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et n'étaient lâchés que la nuit. (Voyez ci-dessus, Abandon; ci-dessous, Chien, Délit, Loup, Rage. ) (1). S XXX. ANTICIPATION.

L'anticipation sur l'héritage voisin est une matière féconde en contestations. Cette anticipation a lieu au sujet d'héritages limitrophes, surtout lorsqu'ils sont exploités en même culture. Par exemple, s'ils sont tous deux en terres labourables ou en prés. En pareil cas, l'anticipation s'effectue facilement, soit par erreur, faute de limites marquées, soit (ce qui arrive le plus souvent) avec intention.

Quelquefois même, par l'effet des variations survenues dans le labourage des terres, ou dans le sciage des blés et autres grains, soit dans le fauchage des prés il peut arriver que les voisins anticipent alternativement l'un sur l'autre...',

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Ces anticipations, par cela même qu'elles sont peu considérables et presque insensibles, ne tirent point à conséquence pour la prescription.

« Aux héritages des champs, auxquels la séparation « des uns et des autres ne se peut exactement faire « comme en ceux des villes qui sont ordinairement sé« parés de quelque muraille, la prescription de confi« nage n'a point lieu.» (Buridan, sur l'art. 369 de la coutume de Reims, n° 4.)

La prescription, en pareille matière, ne commence & courir que du jour de la contradiction.

Mais de quelle quotité doit être cette anticipation, pour qu'elle ne soit pas susceptible de prescription?

(1) C'est à cette méthode que Chien et du Loup, auquel il interdiu.

Phedre fait allusion dans la fable du dire Quia videor, acer alligant me

:

!

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Il faut qu'elle ne soit que de cinq pieds, conformé– ment à la loi des douze tables: tabulæ usucapionem intrà quinque pedes esse noluerunt. Cic. lib. 1, de legibus. (Voy. ci-dessous, Complainte.)

Les contestations de cette espèce se terminent ordinairement par l'arpentage et le bornage. (Voyez ces mots.)

Celui qui est convaincu d'empiétation sur l'héritage voisin, mais sans soupçon de mauvaise foi, est tenu de la restitution des fruits échus pendant le cours du procès et depuis la revendication.

In judicio finiumregundorum etiam ejus ratio fit, quod interest.

Quid enim, si quis aliquam utilitatem ex eo loco, percepit, quem vicini esse appareat iniquè damnatio eo nomine fiet? L. 4, ff. liv. X, t. 1.

En matière d'anticipation, le défendeur doit faire raison des fruits.

Effectivement, qui pourra taxer d'injustice la restitution du bénéfice que celui-ci a retiré d'une propriété qui appartenait à son voisin ?

A l'égard des fruits perçus avant la revendication, la loi ne les accorde que dans le cas de mauvaise foi.

Antejudicium, percepti (fructus) non omnimodò in judicium venient.

Aut enim bona fide. percepit et lucrari eum oportet si eos consumpsit; aut malâ fide, et condici potest.

L. 2, Cod. tit.

Pour ce qui concerne les

fruits perçus avant l'introduction du procès, ils ne tombent pas toujours en restitution.

En effet, s'ils ont été perçus de bonne foi, ils tournent au profit de celui qui les a perçus et consommés; en cas de mauvaise foi, ils sont restituables.

Or, il y a caractère de mauvaise foi quand il existait entre les deux héritagés des bornes indicatives des limites de chacun d'eux.

En ce cas, il n'y a pas d'accès à la prescription, parce que les bornes font un titre commun aux parties, et qu'aucune d'elles ne peut prescrire contre son propre titre.

On trouve dans quelques coutumes des dispositions particulières pour prévenir les anticipations, à l'époque des récoltes.

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Telle est, entre autres, la coutume de Montdidier, dont l'art. 13 est ainsi conçu :

« Laboureurs ayant champ et pièces de terre contiagues l'une à l'autre, chargées de blés ou autres grains, sont tenus en la moisson de les déranger et « séparer d'avec leurs voisins, et avant la dépouille, « pour éviter entreprinse et querelle, à peine de l'amende contre, les contrevenans, refusans ou déalayants, ayant été interpellés de ce faire.»

Il arrive souvent que le propriétaire sur lequel le voisin a anticipé cherche à reprendre ce qui lui appartient, en faisant repasser sa charrue c'est ce qui s'appelle renverser la terre, retourner la roye, ou reprise de terrain.

Cette manière de se faire justice à soi-même (qui est d'usage dans beaucoup de pays), est contraire au bien de l'agriculture et à la paix des campagnes, en ce qu'elle est le germe d'une foule de rixes et de procès.

Dans le recueil des Lettres et Instructions publiées par l'ex-ministre François de Neufchâteau, on trouve une circulaire qui est relatíve à cet abus; elle fut adressée par lui durant le cours de son ministère (9 frimaire an VII), aux commissaires du Directoire exécutif

près les administrations centrales de département. Le ministre s'élève contre l'inconvénient attaché à ces reprises de terrain qui se renouvellent à chaque printemps et à chaque automne.

Il y est dit :

« Que sous l'ancien régime quelques centimètres de << terre disputés dans les tribunaux faisaient manger plusieurs hectares.

Mais que sous le régime actuel et depuis l'établis« sement des juges de paix, il est si simple et si facile d'arrêter à l'instant toutes les entreprises des hommes de mauvaise foi, sur la propriété d'autrui, qu'on est inex«cusable de recourir à la force et aux voies de fait, pour <arracher dans l'ombre ce que l'on peut obtenir légale«< ment et au grand jour : que les limites des héritages sont sous la sainte institution des justices de paix. » Le ministre parle avec éloge des corps de fermes réunies en grandes pièces contigues, et closes pour la plupart de fossés ou de haies, qui ne laissent pas de prise aux usurpations et aux anticipations. »

«

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Il s'élève contre l'extrême morcellement << des terres « et des champs, ouverts de tous cotés, et parmi les<< quels on voit un demi-hectare exploité souvent par << cinq ou six cultivateurs, qui cherchent à l'envi à se « dérober un sillon. »

Il assure que ces morcellemens et subdivisions à l'infini des terres, sont un reste de barbarie, et une médaille subsistante de nos vieilles lois féodales, et une triste preuve du très-mauvais gouvernement qui a « opprimé nos ancêtres. »

Le ministre, venant ensuite aux moyens de réprimer ces abus, indique celui-ci :

« Vous pouvez requérir, en vertu de l'article 29 du

⚫ Code des délits et des peines, du 3 brumaire an IV, a les officiers de police judiciaire, de dresser un pro« cès-verbal de ces nombreux délits dans chaque terri<toire. »

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« Le commissaire du directoire exécutif, près l'admi«nistration municipale du canton, préviendrait sur le « champ le commissaire de police ou l'agent municipal « de chaque commune; au jour qu'il prendrait; et qui « devrait être annoncé, l'officier de police, ou l'agent << municipal, assisté des gardes champêtres pour lui « servir d'indicateurs, et de deux experts choisis dans chaque lieu, parmi les anciens laboureurs non sus«pects d'être eux-mêmes coupables du délit, et qui « auraient prêté serment deyant le juge de paix, ou de « l'un des assesseurs ; l'officier de police procéderait « publiquement à la visite générale des champs ense« mencés, afin de reconnaître, 1° combien il y a de « sillons renversés, ou (comme on dit plus communé«ment) combien de rayons retournés; 2° la quantité « de grains à laquelle la perte de ces renversemens sera « évaluée par des cultivateurs experts; 3.° tous les renseignemens qu'on pourra recueillir sur cette espèce « de délit, les dires mêmes des parties, si elles compa<< raissent, comme elles en ont le droit, à cette opération; on dresserait du tout un état détaillé.

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«En attendant une loi générale, et justement sévère, « qui garantisse la propriété et l'agriculture de ces atteintes partielles, il est de votre devoir de faire du a moins exécuter les lois actuelles qui peuvent être relatives à cette matière.

« Or les reprises du terrain, par cela seul qu'elles ❝ sont des voies de fait, sont soumises à la disposition

du n° de l'article 605 du Code des délits et des peines,

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