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Droit des héritiers de faire prononcer la réduction de tous avantages indirects.

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1399. Le père pourra-t-il poursuivre la nullité des actes qu'il aurait simulés pour avantager le fils naturel? 1400.

Quid du légataire universel?

1401. Comment faudrait-il résoudre ces questions, s'il s'agissait des incapables dont parle l'article 909?

1287. La loi doit recevoir sa pleine, franche et loyale exécution. Ce principe, qui est la première et la plus puissante sauvegarde de toute société, n'est contesté par personne, mais l'intérêt privé, aux prises avec l'intérêt général, le fera souvent méconnaître et violer.

Cette violation ne sera presque jamais explicite et formelle. L'incontestable sort qui lui est réservé amènera fatalement à cette conséquence: que la désobéissance à la loi empruntera les dehors les plus légitimes, l'apparence la plus inoffensive. L'essentiel, en effet, est de paraître se conformer à la loi, tout en la violant.

Mais quel que soit le déguisement auquel on aura recours, quelle qu'en soit la légalité apparente, la fraude, dépouillée des oripeaux qui la couvrent, sera condamnée à la plus rigoureuse impuissance. La preuve de son existence enlèvera à la convention toute force légale, tout lien obligatoire; elle sera censée n'avoir jamais existé.

1288. Cet effet incontestable de la fraude à la loi n'a jamais pu être, n'a jamais été contesté par personne ; aussi, l'unique difficulté que cette matière a pu soulever, se rapporte exclusivement au mode d'après lequel la fraude est susceptible d'être constatée.

Cette difficulté même se concentre dans ce qui concerne les parties; elle n'a jamais pu sérieusement s'élever à l'endroit des tiers. Ceux-ci, en effet, ont toujours le droit d'échapper au préjudice dont ils sont menacés, et ce droit leur confère nécessairement le pouvoir d'établir et de prouver la fraude concertée à leur détriment. Leur refuser, dans une pareille occurrence, le secours de la preuve testimoniale, c'était d'avance condamner leurs efforts à l'impuissance la plus absolue, méconnaître, à leur encontre, les principes d'une justice exacte, violer expressément la loi elle-même. En effet, l'article 1348 confère la faculté de prouver par témoins à celui qui n'a pu se procurer la preuve littérale. Or, qui mieux que les tiers s'est jamais trouvé dans une pareille impuissance?

1289. — L'unique difficulté à cet égard ne pouvait donc se présenter que relativement aux parties contractantes. Fallait-il les admettre à prouver par témoins contre leur propre fait ? La négative a été soutenue; on a dit que rien ne les contraignait à souscrire à une violation de la loi pouvant leser leurs intérêts; qu'elles ont été à même de se procurer la preuve écrite ; qu'il n'y avait rien d'immoral à maintenir le préjudice qu'elles se sont volontairement occasionné par leur désobéissance formelle à la loi; que ce qui était véritablement immoral, c'était de faciliter l'accès de la justice à celui qui n'avait d'autre titre à invoquer que sa propre turpitude.

1290. Une pareille doctrine ne nous paraft pas admissible dans le sens absolu et rigoureux qu'on veut lui donner. Parfaitement juridique dans une certaine mesure, elle serait fausse et dangereuse au delà; elle comporte donc un tempérament équitable, de nature à concilier, dans de justes proportions, les sentiments qu'excite la conduite de la partie avec le respect dù à la loi.

Nous admettons donc la prohibition absolue, contre la partie, de toute preuve testimoniale, dans le cas d'une simulation dans la nature du contrat. Nous nous sommes expliqué, à cet égard, dans la précédente section. Quant à la fraude à la loi, nous distinguons suivant que le but que se sont proposé les parties est prohibé dans un intérêt privé, ou dans un intérêt général ou d'ordre public.

1291. En effet, toutes les prohibitions, toutes les prescriptions légales n'ont pas été sanctionnées au même titre. Il en est dont l'exécution est réclamée par l'intérêt social, parce que leur violation aurait des conséquences funestes pour toute une classe de citoyens ou pour

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tous les citoyens. Le principe qui a dicté les autres n'est que la conséquence de la protection que, dans un intérêt relatif, le législateur a voulu assurer, dans de certaines limites, à tel ou tel droit privé dont il a cru devoir surveiller l'exercice.

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1292. Ces dernières constituent une faveur à laquelle peut renoncer celui que la loi appelle à en jouir. Dès lors, si la fraude est dirigée contre l'une d'elles, la partie n'est pas recevable à la prouver par témoins. Cette fraude n'est qu'une renonciation tacite à un bénéfice qu'on pourrait expressément répudier, et rien ne défend de faire d'une manière indirecte ce qu'on a la faculté de faire directement.

Ainsi, nous avons vu que l'acte onéreux, déguisant une libéralité, était maintenu, malgré qu'il n'offre pas, dans sa confection, les formes prescrites pour la donation. Cependant, pour celle-ci, l'exécution de ces formes est ordonnée à peine de nullité. Mais cette nullité est surtout dans l'intérêt privé du donateur, il a donc pu y renoncer, et c'est ce qu'il a fait en choisissant un autre mode de disposition. A quel titre donc prétendrait-il, tardivement et après coup, revendiquer un bénéfice qu'il a volontairement répudié? Il n'a pas voulu suivre le conseil que Ja loi lui donnait, il n'a plus qu'à subir les conséquences de ce qu'il a librement et volontairement exécuté: Invito non datur beneficium.

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1293. Mais la même indifférence n'est plus possible, lorsque la prohibition éludée est d'ordre public. Son caractère général, non moins que les conséquences de son inexécution, protestent sans cesse contre sa violation. Qu'arriverait-il si on tolérait qu'un débiteur pùt éluder la prohibition de se soumettre à la contrainte par corps, hors des cas déterminés ; si les biens arrachés par le médecin ou le confesseur, par des donations sous forme de contrat à titre onéreux, devaient leur appartenir irrévocablement, ou bien encore si, à l'aide d'un déguisement, le père de famille pouvait impunément et sans retour subir les conséquences d'une spoliation qu'il a réalisée dans un moment d'entraînement et de colère? Il y aurait là, sans doute, des intérêts privés fortement compromis, mais l'intérêt général ne serait pas moins froissé, et la plaie qui lui est faite doit autoriser un recours que celle subie par les premiers ne justifierait pas suffisamment.

1294. Ainsi, la fraude à une loi d'intérêt privé est obligatoire pour celui qui a concouru à sa réalisation. Il ne pourra en être relevé que par la preuve écrite qu'il s'en sera procurée. La

fraude contre une loi d'ordre public peut toujours être prouvée par témoins, et cette preuve, la partie elle-même peut l'invoquer.

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1295. — C'est à l'aide de cette distinction que doit se résoudre une difficulté résultant des termes de l'article 1131 du code civil. Cet article, a-t-on dit, met sur la même ligne le défaut de cause, la cause fausse et la cause illicite. Dès lors la partie, admise à prouver par témoins l'existence de celle-ci, doit l'être à justifier, par le même mode, celle des deux autres.

C'est là prêter à l'article 1151 une intention qui n'a jamais été dans la pensée du législateur. L'article 1131 ne fait qu'une seule chose, il proclame, quant au résultat, une parfaite identité entre la cause illicite et la fausse cause et l'absence de cause, c'est-à-dire que l'obligation, nulle dans la première hypothèse, l'est également dans les deux autres.

Mais comment établira-t-on qu'il n'y a pas de cause, ou que la cause énoncée n'est pas vraie? La cause n'a pas même besoin d'être exprimée, c'est ce qui résulte de la disposition de l'article 1152. Il faut donc admettre que l'absence de cause dont s'occupe l'article précédent ne s'entend que du cas où le titre, énonçant une cause, n'en a réellement aucune, parce que celle indiquée est fausse et qu'il n'en existe pas d'autre, comme, par exemple, dans la simulation absolue.

Mais, dans cette hypothèse, on se trouvera en présence des articles 1319 et 1322. La foi due à l'acte ne pourra être ébranlée tant que le créancier se retranchera derrière ses expressions. Les allégations du débiteur seront donc évidemment sans objet, à moins qu'appuyées sur une preuve littérale, elles ne justifient soit la fausseté de la cause, soit l'absence de toute cause. Dans l'un et l'autre cas, la preuve testimoniale est inadmissible par l'application de l'article 1341. S'il en était autrement, il faudrait admettre qu'une vente, simulée en fraude des droits des créanciers, pourrait être déclarée telle sur la demande de l'auteur principal de la simulation, qui pourrait la prouver par témoins. Or, le contraire est universellement admis.

Ainsi, en principe, la nullité résultant de la fausse cause ou du défaut de cause est toute dans l'intérêt privé des parties. Cela admis, la simulation de la cause rendant le contrat régulier, fait disparaître le motif de la nullité. L'auteur de cette simulation pouvait en éviter les conséquences soit en ne pas la consentant, soit en se faisant délivrer la preuve écrite de son existence. S'il a manqué à ce devoir, il doit

supporter les conséquences de son imprudence et de sa légèreté. Suffisamment prévenu de ces effets, il ne peut demander à la loi une protection que l'exécution de ses prescriptions lui aurait assurée.

Il n'en est pas de même de la cause illicite. La loi ne peut admettre que ce qui a pour objet d'éluder les préceptes de la morale, l'exigence des bonnes mœurs ou les dispositions d'ordre public puisse jamais produire aucun effet. La volonté contraire des parties ne pouvait, dans aucun de ces cas, prévaloir contre ses prohibitions, sur lesquelles nul n'a pu transiger. Tout ce qui a été fait en sens contraire doit donc s'effacer et disparaître.

Or, comment atteindre ce résultat si les parties elles-mêmes ne peuvent, se prévalant de ce caractère de la fraude, en prouver l'existence même par témoins? Ne suffit-il pas, pour faire admettre le contraire, de considérer que le résultat de cette doctrine conduirait infailliblement à mettre la loi dans l'impuissance de réprimer ce qu'elle condamne d'une manière formelle?

Ainsi, il y a identité dans les résultats, dans la cause illicite, dans la fausse cause et dans le défaut de cause, mais l'allégation de la première rend la preuve testimoniale admissible pour les parties elles-mêmes. L'existence des deux dernières ne peut être établie que par la preuve écrite, sauf les droits des tiers qui n'y ont pas

concouru.

1296.- La preuve littérale résulterait, dans tous les cas, de la contre-lettre souscrite par les parties. Mais son existence ayant pour objet de favoriser la violation de la loi, on a prétendu, dans certains cas, l'annuler même à l'endroit des parties entre elles. C'est notamment ce qu'on a prétendu pour les contre-lettres établissant un supplément de prix dans les cas de vente.

C'est, en effet, ce qui résultait de la loi du 22 frimaire an vII, dont l'article 40 déclarait nulle et de nul effet, même à l'égard des parties contractantes, toute contre-lettre ayant pour objet une augmentation du prix porté dans un contrat de vente. Par application de cette disposition, la cour de cassation décidait, par arrêt du 10 janvier 1809, que la demande en supplément de prix, formée par le vendeur et fondée sur une contre-lettre, devait être repoussée. Ainsi, on arrivait à ce singulier résultat que la responsabilité de la fraude retombait tout entière sur celui qui n'y avait aucun intérêt. En effet, la dissimulation du prix ne pouvait avoir pour résultat que d'éluder le droit d'enre

gistrement sur la partie non déclarée. Or, ce droit étant à la charge de l'acquéreur, on peut supposer que la dissimulation était son fait plutôt que celui du vendeur, et cependant on faisait perdre à celui-ci une partie du juste prix, tandis que l'acquéreur, qui y avait trouvé d'abord l'avantage de ne payer aucun droit d'enregistrement, y trouvait encore celui de s'exonérer de la dette légitime qu'il s'était imposée, et obtenait ainsi la chose sans en payer le prix.

Ce résultat était inique et parut tel au rédacteur du Code. Aussi a-t-il voulu le proscrire lorsque, s'occupant des contre-lettres, il a édicté l'article 1521. Aux termes de sa disposition, les contre-lettres ne peuvent avoir effet qu'entre les parties contractantes; elles n'en ont aucun contre les tiers, seconde règle non moins juste, non moins équitable que la première.

1297. — Il semble qu'une disposition de ce genre était de nature à empêcher, à l'avenir, toute controverse sur l'applicabilité de la loi de frimaire an vi; il n'en a rien été cependant. L'affirmative a été soutenue contrairement à l'opinion de Delvincourt, Toullier, Duranton et Chardon, notamment par de Plasman, auteur d'un traité spécial sur les contre-lettres 1.

Cet auteur pense donc que les contre-lettres en matière de vente sont encore régies par la loi de l'an vii, que le Code civil n'a pas formellement abrogée. En l'état du silence gardé à cet égard, cette loi spéciale, et toute dans l'intérêt de l'État, n'a pas été atteinte. L'article 1321 ne règle que l'effet des contre-lettres en général, tandis que l'article 40 de la loi ne s'occupe que des contre lettres in specie, de celles qui ont pour objet d'augmenter le prix contenu dans l'acte de vente. Or, dans le concours d'une loi générale, et d'une autre spéciale, celle-ci doit être préférée en vertu de la règle : Et illud potissimum habetur quod ad speciem directum est.

Il est donc impossible, continue de Plasman, de soutenir, en principe strict de droit, que l'article 1321 abroge une disposition avec laquelle il n'a pas un rapport direct. Le principe qu'il consacre n'existait pas sous l'ancienne jurisprudence. Alors, les contre-lettres avaient effet, même à l'égard des tiers. Dès lors, le législateur n'a eu pour but, dans la loi nouvelle, que de consacrer le principe que les contre-lettres ne doivent produire effet qu'entre les parties contractantes seulement, sans s'occuper, en aucune

Partie 1, § 5.

manière, des lois créées dans l'intérêt du fisc,

sans vouloir ni les approuver, ni les détruire. 1298. En fait, comme en droit, ces raisons manquent de justesse et de portée.

En principe, les lois nouvelles détruisent les anciennes, en tout ce qu'elles ont d'inconciliable et de contraire. Ce principe admis, il faut rechercher quel était l'état des choses au moment où le Code civil allait être promulgué. Or, cet état des choses, de Plasman nous l'indique luimème c'était, d'une part, la jurisprudence ancienne permettant d'opposer aux tiers l'effet d'une contre-lettre; de l'autre, la loi de l'an VII déclarant certaines d'elles non- seulement non opposables aux tiers, mais encore sans effets entre les parties. Le Code a donc trouvé les contre-lettres divisées en deux catégories bien tranchées.

Supposez qu'il n'ait pas voulu admettre cette division et qu'entendant les ranger toutes dans une mème catégorie, il ait entendu leur faire produire à toutes le même effet, comment aurat-il procédé? Évidemment pas autrement que de les comprendre toutes, sans exception, dans une disposition unique. Or, c'est précisément ce qu'a fait l'article 1321; peut-on dès lors douter de ses intentions et des effets s'y rattachant? De Plasman avouera que sa seconde disposition, celle relative aux tiers, s'applique aux contrelettres en matière de vente comme à toutes les autres. Pourquoi donc seraient-elles exceptées de la règle tracée par la première disposition? Où s'arrêtera d'ailleurs cette exception purement arbitraire? Après les contre-lettres en matière de vente, viendront celles pour échange, pour donation, etc... Et, d'exception en exception, la règle générale ne régira plus rien.

Que dans le concours d'une loi générale avec une loi spéciale, il faille recourir à celle-ci, nous l'admettons, mais peut-on contester à la première le droit d'abroger la seconde qui lui est antérieure? Or, l'abrogation n'a pas toujours besoin d'être formellement exprimée, elle résulte énergiquement du caractère inconciliable des deux dispositions. Or ce caractère fut-il jamais plus énergique qu'entre le texte du Code et celui de l'an vII.

Il suffirait donc de ce texte pour repousser l'opinion de de Plasman. Que sera-ce donc lorsque, s'en référant à la discussion législative, on arrivera à ce résultat que c'est surtout la loi de l'an vi que l'article 1521 a voulu atteindre ? On va juger si notre proposition est le moins du monde hasardée.

Le premier projet du Code ne disait rien sur

les contre-lettres, et ce silence avait été imité par la commission. Ce qui les signala à l'attention du législateur fut une proposition de Duchâtel, demandant qu'on les proscrivit d'une manière absolue. L'usage des contre-lettres, disait-il, tendant à déguiser les conventions, il en résulte des fraudes contre les particuliers, et toujours contre le trésor public.

Regnault de Saint-Jean d'Angély dit qu'un jugement vient d'annuler une contre-lettre ajoutant au prix d'une vente.

Bigot de Préameneu soutient que les contre-lettres ne doivent être annulées que lorsqu'elles sont frauduleuses.

Berlier dit que la proposition de M. Duchâtel lui paraît, dans sa généralité, propre à produire un mal plus grand que celui qu'on a voulu éviter.

« Il a été, ajoute-t-il, au titre du Mariage, pourvu au sort des contre-lettres qui pouvaient y être relatives, et c'est en cette matière qu'il importait le plus de parer aux abus, parce que c'est là qu'ils sont les plus fréquents, principalement ceux qui touchent à la substance du pacte.

«Mais, dans une foule d'autres contrats qui ont eu lieu entre les hommes, ne serait-il pas souvent injuste de ne considérer comme valable que l'acte authentique, en rejetant les modifications contenues dans la contre-lettre? Ne seraitce pas dénaturer les conventions? Et le législateur le doit-il, lors surtout qu'il peut y avoir des contre-lettres qui n'aient point eu pour objet de déguiser la convention primitive, mais d'en fixer le sens, ou d'en réparer les omissions?

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« A la vérité, les contre-lettres ont souvent lieu pour éluder ou pour affaiblir les droits dus au trésor public; mais c'est par des amendes, et non par la peine de nullité, que cette espèce de fraude peut être atteinte et punie; dans aucun cas, le législateur ne peut mettre sa volonté à la place de celle des parties pour augmenter ou diminuer les obligations respectives qu'elles se sont imposées. »

Le consul Cambacérès dit qu'il existe déjà une disposition législative contre l'usage des contre lettres (loi du 7 frimaire an vii), mais elle ne lui semble pas juste, ces actes doivent avoir tout leur effet entre les parties; il suffit, pour en prévenir l'abus, de les soumettre au droit d'enregistrement, lorsqu'ils sont produits.

Tronchet observe qu'il faut en effet distinguer une contre-lettre doit être valable entre les parties, et nulle contre les tiers. Or la régie

de l'enregistrement est un tiers par rapport à l'acte 1. »

Après quelques observations de Defermon, dans le même sens, la proposition fut renvoyée à la section qui proposa et fit adopter l'article 1521, tel qu'il est inscrit dans le Code.

Eh bien ! nous le demandons, peut-il exister le moindre doute sur la portée de ce texte et sur l'intention du législateur? Est-il possible surtout de prétendre qu'il ait voulu maintenir une législation que le consul Cambacérès flétrissait comme injuste, et dont personne n'osa prendre la défense? Nous pensons donc qu'il est inutile d'insister, et que nous pouvons conclure avec toute certitude. L'article 1321 a voulu surtout abroger la loi de frimaire an vii, et l'a formellement abrogée.

De Plasman trouve mauvais que Toullier ait fait ressortir énergiquement l'immoralité du résultat consacré par une législation que Cambacérès appelait injuste. Il reconnait cependant qu'il est odieux qu'un acquéreur, se jouant des promesses les plus solennelles, puisse retenir la propriété sans en payer le prix réel et convenu. Mais ce qui est non moins immoral, ajoute-t-il, c'est de voir le vendeur et l'acquéreur s'entendre pour tromper la loi et frauder le trésor public.

C'est donc surtout dans l'intérêt de celui-ci que de Plasman se prononce pour la nullité absolue. Or, qu'on nous permette de le dire, s'il y a un système qui puisse préjudicier aux droits du fisc, c'est incontestablement celui que soutient de Plasman. Quelles seront, en effet, les conséquences de la nullité absolue? Qu'on ne fera plus de contre-lettres. C'est possible! Mais la fraude, qu'avec raison blâme de Plasman, se perpétuera tant que les acquéreurs auront intérêt à payer le moindre droit d'enregistrement possible; seulement on prendra d'autres mesures pour assurer la fraude, telles, par exemple, que le dépôt ou le payement comptant de la partie du prix qu'on voudra dissimuler; et, de tout cela, il arrivera que le fisc n'entendra jamais parler de ce supplément et ne pourra jamais le soumettre à aucuns droits.

Combien Cambacérès entendait mieux les intérêts du trésor public! Valider la contre-lettre, c'est, en cas de difficulté, en favoriser la production; c'est même forcer cette production en cas de contestation. La connaissance acquise par cette production, le fisc pourra se faire payer avec usure des droits dont on a voulu le frustrer.

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Ainsi, indépendamment de ce qu'il est contraire à la loi, le système de de Plasman a le défaut de se placer en opposition directe avec l'intérêt qu'il prétend protéger. Il est donc, sous l'un et l'autre rapport, complétement inadmissible.

1299.

Cependant il a été consacré par

deux arrêts de la cour de cassation, des 15 fructidor an n et 10 janvier 1809. Nous ne dirons rien du premier, car antérieur à la promulgation de l'article 1321, il demeure forcément sans influence sur une question qui n'a pu naître que depuis cette promulgation.

Quant au second, rendu sous l'empire du Code, il a jugé plutôt une question de non-rétroactivité qu'une difficulté se référant à son influence sur la législation précédente. Il suffit, en effet, de faire remarquer que l'arrêt dénoncé à sa censure avait statué sur une contre-lettre antérieure au Code civil, qu'il avait pourtant validée par application de l'article 1321.

Aussi le pourvoi se fondait-il sur la violation de l'article 40 de la loi de l'an vii, et pour fausse application de l'article 1521. Il est vrai qu'à l'appui de ce dernier moyen, le demandeur soutenait que la règle générale de l'article 1521 n'avait pu abroger la loi spéciale à la matière.

Mais ce second moyen n'est pas même abordé par la cour de cassation; elle se borne à viser dans son arrêt l'article 40 de la loi de l'an vu, dont elle fait application. Ce n'est que dans le sommaire de l'arrêtiste qu'on lit ces mots : il n'a pas été dérogé à cette loi par l'article 1521, mais c'est là un principe que l'arrêt ne juge pas, par l'excellente raison qu'il n'avait pas à le décider; la seule législation applicable était la loi de l'an vII, sous l'empire de laquelle la contrelettre avait été créée.

Ce que la cour n'a pas jugé en 1809, elle l'a décidé, mais en sens contraire, le 10 janvier 1819, et depuis elle a persisté dans la jurisprudence dans laquelle la plupart des cours d'appel l'ont suivie.

Il existe encore un arrêt dont se prévaut de Plasman, c'est celui rendu par la cour de Metz, le 17 février 1819. Mais cet arrêt, qui n'est peutètre dù qu'à la fausse interprétation donnée à celui de la cour de cassation, du 10 janvier 1809, ne saurait prévaloir, en aucun cas, sur les raisons que nous avons exposées sur la jurisprudence actuelle de la cour de cassation, sur celle que plusieurs autres cours ont adoptée 2.

15 décembre 1852: Dalloz jeune, Dictionnaire général, vo Enregist., * 2229.

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