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ture n'est forcée qu'en ce sens, qu'il faut ou se clore, ou abandonner la moitié du terrain et la mitoyenneté », Ce qui rend cette opinion indubitable, est le résultat de la discussion qui eut lieu au Conseil-d'état, sur le titre des servitudes, article 15. Cet article, conforme, à la vérité, à l'ancienne jurisprudence que nos législateurs n'ont pas voulu admettre, contenait, en effet, une exception à l'égard des murs de clôture situés dans les villes et faubourgs; cet article fut rejeté, et si l'on n'a pas énoncé que le propriétaire d'un mur mitoyen peut sc dispenser de contribuer aux frais de clôture, en faisant l'abandon de son droit, ce fut parce que M. Tronchet observa que cette modification était suffisamment exprimée dans l'article 656 dont la disposition est générale. M. de Maleville s'en explique de la même manière sur l'art. 663; et enfin la section civile de la Cour de cassation, par arrêt rendu le 29 septembre 1819, rapporté dans le Répertoire de la nouvelle législation de M. Favard de l'Anglade, vo SERVITUDE, Section 2, § 4, n° 4, a rejeté le pourvoi dirigé contre un arrêt de la Cour de Caen, qui avait prononcé conformément à ces principes; < attendu, porte l'arrêt de la Cour suprême, que le principe établi par l'article 656 du Code civil, est énoncé en termes généraux et absolus, et que par sa relation avec les articles 653 et 655, cet article embrasse évidemment tant les villes et faubourgs que les campagnes; que c'est dans ce sens que la loi a été formée et présentée, et que rien n'indique, dans la rédaction de l'article 663, que le législateur ait voulu opposer une dérogation à ce qu'il venait de consacrer, par l'article 656 du Code; qu'ainsi l'arrêt attaqué n'a point fausse-. ment appliqué ce dernier article à l'espèce, et par suite qu'il n'a point violé l'article 663; qu'il a, au contraire,

sainement entendu et appliqué les deux articles dans le sens que le législateur y avait lui-même attaché. »

Quoique M. Pardessus hésite à donner son opinion sur cette question, quoique M. Delvincourt et l'auteur des Lois des bâtimens en professent une opposée, nous ne balançons pas à la regarder comme résolue dans le sens de la loi, et à penser que la jurisprudence de la Cour de cassation serait confirmée par elle, si elle était appelée à prononcer encore sur cette question.]]

Mais cet accroissement de propriété, imposant à celui-ci l'obligation de reconstruire le mur, et de l'entretenir en bon état, il ne lui serait pas permis de laisser périr le mur pour profiter de la portion du sol sur laquelle il était assis, et dont la moitié appartenait à l'au

tre voisin.

[[ S'il négligeait de faire les réparations et s'il laissait tomber le mur en ruine, le voisin qui a fait l'abandon pourrait le révoquer, demander à rentrer dans la portion de terrain qu'il a abandonnée, et à partager les matériaux provenans de la ruine du mur; car ayant renoncé à son droit de copropriété pour se dispenser de contribuer aux frais de réparation, si celui à qui l'abandon a été fait sous la condition de les supporter en entier, refuse de se soumettre à cette charge, il n'a aucune cause pour s'approprier le droit qui lui avait été délaissé (1). La condition résolutoire est toujours sousentendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des parties ne satisfait point à son engagement, la partie envers laquelle il n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention, ou d'en demander la résolution avec dommages-intérêts. (Code civil, art. 1184.) ]]

(1) Pothier, Contrat de société, no 222.

Le voisin qui reçoit l'abandon de la mitoyenneté doit avoir la précaution de faire constater cette renonciation par un acte authentique qui contienne l'alignement du mur et sa position précise, sans quoi le même mur, quoique refait à ses dépens, pourrait, par la suite, être considéré comme mitoyen.

Au reste, l'ABANDON de la mitoyenneté n'exclut pas celui qui le fait du droit de rendre au mur son premier caractère de mitoyenneté, il peut, à son gré, rentrer dans la copropriété du mur et du sol.

Ce cas ayant été omis par le Code civil, il rentre sous l'empire de l'ancienne jurisprudence, qui admettait cette réintégrande en faisant à l'autre voisin le remboursement tant de la moitié du mur que du fonds de terre sur lequel il est construit, avec les intérêts.

C'est ce qui a été jugé par sentence des requêtes du palais, du 29 janvier 1664, entre Philippe Levasseur et Elisabeth Cheron, pour un mur qui séparait les jardins de leurs maisons, sises à Picpus.

Par cette sentence, «Elisabeth Cheron est condamnée à payer, tant la moitié du mur que la moitié du «fonds de terre sur lequel le mur est assis, et les intérêts auxquels pouvaient se monter les estimations, savoir, du fonds de terre, du jour que ladite Elisabeth Cheron et ses auteurs s'en sont servis; et à l'égard du mur, à compter du jour de sa demande. »

[[L'article 661 du Code civil accorde à tout propriétaire joignant un mur, la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de sa valeur ou la moitié de la valeur de la portion qu'il veut rendre mitoyenne, et moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti.

L'abandon de la mitoyenneté n'enlève pas, à celui

qui le fait, la faculté de la recouvrer, en vertu de cet article, comme il pourrait acquérir la mitoyenneté d'un mur qui n'aurait jamais cessé d'appartenir à son voisin; mais il est obligé de rembourser la valeur du mur et du terrain qu'il veut rendre mitoyen ; il ne peut, pour s'en dispenser, alléguer que la moitié du fonds lui appartenait autrefois; il suffit que la propriété du fonds et du mur appartienne exclusivement au voisin pour que l'on soit tenu de lui payer la moitié de leur valeur, si on veut les rendre mitoyens (1). ]]

La faculté d'abandon ou de délaissement de la mitoyenneté ne se borne pas aux murs, elle s'étend aux fossés mitoyens, aux égoûts, fosses d'aisances, haies, puits. (Voyez ces articles).

3. Abandon pour cause de servitude.

C'est un principe général applicable à toutes espèces de servitudes réelles, qu'on peut s'en libérer par l'abandon du fonds assujetti.

En effet, il y a telle servitude qui, par les conséquences qu'elle entraîne, expose le propriétaire servant au danger de n'avoir plus qu'une propriété illusoire, ou même onéreuse. En pareil cas, il se met à l'abri de toutes répétitions en offrant d'abandonner le fonds.

Labeo, autem, hanc « Labéon dit que cette servitutem non hominem debere, sed rem; denique, licere domino rem DERELINQUERE Scribit.

L. 6, S2, au Dig. liv. 8,

«servitude n'est pas due <par le propriétaire, mais la chose même; et

« par

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que le propriétaire du «fonds peut s'affranchir de

(1) Pothier, Contrat de société, no 255. - Le nouveau Desgodets, par

Lepage, pages 57 et 58.

- Pardessus, Traité des Servitudes, 5o édit.,

n° 170,

titre V, Si servitus vindicetur.

«la servitude, en abandonnant le fonds. »

La même disposition s'est reproduite dans le Code civil, art. 699.

Dans le cas même où le propriétaire du fonds assu«jetti est chargé, par le titre, de faire à ses frais les ou« vrages nécessaires pour l'usage et la conservation de a la servitude, il peut s'affranchir de la charge en aban« donnant le fonds assujetti au propriétaire du fonds au«quel la servitude est due.» (Voyez le § Support.)

[[Faut-il abandonner le fonds assujetti en entier, ou suffit-il d'abandonner la partie sur laquelle s'exerce la servitude? Ces mots, le fonds assujetti, qui se trouvent dans l'art. 699, ne doivent évidemment s'entendre que de la partie du fonds grevée de servitude; ainsi, le propriétaire d'un fonds, qui doit à quelqu'un un passage qu'il est obligé d'entretenir et réparer, peut s'affranchir de cette servitude en abandonnant la partie du champ. sur laquelle s'exerce le passage. Mais, si le propriétaire d'un terrain inférieur est obligé d'entretenir le mur qui forme et soutient la terrasse du propriétaire supérieur, il est difficile de comprendre comment il pourrait invoquer le droit de se libérer par l'abandon de ce mur, et obtenir, sans aucun sacrifice véritable, la décharge d'une obligation très-onéreuse, pour laquelle il est probable qu'il a reçu un équivalent très-considérable : dans ce cas nous pensons, comme M. Pardessus, que la solution des difficultés que présente l'article 699 dépend nécessairement des circonstances, et reste dans le domaine de la conscience des magistrats (1).

(1) Traité des Servitudes, n° 69.

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