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CHAPITRE III.

ÉLECTIONS DU BARREAU. BATONNIER. SA FONCTION.

I. Le Barreau attache une légitime importance à son histoire et celle des Bâtonniers est en quelque sorte la sienne celle-ci est cependant fort obscure.

On lit dans l'Histoire du Barreau de Paris, de Gaudry, t. I, p. 435:

« Dans les listes des avocats que nous avons jusqu'à la fin du xviie siècle, le Bâtonnier n'est jamais nommé. Même silence dans les notes conservées depuis 1661 à la Bibliothèque de la Cour de cassation. En 1687, pour la première fois le nom du Bâtonnier, J. Flachier, est mentionné en tête d'une liste de cette année par une annotation qui paraît être de Boucher d'Argis. »

Les recherches de Gaudry n'avaient pas rencontré le Registre des Conférences de la Cour de cassation, non plus que les notes manuscrites qui ont appartenu à l'Ordre des

avocats.

Le Registre des Conférences donne, en effet, dès le 22 août 1661, l'indication suivante :

« Conférence de Messieurs les députez chez Monsieur de Montholon, où estoient Mr de Montholon, Président comme Bastonnier, etc., etc. » Chacune des réunions des Conférences ultérieures porte le nom du Bâtonnier qui la présidait.

Dans la séance du 22 août 1661, l'autorité que le Barreau reconnaît et attache aux fonctions de ses Bâtonniers est curieusement prouvée. Monsieur le Chancelier, dit le procès-verbal « a promis le titre de noblesse à Messieurs les Bastonniers. Des démarches seront faites pour obtenir la perfection de cet ouvrage auprès de M. Sevin. >> Les 16 mars, 6 may, 9 may, 7 juillet, 27 novembre 1662, les procès-verbaux rappellent la poursuite pour obtenir le titre envié de noblesse : les démarches sont répétées auprès de Colbert et Letellier.

A cette époque, le Bâtonnier, dont la maison servait de lieu de réunion aux députés de l'Ordre, présidait les assemblées. Ses fonctions finissaient à la Saint-Nicolas de may; « mais il continuait son assistance durant l'année. entière. Le successeur désigné se trouve à la dernière Conférence, afin de créer une espèce d'union. » — 16 mars 1662.

« Le Bâtonnier versait de l'argent dans la bourse de la communauté, » ou en faisait l'emploi en livres.

9 mai 1663. « Il fera les propositions qu'il luy plaira. Pour l'exécution de ce qui sera advisé, M. le Bastonnier, pour le général de l'Ordre, chacun des députés pour leurs Bancs ou celui qui sera commis, en prendront le soin. >> - Août 1662.

En résumé, le Bâtonnier était le représentant de l'Ordre; il parlait en son nom, agissait pour lui, délivrait les certificats, avertissait les anciens des Bancs « pour faire en sorte que les députations s'y fassent avec exactitude, il provoquait l'exécution des décisions, marchait et s'asseyait avec les gens du Roy dans les cérémonies solennelles du Parlement; disposait un tableau et priait Messieurs les gens du Roy de l'examiner et de l'arrester (24

février 1699), et ce, pour exécution du Règlement de 1693. »

Louis Euffroy était Bâtonnier en 1711 il a signé le tableau déposé au Parlement et reçu par le conseiller secrétaire du Roy et greffier en chef Dongois. Liouville aurait trouvé dans ce tableau conservé dans le Registre de discipline les noms d'anciens Bâtonniers qui ne figurent pas sur la liste copiée par lui dans Dupin aîné: Gautier, Lhoste, Lambin, Feideau, Daniel Chardon, Deschamps sieur de La Boullerie, Regnault Lambert sieur de La Mothe, René Gastier, Martinet, manquent à sa nomenclature; ils figurent aux séances de discipline des 22 août 1661, 26 mars 1662, 9 may 1663 et 9 may 1664.

Dans un intérêt historique, il faut donner ici des documents inédits (Carton de la Bibl. de la Cour de cass.) dont toutes les formes doivent être conservées pour la curiosité et la vérité.

Le premier est ainsi conçu

BATONNIER.

« Ce qu'on appelle le Bâtonnier n'a aucun rang supérieur aux autres. Il n'est appelé au serment que suivant l'ordre de sa matricule; il n'est mis dans la liste des avocats qui ont séance sur les premiers Bancs couverts de fleurs de lys que dans l'ordre de la matricule. Le mot de Bâtonnier vient du bâton de la Confrérie de Saint-Nicolas qui est le patron de la chapelle du Palais, laquelle était antérieure à la Sainte-Chapelle qui n'a été bâtie que sous saint Louis. Cette confrérie vient de simples écrivains du Palais dont il est parlé dans les lettres patentes d'avril 1342 qui sont dans les ordonnances imprimées au Louvre. Il est peu parlé du Bâtonnier dans les Registres du Parlement. Une profession libre ne reconnoît de domination sur elle que celle qui procède d'un zèle unanime pour

le bien public, qui s'est signalé avec un succès digne de l'approbation de nos Roys, surtout en 1602 et 1631.

« Il n'y a point de Conseil donné au Bâtonnier, lorsqu'il prend cette fonction. Il ne faut pas perdre de vue là-dessus ce qui se trouve dans le procès-verbal des Conférences pour la rédaction de l'ordonnance de 1667. L'expérience n'a fait que trop connaître, depuis 1631, à quoi l'on est exposé là-dessus, et que tous ces dangers ne sont pas surmontés par les talents de ceux qui prennent cette place déférée à d'autres qui n'ont pas les mêmes qualités. Il seroit fort dangereux que les intérêts d'une profession dont la liberté appartient au public ne soient pas réputés résider en un seul. Nos fameux historiens, qui ont célébré les événements de 1602 et ce qu'on en trouve dans les opuscules de M. Loysel, et dans le Traité de l'Avocat de M. Messon, font bien connoître qu'il ne doit pas être confié à un seul de régir une telle profession ni d'y avoir un caractère représentatif de tous. Quelque avantage qu'on ait trouvé dans ceux qui, en 1720 et 1731, avoient bien voulu prendre cette qualité, il parút avantageux pour eux-mêmes que tout passa à l'unanimité de ceux qui composoient l'Ordre. »

Ce document obscur dans certaines parties, n'est pas signé; il prouve néanmoins la vivacité des sentiments du Barreau pour assurer l'égalité dans ses rangs. Celui qu'on donne à la suite est le rapport, sans date et sans signature, qui a précédé la résolution du Barreau sur le mode à choisir pour la désignation du Bâtonnier. Son historique et sa discussion ont encore un intérêt.

BATONNIER.

« Il y a trois voies pour parvenir à la nomination du Bâtonnier. « La première, de suivre l'ordre du tableau, en laissant à ceux qui se trouvent en rang la liberté de refuser pour telles causes qu'ils trouvent à propos de proposer, suns les approfondir.

« La deuxième, en suivant l'ordre même du tableau, d'obliger ceux qui n'ont pas d'excuses valables, d'accepter la charge quand elle

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vient à leur tour, et de les y faire contraindre par authorité supérieure.

« La troisième, pour éviter les inconvénients des deux premières de procéder par voye d'élection. »

INCONVENIENT DE LA PREMIÈRE MANIÈRE.

Quoy que la voye de suivre l'ordre du tableau ait été pratiquée depuis grand nombre d'années, ce qui s'est passé ces derniers jours en fait bien remarquer les inconvénients.

1. Si le rang suivant l'ordre du tableau tombe sur un sujet qui ait toutes les qualités et qui n'ait pas la volonté, soit qu'il y ait une excuse légitime ou non, il en sera seul le maître. Ainsi, l'Ordre perdra pour cette fonction un sujet capable, et à son exemple, plusieurs refuseront sans raison ce que tous devroient accepter avec honneur. On l'a vu par une triste expérience dans les deux dernières assemblées.

2. Si le tour vient à un sujet médiocre, on sera obligé de le recevoir; ce n'est pas absolument assez d'être avocat, homme de bien et d'avoir quelque connaissance du Palais, pour remplir la fonction de Bâtonnier. Il y a des occasions publiques où le Bâtonnier doit figurer, agir et parler d'une manière convenable pour le bien et l'honneur de la compagnie.

Combien de personnages l'Ordre a-t-il perdus sans avoir le plaisir de les voir à sa teste, parce que leur mort a prévenu le temps trop éloigné du tour du tableau, les Fourcroy, les Abraham, les Commeau, les Ricard, les Duplessis et tant d'autres dont les noms sont autant d'éloges.

C'est de ce double inconvénient que procède, du moins en partie, ce dégoût et cet éloignement de la fonction de Bâtonnier dans plusieurs, et le peu de considération qu'elle donne dans les autres. Ceux qui ont un peu de délicatesse, d'honneur, sont scandalisés avec raison de la qualité des excuses et de la manière de les proposer. Ménage ou offres d'argent, c'est la fonction qu'ils méprisent.

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