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Par de pieuses mains chaque jour abreuvée.
Jamais à d'autres yeux ses couleurs n'ont brillé;
Leur solitaire éclat ne fut jamais souillé.

Mais sur son humble tige en son temps moissonnée,
A parer les autels elle était destinée;

Et ses derniers parfums embaumaient le saint lieu.
Telle dans sa retraite en présence de Dieu,
Croissait, pleine d'attraits, l'innocente Cécile,
Même en ses souvenirs résignée et tranquille.
Mais le malheur partout s'attachait à ses pas;
Elle vit sa princesse expirer dans ses bras.
De ses derniers momens elle fut confidente,
Et cette triste image à ses regrets présente,
Sans cesse rappelait à son cœur oppressć
L'avenir qu'en mourant Louise avait tracé.
Déjà depuis trois ans nos erreurs, nos disgrâces,
De sa voix prophétique expliquaient les menaces,
Lorsqu'en songe une nuit Cécilé crut la voir
Portant d'un sort plus doux la promesse et l'espoir,
Mais loin d'oser du ciel pénétrer les mystères,
Elle voulut d'un guide invoquer les lumières,
Et consulté par elle, Edgewore permit
Que Louis de sa bouche écoutât ce récit ;
Que rompant une fois la clôture prescrite,
L'humble vierge à Paris par lui-même conduite,
Aux regards de son roi parût secrètement.
Louis voyant son trouble et son saisissement,
La rassure et l'engage à s'expliquer sans crainte.
Elle restait muette: entrant dans cette enceinte,
Elle se figurait cet aspect radieux

Dont la cour autrefois éblouissait les yeux,
Tout ce noble appareil des grandeurs de nos pères,
Du cortége royal pompes héréditaires;
Le roi lui-même orné des brillans attributs,
Qui d'un juste respect commandent les tributs.
Elle ne voyait rien qu'un désert et des armes,
Que de mornes soldats, des fronts chargés d'alarmes;
Nulle trace de rangs, d'honneurs, de dignité,
Et d'un même néant la triste égalité;
Louis enfin, ce roi, le premier de la terre,
Sous l'obscur vêtement d'un citoyen vulgaire.
Ses yeux à cet aspect se couvrirent de pleurs;

Mais contraignant enfin son trouble et ses douleurs :
« Sire, ferez-vous grâce au zèle qui me guide?
(Dit-elle ) du Seigneur la servante timide
N'aurait jamais osé parler devant son roi,
Si ce sage mortel ne m'en eût fait la loi.
Vous avez su de lui quelle est ma destinée;
Que par des voeux sacrés ma jeunesse enchaînée
De l'auguste Louise éprouva les bontés,

Et quand elle expira, j'étais à ses côtés.

C'est moi qui de mes mains lui fermai les paupières ;
Je crois entendre encor ses paroles dernières :
« Mon âme du Très-Haut bénit la volonté ;
Mon trépas est encore un don de sa bonté.
De justes châtimens, dignes de sa vengeance,
Vont tout-à-l'heure, hélas! éclater sur la France.
Je ne les verrai point; mais si le Dieu du ciel
Daigne me recevoir en son sein paternel,
Je le prierai du moins pour ma triste patrie,
Pour vous, chère Cécile.... » et sa voix attendrie
Défaillit et mourut en prononçant mon nom.
J'éprouvai dans sa perte un cruel abandon.
Hélas! depuis trois ans à cette ombre si chère
J'apporte chaque nuit mes pleurs et ma prière,
Et quand sur son tombeau ma douleur a gémi,
Je sens rentrer le calme en mon cœur raffermi.
Deux jours sont éconlés depuis que sur sa cendre
Au sommeil, en priant, je me laissai surprendre.
Louise dans un songe apparut à mes yeux;
Je la vis... je la vois, qui des voûtes des cieux
Descendait près de moi d'anges environnéc,
Rayonnante de gloire et de lis couronnée;
Et moi je l'appelais en lui tendant les bras:

« Prends courage, dit-elle, il ne faut plus qu'un pas; Ma Cécile bientôt rejoindra son amie,

Et la gloire l'attend au terme de sa vie.
Tu dois être éprouvée au jour de ton trépas;
L'épreuve sera grande, et tu la soutiendras.
Il te faut, sous les yeux du ciel qui te seconde,
Triompher doublement de la chair et du monde.
Et pour récompenser ton courage et ta foi,
Ce qui te fut plus cher sera sauvé par toi.
Ta pleures maintenant sur les maux de la France:

Au flambeau de la mort je les ai vus d'avance.
Espère les Français long-temps encor punis,
Ne devront leur salut qu'aux vertus de Louis ».
Je vis en cet instant d'une tige sanglante

Sortir et s'élever une palme éclatante :
Louise la suivait, en remontant au ciel.
Aussitôt du milieu de ce choeur immortel,
Retentirent au loin des concerts d'allégresse,
Et j'entendais, au sein de la plus douce ivresse,
L'ineffable louange et les accens divins

Que n'entendit jamais l'oreille des humains.
Mais, Sire, quel réveil! seule dans l'ombre immense,
Sur ce marbre fanèbre, et dans ce noir silence!...
J'eus peine, je l'avoue, à recueillir mes sens;
Mais ces mêmes objets et ces mêmes accens
Sont demeurés toujours présens à ma pensée,
Et l'image en mon cœur n'en peut être effacée ».
Vers le saint prêtre alors Louis se retournant,
<< Que vous semble ( dit-il) de ce songe étonnant?
Que faut-il en penser ? que nous faut-il entendre? >>
Edgewore répond : « Nous devons nous défendre
D'interpréter jamais ce que Dieu veut cacher,
Sire, et de son secret nul ne peut approcher.
Mais toujours de sa loi la clarté salutaire
Suffit pour écarter l'erreur involontaire,

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Et nous fait reconnaître à des signes certains,
On l'œuvre des démons, ou l'oeuvre de ses mains.
Il daigne quelquefois nous parler dans un songe :
Rien n'y ressemble alors à l'esprit de mensonge;
Tout y porte les traits de la Divinité,

Tous ceux de la sagesse et de la sainteté.
L'enfer n'imite pas de si grands caractères,
On distingue aisément ses prestiges vulgaires ;
La foi sait d'un coup d'œil en voir la fausseté;
L'erreur ne parle point comme la vérité.

Le

songe de Cécile en est un témoignage :
La clémence d'un Dieu s'y couvre d'un nuage,
Qu'un effort curieux voudrait percer en vain :
Ce qu'il dit, ce qu'il cache est de l'Esprit divin.
J'y vois d'un noble prix vos vertus couronnées;
J'y vois en leur faveur nos fautes pardonnées.
Dieu nous en dit assez je n'en cherche pas plus

Les moyens qu'il prépare à lui seul sont connus.

" J'ai mes desseins (dit-il ) qui ne sont pas les vôtres. » Mais ce qu'il cache un jour, il le découvre en d'autres. Sire, n'en doutez pas, ces oracles voilés,

Quand il en sera temps vous seront révélés;
Et de ce qu'à Cécile il voulut en apprendre,

Vous n'avez tous les deux que des grâces à rendre.
Mais ce secret encor doit rester entre nous,

Sire ; qu'il en soit un pour la reine et pour tous.
Jusqu'à l'événement Dieu nous prescrit de taire
Les dons mystérieux qu'il lui plaît de nous faire ».
Le roi toujours docile à ses conseils pieux,
S'abandonne avec joie aux promesses des cieux.
Il admire Cécile, et cette humble sagesse,
Dont le ciel enrichit son heureuse jeunesse.
Elle s'incline alors aux pieds du souverain;
Elle arrose de pleurs cette royale main,
S'éloigne; et sur les pas de son guide fidèle,
Va retrouver le cloître où son devoir l'appelle.

FRAGMENS IMITÉS DE THOMSON.

HYMNE

AU SOLEIL (1).

Le Dieu du jour se lève en sa pompe royale:
Il dore de ses feux la rive orientale,
Rougit l'azur du ciel, illumine les eaux,

Et blanchit le torrent sur le flanc des côteaux.
Tout prend dans la nature une face nouvelle :
Dans toute sa splendeur déjà l'astre étincelle,
Et ses rayons brisés dans le prisme des airs
Par le jeu des couleurs cinbellit l'univers.

Toi qui donnes la vie à la nature entière,
Salut! fille du ciel, immortelle lumière !
Et toi, flambeau du monde, image de ton roi,,
Salut, astre sacré je m'élève vers toi!

Soleil, quelle est ta force? elle enchaîne, elle embrasse
Tous ces globes errans suspendus dans l'espace,

(1) But yonder comes the powerful king of day, Rejoicing in the cast... (THOM. Summer. V. 8).

Depuis le froid Saturne à l'anneaut lumineux
Jusqu'à l'ardent Mercure éclipsé dans tes feux.
Roi des mondes! sans toi la nature stérile
Dans un morne repos languirait immobile,
Et l'hiver règnerait sur d'éternels frimas.
La chaleur et la vie accompagnent les pas.
Par toi l'homme s'élève et la brute respire,
Le monde végétal reconnaît ton empire.
Dans leurs antres secrets tu mûris ces métaux,
Instrumens du commerce et source de nos maux.
L'airain ami des arts et l'étain domestique,
Le glaive des combats et le soc pacifique.

Le sauvage rocher, stérile enfant des monts,
Conçoit tous ses trésors au feu de tes rayons,
De ses riches reflets tu revêts la matière.
Le diamant pompeux usurpe ta lumière;
Tes rayons embellis de changeantes lueurs
Sur l'opale inconstante épuisent tes couleurs,
Et la robe des champs dont tu peins la nature
De la verte émeraude emprunte la parure.
Que dis-je? tont s'anime à ton feu créateur !
Sur les objets muets tu verses ta splendeur.
L'affreuse cataracte en sa chute bruyante

De tes plus beaux rayons peint son onde écumante,
Le ruisseau transparent réfléchit ta clarté,

Le désert te sourit dans son immensité,

Et l'abîme des mers soulevé par l'orage

De tes feux empruntés embellit son rivage.

EXORDE DU IV CHANT DES SAISONS DE THOMSON (1).

L'HIVER vient terminer le cercle des saisons,
Il sort en rugissant de ses antres profonds,
Entraînant son cortége et ses pompes funèbres,
Les orages, les vents et les froides ténèbres.
Vous qui préparez l'âme à de mâles accens,
Objets affreux, soyez le sujet de mes chants!

(1) See, winter comes, to rule the varied year.

(THOMSON. Winter. V. 1);

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