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Crois-tu, ma Rosmala, que le courroux des Dieux Puisse ajouter aux maux que nous souffrons tous deux? Laissons briller l'éclair qui mènace nos têtes,

Nos coeurs sont trop flétris pour craindre les tempêtes.

AIR.

Depuis vingt ans proscrits, errans,
Déshérités du trône de nos pères,

Mille souvenirs déchirans

Chaque jour comblent nos misères.

Quel avenir espérer ?

Nous faudra-t-il sur l'aride bruyère,

Loin de nos aïeux expirer,

Sans avoir de leur tombe embrassé la poussière?

ROSMALA.

Qu'ai-je entendu, grands Dieux!

Loin de notre patrie

Nous serions condamnés à finir notre vie,
Tandis qu'un étranger, un tyran odieux,
Souillé du sang des rois, ceint de leur diadème,
Insulte au Nord entier soulevé contre lui,
Qu'il brave et nos enfans, et Fingal, Odin même!
Ah! si le ciel est juste, il nous doit un appui.
La race de Sennmor, jadis si révérée,
Languirait plus long-temps fugitive, ignorée,
Et s'éteindrait sans gloire aux yeux de l'univers !
Ce serait-là le prix de vingt ans de revers!

AIR.

Non, non, plus de souffrances,

Odin va mettre un terme à nos longues douleurs ;
Fingal a vu couler mes pleurs :

Odin, Fingal! voilà nos espérances.

'Tremble, Caros!... Du haut de ta grandeur, Ton œil plonge en riant sous l'effroyable abîme Où languit ta victime;

Vois-la briller enfin de toute sa splendeur;
Qu'Odin souffle ta tête altière,

....

Comme un pin de Moruth par la foudre écrasé,
Tombe.... ton sceptre est brisé,

Et tu rentres dans la poussière.

Mais pourquoi tardez-vous! Qui vous peut arrêter! Odin!...

MORAR.

De quel espoir tu flattes ma vieillesse !

Oh! ma fille, avec quelle ivresse
Je reverrais ces rives de l'Ulster !

ROSMALA.

Ah! leur nom seul me fait verser des larmes; Mais quand nous rentrerons pour la première fois Dans ce palais des rois,

Jadis affreux séjour et de deuil et d'alarmes!

Quel souvenir nous attend là?

MORAR.

Que dis-tu, Rosmala!

De Sennmor épargne les frères;
Est-ce en m'offrant des tableaux déchirans
Que tu voudrais consoler mes vieux ans?
N'avons-nous point assez de nos misères,
De nos malheurs présens,

Sans les accroître encor de tous ceux de nos pères?

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Fuyez donc, noirs chagrins... n'attristez plus mon âme!

MORAR.

Viens, Rosmala, ta voix m'enflamme.

Eh! mais... n'entends-je pas, dans le lointain des airs,
Des cent harpes du Nord les célestes concerts?
Vois-tu comme leurs sons dissipent les orages!

Déjà nous respirons un air plus doux, plus pur....
Juste ciel! quel éclat! quels flots d'or et d'azur !
Odin!... prosternons-nous au pied de ses nuages.
(Rosmala et Morar ensemble).

Le ciel exauce enfin nos vœux;
Il nous rend à notre patric:
Salut, salut, terre chérie,

Salut, ombres de nos aïeux!

Quel destin éclatant

Ce grand jour nous révèle !
Un peuple nous appelle,
Un trône nous attend.

(Ensemble).

Salut! salut, terre chérie!

Salut! salut! ô ma patrie!

A M. LE COMTE DE VIOMENIL,

Lieutenant-général des armées du roi, pair de France.

NESTOR des chevaliers Français,

Vous êtes aussi leur modèle;
Guerrier vaillant, sujet fidèle,
Jouissez d'un double succès.

Amant de la fière Bellone,
Vous respirez encor ses feux,
Et dans cet amour généreux
Puisez un ardeur qui l'étonne.

Pareils au printemps, vos hivers
De roses encor s'embellissent;
Comme les fils du dien des vers,
Les héros jamais ne vieillissent.
Privilége heureux des talens!
Ils sont rajeunis par la gloire,
Et déguisent leurs cheveux blancs
Sous les lauriers de la victoire.

Trompant ainsi le vol du temps,
Dans les bras de la jeune Aurore,
Le vieux Titon retrouve encore

Les premiers jours de son printemps.

FOUQUEAU DE PUSSY.

SIRIUS, OU LES MONDES (1)."

ODE.

(Cette ode, tirée d'un ouvrage inédit sur les constellations anciennes, renferme les opinions des anciens philosophes sur la pluralité des mondes, et sur l'origine et le système de l'univers ).

SOUVERAIN des soleils (2),,astré aux feux éclatans!

Tu fus divinisé sur ces rives fameuses (3)

Où le Nil à ta voix fertilisait les champs
Sous les eaux limoneuses (4).

(1) Voici la lettre que nous a adressée l'auteur de ces vers en nous les envoyant :

« Occupé pendant long-temps de recherches astronomiques, j'ai composé un ouvrage manuscrit sur les différentes sphères anciennes et sur l'époque de leur formation; à l'exemple de M. Marchangy dans sa Gaule poétique, j'ai inséré différentes pièces de vers qui peignent le caractère des peuples et les mœurs des temps. Je vous envoie aujourd'hui l'une de ces ·pièces qui, sous la forme d'une ode, contient l'exposé des connaissances astronomiques des anciens philosophes Grecs ; le sujet, intéressant par luimême, l'est peut-être encore plaš par sa nouveauté; je laissé à votre jugcment à décider si le style le rend digne du public ».

(2) Manilius, lib. 1, vers. 392.

(3) Hérodote, 4.

(4) Bainbrigge, de anno canicul. c. 4.

Mais ton trône brillant est dans l'immensité.
L'univers s'embellit de tes clartés fécondes,
Ton orbe toujours fixe en sa mobilité (5)
Luit au centre des mondes

Plein d'un trouble inconnu, j'admire ta splendeur.
Dejà j'entends des cieux les sublimes cantiques (7),
Et l'inspiration a versé dans mon cœur
Ses prestiges magiques.

Un charme impérieux plus haut m'élève encor ;
Dans son vol infini s'égare ma pensée,

Et je la suis à peine entraîné par l'essor
De sa course pressée.

J'ai franchi cet espace où luit l'astre des jours,
Et dans les champs déserts de la vaste étendue
Le froid Saturne, même enchaîné dans son cours,
Se dérobe à ma vue.

Là dans sa profondeur s'ouvre l'immensité.
La nature se taît dans sa marche tranquille,
Et le vieil Uranus semble s'être arrêté
Sur son axe mobile (8).

Là mon oeil égaré ne se reconnaît plus.
Le soleil jette à peine une flamme expirante (9),
La comète s'arrête aux détours inconnus

De sa course sanglante (10).

L'univers agrandi s'étend autour de moi,
Je sens du grand moteur la présence invisible (11),
Et j'aime à contempler saisi d'un saint effroi

Sa demeure paisible.

(5) Diogène Laërte, liv. 8.

c. 39.

Theophrast apud Cicer. Academ. 2,

(6) Plutar. de plac. philos. lib. 1, cap. 3.

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(7) Emped. apud Porphyr. de vitâ Pythag. p. 35. Aristot. de Coelo,

lib. 2.

(8) Macrobe. Songe de Scipion. liv. 1, c. 17.

(9) Plut. de plac. philos. lib. 2, c. 20. -Petau, Uranolog. tom. 3, p. 81.

(10) Seneque. Quest. nat. liv. 7, chap. 3.

par Aristote, Meteor. lib. 1. c. 26.

(11) Suidas, de Orph. p. 350.

Hippocrate de Chio cité

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