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Songez à vos sermens, songez à vos sujets!
Ils respirent tous deux la discorde et la guerre,
Et leurs bras sont armés pour ravager la terre.
Ils n'écoutent plus rien qu'une aveugle fureur,
La force est leur seul droit, leur titre est la valeur.
Et Dieu qu'ils ont trompé, Dieu vengeur du parjure,
Dans des ruisseaux de sang lavera leur injure.

TALAIRAT

L'INSOMNIE DU POÈTE.

Chacun songe en veillant, il n'est rien de si doux.
LA FONTAINE

DES heures de la nuit le char silencieux

Roule depuis long-temps dans les orbes des cieux,
Et vainement Morphée a d'une main propice

De ses fleurs sur mon front secoué le calice.

Je veille, et cependant le calme est dans mon cœur,
Et l'Amour, mon tyran quand il fut mon vainqueur,
Va chercher loin de moi des conquêtes nouvelles,
Des sujets plus heureux, des esprits plus rebelles.

Cherchez, cruel enfant, dans l'ombre de la nuit,
Le cœur qui vous ignore ou le cœur qui vous fuit.
De la vierge qui dort allez du bout de l'aile

Agiter les cheveux et la gaze infidèle ;
Et caché sur son lit, à l'abri des soupçons,
Aux pavots de Morphée ajoutez vos poisons.

Mais songer à l'amour, exciter son génie,
N'est-ce pas condamner mes yeux à l'insomnie?

He bien! sois avec moi, riante illusion,
Amène sur tes pas la riche fiction.

Viens, sous tes traits changeans, par les grâces parée,
Marche, toujours trompeuse et toujours adorće,
Au milieu de ces choeurs, au bruit de ces concerts
Dont tes nombreux enfans enchantent l'univers.
Sur tes ailes d'azur móllement balancée,
Viens embellir la nuit, rafraîchir ma pensée.
D'un souris chasse au loin les songes effrayans ;
D'un geste peuple l'air de fantômes errans ;

1

D'un souffle apporte-moi la fraîcheur des bocages,
Et les parfums naissans sur les plus beaux rivages.
Que dis-je? Quoi! déjà les nymphes, les sylvains
Promènent près de moi leurs rapides essaims.
Je vois auprès d'Hébé la jeune Valkyrie
Mêler son hydromel à l'auguste ambroisie;
Et sur un trépied d'or, la baguette à la main
La fée, au sein des nuits, se frayer un chemin,
Sous ses pieds délicats faire naître des roses,
Et tromper mes regards par cent métamorphoses.
Elle aime à protéger les fidèles amours.

Je la vois s'approcher de ces immenses tours.
Un jeune paladin, aimé de la victoire,
Y regrette à la fois son amante et la gloire.
Il gémit... un oiseau chante dans la prison.
Le jeune amant surpris écoute sa chanson :
<< Bientôt, beau paladin, finira ta souffrance.
» Aujourd'hui j'ai voulu t'apporter l'espérance,
» Et je viendrai demain t'offrir la liberté.

>> To connaîtras la gloire, aimé de la beanté.

>> Adieu. Donne un baiser aux plumes de mon aile, » Et je vais aussitôt le porter à ta belle.

» Hélas! de longs soupirs s'échappent de ton cœur.
» Demain, beau paladin, finira ta douleur ».

Mais tandis qu'attentif à cette aimable scène,
J'attends que cet amant s'éloigne de sa chaîne,
Qui porte jusqu'à moi ce jour harmonieux?
D'où naît près de mon lit ce bruit mystérieux ?
L'abeille qui s'envole avec un doux murmure,
La goutte d'eau qui tombe au sein de la verdure,
Ont un son moins timide, agitent moins les airs.
Est-ce vous, être heureux d'un nouvel univers,
Qui souvent pour charmer ma longue iêverie,
Daignez abandonner votre belle patric?
O sylphide! entendrai-je aujourd'hui votre voix
Révéler ces secrets demandés tant de fois ?
Hélas! daignez-vous lire au temple de mémoire
La

page où les destins ont tracé mon histoire?
Verrai-je ce bonheur que j'attendis toujours ?
Éprouverai-je encor: le tourment des amours?
De la gloire à mon tour obtiendrai-je un sourire 2

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Tous ces arts séducteurs dont j'adore l'empire,
Parmi toutes leurs fleurs cachent-ils un laurier
Qui me préservera de mourir tout entier ?
Eh quoi! vous me fuyez ! et mon regard avide
A peine dans les airs suit votre vol rapide.
Revenez, doux éclair de grâce et de beauté.
Revenez, pardonnez ma curiosité.
Si j'ai voulu briser le bandeau salutaire
Que posa le destin sur mon front téméraire,
Hélas! l'esprit de l'homme, esclave du désir
Dédaigneux du présent, adore l'avenir :
Ce fantôme brillant que pare l'espérance

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De l'homme dans sa course allége la souffrance.
Pardonnez; mais, hélas! mon œil vous cherche en vain
La nuit, la triste nuit, de sa pesante main,

De ses voiles épais semble doubler le nombre.
Mon œil, avec tristessé, erre et se perd dans l'ombre.
Ma paupière brûlante, avide de pavots,

Et s'affaisse et se lasse à chercher le repos.
Je ressens tout le poids des longues insomnies.
Voyez errer au loin les hideuses lamies.
Pendant les nuits d'hiver Hecate quelquefois
Les voit fair en hurlant dans l'épaisseur des bois,
Et d'un impur amour immolant les victimes,
Chanter dans des festins les fureurs de leurs crimes.
Souvent, cherchant le lit où dort l'adolescent,
Elles vont sur son sein asseoir leur corps pesant;
Jouir des longs soupirs d'une haleine oppressée ;
Et bientôt n'écoutant qu'une rage insensée,
Déchirer en lambeaux ce corps long-temps si cher,
Et dévorer ce cœur qu'elles n'ont pu
toucher,

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Écarte, ô ma pensée! un si cruel spectacle.
Souvent ta volonté ne connaît point d'obstacle ;
Fais un heureux effort!.... Par quels enchantemens
M'as-tu déjà conduit dans ces climats charmans
Où naquit Apollon, où voyageait Homère !
Un souffle poétique anime l'atmosphère,
Agite cette mer que sous les plus beaux cieux
Neptune décora d'iles chères aux Dieux.
J'aborde, je parcours, j'admire chaque plage
Et l'amour me conduit de rivage en rivage.

Nymphes, qui dans ces prés veniez cueillir des fleurs,
Et qui, du ciel d'été redoutant les ardeurs,

Dormez aux doux concerts des cygnes da Méandre,
Prenez garde ani sylvain qui cherche à vous surprendre ;
Je l'ai vu se cacher an fond de ces roseaux :..
Il fait rider encor la surface des eaux.:

Allais-tu, bel Acis, près de ta Galatée,
Quand tu suivais les bords de la mer agitée
T'avait-elle au rétour promis un doux baiser,
Ou l'ayant courroncée, allais-tu l'apaiser?

Voyez-vous l'alcyon, au lever de l'aurore,
Bercer au sein des mers ses œufs tout près d'éclore?

La flûte des bergers vient égayer les airs:
J'aimais mieux des oiseaux les timides concerts.

Laissez-moi reposer sur cette herbe vermeille.
Flore en fuyant un jour y versa sa corbeille';
Et les jeunes zéphyrs, errans dans ces forêts,
Y cherchent des parfums en y versant le frais.
Je veux goûter ici le charme du silence.
L'ombre des oliviers jusqu'au fleuve s'avance;
Et de légers brouillards échappés du gazon,
A mes yeux par degrés ont voilé l'horizon.

Arbres, n'agitez plus vos fleurs et vos feuillages.
Dormez, dormez encor, oiscaux de ces rivages.

BRES, N.

UNE JOURNÉE D'AUTOMNE.

que

FRAGMENT.

N'ENTEND'S-JE pas du jour sonner la sixième heure?
Hâtons-nous, descendons sur les rives de l'Eure,
Bords chéris Collin charma de ses accens,
De l'automne abondante admirer les présens.
Le vallon, dans les biens que sa richesse étale,
N'offre plus du printemps la pompe végétale ;
La campagne a perdu ses riantes couleurs :
Partout les fruits dorés ont remplacé les fleurs ;

Partout le doux aspect d'une récolte heureuse
Au villageois actif rend l'âme plus joyeuse.
Contemplons, entouré de ces nombreux bameaux,
Ces sites ravissans, ces agrestes tableaux,
Où souvent s'égara timide et solitaire,
Le bon, l'aimable auteur du Vieux Célibataire.
Combien ce ciel brillant plaît à mon cœur éma !
Sous ces épais berceaux, mollement étendu,
Que j'aime à reposer ma course vagabonde!

J'ai vu ces champs fameux, ces bords que de son onde
Arrose la Durance, et dont l'aspect riant
Éveille dans les coeurs le plus doux sentiment;

Ces lieux où les échos font retentir encore »
Les noms harmonienx de Pétrarque et de Laure!
Eh bien! ces lieux si beaux, ces bosquets toujours verts
Que Pétrarque anima du charme de ses vers;

Où le chiffre amoureux de sa fidèle amie
Se voit tracé partout sur l'écorce vieillie;
Ces riches arbrisseaux, ce spectacle enchanteur
Qu'étale la Provence aux yeux du voyageur,"
Plaisent moins à mon coeur que le vallon fertile
Qu'aimait à parcourir ma jeunesse indocile :
Le ciel de la patrie est toujours le plus beau.

Chaque instant, dans ces lieux, m'offre un plaisir nouveau :
Non pas de ces plaisirs, enfans de l'indolence,
Qui, hantant les palais de la froide opulence,
Charment des grands du jour l'insipide fierté :
Leur éclat convient mal à la simplicité.
Les jeux tumultueux, le vain luxe des villės,
Ne troublèrent jamais ces demeures tranquilles :
Mes plaisirs sont plus doux, étant plus naturels.
La gaîté m'accompagne aux foyers paternels :
Soit que, nouveau Tityre, assis au pied d'un hêtre,
J'anime sous mes doigts le galoubet champêtre;
Soit que, loin du hameau, chasseur toujours actif,
Je poursuive des bois l'hôte agile et craintif;
Soit qu'enfin je présente au poisson trop avide,
L'appât léger qui cache un hameçon perfide;
Je suis heureux, l'ennui ne saurait m'approcher :
Et sous le toit rustique, à mon amour si cher,
Qui vit de mon rival l'espérance abusée,

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