Page images
PDF
EPUB

redoutable i que l'artillerie, mieux attelée que celle d'aucune aute nation, marchait avec la rapidité de la foudre, etc.,

etc.

[ocr errors]

» Princes faibles! cabinets corrompus, hommes ignorans, légers, inconséquens! voilà cependant les piéges que l'Angleterre vous tend depuis quinze années, et vous y tombez toujours! Mais enfin la catastrophe que vous avez préparée s'est accomplie; la paix du continent est assurée pour jamais.... » (Huitième bulletin de la grande armée.)

Pendant que Napoléon frappait au cœur la monarchie autrichienne, ses lieutenans se répandaient victoricux dans toutes les extrémités. Le corps du major Schill, partisan prussien qui se disait au service de l'Angleterre, était baltu et dispersé. Le maréchal Lefèvre soumettait les insurgés du Tyrol. L'armée d'Italie occupait Trieste, et préparait sa jonction avec la grande armée.

De Vienne, Napoléon cherchait à combiner et diriger ses forces de manière à diviser celles de l'ennemi, et à lui couper ses retraites. It fit jeter sur des bras du Danube plusieurs ponts, dont l'un avait deux cent quarante toises de largeur ces travaux, ainsi que le passage d'un tel fleuve « devant un ennemi connaissant les localités, et » ayant les habitans pour lui, sont une des plus grandes opérations » de guerre qu'il soit possible de concevoir. »

Mais le prince Charles attendait les Français sur la rive opposée avec de nombreuses troupes qu'il s'était attaché à rassembler depuis sa défaite d'Eckmülh. Une grande affaire devait bientôt s'engager : ce sera la bataille d'ESSLING, mémorable, mais non décisive; de part et d'autre on déploiera un égal courage, et l'on pourra de chaque côté s'attribuer la victoire.

Napoléon avait établi son champ de bataille entre les deux villages d'Essling et de Gross-Aspern. En cet endroit le Danube est divisé en plusieurs bras ; ce sont des îles qui ont reçu les Français, tandis que le prince Charles se trouve sur la rive gauche du fleuve. dans une position favorable, et avec des forces supérieures.

[blocks in formation]

« Le 21 mai, à quatre heures après midi, l'armée ennemie se montra, et parut avoir le dessein de culbuter notre avantgarde et de la jeter dans le fleuve; vain projet ! Le maréchal duc de Rivoli fut le premier attaqué à Gross-Aspern par le corps du général Bellegarde; il manoeuvra avec les divisions Molitor et Legrand, et pendant toute la soirée fit tourner à la confusion de l'ennemi toutes les attaques qui furent entreprises. Le duc de Montebello défendit le village d'Essling, et le ma¬

réchal due d'Istrie, avee la cavalerie légère et la division de euirassiers Espagne, couvrit la plaine et protégea Enzersdorf. L'affaire fut vive; l'ennemi déploya deux cents pièces de canon et å peu près quatre-vingt-dix mille homines, composés des débris de tous les corps de l'armée autrichienne.

[ocr errors]

La division de cuirassiers Espague fit plusieurs belles charges, enfonça deux carrés, et s'empara de quatorze pièces de canon. Un boulet tua le général Espagne, combattant glorieusement à la tête des troupes, officier brave, distingué, et recommandable sous tous les points de vue. Le général de brigade Foulers fut tué dans une charge.

» Le général Nansouty, avec la seule brigade commandée par le général Saint-Germain, arriva sur le champ de bataille vers la fin du jour. Cette brigade se distingua par plusieurs belles charges. A huit heures du soir le combat cessa, et nous restâmes entièrement maîtres du champ de bataille.

» Pendant la nuit le corps du général Oudinot, la division Saint-Hilaire, deux brigades de cavalerie légère et le train d'artillerie passèrent les trois ponts.

» Le 22, à quatre heures du matin, le duc de Rivoli fut le premier engagé. L'ennemi fit succes ivement plusieurs attaques pour reprendre le village. Enfin, ennuyé de rester sur la défensive, le duc de Rivoli attaqua à son tour, et culbuta l'ennemi. Le général de division Legrand s'est fait remarquer par ce sang-froid et cette intrépidité qui le distinguent.

» Le général de division Boudet, placé au village d'Essling, était chargé de défendre ce poste important.

»

Voyant que l'ennemi occupait un grand espace de la droite à la gauche, on conçut le projet de le percer par le centre. Le duc de Montebello se mit à la tête de l'attaque, ayant le général Oudinot à la gauche, la division Saint-Hilaire au centre, et la division Boudet à la droite. Le centre de l'armée ennemie ne soutint pas les regards de nos troupes; dans un moment tout fut culbuté. Le duc d'Istrie fit faire plusieurs belles charges, qui toutes eurent du succès. Trois colonnes d'infanterie ennemie furent chargées par les cuirassiers, et sabrées. C'en était fait de l'armée autrichienne, lorsqu'à sept heures du matin un aide-de-camp vint annoncer à l'empereur que la crue subite du Danube ayant mis à flot un grand nombre de gros arbres et de radeaux, coupés et jelés sur les rives dans les événemens qui ont eu lieu lors de la prise de Vienne, les ponts qui communiquaient de la rive droite à la petite île, et de celle-ci à l'île de In-der-Lobau, venaient d'être rompus. Cette crue périodique, qui n'a ordinairement lieu qu'à la mijuin par la fonte des neiges, a été accélérée par la chaleur pré

maturée qui se fait sentir depuis quelques jours. Tous les parce de réserve qui défilaient se trouvèrent retenus sur la rive droite par la rupture des ponts, ainsi qu'une partie de notre grosse cavalerie, et le corps entier du maréchal duc d'Auerstaedt. Ce terrible contre-temps décida l'empereur à arrêter le mouvement en avant. Il ordonna au duc de Montebello de garder le champ de bataille, qui avait été reconnu, et de prendre position la gauche appuyée à un rideau qui couvrait le duc de Rivoli, et la droite à Essling.

» Les cartouches à canon et d'infanterie, que portait notre parc de réserve, ne pouvaient plus passer. L'ennemi était dans la plus épouvantable déroute lorsqu'il apprit que nos ponts étaient rompus. Le ralentissement de notre feu et le mouvement concentré que faisait notre armée ne lui laissaient aucun doute sur cet événement imprévu. Tous ses canons et ses équipages d'artillerie qui étaient en retraite se représentèrent sur la ligne, et depuis neuf heures du matin jusqu'à sept heures du soir il fit des efforts inouïs, secondés par le feu de deux cents pièces de canon, pour culbuter l'armée française. Ces efforts tournèrent à sa honte; il attaqua trois fois les villages d'Essling et de Gross-Aspern, et trois fois il les remplit de ses morts. Les fusilliers de la garde, commandés par le général Mouton, se couvrirent de gloire, et culbutèrent sa réserve, composée de tous les grenadiers de l'armée autrichienne, les seules troupes fraîches qui restassent à l'ennemi. Le général Gros fit passer au fil de l'épée sept cents Hongrois qui s'étaient déjà loges dans le cimetière du village d'Essling. Les tirailleurs sous les ordres du général Curial firent leurs premieres armes dans cette journée, et montrèrent de la vigueur. Le général Dorsenne, colonel, commandant de la vieille garde, la plaça en troisième ligne, formant un mur d'airain seul capable d'arrêter tous les efforts de l'armée autrichienne. L'ennemi tira

quarante mille coups de canon, tandis que, privés de nos parcs de réserve, nous étions dans la nécessité de ménager nos munitions pour quelques circonstances imprévues.

Le soir l'ennemi reprit les anciennes positions qu'il avait quittées pour l'attaque, et nous restâmes maîtres du champ de bataille. Sa perte est immense. Les militaires dont le coup d'œil est le plus exercé ont évalué à plus de douze mille les morts qu'il a laissés sur le champ de bataille. Selon le rapport des prisonniers, il y a eu vingt-trois généraux et soixante officiers supérieurs tués ou blessés. Le feld-maréchal lieutenant Weber, quinze cents hommes et quatre drapeaux, sont restés en notre pouvoir. La perte de notre côté a été considérable; nous avons eu onze cents tués et trois mille blessés. Le duc de Montebello a

eu la cuisse emportée par un boulet, le 22, sur les six heures du soir l'amputation a été faite, et sa vie est hors de danger. Au premier moment on le crut mort; transporté sur un brancard auprès de l'empereur, ses adieux furent touchans. Au milieu des sollicitudes de cette journée, l'empereur se livra à la tendre amitié qu'il porte depuis tant d'années à ce brave compagnon d'armes ; quelques larmes coulèrent de ses yeux; et, se tournant vers ceux qui l'environnaient, Il fallait, dit-il, que dans cette journée mon cœur fút frappé par un coup aussi sensible pour que je pusse m'abandonner à d'autres soins qu'à ceux de mon armée. Le duc de Montebello avait perdu connaissance : la présence de l'empereur le fit revenir; il se jeta à son cou en lui disant : Dans une heure vous aurez perdu celui qui meurt avec la gloire et la conviction d'avoir

été et d'étre votre meilleur ami.

» Le général de division Saint-Hilaire a été blessé; c'est un des généraux les plus distingués de la France.

Le soldat a montré un sang-froid et une intrépidité qui n'appartiennent qu'à des Français.

Les eaux du Danube croissant toujours, les ponts n'ont pu être rétablis pendant la nuit. L'empereur a fait repasser. le 23 à l'armée le petit bras de la rive gauche, et a fait 'dre position dans l'île de In-der-Lobau, en gardant les têtes de pont.

pren

» On travaille à rétablir les ponts; on n'entreprendra rien qu'ils ne soient à l'abri des accidens des eaux, et même de tout ce que l'on pourrait tenter contre eux; l'élévation du fleuve et la rapidité du courant obligent à des travaux considérables et à de grandes précautions.

[ocr errors]

Lorsque, le 23 au matin, on fit connaître à l'armée que l'empereur avait ordonné qu'elle repassât dans la grande île, l'étonnement de ces braves fut extrême. Vainqueurs dans les deux journées, ils croyaient que le reste de l'armée allait les rejoindre, et quand on leur dit que les grandes eaux, ayant rompu les ponts et augmentant sans cesse, rendaient le renouvellement des munitions et des vivres impossible, et que tout mouvement en avant serait insensé, on eut de la peine à les persuader.

» C'est un malheur très grand et tout à fait imprévu que des ponts formés des plus grands bateaux du Danube, amarrés par de doubles ancres et par des cinquenelles, aient été enlevés; mais c'est un grand bonheur que l'empereur ne l'ait pas appris deux heures plus tard : l'armée, poursuivant l'ennemi aurait épuisé ses munitions, et se serait trouvée sans moyens de les renouveler.

[ocr errors]

» La bataille d'Essling sera aux yeux de la postérité un nouveau monument de la gloire et de l'inébranlable fermeté de l'armée française.»

Du ser juin. (Quatorzième bulletin.) « Le duc de Montebello (maréchal Lannes) est mort hier à cinq heures du matin. Quelque temps auparavant l'empereur s'était entretenu pendant une heure avec lui. S. M. avait envoyé chercher par le général Rapp, son aide-de-camp, M. le docteur Franck, l'un des médecins les plus célèbres de l'Europe. Ses blessures étaient en bon état, mais une fièvre pernicieuse avait fait en peu d'heures les plus funestes progrès; tous les secours de l'art étaient devenus inutiles. S. M. a ordonné que le corps du duc de Montebello soit embaumé, et transporté en France pour y recevoir les honneurs qui sont dus à un rang élevé et à d'éminens services. Ainsi a fini un des inilitaires les plus distingués qu'ait eus la France. Dans les nombreuses batailles où il s'est trouvé il avait reçu treize blessures. L'empereur a été extrêmement sensible à cette perte, qui sera ressentie par tous les Français.

[ocr errors]

Après la bataille d'Essling les deux armées, restées dans les mêmes positions, passèrent un mois dans un état d'observation respective et d'activité intérieure qui annonçait le désir commun de donner à cette affaire une suite qui décidât de la victoire, et peut-être de la guerre. Le prince Charles réunissait les dernières ressources de son pays. Napoléon faisait exécuter dans les petites îles du Danube des fortifications qui ont illustré le corps français du génie.

La jonction de l'armée d'Italie avec celles de l'Allemagne s'était effectuée : la grande armée avait encore été renforcée par de vieilles troupes venues d'Espagne : la Russie, déterminée par les triomphes de la France à déclarer la guerre à l'Autriche, faisait enfin avancer des troupes, qui traversaient la Galicie et menaçaient Olmutz; des vais. seaux russes avaient même déjà débarqué quarante pièces de canon à Trieste dans le moment le plus opportun; une escadre anglaise inquiétait cette ville, qui se trouvait alors désarmée : les défections préparées par l'Angleterre et par l'Autriche dans plusieurs parties de l'Allemagne avaient été prévenues et déjouées; la Prusse, intimidée, réitérait ses désaveux relativement à l'entreprise du major Schill, qu'elle abandonnait, lui et ses prétendus complices, à une enquête juridique : le prince Poniatowski, avec ses braves Polonais, avait obtenu de grands succès dans la partie du nord confiée à sa valeur et à sa fidélité, et sa jonction avec la colonne russe était sur le point de s'opérer l'armée d'Italie s'avançait dans

« PreviousContinue »