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d'empêcher des enfoncemens nuisibles à la sûreté publique, et que dès-lors on avait le droit de forcer à construire sur l'alignement; mais ce système a été rejeté par un arrêt du conseil du 4 février 1824; « considérant, y est-il dit, que Legros a construit en arrière de l'alignement, ordonne la restitution de l'amende contre lui prononcée (1).

Par une ordonnance du 8 septembre 1819, le conseil d'état a décidé que des propriétaires de Rouen qui avaient fait des réparations à des maisons sur le quai, sans avoir obtenu l'alignement ou la permission, étaient en contravention à l'ordonnance du 8 octobre 1815, portant que les façades des maisons du quai de Rouen sont assujetties à l'alignement, et sur une partie dudit quai, à un plan uniforme de décoration (2).

Par une autre ordonnance du 12 décembre 1818 (3), il a été décidé que, lorsqu'un particulier a fait une construction selon l'alignement à lui donné par le maire et confirmé par le préfet, s'il arrive que l'administration revienne contre son arrêté et change l'alignement, le propriétaire peut exciper du premier arrêté et des dépenses qu'il a faites de bonne foi, non pour conserver ses constructions premières, mais pour être indemnisé des frais qu'elles ont occasionnés.

L'arrêt du conseil du 27 février 1765 et la loi du 16 septembre 1807 ont été appliqués aux rues des bourgs et des villages par de nombreux arrêts du conseil, et par un arrêt récent de la cour de cassation. Cet arrêt, rendu le 9 mars 1821, est trop important pour que nous négligions de le rapporter ici; il est ainsi conçu :

(1) Macarel, pag. 86.

(2) Sirey, tom. xx, part. 2, pag. 238. (3) Sirey, tom. xx, part. 2, 174

(1) Attendu que, par le n° 1er de l'article 3, tit.

XI de la loi du 24 août 1790, tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, est mis au rang des objets. confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux; que, par l'art. 46, no 1o de la loi du 22 juillet 1791, les corps municipaux sont autorisés à faire des arrêtés lorsqu'il s'agit d'ordonner les précautions locales sur les objets confiés à leur vigilance et à leur autorité, par les art. 3 et 4 de ladite loi du 24 août 1790;

«Que l'alignement des maisons qui bordent les rue's des villes et bourgs est une mesure qui intéresse essentiellement la sûreté et la commodité du passage dans ces rues; que le pouvoir de déterminer cet alignement rentre donc dans les attributions que la loi de 1790 confère aux corps municipaux remplacés aujourd'hui par les maires;...

«Que le devoir des tribunaux de police est d'assurer l'exécution des règlemens de police administrative;....

Que, s'il est des rues à l'égard desquelles la contravention aux règlemens sur l'alignement soit hors du ressort de la juridiction des tribunaux de police, ce sont uniquement celles qui, formant le prolongement d'une grande route, sont, par cette circonstance, dans les attributions de la grande voirie; que, quant à toutes les autres, leur alignement est un objet de petite voirie. »

La Cour de cassation ne s'est fondée dans son arrêt, ni sur la loi du 16 septembre 1807, ni sur le décret du 27 juillet 1808, ni sur l'ordonnance du roi du 29 février 1816, qui ont confirmé aux maires les attributions qui leur avaient été données à l'égard des alignemens. Se

(1) M. le président Henrion de Pansey le rapporte dans son ouvrage qui a pour titre : du Pouvoir municipal, liv. 11, chap. 9, pag. 241.

rait-ce parce qu'elle n'a pas jugé ces lois applicables à la petite ville ou au bourg où la contravention avait été commise? Serait-ce par le désir de généraliser ses dispositions de manière à ce que l'arrêt servît de règle pour les rues des villages? Quoi qu'il en soit, sa décision reconnaît que, d'après la législation existante, l'alignement des villes et bourgs rentre dans les attributions des maires.

L'état de la législation à l'égard de l'alignement des chemins vicinaux est-il le même qu'à l'égard des rues dans les villes? L'affirmative semble préjugée par un jugement fort bien motivé du tribunal de Chaumont, dont le conseil d'état paraît avoir adopté la doctrine, en statuant sur un conflit négatif le 9 juin 1824 (1).

« Attendu que les alignemens pour les constructions à faire, soit sur le bord des chemins vicinaux dans les champs, soit sur le bord des rues et places publiques dans les communes, soit dans les villes sur le bord des rues qui ne font point partie d'une grande route, ou pour tout autre objet d'utilité publique, doivent être donnés par le maire, sauf le recours aux préfets, en cas de réclamation des tiers intéressés. »..... etc...

Le doute que l'on pourrait concevoir sur l'opinion du conseil d'état serait levé par deux ordonnances, l'une du 3 juin 1818, et l'autre du 18 novembre de la même année (2), d'après lesquelles il fut posé en principe, qu'aux termes des règlemens sur la voirie urbaine, c'est aux maires qu'il appartient de donner et de faire exécuter les alignemens dans les rues des villes, bourgs et villages qui ne sont pas routes royales et départementales. Voyez, au mot Chemins vicinaux, les dispositions de la loi du 28 juillet 1824. ]]

(1) Recueil de M. Macarel, pag. 301.

(2) Sirey, Jurisprud. du Conseil-d'État, t. iv, p. 354, et t. v, p. 1.

S XXIII. ALLUVION. (Voyez Attérissement. )

On entend par alluvion l'accroissement lent et imperceptible d'un héritage limitrophe du cours de l'eau, de telle manière que l'esprit ne puisse pas discerner le moment de la réunion: Est alluvio incrementum latens, alluvionem enim id videtur adjici, quod ita paulatim adjicitur, ut intelligi non possit quantum, quoque momento temporis adjiciatur. Instit., lib. 2, tit. 1, § 20.

per

Cette définition a été traduite par le Code civil, en

ces termes :

« Les attérissemens et accroissemens qui se forment « successivement et imperceptiblement aux fonds rive« rains d'un fleuve ou d'une rivière, s'appellent alluavions (Art. 556) ».

C'est cette lenteur dans l'accroissement successif qui distingue l'alluvion de l'attérissement proprement dit, (Voyez Attérissement).

L'ALLUVION S'opère de deux manières :

L'une, quand un fleuve apporte peu-à-peu au fonds voisin des amas de terre, de sable ou de gravier qui s'y consolident, ainsi qu'on prétend qu'il est arrivé à la partie de l'Égypte connue sous le nom de Delta;

L'autre, quand, en détournant peu-à-peu ses eaux, il laisse le sol de son lit à découvert et réuni au fonds voisin (1).

(1) Tantôt à votre sol, l'onde livrant la guerre,

• Mord en secret ses bords, et dévore sa terre ;
Tantôt par son penchant le courant entraîné
Vous livre, en s'éloignant, son lit abandonné ;
• Ailleurs d'un champ qu'il ronge emportant les ruines,
Ses flots officieux vous cèdent leurs rapines :
• Recevez leur présent, et protégeant leurs bords
De l'onde usurpatrice arrêtez les efforts. »

(L'HOMME DES CHAMPS, Chant II.)

[[ Ce qui a lieu lorsque l'eau courante se retire insensiblement de l'une de ses rives, en se portant sur l'autre: lé propriétaire de la rive découverte profite de l'alluvion, sans que le riverain du côté opposé y puisse venir réclamer le terrain qu'il a perdu. ]]

Cette contiguité forme un titre au propriétaire riverain pour s'emparer de la portion dégagée des eaux ; car l'alluvion est un des moyens d'acquérir adoptés par le droit civil. Quod, per ALLUVIONEM, agrò tuo flumen adjecerit, jure gentium, tibi acquiritur, INST. de rer. div., § 20; et c'est moins à titre de don qu'à titre de restitution, en échange des échancrures journalières que les rivages éprouvent par le voisinage des fleuves.

[[ D'ailleurs l'accroissement qui constitue l'alluvion, s'étant formé d'une manière imperceptible, il est impossible de distinguer si la portion accrue appartenait originairement au fonds auquel elle s'est unie, ou au voisin qui la réclame, ou encore à d'autres voisins. ]]

. Alluvio RESTITUIT agrum, dit la loi 30. S3, ff de acquir. rer. domin.

[[Cette loi n'a aucun rapport avec l'alluvion proprement dite, comme on peut s'en assurer en rétablissant le texte dans son entier. Elle porte: Alluvio agrum res tituit eum, quem impetus fluminis totum abstulit. II ne s'agit dans cette loi que du terrain abandonné par la retraite des eaux d'un fleuve qui avait inondé les propriétés riveraines. L'événement d'une inondation momentanée ne nuit pas au droit de propriété du riverain dont l'héritage est inondé. ]]

"

Loisel en a fait une des règles du droit français, en ces termes :

La rivière ôte et donne. Liv. 2, tit., 2, art. 9. Cette disposition se trouve dans plusieurs coutumes, Celle de Normandie porte, art. 195 :

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