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grandes audiences et à toutes les cérémonies publiques où il est d'usage que Messieurs les officiers du Parlement soient en robe rouge. Comme cela paraît faire quelque difficulté dans la province, on a donné une consultation séparée où ce point est traité complètement.

« L'usage de faire porter la queue de la robe n'est point réservé aux seuls juges. Les avocats l'observent quand ils veulent. On a vu, pendant un temps, beaucoup de robes de soie, mais Monsieur Destor, étant reçu Premier Président, le 12 novembre 1689, fit sentir que cela était contraire aux Ordonnances, et, en effet, on n'a jamais vu de robes rouges d'étoffes de soie quoique ce soient les robes de cérémonies. Les manteaux mêmes de Messieurs les Ducs et Pairs, au sacre des Rois, doublés d'hermine, ne sont que d'étoffes de laine, comme on l'a vu encore au dernier sacre. Depuis quelque temps, les justaucorps de velours sont si communs qu'ils tombent dans le mépris. Les femmes d'avocat... »

« Quand quelqu'un va chez Monsieur le Premier Président pour les affaires publiques il est en robe; il n'y va point en chaperon herminé.

Jusqu'ici on n'a jamais vu les Premiers Présidents qu'en habits longs, soit robe de palais, soit robe de chambre d'étoffes noires. Messieurs les gens du Roy sont de même. Il en était ainsi de Messieurs les Présidents il n'y a pas encore bien des années. »

La Révolution n'a pas laissé subsister ces droits de l'habit; les classes sociales ont effacé la différence de leur extérieur. Mais la loi ne pouvait longtemps hésiter à entourer la justice du prestige et de la solennité qui grandissent son autorité; les hommes, de tous les temps, ont subi l'ascendant des chefs qu'ils choisissent ou qu'ils

subissent; le costume du prêtre, du juge, de l'avocat qui l'assiste, est aussi nécessaire que celui du soldat.

Aussi, l'arrêté des Consuls de nivôse an XI, contenait-il cette disposition:

« Les gens de loi et les avoués porteront la toge de laine, fermée par devant, à manches larges, toque noire; cravate pareille à celle des juges (c'est-à-dire de batiste blanche plissée), cheveux longs ou ronds. »

L'article 35 du décret du 14 décembre 1810 ajouta : « les avocats porteront la chausse de leur grade de licencié ou de docteur. »>

L'ordonnance de 1822 a donné aux usages du Barreau la force de la loi, et le costume n'a pas changé depuis cette époque. L'avocat doit le porter chaque fois qu'il remplit publiquement un acte de sa profession.

A toutes les époques où l'autorité d'un gouvernement s'est imposée, les magistrats ont exprimé l'intention de faire respecter les dispositions de la loi relatives au costume; les Conseils de discipline se sont associés à ces me

sures.

Un arrêt de la Cour de cassation du 6 août 1844, S. D. V. 1844.1.579, décide que la Cour et les Tribunaux ont le pouvoir d'apprécier souverainement si les faits qui se passent à leur audience sont attentatoires ou non à la dignité de cette audience et à la gravité des fonctions qui y sont exercées.

Cet arrêt s'applique à des questions de costume; il avait été précédé d'une consultation donnée au Barreau d'Ambert par Caubert, le 6 août 1844.

Cette consultation curieuse cite Fournel. Avec le rapport de M. le Conseiller de Gaujal, devant la Cour de cassation, elle fait l'histoire de la barbe et des moustaches,

considérées comme une partie dans le costume (6 août 1844, S. D. V. 1.1844, p. 582); elle rappelle les variations des modes de l'ancien régime et les habitudes du Barreau qui les a suivies, avec l'assentiment et l'exemple des magistrats.

Le Conseil de l'Ordre, dès 1843, avait pris un arrêté décidant que l'avocat stagiaire devait être propriétaire d'une robe; quoiqu'il n'imposât ni le costume, ni l'habit noir pour le travail à la Bibliothèque, il avait, le 1er août de la même année, ajourné une demande de stage jusqu'à justification de soumission à l'arrêté. Quelques mois plus tard, les 14 et 21 novembre, il le rapporta; mais il a toujours exigé que l'avocat remplisse ses devoirs professionnels avec la robe.

En 1852, il fut répondu au Barreau de Laval que l'usage était pour l'avocat de porter la chausse en audience. solennelle, qu'il ait ou non le diplôme de docteur en droit.

Dans cette même année, sur une invitation du Premier Président, le Conseil prenait les arrêtés qui suivent :

« Le Conseil désire vivement que les avocats se conforment à la prescription de convenance et de dignité du costume rappelée par M. le Premier Président.

« Les avocats ne peuvent se présenter aux audiences qu'en robe, avec pantalon noir et cravate blanche; ils doivent observer rigoureusement les divers décrets sur le costume.» Arr. 26 janvier 1852.

Les mêmes prescriptions étaient rappelées en 1858, les 23 février et 16 mars.

Les arrêtés disent :

« Les avocats devront se présenter pour plaider devant les Conseils de guerre et les Justices de paix, revêtus de leur robe et des insignes de la profession. >>

Ces arrêtés rapportent expressément un autre arrêté du 1er août 1838. Celui-ci avait décidé que les avocats pouvaient plaider devant le juge de paix, mais sans la robe.

Le 22 juin 1858, le Conseil arrêta que l'avocat ne devait travailler à la Bibliothèque que revêtu de sa robe, ou tout au moins costumé de noir.

<< La robe ne peut être revêtue par l'avocat suspendu. Arr. du 2 août 1853.

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« L'avocat qui se présente en robe à la barre du Tribunal, alors qu'il est sous le coup de la peine de la suspension d'un mois, encourt une poursuite disciplinaire. Cependant le Conseil peut admettre la bonne foi du jeune avocat qui présente ses excuses au Président de l'audience.» Arr. 21 juillet 1885.

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Les agréés qui ont obtenu le grade de licencié en droit, peuvent porter le costume de l'avocat, avec cette seule exception qu'ils ne doivent ni le revêtir de la chausse, ni parler couverts (art. 6 du décret de nivôse an XII; art. 15 du décret du 14 décembre 1810; art. 12 du décret du 12 juillet 1812). Consultation au Barreau de Tours; Rapporteur Benoît-Champy, 16 juin 1846.

« Il n'appartient pas au Conseil d'autoriser un avocat étranger à porter la robe au Palais : celui-ci ne peut revêtir un costume qui ne lui appartient pas. » Arr. 23 décembre 1856.

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« Enfin, il est interdit à tout avocat stagiaire ou inscrit, traduit personnellement devant les Cours d'assises ou les Tribunaux correctionnels, en quelque matière et pour quelque cause que ce soit, de se présenter en robe à l'audience. » Arr. 23 et 30 janvier 1849; 25 juin 1850; décembre 1851.

Il en est de même en matière civile, quand l'avocat plaide pour lui-même. - Lettre adressée à un membre du Conseil qui plaidait un procès personnel, 6 février 1872.

« L'avocat qui plaide pour lui-même, revêtu des insignes de sa profession, est soumis à l'action disciplinaire, s'il s'écarte du respect dû au Tribunal; sa qualité de partie ne le dispense pas de son devoir d'avocat. » — Grenoble, 26 décembre 1828, S. V. 1829.2.212. Contrà Metz, 1820, S. V. C. N. 6.2.264.

« Une instruction est ordonnée contre des avocats qui plaideraient sans robe et avec une procuration devant le Tribunal de commerce. » — Arr. 11 mars 1856.

En résumé, la robe désigne et protège l'avocat. On répète que partout où il exerce son ministère, il doit la porter. Il n'est fait d'exception à la règle que pour les séances des arbitrages; elles ne sont pas publiques. L'avocat doit aussi se conformer aux usages du Barreau étranger quand celui-ci plaide, sans ses insignes professionnels, devant les Conseils de préfecture.

IV. Les avocats occupent dans les salles d'audience des places réservées au Barreau.

L'article 35 de l'ordonnance de Philippe IV, touchant le Chastelet, dit:

« Que nul ne siège au rang ni au siège des advocats, fors qu'eux; si ce n'est du commandement du Prevost ou de son Lieutenant. »

Souvent ces places ont donné lieu à des observations. Le 15 mars 1822, dans le procès de Béranger, M. Jacquinot-Godard, Président de la Cour d'assises, envoya vingt billets d'entrée à M. Billecocq, alors Bâtonnier, en

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