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naître sous d'autres formes. C'est donc une prétention absurde de vouloir arrêter la marche du temps; et lorsqu'un peuple a creusé par des commotions politiques, l'intervalle d'un siècle entre l'époque qui précéda la révolution et le rétablissement de l'ordre, il faut le prendre tel qu'il est: agir autrement serait renouveler ces sanglantes régé : nérations qui signalèrent le renversement de toutes les an ciennes institutions. Accordons des regrets à ce qui n'est plus, soit mais « la vieille monarchie ne vit plus pour » nous que dans l'histoire, comme l'oriflamme que l'on » voyait encore toute poudreuse dans le trésor de Saint» Denis, sous Henri IV: le brave Crillon pouvait toucher » avec attendrissement et respect ce témoin de notre an>> cienne valeur mais il servait sous la cornette blanche, >> triomphante aux plaines d'Ivry, et il ne demandalt point » qu'on allât prendre au milieu des tombeaux, l'étendard » des champs de Bouvines ».

Nous terminerons là cet extrait; un tel ouvrage offre des leçons à tous; il ne s'agit plus que d'en profiter. Eh ! qui s'y refuserait, grand Dieu! quand on voit le sage monarqué que le ciel nous a rendu, consacrer, par son suffrage cette consolante doctrine! C'est le vou du monde ; c'est celui de la France, c'est celui du roi; que veut-on de plus! qui peut se croire plus Français que le roi? Et pour nous servir ici d'une belle expression de M. de Châteaubriand, « le roi est la gloire et le salut de la France ».

G. M.

TABLEAU HISTORIQUE DE LA FRANCE, sous ses trois dynas ties, jusqu'au règne de Louis XIV; par M. DELACROIX, auteur des Constitutions des principaux États de l'Europe, etc; Trois forts vol. in-8°.

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Manibus date lilia plenis. VIRG.

JAMAIS dynastie, ornée de plus belles qualités, douée de plus aimables vertus, ne régua, durant une aussi longue suite de siècles que la dynastie des Capétiens, et ne goulverna les peuples avec cette grâce, cette force de per

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suasion, cette persévérance de tendresse, de bonté paternelle, qui forment vraiment le caractère distinctif des monarques français. On peut dire que le sceptre entre leurs mains, fut le symbole de la modération, de l'équité et de la paix.

La dynastie Capétienne commence presqu'en même temps que celle des Fatimites en Égypte, lorsque les Abassides jetaient encore tout l'éclat de la prospérité sur l'Orient, lorsque la puissance saxonne était à son déclin en Angleterre, et lorsque l'hérédité des couronnes n'était encore reconnue ni en Allemagne, ni en Italie. Combien d'autres dynasties se sont succédées avec une rapidité effrayante, non-seulement chez les Anglais, mais dans tout le reste de l'Occident chrétien! La famille seule des Capétiens, défendue par le respect, par l'amour, l'amour, la reconnaissance, environnée d'une vénérable antiquité, reste debout sur les ruines éparses de la grandeur humaine, au milieu du feu des révolutions qui, depuis 987 de l'ère chrétienne, époque de l'avènement des Capétiens au trône, jusqu'au siècle actuel, changèrent le mouvement du monde politique, renouvelèrent plusieurs fois l'esprit ainsi que les mœurs des nations, et renversèrent du faîte de la puissance dans la tombe, un si grand nombre de dynasties non moins illustres par leur gloire, par leurs exploits, que fameuses par leurs crimes, leurs revers et leurs déplorables infortunes.

Mais, depuis Hugues - Capet jusqu'à Louis le Désiré inclusivement, quelle succession, rarement interrompue, de rois magnanimes, amis du bien, de la justice, de la clémence, et jaloux d'opérer le bonheur de leurs sujets ! Oui, ce spectacle, si consolant pour l'humanité, est unique dans les annales du monde, et mérite d'être l'objet des plus douces méditations de l'historien. Que l'on considère attentivement toutes les autres dynasties; un bon prince, surtout avant Jésus-Christ, est une espèce de phénomène. Sur sept rois qui régnèrent à Rome, deux seuls ont obtenu l'estime de la postérité, et le règne des cinq autres ne fut signalé que par des violences. Dans la France seule, on a pu dire raisonnablement, sans préjudicier aux droits de la nature, si veut le roi, si veut la loi, parce que la

loi, presque toujours en harmonie parfaite avec la volonté du roi, s'identifiait, en quelque sorte, à sa personne; parce que le trône servit presque constamment d'appui au faible opprimé, parce que l'idée de toute législation française se rattache au trône lui-même, et que tous les bienfaits en découlent.

Pour nous convaincre de cette dernière vérité, examinons un moment la face de l'Occident après l'invasion des barbares, l'introduction de leurs coutumes sauvages, de leurs lois féodales, et la submersion presque totale des arts, des sciences, des bonnes lettres et des monumens de l'ancienne civilisation. La justice se trouvait à la pointe de l'épée, l'innocence réduite à combattre en champ clos, et livrée aux bizarres chances d'une superstition grossière et crédule. Les épreuves par le fer, par l'eau, par l'huile bouillante, par les sorts, composaient, à peu de chose près, le code des peuples européens. Millot, un abbé! fait, de sa pleine autorité, passer cette ignorance, cette superstition jusque dans la jurisprudence ecclésiastique. L'assertion est fausse, évidemment fausse. Je le déclare en conscience. I

Monsieur fait le procès au Dieu qui le nourrit.

«Les ecclésiastiques, écrit le Calot de l'histoire de France, jugeaient à leur tribunal suprême les affaires sur des maximes inconnues à l'antiquité ». M. l'abbé, suivant sa louable coutume, n'épargne ni les brocards, ni les lazzis contre le christianisme, et forge mille et mille fables ridicules. Laissons un historien anglais, Robertson, réfuter l'académicien français, plutôt né pour écrire les contes bleus que pour écrire l'histoire. « Le plan de cette » jurisprudence était plus parfait que celui de la juris» prudence civile. Le peu de lumières qui servaient à » guider les hommes dans ces siècles de ténèbres, étaient » en dépôt chez les ecclésiastiques: ils possédaient seuls les restes de la jurisprudence ancienne..... Ils formèrent » un corps. de lois conformes aux grands principes d'é» quité..... Suivant le droit canonique, toutes les contes>>tations étaient soumises à la décision des lois fixes. Plu»sicurs des règlemens, qu'on regarde aujourd'hui comme

» les barrières de la sûreté personnelle, ont été empruntés » des règles et de la pratique des tribunaux ecclésiasti» ques ». (Introduction à l'Histoire de l'empereur CharlesQuint, tom. Ier., p. 91 et 92.) Voilà comment on juge, avec connaissance de cause, les institutions des siècles les plus ténébreux; voilà comment on porte le flambeau de la critique au milieu du chaos des lois. Il ne faut pas, à l'exemple de ce singulier abbé Millot, faire le saltimbanque, se jouer des sujets les plus nobles, épaissir le nuage des ténèbres, pour amuser les oisifs, ou bien pour les effrayer; et pourtant l'ouvrage de ce singulier abbé est devenu classique! tant la religion, la morale, le patriotisme président au choix des livres destinés à l'instruction de la jeunesse !

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Ce n'est pas Millot qui s'écrie jamais..... Manibus date lilia plenis, car la philosophie, ou plutôt le philosophisme qu'il introduit dans l'histoire, égare sa pensée, trouble son jugement, et très-souvent lui fait lancer les traits de la malignité contre des rois qui trouveraient grâce aux yeux d'un homme moins aveuglé par cette prétendue philosophie qui a tout gàté en France, et l'histoire spécialement. Il faut l'avouer, et revenir à, notre sujet, la barbarie avait étendu son crêpe funèbre et sanglant sur toute la surface de l'Europe, excepté dans les monastères, dans les chapitres le nom même de Clergie, donné à toute espèce de science, est une preuve démonstrative de cette exception. L'étendart du christianisme servait de point de ralliement à l'humanité éplorée, et les malheureux s'em+ pressaient de s'y ranger, afin de trouver sûreté et pro Lection contre la foule des petits tyrans qui les tourmentaient sans cesse ; c'est sous cet étendart sacré que la trève, la paix dé Dieu furent jurées solennellement, et permirent aux serfs de respirer durant quelques jours de la semaine. Tout est relatif dans le bien comme dans le mal: si l'on désire connaître le prix de cette trève, de cette paix de Dieu, que l'on jette un coup d'oeil sur l'ouvrage intitulé: Bienfaits du Christianisme. Le traducteurs, le modeste et savant M. Boulard, un des hommes qui consacrent le plus utilement leur plume à la religion, à la morald, aux sciences, détruit les préjugés que l'igno

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rance avait élevés contre ces deux espèces d'armistice. Quand on veut apprécier les coutumes, les lois, il faut se rendre. par la pensée contemporains des peuples et des événemens. C'est l'unique règle de nos jugemens, c'est la seule manière de pouvoir exercer convenablement notre critique, de la raisonner, et de parler ensuite sans partialité de tant de générations qui se sont tristement évanouies dans les ténèbres de la barbarie féodale.

que

Dans le code des lois conformes aux principes de l'équité, et conservé par les ecclésiastiques, nos rois puisèrent toutes celles qui remplacèrent insensiblement les coutumes ou plutôt les fantaisies cruelles que l'ignorance des peuples septentrionaux avait établies, les armes à la main; aussitôt les descendans de Hugues Capet purent tenter cet essai, ils le firent avec courage: Louis-le-Gros, commençant le premier à tendre une main secourable aux serfs accablés de vexations, combattit vaillamment pour une si généreuse cause, et jusqu'à son dernier soupir, ne donna aucun relâche à la tyrannie des vassaux conjurés contre lui. Tous ses successeurs, Louis X, le hutin, entr'autres, héritiers d'un projet conçu sagement, exécuté dans ses diverses parties, suspendu ou précipité suivant la nature des circonstances, s'appliquèrent à consolider le régime municipal, bienfait dont nous sommes redevables à leur sollieitude, s'appliquèrent, avec un aussi vif intérêt, à diminuer le nombre des infortunés attachés à la glèbe; et finirent par rappeler la monarchie à ce système d'unité si nécessaire pour détruire toute anarchie, pour faire cosser toute division de pouvoir et toute guerre civile. Quelle dynastie rendit jamais aux peuples des services de cette importance, et avec un zèle, un héroïsme aussi admirables?

Ces réflexions préliminaires, que l'on trouvera peut-être un peu longues, nous conduisent naturellement à parler, ex professo, du Tableau historique et politique de la France, par M. Delacroix. On aime à démêler le caractère, la doctrine politique d'un auteur, et particulièrement d'un historien; cette connaissance n'est pas entièrement inutile pour le succès de son ouvrage. Quel nom est plus propre à commander l'estime que celui de M. Delacroix dont le

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