Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE PREMIER.

DES ANCIENS PRIVILÈGES DE L'AVOCAT.

Suivant les lois romaines, les avocats jouissaient du privilège accordé aux comtes et clarissimes; ils étaient placés au rang des sénateurs. « Jurisperitos in consilium «principis assumptos. » L. 30, FF. De excusat.

[ocr errors]

Consequantur clarissimatus dignitatem. » L. F. 1. De adv. divers. judicio.

Dans les pays de droit écrit, observé sans altération, les avocats étaient en possession du titre de nobles, et de la noblesse réelle et transmissible; il en était ainsi en Savoie, en Italie, à Venise, en Espagne.

En France, le titre de noble appartenait aux avocats; un avocat de Chartres fut maintenu dans ce titre, par arrêt du 19 juin 1610, rendu par la Cour des Aides.

Avant la Révolution, aux Parlements de Dijon et de Grenoble, les avocats étaient encore en possession de prendre le titre de noblesse; il en était de même dans les provinces de Lyonnais, Forez et Beaujolais; un arrêt du Conseil, du 4 janvier 1699, fut rendu sur ce sujet.

Les avocats de Grenoble avaient possédé les prérogatives de la noblesse réelle et transmissible. Bourjon cite

la quatre-vingt-huitième décision de Guy-Pape, et un arrêt du Parlement du Dauphiné: die ultima aprilis, 1491. Depuis l'édit de 1660, ces mêmes avocats de Grenoble jouissaient encore de l'exemption des francs-fiefs; de plus, les six anciens des avocats consistoriaux, désignés par les syndics et les anciens avocats, agréés des gens du Roi et du Premier Président, avaient le droit de committimus.

Au Parlement de Paris, les titres et droits de noblesse étaient désirés par les avocats; ils ne les possédaient donc pas. On a déjà dit que la Conférence de discipline du mardi 27 décembre 1661, et celles qui la suivent, recommandèrent les démarches nécessaires pour obtenir les titres et les droits de noblesse en faveur des Bâtonniers du Parlement de Paris.

Cependant les avocats dont les ancêtres étaient nobles et chevaliers y pouvaient prendre le titre de noblesse. Poupet, ancien Bâtonnier de l'Ordre, portait le titre de chevalier; Nicolas Chippard, qui mourut âgé de 79 ans, était vicomte on mit ses armes et une couronne de vicomte sur le crèpe noir de son cercueil. Boucher d'Argis; Dupin, p. 459.

Pour résumer des contradictions curieuses, sur ce point de la noblesse des avocats au Parlement de Paris, on copie ce passage :

<< M. Ducroc, en son style du Parlement de Paris rapporte que les avocats y exerçant leurs fonctions pendant cinq ans, acquièrent le privilège de la noblesse (arrêt du 5 février 1542; 4 mars 1545, arrêt du Conseil) ce qui a encore été jugé par un plus récent de la Cour des Aides du 16 juin 1619; ce qui a lieu dans les autres Parlements. Chassanée l'atteste pour le Parlement de Bourgogne et

pour celui d'Aix; Basset l'atteste pareillement et en effet, lorsqu'on reçoit un docteur, on lui dit : « Te comitem et nobilem facimus. »

« L'avocat a donc non seulement une noblesse réelle, mais encore une noblesse d'établissement; il jouit des privilèges qui y sont attachés; mais ces privilèges limités à sa personne, ne passent pas à sa postérité; ce qui est du moins une preuve de la noblesse réelle dans sa personne. » François Bourjon, t. IV, § 5, Droit commun de la France.

Les avocats étaient de droit lieutenants des juges, et comme tels << rendent justice publique et autorisée en leur absence. » L. 14, Cod. des Adv. divers judic. Basset, t. II, L. II; t. 4, ch. I, p. 89.

Ils pouvaient devenir maîtres des Requêtes, sans avoir été conseillers, s'ils avaient plaidé pendant vingt ans. Édit de février 1622.

Les offices de bailli, prévôt, châtelain ou autres chefs de justice seigneuriale tenus en pairie, ou dont l'appel ressortait aux Cours du Parlement en matière civile, ne pouvaient être occupés que par des avocats. Déclaration du 26 janvier 1680, interprétative de l'Édit d'avril

1679.

Les avocats qui avaient dix années de service devant le Parlement, étaient dispensés de l'examen imposé à la réception des charges dans la magistrature. Sous la même condition ils étaient reçus de plano dans une charge de Président de Cour souveraine.

« Les avocats avaient préséance dans les processions et ailleurs contre les anciens marguilliers comptables, notaires, procureurs et marchands. » Arr. du Parle

ment du 15 juin 1688. V. Reg. des Conf. de disc., p. 75.

« Les conseillers présidiaux ne précédaient l'avocat que dans le cas d'ancienneté établie par la matricule. Arr. du Parlement du Dauphiné, 17 mai 1666. Basset, t. I, p. 289; Loysel, Opus., p. 630 et 696.

[ocr errors]

« Les avocats mineurs de vingt-cinq ans, malgré l'avis des docteurs, étaient restituables. » — Arr. de la Grande Chambre, 4 février 1610.

Ce qui ne doit pas souffrir de difficulté, c'est qu'on a toujours reçu les avocats sans avoir égard à leur âge, et plusieurs même ont été reçus au serment d'avocat à l'âge de douze ans, dans le temps qu'on donnait des licences indifféremment à tous ceux qui en voulaient acheter. C de Ferrière, Coutume de Paris, t. II, p. 647. Les avocats qui exerçaient la profession, qui étaient alors des avocats au Parlement et non pas des avocats en Parlement, étaient exempts de la collecte des tailles et autres impositions publiques. Arr. de la Cour des Aides, 3 septembre 1627; 8 juillet 1672.

[ocr errors]

On ne pouvait exercer la contrainte par corps contre un avocat allant au Palais ou en revenant en robe. - Arr. du Parlement de Grenoble, 7 septembre 1668; Chorier sur Guy-Pape, p. 340.

Ses livres ne pouvaient être saisis, d'après Bruneau, Traité des criées, qui cite un édit de 1699; mais l'Ordonnance de 1667, article 15, t. XXXIII, ne parle que des livres des personnes appartenant aux ordres sacrés, et limite à 150 livres le privilège à respecter.

Α

lit :

propos des donations entre-vifs et testamentaires, on

« Les avocats ne sauraient recevoir aucune donation par

contrat et stipulation d'entre-vifs de leurs parties pendant le cours du procès qu'ils ont en leur conduite, parce qu'il y aurait grandement à appréhender que ces personnes n'abusassent de l'autorité qu'ils ont sur l'esprit des clients, pour surprendre d'eux des donations, lesquelles étant entre-vifs, seraient irrévocables. » Arrest Adam Soulet. Mais pour ce qui est des testaments qui peuvent être révoqués jusqu'à la mort, il n'y a nulle raison de les en prétendre incapables. Arr. du 7 mars 1652; 29 mai 1663. — Duplessis, Donat. entre-vifs et testam., p. 634.

((

[ocr errors]

Enfin le cabinet de l'avocat était « un asyle sacré : >>

« Arrêt du 7 septembre 1742, contre un huissier qui avait pénétré dans le cabinet d'un avocat pour y faire une signification à son client. »>

« Le silence de ce cabinet était protégé contre le voisinage des métiers trop bruyants, contre un boucher (Arr. de Toulouse du 20 avril 1570), contre les chants d'un cardeur de laine et autres artisans » (Arr. d'Aix, 1er févr. 1577 et 6 févr. 1654).

Ces droits privilégiés ne sont plus que des souvenirs effacés le Barreau et le tableau ne connaissent que des confrères; aucun titre, aucune qualification ne s'ajoute aux noms copiés sur l'état civil.

« PreviousContinue »