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Tout me le rappelait. Je trouvais, chaque jour,
Dans vos traits adorés son adorable image:
Vos yeux venaient m'offrir cette âme sans détour,
Ce sourire charmant qui parait son visage.

Je portais sur mon cœur l'anneau de l'amitié,
Qu'au pied des saints autels il me donna lui-même.
Ce faible anneau, ma fille, était mon bien suprême :
Gardez-le par devoir, aimez-le par pitié.

D'un trésor si chéri soyez dépositaire ;
Il a vu mon bonheur, il vu mes tourmens;
Nos noms y sont écrits Ce gage héréditaire
Vous redira l'amour de vos tristes parens,
Si tôt ravis à la lumière.

Mais ne gémissez plus. Dans un monde meilleur
Pour eux vont commencer les heures fortunées.
Puisse le Roi des Rois sur vos frêles années
Jeter un regard protecteur!

En lui seul désormais cherchez un tendre père ;
Dirigez vers lui seul votre innocent espoir.
Que le soleil levant, que l'étoile du soir
Trouvent mon Emilie occupée à lui plaire.

Il est compatissant: il ne permettra pas
Que ma douce brebis s'égare en mon absence.
Il fera triompher votre inexpérience

Des piéges tendus sur vos pas.

Combien votre beauté m'eût inspiré d'alarmes !
Puissiez-vous en jouir avec humilité,

Et, modeste, ne voir dans l'éclat de vos charmes
Qu'un rayon émané de la Divinité!

Chérissez le travail, par goût, par prévoyance :
Le travail a nourri le premier des humains.
D'ailleurs, qui peut compter sur la persévérance
De la fortune et des destins !

Les siècles écoulés, et les temps où nous sommes (1)
Ne montreront, ma fille, à vos yeux effrayés,

(1) Cette élégie, à trois versets près, fut imprimée en 1808 : ( l'Almanach des Muses en a fait mention). Les amis de l'auteur en avaient des copies entières.

L'Élégie intitulée Marie Stuart, Reine d'Écosse, préte à monter sur

Que des hommes cruels dépouillant d'autres hommes,
Les cabanes en feu, les trônes foudroyés.、

Au milieu de ce choc des discordes amères,
Heureux, trois fois heureux, le paisible mortel
Qui n'a point vu passer en des mains étrangères
Le champ et le toit paternel.

Quelques débris épars ont formé l'héritage
Qui commence pour vous, et pour moi va finir.
Je sauvai ces débris, de l'immense naufrage
Où d'autres ont vu tout périr.....

Des jours plus doux viendront. J'emporte l'espérance
Qu'il peut revivre encor notre antique bonheur,
Et que le ciel, touché des soupirs de la France,
Lui rendra ses héros, ses Rois et sa splendeur.
Les pompes d'ici-bas', l'estime, la richesse
N'exciteront point votre orgueil :
Pourvu que votre esprit se rappelle sans cesse
Que tout finit par un cercueil.

Oui, ma fille, un cercueil. En ce funèbre asile,
Aperçu tant de fois, et toujours évité,

La Mort va renfermer cette impuissante argile,
Qu'idolâtrait ma sensualité.

Dans le champ du trépas je vais prendre la place
Que m'y réservent mes aïeux.

De leurs simples vertus si j'honorai la trace
Par un respect religieux,

Faites, Dieu tout-puissant, que nos cendres amies
S'émeuvent de tendresse et de félicité,

Et jusques au grand jour demeurent réunies,
A l'abri des fureurs de la perversité.

LAFONT d'AuŠSONNÉ.

l'échafaud, insérée dans un précédent n°., est aussi de M. Lafont d'Aussonne, auteur de l'Histoire de Madame de Maintenon, fondatrice de SaintCyr (ouvrage qui embrasse les règnes de Henri IV, de Louis XIII, de Louis XIV, et la minorité de Louis XV); 2 vol. in-8°., avec un beau portrait de Madame de Maintenon, Dame d'atours, par Mignard,

HOMMAGE

roi

Rendu dans la cathédrale d'Amiens, le 6 juin 1329, à Philippe de Valois, roi de France, par Edouard III, d'Angleterre. Pièce envoyée au concours de l'académie

d'Amiens.

LORSQUE l'heureux Valois (1), prince né loin du trône,
Eat à la mort de Charle (2) obtenu la couronne
Édouard, son rival, jura de ressaisir

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Un sceptre qu'à lui seul il croit appartenir.
C'est en vain que des lois la sage prévoyance
Repousse l'étranger du trône de la France;
Le jugement des pairs, cet acte solennel,
Bien loin d'être sacré, lui paraît criminel.
Rien ne peut l'arrêter; les mœurs, la foi publique,
Les usages des Francs et leur coutume antique,
Il veut tout abolir, et jaloux de régner,
Dans le sang des Français il viendra se baigner.
Ardent, impétueux, fier, avide de gloire,
Il court avec transport aux champs de la victoire;
Mais il sait modérer une bouillante ardeur,
La prudence est un frein qu'il donne à la valeur.
Il accueille d'un mot, il flatte d'un sourire
Et possède le don de plaire et de séduire (3).
Il saura s'en servir; il espère à ce prix
Et corrompre les coeurs et gagner les esprits.
Valois, pour appuyer les droits de sa naissance,
En appelle à son bras, sc fie à sa vaillance;
Il règne, il lui suffit de l'amour des Français
Cet amour fait son titre, il fera ses succès.
Fier du choix de son peuple il monte sur le trône,

Et saura sur sa tête affermir la couronne.

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(1) Philippe de Valois fut surnommé le Fortuné pour être arrivé au trône de saint Louis.

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(2) Charles-le-Bel, mort en laissant sa femme enceinte, laquelle accoucha d'une fille.

(3) « Son langage était éloquent; dit Barnès, il était doux, affable,

et

» déployait tous les talens et toutes les grâces pour séduire les grands et les >> peuples ».

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Édouard doute encor s'il lui jure sa foi,

Il craint de s'abaisser en le nommant son roi.
Son devoir le prescrit, son orgueil s'en irrite;
Indécis, incertain, il balance, il hésite.
Mais enfin l'intérêt l'emporte dans son cœur,
Édouard a dompté sa haine et sa fureur.
Tu triomphes, Valois! ton sujet va promettre
D'obéir à son prince et de chérir son maître.

O jour! ô doux moment! Quel pompeux appareil
Semble le disputer à l'éclat du soleil ?
Noble cité d'Amiens! Quelle brillante fête
Au sein de tes remparts en ce moment s'apprête!
Le temple retentit de sublimes concerts,

De parfums et de fleurs les autels sont couverts;
De la foi des chrétiens cette arche incorruptible,
L'Évangile est ouvert pour un serment terrible,
L'Évangile! garant de la fidélité

Et qui ne fut jamais vainement attesté.
Quel immense concours en ce jour d'allégresse !
Où vont tous ces prélats, où court cette noblesse?

Et ce peuple en tout temps si fidèle à ses rois,

Vient-il les couronner une seconde fois?

Quels vœux seront offerts dans cette auguste enceinte ?

En présence de Dieu, de sa majesté sainte,

Edouard vient enfin devant l'heureux Valois

Courber sa tête altière au joug puissant des lois.

Vous l'entendez, grand Dieu ! ce libre et pur hommage
Doit être de la paix le fortuné présage;

La paix, ce doux lien de la société,

Et le bien le plus cher après la liberté.

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Désormais à son prince ainsi qu'à Dieu fidèle,
Edouard cesse enfin une injuste querelle,
Et Valois aussi grand que son fier ennemi,
S'il s'abaisse en vassal le relève en ami :
Doux nœuds, qui détruisant les semences de guerre,
Unissent à jamais la France et l'Angleterre.
Magnanimes rivaux, guerriers pleins de valeur,
Rois puissans! il est fait le serment de l'honneur :
Le ciel en est témoin, et d'un lâche parjure
Qui de vous souillerait sa bouche libre et pure?
Le parjure convient à des cœurs corrompus,

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Voués à l'injustice, à l'intérêt vendus;

D'un faible et vil mortel c'est le triste partage,
Il répugne à la force, il fait honte au courage.
Vainement de la terre on bannirait la foi,

Il lui reste un asile, et c'est le coeur d'un roi.
Sur le trône un monarque est contraint d'être juste,
C'est l'apanage heureux de sa puissance anguste.
Le parjure avec lui traîne le repentir,

Et quiconque trahit invite à le trahir.

Prince! dans ce grand jour l'univers vous contemple;
D'une haute vertu vous lui devez l'exemple.

Gardez que l'avenir puisse un jour vous blâmer,
Ah! s'il est bean de vaincre, il est plus doux d'aimer?
Qui règne sur les coeurs remporte la victoire,
Un héros la souhaite, un sage en fait sa gloire,
Satisfait chaque jour de s'entendre bénir,
Du bonheur qu'il répand le sien est de jouir.

Vains souhaits! le parjure est assis sur le trône.
C'est peu pour Édouard d'une seule couronne,
Il prétend usurper le sceptre de Clovis,
Et veut an leopard assnjétir les lis.

Valois parut trop grand dans cette auguste fête (4)
Son rival s'indigna d'avoir courbé la tête.
En admirant la pompe et le faste étalé,
« Voilà, dit-il, les biens dont je suis dépouillé!
» Je ne connaissais pas tout le prix dé ce trône;
» Ah ! j'ai cédé trop tôt cette belle couronne!
» Je voudrais vainement jurer de la servir,
>> Tous mes vœux désormais seront de la ravir ».

Excité par Robert (5), ( un traître, un vil transfuge,
Heureux chez les Anglais d'obtenir un refuge)
Édouard vent tenter par le sort des combats

D'arracher à Valois ses superbes états.
Les traités sont rompas et du sein des alarmes
Édouard et Philippe ont ressaisi leurs armes.

Princes, où courez-vous et pourquoi ces apprêts? ́

(4) Il est très-vrai que dans cette occasion Édouard fut jaloux de Valois,

ce qui le fortifia dans le dessein de conquérir la France.

(5) Robert, condamné par la cour des pairs en 1332.

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