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des détails fort curieux, au sujet des différens alphabets esclavons, et il cherche à remonter jusqu'à leur origine. On doit regretter que, faute de caractères, il n'ait pas pu faire imprimer le tableau des principaux alphabets slaves, et qu'il ait été obligé de supprimer le Pater noster qu'on avait écrit dans les différens dialectes de cette langue, afin d'en mieux faire juger les anomalies.

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M. de Serres est entré dans des détails fort curieux sur la Bohême et la Galicie. Il donne une description trèscomplète des fameuses mines de sel gemme de Wieliczka et de Bocknia. Il montre de quelle manière ces mines se rattachent à celles de la haute Autriche, du Tyrol, et du pays de Salzbourg qu'il a également visités. Il arrive à cette conclusion générale, très-importante pour l'histoire physique du globe; c'est que toutes les mines de sel gemme sont adossées aux hautes chaînes primitives, et que toutes se trouvent dans des montagnes calcaires, soit secondaires, soit de transition. Il indique, en passant, les causes qu'il est le plus probable d'admettre pour concevoir la formation de ces immenses dépôts de sel gemme. En effet, cette formation s'étend dans un espace de plus de 200 lieues, et se voit à des hauteurs très-différentes. Quel est l'observateur qui, après avoir contemplé le spectacle toujours nouveau de la vie, n'aime point à arrêter sa pensée sur les causes qui ont formé ces matières inertes, dont l'arrangement n'a point été l'effet du hasard, puisqu'on y reconnaît des lois constantes soit dans leur position, soit dans leurs rapports entre elles. Heureux celui qui, guidé par l'observation et l'expérience, remonte jusqu'à quelques-unes de ces causes, et soulève un coin du voile qui cache les premières opérations de la nature! L'esprit s'agrandit avec un sujet si haut, la pensée s'élève, et l'homme fait alors le plus noble usage de cette intelligence immortelle qu'il doit à un Dieu créateur.

M. de Serres s'est encore étendu sur deux objets trèsimportans qui entraient naturellement dans son Voyage. La Hongrie est, sans contredit, la province la plus remarquable de l'Autriche, soit sous le rapport de la fertilité de son territoire, soit sous celui des moeurs de ses habitans. Ce pays offrait donc un double tableau à tracer, et l'auteur

n'a rien épargné de ce qui pouvait lui donner de l'intérêt. Il montre ce que les constitutions de la Hongrie ont de désavantageux pour l'harmonie de l'ensemble de l'Autriche, et il indique, en même temps, tout ce que les souverains de cet empire ont à espérer de la fidélité ou du courage des Hongrois. La richesse des mines de cette province l'occupe ensuite, ainsi que les singularités que présente la constitution physique de cette contrée. Le troisième volume est terminé par cette description de la Hongrie. Dans le dernier, l'auteur s'est occupé de la Transylvanie, pays si intéressant sous le rapport de l'histoire naturelle, et enfin, des frontières militaires, dont le régime et les constitutions sont si différentes de tout ce que l'on connaît en Europe. C'est en effet une chose remarquable dans notre civilisation actuelle, de voir un peuple entièrement soumis à un régime militaire, et dont tous les habitans, considérés comme soldats, doivent faire un service actif, lorsque les circonstances l'exigent. Ainsi, la même main qui porte le hoyau ou la houlette, prend pour la défense de la patrie, et le sabre du guerrier, et le fusil du soldat. Cette institution, dont on ne voit rien de semblable ailleurs, a été nécessitée par le voisinage de la Turquie. Toujours redoutés, quoique moins redoutables, les Turcs ont donné de si justes alarmes à la maison d'Autriche, qu'elle a dû prendre tous les moyens possibles pour les repousser de son territoire. Ainsi, comme leurs excursions avaient souvent lieu sans que la guerre fût allumée entre les deux puissances, l'Autriche n'a cru pouvoir mieux faire pour les arrêter que de mettre sur ses frontières des soldats continuellement sons les armes. Enfin, pour en rendre le nombre plus grand, et plus intéressé à la défense de la patrie, elle a converti les habitans de ces frontières en autant de soldats, et des laboureurs elle a fait des guerriers. Il faut lire, dans l'ouvrage même de M. de Serres, le système d'administration qu'elle a adopté pour donner un système uniforme à toutes ces frontières, et l'on peut dire que les institutions qu'elle a créées pour y parvenir, sont tout-à-fait patriarchales. Plusieurs familles forment une association que gouverne un chef toujours pris parmi les hommes les plus àges, ou parmi ceux que tous les membres ont choisi

d'un accord unanime. Ce chef, véritable patriarche, exerce un plein pouvoir dans sa famille ; mais il est tenu de rendre un compte annuel de sa conduite. Il a dans ses mains tous les détails de l'administration civile et militaire. Il fait seul cultiver les campagnes, et pourvoit aux besoins des soldats enrôlés ou désignés pour faire partie de la compagnie dont il est le chef. A la fin de chaque année, le produit de toutes les récoltes est partagé sans distinction, et chaque individu en reçoit une part égale: cependant, on accorde une double part au chef de la famille, ainsi qu'à sa femme. Tels sont les principaux règlemens que l'on suit à l'égard de ces frontières militaires. Du reste, l'histoire prouve que cette institution a plusieurs fois évité à l'Autriche de trembler pour ses plus belles provinces, et que ce pays en a retiré tous les avantages qu'elle pouvait en espérer.

Tout ce que nous avons déjà dit aura, ce me semble, prouvé avec évidence que M. de Serres s'est placé, par ce nouvel ouvrage, au rang des plus habiles observateurs, et des écrivains les plus exercés. Les nombreuses citations que nous avons faites de son livre, auront fait sentir qu'il sait aussi-bien peindre que décrire; plaignons-le seulement d'avoir adopté un plan didactique, et de n'avoir pu que rarement se livrer à sa brillante imagination. Il va, assure-t-on, publier bientôt un nouvel ouvrage sur un des pays les plus pittoresques de l'Europe; puisse-t-il s'y être livré davantage à ces descriptions dont on est aujourd'hui si avide, et pour lesquelles il me semble avoir un talent tout particulier! Nous reprocherons cependant à l'auteur du Voyage en Autriche, d'avoir été obligé de faire quelques répétitions par la suite du plan qu'il a adopté, et par cela même, de n'avoir pas assez resserré les faits nombreux dont il avait à nous rendre compte. L'ouvrage de madame Staël sur l'Allemagne, nous a fait connaître cette contrée sous ses rapports moraux; celui de M. Marcel de Serres nous en donne une idée exacte sous les rapports physiques. Ces deux ouvrages ont donc un but tout différent, quoique très-souvent leurs auteurs arrivent au même résultat, et émettent des opinions peu différentes. Cette remarque que j'ai faite souvent en parcourant l'ouvrage de M. de Serres,

a dû m'en donner l'idée la plus avantageuse. En effet, le livre de madame de Staël est un ouvrage tellement supérieur, qu'il sera toujours très-honorable d'avoir quelques rapports avec lui. Du reste, l'impression de ces deux ouvrages avait été également défendue par l'ancien gouvernement, et si le livre de M. de Serres n'avait pas été mis au pilon, l'auteur avait été forcé de livrer toutes les copies qu'il en possédait. Aujourd'hui nous jouissons de tous les deux; dans l'un, on reconnaît le talent le plus supérieur dans l'art d'écrire et de penser; et dans l'autre, un esprit d'observation qui n'oublie rien, et qui juge avec un calme dont les jeunes gens sont rarement doués. Si l'on admire le talent de madame de Staël, l'on ne peut qu'applaudir aux efforts de M. Marcel de Serres, et l'on doit dire que les Allemands sont heureux d'avoir eu de pareils historiens. Tous les deux ont applaudi à leurs rares qualités ; les belles âmes ne peuvent jamais s'empêcher de rendre justice à la vérité et à la vertu.

D. L.

RÉFLEXIONS POLITIQUES SUR QUELQUES ÉCRITS DU JOUR ET SUR LES INTÉRÊTS DE TOUS LES FRANÇAIS; par M. DE CHATEAUBRIAND. T Seconde édition.

Tout Paris connaît déjà la nouvelle brochure de M. de Châteaubriand; elle fournit à toutes les conversations, elle est le sujet de tous les éloges. Au moment où nous rendons compte de cette seconde édition, nous apprenons que la troisième suffit à la troisième suffit à peine à l'empressement des lecteurs. Cette avidité de connaître un écrit qui a mérité d'obtenir le plus auguste suffrage, est la condamnation de ces misérables pamphlets, que des agitateurs obscurs ont répandus pour égarer l'opinion; qu'en est-t-il résulté? ce que tous les bons esprits avaient senti d'avance. Chacun s'est rallié autour de l'autorité légitime les craintes des uns se sont apaisées; les autres ont senti l'impossibilité de satisfaire toutes les prétentions, et il n'est personne qui n'ait désavoué avec horreur l'apologie qu'on

pe rougit pas de faire au nom de tous, du plus exé crable forfait de la révolution. C'est principalement à cet écrit célèbre par le nom de son auteur

que M. de Châteaubriand s'est proposé de répondre. Il n'était pas difficile à tout homme sage de trouver de formidables argumens contre cette doctrine du régicide qu'on osait justifier hautement et présenter au Roi, avec cette confiance que donne la certitude du bon droit. M. de Châteaubriand dans son premier chapitre, pulvérise ces misérables sophismes. Nous ne transcrirons pas ce passage, aussi simple, aussi positif, qu'il est éloquent et profondément raisonné tous les journaux l'out rapporté, et nous ré servons la place que nous pouvons occuper dans ce journal pour donner d'autres fragmens non moins intéressans du même ouvrage, Cette manière d'en faire l'éloge est la seule qui puisse convenir.

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M. de Châteaubriand, après avoir accablé de toute la vigueur de la raison les apologistes de la mort de Louis XVI, diminue le nombre des meurtriers, de tous ceux qui prononcèrent le vote fatal, mais avec des conditions, et de ceux qui depuis cette grande faute, appelés aux premières places de l'état, ont tâché d'expier leurs erreurs en sauvant des victimes, en résistant aux ordres sanglans de la tyrannie, et qui depuis montrent par leur soumission un entier dévouement à la monarchie des Bourbons, et une profonde re connaissance pour la clémence du Roi. « Voilà donc le >> faible bataillon de tous ceux qui se croyaient si forts » diminué de tout ce qui ne peut pas entrer dans leurs >> rangs. Ils se trompent encore davantage lorsqu'ils s'é>>crient qu'ils sont la sauvegarde de quiconque a par

ticipé à nos troubles. Il serait, au contraire, bien plus » vrai de dire, que si quelque chose eût pu alarmer les >> esprits, c'est le pardon accordé aux juges du Roi.

» Ce pardon a quelque chose de surhumain, et les >> hommes seraient presque tentés de n'y pas croire: » l'excès de la vertu fait soupçonner la vertu. On serait » disposé à dire le Roi ne peut pas traiter ainsi, les » meurtriers de son frère, et, puisqu'il pardonne à tous, » c'est que dans le fond de la pensée, il ne pardonne à » personne, Ainsi le respect pour la vie, la liberté, la for

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