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peuples. De plus grands changemens encore peuvent avoir lieu, et tout contraires à la politique de la nation anglaise. La paix est donc à la fois dans l'intérêt des peuples du continent, comme dans l'intérêt des peuples de la Grande-Bretagne..

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nous réunissons pour prier Votre Majesté d'écouter la voix de l'humanité en faisant taire celle des passions; de chercher, avec l'intention d'y parvenir, à concilier tous les intérêts, et par la garantir toutes les puissances qui existent et assurer le bonheur de l'Europe et de cette génération à la tête de laquelle la Providence nous a placés.

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Signé NAPOLÉON.

ALEXANDRE. »

LETTRE du ministre des relations extérieures de l'Empire français à M. Canning, ministre du roi d'Angleterre,

«Erfurth, le 12 octobre 1808.

>>> Monsieur, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Excellence une lettre que l'empereur des Français et celui de toutes les, Russies écrivent à S. M. britannique. Sans doute la grandeur et la sincérité de cette démarche seront appréciées; on ne peut attribuer à la faiblesse ce qui est le résultat de l'intime liaison des deux plus grands monarques du continent, unis pour la paix comme pour la guerre.

» S. M. l'empereur m'a chargé de faire connaître à Votre Excellence qu'elle a nommé des plénipotentiaires qui se rendront dans la ville du continent où S. M. le roi de la GrandeBretagne et ses alliés enverront leurs plénipotentiaires. Quant aux bases de la négociation, LL. MM. sont disposées à adopter' celles précédemment proposées par l'Angleterre même, savoir, l'uti possidetis, et toute autre base fondée sur la justice et sur la réciprocité et l'égalité qui doivent régner entre toutes les nations.

>>> J'ai l'honneur d'être, etc. Signé CHAMPAGNY. »

(Une lettre toute semblable était adressée à M. Canning par M. Romanzoff, ministre de Russie.)

NOTE de M. Canning en réponse aux ouvertures faites par la France et la Russie.

« Londres, le 28 octobre 1808.

>> Le roi a constamment déclaré qu'il désirait la paix, et qu'il était prêt à entrer en négociation pour une paix générale, sur des termes conformes à ce qu'exigent l'honneur de sa cou

ronne, sa fidélité à ses engagemens, le repos durable et la sécurité de l'Europe. S. M. répète cette déclaration.

» Si l'état du continent est un état d'agitation et de misère, si plusieurs états ont été renversés, si d'autres encore sont menacés de l'être, c'est une consolation pour le roi de penser qu'aucune partie de ces convulsions qu'on a déjà éprouvées ou dont on est menacé pour l'avenir ne peut en aucun point lui être imputée.

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Le roi reconnaît volontiers que d'aussi terribles changemens sont en effet contraires à la politique de la Grande-Bretagne.

»Si la cause de tant de misère se trouve dans la stagnation des relations commerciales, quoiqu'on ne dût point attendre de S. M. qu'elle apprît seulement avec regret que le système imaginé pour la destruction du commerce de ses sujets est retombé sur ceux qui en ont été les auteurs ou les instrumens, cependant il n'est ni dans les dispositions de S. M., ni dans le caractère du peuple sur lequel elle règne, de se réjouir des privations et des malheurs des nations mêmes qui se sont coalisées contre lui.

» S. M. désire avec sollicitude la fin des souffrances du continent.

» En s'engageant dans la guerre actuelle elle a eu pour objet immédiat la sûreté nationale. Cette guerre ne s'est prolongée que parce que ses ennemis n'ont offert aucun moyen de la terminer avec sécurité et d'une manière honorable.

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Mais, dans le cours d'une guerre commencée pour sa propre défense, de nouvelles obligations ont été imposées à S. M. en faveur des puissances que les agressions d'un ennemi commun ont forcées de faire cause commune avec elle, ou qui ont sollicité l'assistance et l'appui de S. M. pour le recouvrement de l'indépendance nationale.

» Les intérêts de la couronne de Portugal et ceux de S. M. sicilienne sont confiés à l'amitié et à la protection de S. M.

» S. M. tient au roi de Suède par les liens de la plus étroite alliance, et par des stipulations qui unissent leurs conseils pour la paix comme pour la guerre.

S. M. n'est encore liée à l'Espagne par aucun acte formel; mais elle a contracté avec cette nation, à la face de l'univers, des engagemens non moins sacrés, et qui, dans l'opinion de S. M., la lient autant que les traités les plus solennels.

» S. M. suppose donc qu'en lui proposant des négociations pour la paix générale les relatious subsistant entre elle et la monarchie espagnole ont été clairement prises en considération, et qu'on a entendu que le gouvernement agissant au nom

de Ferdinand VII serait partie dans les négociations dans lesquelles S. M. est invitée à entrer. »

Nors du ministre de France en réponse à celle de M. Canning.

« Paris, 28 novembre 1808.

» Le soussigné a mis sous les yeux de l'empereur son maître la note de Son Excellence M. Canning.

>> S'il était vrai que les maux de la guerre ne se fissent sentir que sur le continent, il y aurait sans doute peu d'espérance d'arriver à la paix.

» Les deux empereurs s'étaient flattés qu'on ne se serait pas mépris à Londres sur le but de leur démarche. Le ministère anglais l'aurait-il attribuée à faiblesse ou besoin, lorsque tout homme d'état impartial reconnaîtra, dans l'esprit de paix et de modération qui l'a dictée, le caractère de la puissance et de la véritable grandeur? La France et la Russie peuvent soutenir la guerre aussi longtemps qu'on ne sera pas revenu à Londres à des dispositions justes et égales, et elles y sont déterminées.

>> Comment le gouvernement français peut-il considérer la proposition qui lui est faite d'admettre à la négociation les insurgés espagnols? Qu'aurait dit le gouvernement anglais si on lui avait proposé d'admettre les insurgés catholiques d'Irlande ? La France, sans avoir de traité avec eux, a eu aussi avec eux des rapports, leur a fait des promesses, et souvent leur a envoyé des secours. Une telle proposition pouvait-elle trouver place dans une note où l'on devait avoir pour but non d'irriter, mais de chercher à se concilier et à s'entendre?

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L'Angleterre serait dans une étrange erreur si, contre l'expérience du passé, elle avait encore l'idée de lutter avec avantage sur le continent contre les armées françaises. Quel espoir aurait-elle, aujourd'hui surtout que la France est irrévocablement unie avec la Russie?

» Le soussigné est chargé de réitérer la proposition d'admettre à la négociation tous les alliés du roi d'Angleterre, soit le roi qui règne au Brésil, soit le roi qui règne en Suède, soit le roi qui règne en Sicile, et de prendre pour base de la négociation l'uti possidetis. Il est chargé d'exprimer le vœu qu'en ne perdant pas de vue les résultats nécessaires de la force des états, on veuille se souvenir qu'entre grandes puissances il n'y a de paix solide que celle qui est en même temps égale et hono-`

rable pour toutes.

» Le soussigné a l'honneur, etc. Signé CHAMPAGNY. »

NOTE du ministre de Russie en réponse à celle de M. Canning.

« Paris, le 16-28 novembre 1808.

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» Le soussigné, ministre des affaires étrangeres de S. M.. l'empereur de Russie, a l'honneur de répondre à la note du 28 octobre, signée par M. Canning, secrétaire d'état de S. M. le roi de la Grande-Bretagne, et adressée Son Excellence à M. l'ambassadeur de Russie à Paris :

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Que l'admission des rois alliés de l'Angleterre au congrès ne peut être l'objet d'aucune difficulté, et que la Russie et la France y consentent.

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Mais ce principe ne s'étend pas du tout à ce qu'il faille y admettre les plénipotentiaires des insurgés espagnols. L'empereur de Russie ne le peut pas son empire, dans des circonstances analogues, et l'Angleterre peut s'en rappeler une particulière, a toujours été fidèle au même principe; de plus, déjà reconnu le roi Joseph Napoléon ; il a annoncé à S. M. britannique qu'il était uni avec l'empereur des Français pour la paix comme pour la guerre, et S. M. I. le répète ici. Elle est résolue de ne pas séparer ses intérêts de ceux de ce monarque; mais tous les deux ils sont prêts à conclure la paix, pourvu qu'elle soit juste, honorable et égale pour toutes les parties.

» Le soussigné voit avec plaisir que dans cette différence d'opinion sur les Espagnols il ne se présente rien qui puisse empêcher ou retarder l'ouverture du congrès: il tire sa persuasion à cet égard de ce que S. M. britannique a confié elle-même aux deux empereurs qu'aucun engagement positif ne la liait avec ceux qui ont pris les armes en Espagne.

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Après quinze ans de guerre l'Europe a droit de réclamer la paix. L'intérêt de toutes les puissances, y compris celui de l'Angleterre, est de la rendre générale. L'humanité le commande, et un pareil vœu ne sera certainement pas étranger au cœur de S. M. B. Comment se ferait-il que seule elle s'éloignât d'un pareil dessein, et refusât de terminer les maux de l'humanité souffrante!

» Le soussigné renouvelle par conséquent, au nom de l'empereur son auguste maître, la proposition déjà faite d'envoyer des plénipotentiaires dans la ville du continent qu'il plaira à S. M. B. de désigner, d'admettre au congrès les plénipotentiaires des rois alliés de l'Angleterre, de traiter sur la base de l'uti possidetis, et celle de la puissance respective des parties belligerentes; d'accepter enfin toute base qui aurait pour but

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de conclure une paix dans laquelle toutes les parties trouveraient honneur, justice et égalité.

Le soussigné a l'honneur, etc. Signé comte N. de ROMANZOFF. »

DÉCLARATION du roi d'Angleterre.

Du 16 décembre 1808.

Les ouvertures faites à S. M. par les gouvernemens de Russie et de France n'ont abouti à aucune négociation, et les communications auxquelles ces ouvertures ont donné lieu étant terminées, S. M. croit devoir, sans délai et publiquement, faire connaître qu'elles sont terminées.

La continuation d'une négociation apparente, quand la paix est reconnue absolument impossible, ne pouvait être avantageuse qu'à l'ennemi.

» Elle aurait donné à la France le moyen de semer la défiance et la jalousie dans les conseils de ceux qui se sont réunis pour résister à son oppression ; et si, parini les nations qui préservent contre la France une indépendance douteuse et précaire, il s'en trouve qui, même en ce moment, balancent entre la ruine certaine qui résultera d'une inaction prolongée et les dangers incertains d'un effort pour échapper à cette ruine, la perspective trompeuse d'une paix entre la Grande-Bretagne et la France ne manquerait pas d'être singulièrement funeste à ces nations : le vain espoir du retour de la tranquillité pourrait ralentir leurs préparatifs, ou la crainte d'être abandonnées à elles-mêmes pourrait ébranler leurs résolutions.

»S. M. était bien persuadée que tel était dans le fait le principal objet de la France dans les propositions transinises d'Erfurth à S. M.

>> Mais au moment où des résultats si imposans par leur importance, ou si redoutables par leur incertitude, pouvaient dépendre de la détermination de continuer la guerre ou de faire la paix, le roi a cru se devoir à lui-même de s'assurer, au-delà même de la possibilité d'un doute, des vues et des intentions de ses ennemis.

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S. M. se refusait à croire que l'empereur de Russie se fût si aveuglément et si fatalement dévoué à une puissance avec laquelle S. M. impériale s'était malheureusement alliée, qu'elle était préparée à seconder ouvertement l'usurpation de la monarchie espagnole, et à reconnaître et à soutenir le droit que s'est arrogé la France de déposer et d'emprisonner des souverains amis, et d'usurper l'obéissance des nations indépendantes.

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