est par son fait personnel qu'est née la nécessité d'une réparation quelconque, et l'on ne saurait hésiter entre celui qui a trompé et celui qui souffre. Sans doute la rescision est le remède le plus héroïque, mais encore faut-il qu'elle entre dans les convenances de celui qui a le droit de s'en prévaloir; et si, sur l'opinion du contraire, il se borne à demander une réparation pécuniaire, l'intérêt opposé de celui qui est tenu de la fournir n'est, aux yeux de la morale et de la justice, ni une considération, ni un motif de refus. C'est à celui qui craint ce résultat à s'abstenir de se livrer à des actes pouvant le déterminer.

276. Il est une hypothèse où la rescision est légalement impossible, lorsqu'il s'est agi, par exemple, d'un transfert de rentes sur l'État. La rescision prononcée par justice serait insuffisante pour opérer la restitution et faire rentrer ces rentes dans la possession du propriétaire qui en a été spolié. Le décret du 8 nivòse an vi déclarant irrecevable toute opposition au payement du créancier titulaire, la rétrocession ordonnée par justice ne pourrait produire aucun effet, à moins d'être volontairement consentie et réalisée par ce titulaire même. On devrait donc l'y contraindre par une condamnation pécuniaire, engageant sa fortune, sa liberté

[blocks in formation]

suivant la nature de la chose qui doit en motiver l'exercice.

En principe, la faculté de revendiquer repose sur cette vérité incontestable que nul ne peut être dépouillé de sa propriété que de son libre consentement. Le respect pour la propriété est une des colonnes de l'ordre social, et l'on ne saurait en méconnaître l'importance sans tomber dans de graves dangers. Celui-là donc qui, par un dol, a subi une atteinte dans sa propriété, doit voir cette atteinte effacée et sa fortune rétablie dans le même état qu'auparavant. La rescision n'a pas d'autre but: Restitutio ita facienda est, ut unusquisque integrum suum jus recipiat 2.

Or, cet expédient d'équité et de justice serait souvent impraticable, si l'auteur du dol ayant transmis à un tiers l'objet qu'il a extorqué, la partie lésée ne pouvait le réclamer contre ce tiers. Il est facile de prévoir en effet que celui qui n'a, à la propriété d'une chose, que les droits acquis par le dol, s'empressera de la réaliser pour échapper à la nécessité de la rendre, laissant ainsi le véritable propriétaire en présence d'une insolvabilité certaine, et d'un tiers ne pouvant être attaqué.

Le préjudice causé par le dol eut donc été définitivement consommé. L'instance même que sa découverte nécessite eut produit pour résultat unique une aggravation de préjudice. L'admission de la revendication pouvait seule remédier à d'aussi injustes éventualités.

C'est là sans doute un devoir rigoureux contre le tiers obligé de restituer une chose qu'il a acquise et payée. Mais il est facile de se convaincre qu'on n'a fait dans cette circonstance qu'appliquer des principes élémentaires, et notamment celui qui régit la vente de la chose d'autrui.

En effet, que celui qui a perdu sa propriété par un dol véritable ait été injustement dépouillé, c'est ce qui ne peut être ni contestable, ni contesté; c'est ce qui résulte d'ailleurs invinciblement du jugement qui constate le dol et le réprime. Ce jugement purge le demandeur du reproche d'imprudence. Nous l'avons déjà dit, le dol ne saurait exister si sa réussite est imputable à l'imprudence de celui qui s'en plaint. La constatation judiciaire de l'une est exclusive de l'existence de l'autre.

Les droits du possesseur intermédiaire reposent donc sur une coupable usurpation, d'où la conséquence qu'en les transmettant, il ne peut

2 L. 24, Dig., de minoribus.

« PreviousContinue »