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cette conduite si déloyale Votre Majesté, dans ses relations avec l'Autriche, n'a formé aucune demande, n'a élevé aucune prétention, n'a reçu aucune plainte: a manifesté, dans un entretien si digne d'admiration, des dispositions si pacifiques et des sentimens si magnanimes; a proposé la levée de ses camps de Silésie, le désarmement des places de cette province, toutes les sûretés que la prévoyance la plus inquiète aurait pu souhaiter; n'a cessé de montrer une modération et une patience qui ne peuvent être justifiées que par l'immense puissance de Votre Majesté, et, dans une lettre mémorable à jamais, a adressé à l'empereur François ces paroles si remarquables : Que les démarches de Votre Majesté montrent de la confiance; elles en inspireront. La meilleure politique aujourd'hui c'est la sincérité et la vérité. Qu'elle me confie ses inquiétudes lorsqu'on parviendra à lui en donner; je les dissiperai sur le champ.

» Vous avez désiré, Sire, d'ajouter à vos phalanges trente mille Français de la conscription de 1810, appelée dès l'année dernière, et à laquelle on n'avait pas encore demandé autant de jeunes Français qu'à celles qui l'ont précédée.

Votre Majesté a voulu aussi que dix mille conscrits de quatre années antérieures reçussent l'honneur insigne et si recherché par tous les braves d'entourer le char de triomphe de Votre Majesté au milieu de cette garde impériale dont le nom rappelle de si nobles destinées et une gloire si éclatante.

Le Sénat, Sire, s'est empressé d'adopter le projet de senatus-consulte qui consacre ces dispositions.

»Votre Majesté ne demande d'ailleurs à ses peuples aucune contribution nouvelle pour aller vaincre l'Angleterre sur les terres autrichiennes.

» Le gouvernement britannique, qui ne cherche qu'à écarter l'orage qui le menace, a creusé un volcan sous l'Autriche; il vient d'en allumer les feux : leurs effets terribles retomberont sur l'allié qu'il a séduit.

» Le destin de l'Autriche l'entraîne; encore quelques jours, et elle aura cessé de pouvoir servir les fureurs de l'Angleterre. » Votre Majesté aura établi sur des bases inébranlables la paix du continent, cette paix dont les grands résultats, éternel objet des désirs et des sublimes conceptions de Votre Majesté, seront la paix maritime, l'affranchissement du commerce et le bonheur de l'Europe.

Recevez, Sire, les voeux du peuple français pour votre personne sacrée, l'expression de son admiration, de son amour, de sa confiance, et l'hommage de la fidélité du Sénat, ainsi que de son respect pour Votre Majesté impériale et royale.»

Les chefs des armées autrichiennes avaient proclamé la guerre le 9 avril; le 10 ils la commencèrent en passant des fleuves limites, én pénétrant sur le territoire des alliés de la France : le roi de Bavière quitta sa capitale. L'empereur François, en rouvrant ses ports à l'Anglais, annonça que toutes relations étaient rétablies avec cet ancien allié du moment que les hostilités commençaient avec l'en→ nemi commun. Du 10 au 16 quelques combats eurent lieu, dans lesquels les Bavarois soutinrent avec honneur le premier choc de l'ennemi. Mais le 17 Napoléon arrivait à l'armée.

PROCLAMATION. Donawerth, le 17 avril 1809.

« Soldats, le territoire de la Confédération a été violé. Le général autrichien vent que nous fuyions à l'aspect de ses armes, et que nous lui abandonnions nos alliés. J'arrive avec la rapidité de l'éclair.

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Soldats, j'étais entouré de vous lorsque le souverain d'Autriche vint à mon bivouac de Moravie; vous l'avez entendu implorer ma clémence, et me jurer une amitié éternelle. Vainqueurs dans trois guerres, l'Autriche a dû tout à notre gé nérosité; trois fois elle a été parjure! Nos succès passés nous sont un sûr garant de la victoire qui nous attend.

» Marchons donc, et qu'à notre aspect l'ennemi reconnaisse son vainqueur! Signé NAPOLÉON. >>

Dès lors chaque engagement fut un succès, chaque bataille une victoire. Le 21 trente mille Autrichiens étaient déjà hors de combat.

« Mais tandis que la bataille d'Abensberg, donnée le 20, et le >> combat de Landshut, du 21, avaient des résultats si importans, > le prince Charles se réunissait avec le corps de Bohème, commandé » par le général Kolowrath, et obtenait à Ratisbonne un faible » succès. Mille hommes du soixante-cinquième, qui avaient été » laissés pour garder le pont de Ratisbonne, ne reçurent point » l'ordre de se retirer ; cernés par l'armée autrichienné, ces braves, » ayant épuisé leurs cartouches, furent obligés de se rendre. Cet » événement fut sensible à l'empereur; il jura que dans les vingt-» quatre heures le sang autrichien coulerait dans Ratisbonne pour » venger cet affront fait à ses armes.....

» Le 22 au matin l'empereur se mit en marche de Landshut avec > les deux divisions du duc de Montebello, le corps du duc de » Rivoli, les divisions de cuirassiers Nansouty et Saint-Sulpice, et » la division wurtembergeoise. A deux heures après midi il arriva » vis à vis Eckmülh, où les quatre corps de l'armée autrichienne, > formant cent dix mille hommes, étaient en position sous la com

» mandement de l'archiduc Charles. Le duc de Montebello déborda » l'ennemi par la gauche avec la division Gudin. Au premier signal, » les ducs d'Auerstaëdt et de Dantzick, et la division de cavalerie » légère du général Montbrun, débouchèrent. On vit alors un des » plus beaux spectacles qu'ait offerts la guerre: cent dix mille ennemis » attaqués sur tous les points, tournés par leur gauche, et succes» sivement dépostés de toutes leurs positions.....

» Dans cette bataille d'ECKMUHL il n'y eut que la moitié à peu près des troupes françaises engagée. Poussée l'épée dans les reins, l'armée » ennemie continua de défiler toute la nuit par morceaux, et dans >> la plus épouvantable déroute. Tous ses blessés, la plus grande » partie de son artillerie, quinze drapeaux, et vingt mille prisonniers, sont tombés en notre pouvoir.....

» Le 25, à la pointe du jour, on s'avança sur RATISBONNE, l'avant-garde formée par la division Gudin, et par les cuirassiers des divisions Nansouty et Saint-Sulpice. On ne tarda pas à aper» cevoir la cavalerie ennemie, qui prétendait couvrir la ville. Trois charges successives s'engagèrent; toutes furent à notre avantage. Sabrés et mis en pièces, huit mille hommes de cavalerie ennemie » repassèrent précipitamment le Danube. Sur ces entrefaites, nos » tirailleurs tȧtèrent la ville. Par une inconcevable disposition, le » général autrichien y avait placé six régimens, sacrifiés sans raison. La ville est environnée d'une mauvaise enceinte, d'un mauvais fossé et d'une mauvaise contrescarpe. L'artillerie arriva; on mit » en batterie des pièces de douze; on reconnut une issue par laquelle, » au moyen d'une échelle, on pouvait descendre dans le fossé, et > remonter ensuite par une brèche faite à la muraille.

>> Le duc de Montebello fit passer par cette ouverture un batail»lon, qui gagna une poterne et l'ouvrit; on s'introduisit par lå » dans la ville. Tout ce qui fit résistance fut sabré; le nombre des » prisonniers passa huit mille. Par suite de scs mauvaises disposi» tions, l'ennemi n'eut pas le temps de couper le pont, et les » Français passèrent pêle-mêle avec lui sur la rive gauche. Cette >> malheureuse ville, qu'il a eu la barbarie de défendre, a beaucoup » souffert; le feu y a été une partie de la nuit; maís, par les soins » du général Morand et de sa division, on parvint à le dominer et à » l'éteindre.....

» Dans tous ces combats notre perte peut se monter à douze cents »tués et quatre mille blessés.

» Les mille hommes du soixante-cinquième qui avaient été faits >> prisonniers ont été la plupart repris.....

» A l'assaut de Ratisbonne le duc de Montebello, qui avait désigné le lieu du passage, a fait porter les échelles par ses aides de camp..... » A Ratisbonne l'empereur a passé la revue de plusieurs corps;

» il s'est fait présenter le plus brave soldat, auquel il a donné des » distinctions et des pensions, et le plus brave officier, auquel il » a donné une baronnie et des terres.....

On a fait courir le bruit que l'empereur avait eu la jambe » cassée. Le fait est qu'une balle morte a effleuré le talon de sa » botte, mais n'a pas même altéré la peau.....'

» On remarque comme un fait singulier qu'un des premiers offi» ciers autrichiens faits prisonniers dans cette guerre se trouve être » l'aide de camp du prince Charles envoyé à M. Otto pour lui » remettre la fameuse lettre portant que l'armée française eût à » s'éloigner.....

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» Une chose notable, et que la postérité remarquera comme une » nouvelle preuve de l'insigne mauvaise foi de la maison d'Autriche, » c'est que, le même jour qu'elle faisait écrire au roi de Bavière » pour lui proposer d'être neutre, elle faisait publier dans le Tyrol

une proclamation pour insurger les sujets de ce monarque. Com»ment concilier cette contradiction, ou plutôt comment justifier » cette infamie?..... »

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QADRE DU JOUR. Du quartier général impérial de Ratisbonne, le 24 avril 1809.

« Soldats, vous avez justifié mon attente; vous avez suppléé au nombre par votre bravoure; vous avez glorieusement marqué la différence qui existe entre les soldats de César et les cohues armées de Xerxès.

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En

peu de jours nous avons triomphé dans les trois batailles de Tann, d'Abensberg et d'Eckmühl, et dans les combats de Peissing, de Landshut et de Ratisbonne. Cent pièces de canon, quarante drapeaux, cinquante mille prisonniers, trois équipages attelés, trois mille voitures attelées portant les bagages, toutes les caisses des régimens voilà le résultat de la rapidité de vos marches et de votre courage.

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L'ennemi, enivré par un cabinet parjure, paraissait ne plus conserver aucun souvenir de vous; son réveil a été prompt: vous lui avez apparu plus terribles que jamais. Naguère il a traversé l'Inn, et envahi le territoire de nos alliés ; naguère il se promettait de porter la guerre au sein de notre patrie: aujourd'hui, défait, épouvanté, il fuit en désordre! Déjà mon avant-garde a passé l'Inn; avant un mois nous serons à Vienne. Signé NAPOLÉON. »

Le 27 avril la Bavière et le Palatinat étaient entièrement délivrés de l'ennemi, que les vainqueurs poursuivaient sans relâche sur les autres points.

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Deux Bulletins ont suffi au récit de ces premières affaires, dont les résultats équivalent à ceux d'une campagne glorieuse. Le troisième bulletin, daté du 30, donne la position des corps d'armée; il ajoute:

Le génie arrogant et farouche de l'Autrichien s'était entière»ment découvert dans le moment de fausse prospérité dont leur » entrée à Munich les avait éblouis. Ils feignirent de caresser les » Bavarois, mais les griffes du tigre reparurent bientôt.............

Les Bavarois feront sans doute un récit de toutes les vexations » et des violences que les Autrichiens ont exercées envers eux pour » en transmettre la mémoire à leurs enfans, quoiqu'il soit probable

» que c'est pour la dernière fois que les Autrichiens ont insulté aux

» alliés de la France.

>> Des intrigues ont été ourdies par eux en Tyrol et en Westphalie » pour exciter les sujets à la révolte contre leurs princes.

1.

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» Levant des armées nombreuses, divisées en corps comme l'armée » française; marchant au pas accéléré pour singer l'armée française ; » faisant des bulletins, des proclamations, des ordres du jour, et » singeant encore en cela l'armée française, its ne représentent pas » mal l'âne, qui, couvert de la peau du lion, cherche à l'imiter » mais le bout de l'oreille se laisse apercevoir, et le naturel l'emporte >> toujours.

» L'empereur d'Autriche, en quittant Vienne, a signé une pro>>> ¿clamation rédigée par Gentz, dans le style et l'esprit des plus sots » libelles. Il s'est porté à Scharding, position qu'il a choisie préci» sément pour n'être nulle part, ni dans sa capitale pour gouverner » ses états, ni au camp, où il n'eût été qu'un inutile embarras. Il » est difficile de voir un prince plus débile et plus faux. Lorsqu'il » a appris les suites de la bataille d'Eckmühl il a quitté les bords » de l'Inn, et est rentré dans le sein de ses états. »>

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Dans les quatrième, cinquième et sixième bulletins on voit la grande armée, comme en 1805, s'emparer en courant des vastes états de l'empereur d'Autriche, et laissant partout des souvenirs durables de sa haute valeur. A Ebersberg, «le voyageur s'arrêterą, et dira : « C'est ici, c'est de cette superbe position, de ce pont d'une » si longue étendue, de ce château si fort par sa situation, qu'une » armée de trente-cinq mille Autrichiens a été chassée par sept » mille Français. » L'affaire d'Ebersberg eut lieu le 3 mai l'ennemi avait mis le feu à la ville; une division de grenadiers commandée par le général Claparède, restée sans aucun moyen de débouché, et n'ayant que quatre pièces de canon, lutta seule pen dant trois heures contre l'armée autrichienne.

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