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pour éviter cette guerre si inconsidérément entreprise, tout ce que la prudence, la modération pouvaient suggérer: elle voulait épargner ce nouveau sujet d'inquiétude à ses peuples, à l'humanité une lutte sanglante. Mais si l'esprit qui a animé l'Autriche dans tous les temps a fait de la politique de cette puissance un obstacle continuel à la conclusion de la paix maritime peut-être ne faut-il pas regretter qu'elle ait elle-même amené la crise qui peut servir à lever cet obstacle: la paix maritime n'aura lieu que lorsque la paix continentale sera solidement établie, et que les Anglais auront perdu l'espérance de la troubler par leur or et par leurs intrigues. Que tels soient du moins les résultats de cette nouvelle guerre! Votre Majesté n'est point jalouse de la puissance de l'Autriche; elle n'en désire pas l'anéantissement; mais puisse-t-elle par ses armes, lorsque cette unique ressource lui a été laissée, la ramener à un véritable état de paix ! La paix est la conquête la plus digne de Votre Majesté ; c'est aussi celle qu'elle envie davantage.

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Sire, votre peuple vous secondera dans cette lutte nouvelle. L'admirable prévoyance de Votre Majesté, qui lui permet de soutenir une nouvelle guerre sans rien ajouter aux charges de l'Etat, est vivement sentie par ce peuple sensible reconnaissant, admirateur de tout ce qui est grand, défenseur de ce qui est juste, passionné pour la gloire militaire.

Si de nouveaux efforts devenaient nécessaires pour assurer le succès de vos armes, il irait au devant de vos vœux ; son dévouement égalera son amour et son admiration pour son auguste

souverain.

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Paris, le 12 avril 1809. Signé CHAMPAGNY. »

2o. Dépéche adressée au général Andréossy, le 16 août 1808, par M. le comte de Champagny.

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Monsieur l'ambassadeur, S. M. l'empereur est de retour de son voyage dans le midi de la France; elle est arrivée à Saint-Cloud le 14 au soir, et le 15, jour de sa fête, elle a reçu avec toute la solennité ordinaire de ce jour les princes, les ministres et grands officiers de l'Empire, le Sénat, le Conseil d'état, tous les fonctionnaires publics, et enfin le corps diplomatique. Cette audience donnée au corps diplomatique a été remarquable par un très long entretien de S. M. avec l'ambassadeur d'Autriche, dont je voudrais pouvoir vous faire connaître au moins la substance.

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L'Autriche veut donc nous faire la guerre, a dit l'empe» reur, ou elle veut nous faire peur! - (M. de Metternich » a protesté des intentions pacifiques de son gouvernement. )

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-Si cela est ainsi, pourquoi vos immenses préparatifs ? →→→ » Ils sont purement défensifs, a répondu M. de Metternich. Mais qui vous attaque, pour songer ainsi à vous défendre? Qui vous menace, pour vous faire penser que vous serez >> bientôt attaqués ? Tout n'est-il pas paisible autour de vous? » Depuis la paix de Presbourg y a-t-il eu entre vous et moi le plus léger différend? Ai-je élevé quelque prétention alar» mante pour vous? Toutes nos relations n'ont-elles pas été » extrêmement amicales? Et cependant vous avez jeté tout à » coup un cri d'alarme; vous avez mis en mouvement toute » votre population; vos princes ont parcouru vos provinces ; » vos proclamations ont appelé le peuple à la défense de la pa

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trie. Vos proclamations, vos mesures sont celles que vous » avez employées lorsque j'étais à Léoben. Si ce n'avait été qu'une organisation nouvelle, vous l'auriez exécutée avec plus de lenteur, sans bruit, sans dépenses, sans exciter au » dedans une si prodigieuse fermentation, au dehors une si vive alarme; mais vos mesures ne sont pas purement défensives. Vous ajoutez à chacun de vos régimens une force de mille trois cents hommes; votre milice vous donnera » quatre cent mille hommes disponibles; ces hommes sont » enrégimentés et exercés ; une partie est hábillée; vos places » sont approvisionnées; enfin, ce qui est pour moi l'indice » sûr d'une guerre qu'on prépare, vous avez fait acheter des » chevaux ; vous avez maintenant quatorze mille chevaux d'ar

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tillerie au sein de la paix on ne fait pas cette énorme dé» pense. Elle s'est accrue de tout ce que vous à coûté votre organisation militaire. Les hommes que vous exercez vous leur donnez une indemnité pécuniaire; vous en habillez une partie; vous avez fourni des armes : rien de tout cela n'a pu >> être fait sans de très grands frais, et cependant vous-mêmes vous convenez du mauvais état de vos finances. Votre change, déjà si bas, a encore baissé ; les opérations de votre com» merce en ont souffert. Serait-ce donc sans but que vous au» riez bravé ces inconvéniens?

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Ne dites pas que vous avez été obligés de pourvoir à votre » sûreté; convenez qué toutes nos relations ont été amicales. >> Vous savez que je ne vous demande rien, que je ne prétends » rien de vous, et que même je regarde la conservation de >> votre puissance dans son état actuel comme utile au système » de l'Europe et aux intérêts de la France. J'ai fait camper » mes troupes pour les tenir en haleine; elles ne campent point » en France, parce que cela est trop cher; elles campent en pays étranger, où cela est moins dispendieux. Mes camps » ont été disséminés; aucun ne vous menaçait. Je n'aurais pas

campé si j'avais eu des vues contre vous: dans l'excès de ma » sécurité j'ai démantelé les places de la Silésie. Certes je n'aurais pas eu de camps si j'avais prévu qu'ils pussent vous alar» mer; un seul mot de vous aurait suffi pour les faire dissoudre. »Je suis prêt à les renvoyer si cela est nécessaire à votre sécu» rité.

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» (M. de Metternich ayant observé qu'on n'avait fait en Au» triche aucun mouvement de troupes, l'empereur a repris : ) » Vous vous trompez. Vous avez retiré vos troupes des lieux » où elles pouvaient être avec moins de frais; vous les avez » concentrées sur Cracovie. Vous êtes en état de menacer au » besoin la Silésie. Votre armée est toute réunie, et elle a pris » une position militaire. Cependant que prétendez-vous? » Voulez-vous me faire peur? Vous n'y réussirez pas. Croyez■ vous la circonstance favorable pour vous? Vous vous trom

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pez. Ma politique est à découvert, parce qu'elle est loyale, » et que j'ai le sentiment de mes forces. Je vais tirer cent mille » hommes de mes troupes d'Allemagne pour les envoyer en Espagne, et je serai encore en mesure envers vous. Vous armez; j'armerai; je leverai, s'il le faut, deux cent mille » hommes. Vous n'aurez pour vous aucune puissance du con» tinent l'empereur de Russie, j'oserais presque vous le dé» clarer en son nom vous engagera à rester tranquilles. Déjà » il est peu satisfait de vos relations avec les Serviens, et

comme moi aussi il peut se croire menacé par vos préparatifs; il sait que vous avez des vues sur la Turquie: vous » m'en prêtez aussi; je vous déclare que cela est faux, et que je ne veux rien de la Turquie, ni rien de l'Autriche.

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» Cependant votre empereur ne veut pas la guerre; je le » crois; je compte sur la parole qu'il m'a donnée lors de notre >> entrevue. Il ne peut avoir de ressentiment contre moi. J'ai occupé sa capitale, la plus grande partie de ses provinces; » presque tout lui a été rendu. Je n'ai même conservé Venise » que pour laisser moins de sujets de discorde, moins de pré» textes à la guerre. Croyez-vous que le vainqueur des armées françaises qui aurait été maître de Paris en eût agi avec cette > modération? Non, votre empereur ne veut point la guerre; » votre ministère ne la veut pas; les hommes distingués de » votre monarchie ne la veulent point; et cependant le mou» vement que vous avez imprimé est tel que la guerre aura lieu malgré vous et malgré moi. Vous avez laissé croire que je vous demandais des provinces, et votre peuple, par l'effet » d'un mouvement national et généreux, que je suis loin de blâmer, s'est indigné; il s'est porté à des excès; il a couru » aux armes. Vous avez fait une proclamation défendre

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» de parler de guerre; mais votre proclamation était vague; » on a pensé qu'elle était commandée par la politique; et » comme vos mesures étaient en opposition avec votre procla»mation, on a cru à vos mesures, et non à votre proclamation. De là l'insulte faite à mon consul à Trieste par un rassem»blement de votre nouvelle milice; de là l'assassinat de trois » de mes courriers se rendant en Dalmatie. Encore des insultes semblables, et la guerre est inévitable, car on peut » nous tuer, mais non nous insulter impunément. C'est ainsi que les instigateurs des troubles de toute l'Europe pous» sent sans cesse à la guerre; c'est ainsi qu'ils ont amené la » guerre par l'insulte faite au général Bernadotte. Des intri »gues particulières vous entraînent là où vous ne voulez point » aller. Les Anglais et leurs partisans dictent toutes ces fausses mesures déjà ils s'applaudissent de l'espérance de voir de nouveau l'Europe en feu; leurs actions ont gagné cinquante » pour cent par le mouvement que vous venez de donner à l'Europe. Ce sont eux que j'en accuse; ce sont eux qui font qu'un Français ne peut pénétrer aux eaux de Bohème sans » y être insulté. Comment tolérez-vous cette licence? Vous donne-t-on en France de pareils exemples? Vos consuls, » vos voyageurs ne sont-ils pas accueillis et respectés.? La plus légère insulte qui leur serait faite serait punie d'une manière » éclatante. Je vous le répète, vous êtes entraînés, et malgré » vous; la fermentation de votre peuple, imprudemment ex» citée, et les intrigues des partisans des Anglais et de quel»ques membres de l'ordre équestre, qui ont porté chez vous » l'amertume de leurs regrets, vous meneront à la guerre. L'empereur de Russie peut-être l'empêchera, et vous décla»rera d'une manière ferme qu'il ne la veut pas, et qu'il sera » contre vous; mais si ce n'est qu'à son intervention que l'Eu» rope doit la continuation de la paix, ni l'Europe ni moi ne vous en aurons l'obligation, et ne pourrons vous regarder comme mes amis; je serai entièrement dispensé de vous appeler à concourir avec moi aux arrangemens que peut exiger l'état de l'Europe.

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» En attendant qu'arrivera-t-il ? Vous avez levé quatre cent mille hommes; je vais en lever deux cent mille. La Confédé »ration, qui avait renvoyé ses troupes, va les réunir, et faire » des levées. L'Allemagne, qui commençait à respirer après >> 'tant de guerres ruineuses, va voir de nouveau rouvrir toutes » ses blessures. Je rétablirai les places de la Silésie au lieu d'é>> vacuer cette province et les états prussiens, comme je me le » proposais. L'Europe sera sur pied; les armées seront en pré

»sence, et le plus léger incident amenera le commencement » des hostilités.

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»Vous dites que vous avez une armée de quatre cent mille hommes, ce qui est plus considérable que dans aucun temps » de votre monarchie. Vous voulez la doubler : à suivre votre exemple, bientôt il faudra armer jusqu'aux femmes. Dans un tel état de choses, lorsque tous les ressorts seront aussi tendus, la guerre deviendra désirable pour amener un dé» noûment. C'est ainsi que dans le monde physique l'état de > souffrance où est la nature à l'approche d'un orage fait dé» sirer que l'orage crèvé, pour détendre les fibres crispées, et >> rendre au ciel et à la terre une douce sérénité : un mal vif, » mais court, vaut mieux qu'une souffrance prolongée.

» Cependant toutes les espérances de paix maritime s'éva>> nouissent; les mesures fortes prises pour l'obtenir demeurent sans effet. Les Anglais sourient à la pensée de la discorde » rallumée de nouveau sur le continent, et se reposent sur »elle de la défense de leurs intérêts.

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Voilà les maux que vous avez produits, et, je crois, sans en avoir l'intention. Mais, si vos dispositions sont aussi pacifiques que vous le dites, il faut vous prononcer; il faut con» tremander des mesures qui ont excité une si dangereuse fermentation; il faut, à ce mouvement involontairement excité, " opposer un mouvement contraire; et lorsque, depuis Pétersbourg jusqu'à Naples, il n'a été question que de la guerre » que l'Autriche allait faire, que tous vos négocians l'annon>> cent comme certaine ; il faut, dis-je, que toute l'Europe soit » convaincue que vous voulez la paix; il faut que toutes les bouches proclament vos dispositions pacifiques, justifiées par » vos actes comme par vos discours. De mon côté, je vous » donnerai toute la sécurité que vous pourrez désirer. »>

» Voilà, monsieur, autant qu'il n'est possible de le tracer, un léger extrait de ce que S. M. a dit à M. de Metternich. L'empereur paraissait ému comme on doit l'être quand on traite des sujets graves: il n'a eu que la chaleur que cette émotion de vait produire; il n'a parlé qu'avec beaucoup d'égards de l'empereur d'Autriche et de son gouvernement, et a dit des choses personnellement agréables à M.de Metternich. Cet ambassadeur, qui du reste a toujours protesté des intentions pacifiques de sa Cour ne s'est point trouvé placé un seul moment dans une position embarrassante, et je l'ai vu le soir se féliciter d'être dans une cour où de telles communications pouvaient être faites directement, et de cette manière, par le souverain à un ministre étranger. M. de Tolstoi partageait cette opinion. L'empereur a paru, aux yeux de ceux qui ont pu l'entendre, noble, loyal,

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