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prises avec ses adversaires, toutes les mesures du roi pour échapper aux attentats entrepris sur sa personne; ainsi qu'un très-grand nombre de faits relatifs à des actes particuliers ou à des correspondances privées. Charles 1o, roi d'Angleterre avait refusé de répondre Louis XVI, sans récuser la compétence de ceux qui se portent pour ses juges, leur répond comme un accusé ordinaire : sa religion lui présente une vertu dans cette résignation. Il nie positivement la plupart des inculpations, en ajoutant qu'il n'eut jamais connaissance des projets de conspiration dont on le suppose ou l'auteur ou le complice. Il repousse plusieurs autres imputations, comme d'avoir tenté de désorganiser les armées, d'avoir apporté des retards dans l'envoi de certaines lois, etc., en rejettant ces faits dans la classe de ceux pour lesquels la constitution n'exige que la seule responsabilité des ministres. Sommé ensuite de reconnaître les pièces désignées dans l'acte d'accusation, notamment les différents mémoires de Laporte, intendant de la liste civile; de Sainte-Foix, de Talon, et une lettre à l'évêque de Clermont, relative à la validité des sacrements donnés par les prêtres constitutionnels, le roi désavoue toutes ces pièces, à l'exception de quelques ordonnances de paiement pour son ancienne maison militaire, ordonnances datées du commencement de 1791.

Louis XVI est reconduit au Temple, après cinq heures d'interrogatoire; ayant, sans avoir été prévenu, sans préparation, montré dans toutes ses réponses une précision, une justesse, une présence d'esprit, admirables; et dans son air, le calme et la sécurité de l'homme vertueux. Tout semble le dégrader dans une telle situation; rien ne l'avilit dans la manière dont il l'a soutenue. L'acte énonciatif d'accusation porte sur 57 chefs; il est appuyée de 162 pièces. (V. l'article suivant.)

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Décembre 12. PROCÈS DE LOUIS XVI. (V. 3, 6, 11 décembre.)— Sur sa demande qu'il lui soit accordé un conseil, la convention ne s'y détermine qu'après trois heures de débats. - Cambacérès, Thuriot, Dubois-Crancé, Dupont-Debigorre, commissaires envoyés au Temple, instruisent l'assemblée, que Louis XVI choisit pour conseils Target et Tronchet (ex-constituants.) Le premier refuse; et, dans la lettre froidement atroce qu'il adresse à la convention, lettre qu'il signe le républicain Target, il ne se borne pas à motiver sa détermination sur la faiblesse de ses organes (il est dans sa 54° année); et quoiqu'on n'ignore pas qu'il jouit d'une santé ferme; les expressions perfidement ambiguës de sa lettre montrent à quel point il approuve l'accusation. Ce même Target qui avait défendu le méprisa

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ble et méprisé cardinal de Rohan, refuse son ministère à Louis XVI. Tronchet presque septuagénaire accepte en déclarant, que «celui

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qui se trouve appelé d'une manière si publique à la défense d'un << accusé, ne pourrait refuser son ministère sans prendre sur lui« même de prononcer un jugement téméraire, avant tout examen des pièces; barbare, après cet examen. » A Tronchet est adjoint Lamoignon de Malesherbes. Ce ministre, patriote dans un temps de despotisme, se dévoue lui-même à cette mission. Il vient sans crainte et sans effort, prêter son secours au juste persécuté. Il écrit à la convention: «J'ai été appelé deux fois, au conseil de celui qui fut mon « maître, dans le temps que cette fonction était ambitionnée par « tout le monde. Je lui dois le même service, lorsque c'est une « fonction que bien des gens trouvent dangereuse. » Plusieurs personnes, Lally-Tollendal, Malouet, Cazalès, ont aussi recherché ce danger. Du fond de leur retraite, Necher et Lally publieront deux éloquentes défenses du roi. L'Europe en retentira; mais elles seront dédaignées de l'affreux tribunal qui s'est donné le droit de prononcer (V. le 15.)

Décembre 14. Discours du roi d'Angleterre au parlement. Le roi déclare qu'il est disposé à s'opposer aux vues d'aggrandissement de la France, sans se mêler de ses affaires intérieures.

Décrets.

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15. PROCÈS DE LOUIS XVI. (V. 3, 6, 11, 12 décembre.) Des experts ne procéderont pas à la vérification des écritures non-reconnues par Louis XVI sur les pièces originales du procès. Les preuves testimoniales sont rejetées. Quinette propose de fixer les bornes dans lesquelles devront se renfermer les défenseurs de Louis XVI. Il est résolu que Louis XVI ne pourra communiquer qu'avec ses enfants, lesquels ne pourront communiquer avec leur mère et leur tante, qu'après le dernier interrogatoire. Mais Louis XVI qui ne fit jamais que ce qu'il crut devoir faire, sacrifie la consolation d'être avec ses enfants, à la crainte d'augmenter les sacrifices de leur mère (V. l'art. suivant.)

16. PROCÈS DE LOUIS XVI. (V. 3, 6, 11, 12, 15 décembre.) Des commissaires de la convention se rendent à la Tour-du-Temple et communiquent à Louis XVI, 107 pièces d'accusation qui ne lui avaient pas été présentées le 11, à la barre; de sorte que leur nombre est porté à 269 (V. le 17 ).

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16. Décret qui renvoie du territoire de la république ainsi que du territoire occupé par ses armées, tous les membres de la famille des Bourbons, qui s'y trouvent actuellement;

à l'exception des détenus au Temple, et avec réserve de prononcer à l'égard de Philippe Égalité (duc d'Orléans).— (V. 6 avril 1793).

Décembre 16. Décret enjoignant aux généraux de proclamer dans les pays conquis, la doctrine de la souveraineté des peuples et de dissoudre les autorités existantes. La convention déclare sa résolution d'établir par-tout le systême de son gouvernement (V. 19 novembre.)

17. PROCÈS DE Louis XVI. (V. 3, 6, 11, 12, 15, 16 décembre.) - Louis XVI ayant choisi pour son troisième défenseur Desèze, avocat de Bordeaux (pair de 1815, premier président de la cour de cassation en 1815, 16, 17, 18); la convention y consent. (V. le 26).

25. TESTAMENT DE LOUIS XVI.

Ne pouvant douter que sa perte est résolue, ce prince veut laisser en au monde un témoignage de la pureté des motifs qui le guidèrent au commencement de cette révolution dont il sera la plus déplorable victime. Il rédige, lui-même, une déclaration en forme de testament. L'histoire doit la conserver comme un monument solennel. Qu'on voie Louis XVI tombé du faîte des grandeurs dans la profondeur des abymes; sous le poids d'une infortune qui semble excéder les forces d'un mortel! Qu'on le voie seul dans un donjon; à côté des objets les plus chers, et privé de les voir! sujet aux avanies, aux insultes journalières des hommes les plus vils, les plus atroces, livré à ses ennemis, qu'il sait être altérés de son sang! Qu'on le contemple dans cette solitude, au milieu de surveillants qui guettent toutes ses actions, qui épient ses moindres mouvements, qui savourent son affliction, tracer, avec une conscience calme, d'une main ferme, d'un esprit reposé, un écrit où brillent le respect pour la divinité, l'affection pour tous les hommes, la douceur envers ses cruels oppresseurs! Qu'on le voie, préparer ce Testament, le transcrire en double, le revêtir de toutes les formalités, comme une transaction ordinaire de la vie! Qu'on lise cet acte, et qu'on prononce!!!

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« Au nom de la très-sainte Trinité, du Père, du Fils et du SaintEsprit. Aujourd'hui, vingt-cinquième jour de décembre, mil sept cent quatre-vingt-douze, moi, Louis XVI du nom, roi de France, étant depuis plus de quatre mois enfermé avec ma famille dans la Tour⚫ du-Temple, à Paris, par ceux qui étaient mes sujets, et privé de « toutes communications quelconques, même depuis le 10 du courant « avec ma famille; de plus, impliqué dans un procès dont il est im⚫ possible de prévoir l'issue, à cause des passions des hommes, et

a dont on ne trouve aucun prétexte ni moyen dans aucune loi « existante, n'ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et au

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quel je puisse m'adresser : je déclare ici, en sa présence, mes der« nières volontés et mes sentiments.

« Je laisse mon ame à Dieu mon créateur; je le prie de la rece« voir dans sa miséricorde, de ne pas la juger d'après ses mérites, <«< mais par ceux de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui s'est offert en « sacrifice à Dieu son père pour nous autres hommes, quelque indignes que nous en fussions, et moi le premier.

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« Je meurs dans l'union de notre sainte mère l'Église catholique, « apostolique et romaine, qui tient ses pouvoirs, par une succession « non interrompue, de saint Pierre, auquel Jésus-Christ les avait « confiés.

« Je crois fermement et je confesse tout ce qui est contenu dans « le symbole et les commandements de Dieu et de l'Église, les sa« crements et les mystères, tels que l'Église catholique les enseigne « et les a toujours enseignés. Je n'ai jamais prétendu me rendre juge << dans les différentes manières d'expliquer les dogmes qui déchirent l'Église de Jésus-Christ; mais je m'en suis rapporté et rapporterai toujours, si Dieu m'accorde vie, aux décisions que les supérieurs ecclésiastiques, unis à la sainte Église catholique, donnent et « donneront conformément à la discipline de l'Église, suivie depuis << Jésus-Christ.

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« Je plains de tout mon cœur nos frères qui peuvent être dans « l'erreur; mais je ne prétends pas les juger, et ne les aime pas moins « en Jésus-Christ, suivant ce que la charité chrétienne nous enseigne. « Je prie Dieu de me pardonner tous mes péchés. J'ai cherché à les « connaître scrupuleusement, à les détester et à m'humilier en sa présence. Ne pouvant me servir du ministère d'un prêtre catholique, je prie Dieu de recevoir la confession que je lui en ai faite, «<et surtout le repentir profond que j'ai d'avoir mis mon nom « (quoique cela fût contre ma volonté) à des actes qui peuvent être «< contraires à la discipline et à la croyance de l'Église catholique, à laquelle j'ai toujours resté sincèrement uni de cœur. Je prie Dieu « de recevoir la ferme résolution où je suis, s'il m'accorde vie, de « me servir, aussitôt que je le pourrai, du ministère d'un prêtre catholique, pour m'accuser de tous mes péchés, et recevoir le sacre«ment de pénitence.

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« Je prie tous ceux que je pourrais avoir offensés par inadvertance (car je ne me rappelle pas d'avoir fait sciemment aucune offense à

⚫ personne), ou ceux à qui j'aurais pu avoir donné de mauvais exemples ou des scandales, de me pardonner le mal qu'ils croient que je peux leur avoir fait. Je prie tous ceux qui ont de la charité < d'unir leurs prières aux miennes pour obtenir de Dieu le pardon de ⚫ mes péchés.

« Je pardonne de tout mon cœur à ceux qui se sont faits mes enne« mis, sans que je leur en aie donné aucun sujet, et je prie Dieu de leur pardonner, de même qu'à ceux qui par un faux zèle, ou par ⚫ un zèle mal entendu, m'ont fait beaucoup de mal.

« Je recommande à Dieu ma femme et mes enfants, ma sœur, mes « tantes, mes frères, et tous ceux qui me sont attachés par le lien du « sang ou par quelque autre manière que ce puisse être. Je prie Dieu particulièrement de jeter des yeux de miséricorde sur ma femme, a mes enfants et ma sœur, qui souffrent depuis long-temps avec moi, de les soutenir par sa grace, s'ils viennent à me perdre, et << tant qu'ils resteront dans ce monde périssable.

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« Je recommande mes enfants à ma femme. Je n'ai jamais douté de sa tendresse maternelle pour eux je lui recommande sur«< tout d'en faire de bons chrétiens et d'honnêtes hommes, de ne leur • faire regarder les grandeurs de ce monde (s'ils sont condamnés à « les éprouver) que comme des biens dangereux et périssables, et « de tourner leurs regards vers la seule gloire solide et durable de

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« l'éternité. Je prie ma sœur de vouloir continuer sa tendresse à mes << enfants, et de leur tenir lieu de mère, s'ils avaient le malheur de ⚫ perdre la leur.

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« Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu'elle souffre « pour moi, et les chagrins que je pourrais lui avoir donnés dans le « cours de notre union; comme elle peut être sûre que je ne garde ⚫ rien contre elle, si elle croyait avoir quelque chose à se reprocher. « Je recommande bien vivement à mes enfants, après ce qu'ils « doivent à Dieu, qui doit marcher avant tout, de rester toujours < unis entre eux, soumis et obéissants à leur mère, et reconnaissants de tous les soins et les peines qu'elle se donne pour eux, et en « mémoire de moi. Je les prie de regarder ma sœur comme une sea conde mère.

« Je recommande à mon fils, s'il avait le malheur de devenir roi, « de songer qu'il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens ; a qu'il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément « ce qui a rapport aux malheurs et chagrins que j'éprouve; qu'il ne « peut faire le bonheur des peuples qu'en régnant suivant les lois :

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