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Extrait du règlement du Conseil de préfecture.

Arrêté du Préfet de la Seine du 20 avril 1863.

Art. 15. Toute personne qui voudra introduire une instance devant le Conseil de préfecture pourra le faire, soit en déposant au grefle du Conseil, soit en adressant au préfet ou au président, par lettre chargée, une requète en double exemplaire, dont un sur papier timbré, contenant : 1° ses nom, profession et demeure; 2o l'élection d'un domicile à Paris; 3o l'exposé sommaire des faits et des moyens; 4o ses conclusions.

Elle y joindra les pièces dont elle entend se servir, accompagnées d'un bordereau.

Elle déclarera, en même temps, si elle désire présenter des observations à l'audience, soit en personne, soit par un mandataire, en vertu de la faculté que lui confère, à cet égard, l'article 2 du décret du 30 décembre 1862.

S'il s'agit d'une commune ou d'un établissement public, la délibération qui aura autorisé l'instance sera jointe aux pièces.

Art. 17. Les avocats à la Cour de cassation et au Conseil d'État et les avoués près la cour impériale de Paris ou près le tribunal civil de la Seine seront dispensés de toute justification de mandat, et seront considérés comme régulièrement constitués par leur signature apposée au bas de la requète. Dans ce cas, l'élection de domicile aura lieu de plein droit dans leur étude.

La constitution de tout autre mandataire devra être faite par une procuration notariée ou par une procuration sous seing privé, dùment légalisée et enregistrée, qui accompagnera la requète.

Art. 38. Les affaires seront appelées dans l'ordre du rôle.

Après la lecture du rapport du conseiller-rapporteur, les parties ou leurs mandataires seront admis à présenter oralement des observations sommaires à l'appui de leurs conclusions écrites.

Le commissaire du Gouvernement sera ensuite entendu et donnera ses conclusions.

Art. 39. L'instruction écrite formant la base de la procédure devant le conseil de préfecture, toutes les fois que les parties ou leurs mandataires auront, dans leurs observations orales, modifié les conclusions des mémoires produits, elles seront tenues de consigner

ces modifications dans de nouvelles conclusions écrites et signées. Le Conseil décidera s'il sera passé outre à la continuation de l'affaire, ou s'il elle sera renvoyée pour un complément d'instruction.

Arrêté sur le reglement du Conseil de préfecture. Séance du 22 décembre 1863.

Le Conseil,

Après avoir entendu M. Senard en son rapport,

Considérant que le nouveau règlement du Conseil de préfecture de la Seine a donné lieu, en ce qui concerne l'exercice de la plaidoirie, à des interprétations très diverses et à des doutes qu'il importe de faire cesser;

Que l'article 17 de ce règlement est ainsi conçu :

« Les avocats à la Cour de cassation et au Conseil d'État, et les avoués près la cour impériale de Paris, ou près le tribunal civil de la Seine, seront dispensés de toute justification de mandat, et seront considérés comme régulièrement constitués par leur signature apposée au bas de la requète. Dans ce cas, l'élection de domicile aura lieu de plein droit en leur étude.

<< La constitution de tout autre mandataire devra être faite par une procuration notariée ou par une procuration sous seing privé, dùment légalisée et enregistrée, qui accompagnera la requète. »

Qu'on s'est demandé si le silence gardé, par cet article, sur les avocats à la cour impériale, n'avait pas pour résultat, ou de leur retirer le droit de plaider devant le Conseil de préfecture, ou de ne le leur accorder que sous la condition de justifier d'une procuration;

Considérant que si telle pouvait être la portée du règlement, le conseil de l'Ordre devrait certainement réclamer et agir;

Mais que d'abord, cette interprétation paraît repoussée par l'exécution jusqu'alors donnée au règlement, puisque tous les avocals qui se sont présentés aux audiences du Conseil de préfecture ont été admis à plaider sans difficulté et sans condition;

Que, d'un autre côté, le sens qu'on avait attribué à l'article 17,

n'est justifié ni par cet article lui-même, ni par l'ensemble des dispositions du règlement;

Considérant que la faculté qui appartient aux plaideurs de se faire assister et de faire présenter leur défense par un avocat inscrit au tableau de l'Ordre, sans autre mandat que la présence de l'avocat à la barre, est de droit commun en France dans toutes les juridictions, et qu'il n'y peut être dérogé que par des dispositions législatives exceptionnelles qui interdisent la défense orale, ou qui en attribuent le privilège exclusif à des personnes spécialement désignées;

Qu'aucune disposition de ce genre ne se rencontre dans le règlement qu'il s'agit d'apprécier, ou dans le décret pour l'exécution duquel il est fait;

Considérant que les articles 15, 38 et 39 du règlement portent : « que les parties ou leurs mandataires seront admis à présenter << oralement des observations à l'appui de leurs conclusions écri<«<les; » mais que ces termes ne contiennent rien de restrictif quant au mode selon lequel les observations pourront être présentées;

Que là où la faculté de se faire assister d'un défenseur est de droit, il faudrait une interdiction formelle pour empêcher soit les parties, soit leurs mandataires, d'en appeler un pour expliquer et soutenir leurs conclusions;

Que cette interdiction ne se trouve ni dans les dispositions qui viennent d'ètre citées, ni dans les articles 1 et 2 du décret du 30 décembre 1862, dont elles ne sont que la reproduction et le développement;

Considérant que l'article 17 du règlement qui reconnaît certains droits aux avoués de première instance et d'appel, et aux avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, n'aurait pas pu légalement, et n'a d'ailleurs évidemment pas voulu leur attribuer le privilège exclusif de la défense devant le Conseil de préfecture;

Que l'unique objet de cet article est, comme l'indique la rubrique sous laquelle il est placé, de régler l'instruction des affaires contentieuses, et d'organiser non la défense, mais la représentation des parties dans l'instance;

Que c'est avec raison qu'on y soumet la représentation spéciale à la justification de pouvoirs réguliers, et que la représentation légale dispensée de mandats y est limitée aux avocats pourvus d'offices et aux avoués de première instance et d'appel;

Qu'eux seuls en effet, en vertu du mandat qu'ils tiennent des lois de leur institution, peuvent, selon les termes de l'article 17, « se « constituer par leur signature apposée au bas de la requète, et avoir, « en leur étude, l'élection de domicile de plein droit, » nécessaire pour les significations à recevoir dans le cours de l'instruction;

Considérant que l'omission des avocats à la cour impériale dans l'énumération des personnes ainsi désignées pour représenter les parties, loin de pouvoir être regardée comme une atteinte aux droits du Barreau, est au contraire en conformité parfaite avec ses règles professionnelles, et repose sur des distinctions qu'il a tout intérêt à maintenir;

Que, pour ne garder sur ce point aucun doute, il suffit de se reporter aux conditions constitutives de la profession d'avocat, et de rappeler les principes dont le conseil de l'Ordre a toujours assuré la rigoureuse observation;

Considérant que la mission de l'avocat est d'assister ses clients, soit en les éclairant et les dirigeant par ses conseils, soit en les défendant par sa parole et ses écrits, mais qu'il ne peut et ne doit, en aucun cas, les représenter en agissant, en stipulant, en concluant pour eux;

Que c'est ainsi, et avec cette distinction entre l'assistance et le mandat, que le Barreau français s'est constitué, et qu'il s'est créé la situation indépendante que tous les efforts de ses membres doivent tendre à conserver;

Considérant que la législation, d'accord avec les traditions de l'Ordre, ne reconnait pas à l'avocat d'autre caractère que celui de conseil et de défenseur;

Que c'est le titre qu'elle lui donne dans son serment professionnel;

Que, loin de chercher à étendre le cercle ainsi tracé à ses attributions, l'avocat doit comprendre que ce n'est qu'en s'y tenant étroitement renfermé qu'il peut garder intactes l'indépendance et la dignité de sa profession;

Considérant que cette situation est clairement tracée par les lois sur l'organisation judiciaire, dans toutes les juridictions civiles, où les parties sont représentées par un avoué et défendues par un avocat;

C.

· Tome II.

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Qu'elle apparaît avec la même netteté dans les juridictions correctionnelles, où le ministère de l'avoué n'est pas obligatoire ;

Que là, en effet, l'avocat assiste et défend le client en personne, ou son mandataire spécial lorsqu'il s'agit d'affaires où il a pu se faire représenter; et que dans l'un et l'autre cas, s'il y a des conclusions à déposer, elles sont signées par le client ou par son mandataire, puis développées et soutenues par l'avocat ;

Considérant que cette pratique, constante devant les tribunaux ordinaires, doit être également suivie devant toutes les juridictions où la représentation est facultative;

Que l'avocat, dont la profession est déclarée, par l'ordonnance de 1822, incompatible avec l'agence d'affaires, ne peut pas plus recevoir de mandat pour intenter ou instruire des procès, que pour faire d'autres actes de la vie civile;

Que la signature des requêtes et des conclusions, qui sont les éléments des contrats judiciaires, engagerait sa responsabilité et compromettrait sa position autant et souvent plus que son intervention dans d'autres contrats;

Qu'il doit donc, pour rester fidèle à sa mission et son titre, s'abstenir de toute immixtion dans la représentation du plaideur et dans les actes de la procédure, et n'être jamais, soit en écrivant, soit en plaidant, que l'assistant, le conseil et le défenseur de son client;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'aucune disposition du règlement du Conseil de préfecture ne porte atteinte aux droits du Barreau, et ne fait obstacle à ce que les avocats se présentent aux audiences du Conseil pour y défendre leurs clients;

Considérant que pour y être admis avec leur titre, et pour revendiquer les droits qui y sont attachés, les avocats doivent se présenter revêtus du costume professionnel;

Par ces motifs,

Arrête 1o Il n'y a lieu de former aucune réclamation à l'occasion du nouveau règlement du Conseil de préfecture, ses dispositions sainement appréciées et confirmées par l'exécution qu'il a reçue depuis sa publication, n'ayant rien de contraire aux droits des avocats et à l'intérêt des clients.

2o Les avocats qui auront des affaires à plaider aux audiences

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