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deux ans, la fête des massacres, l'anniversaire du 10 août 1792 ? Tant de fureurs, et si froidement excitées, trouveront néanmoins, pendant plusieurs années encore, des apologistes qui viendront justifier et Carnot et Fouché et Barras et Barrère, tous ceux enfin qui surnageant sur cet océan de sang, survivront à leurs complices comme à leurs victimes. Il semble que les seuls coupables sont. ceux qui reçurent la punition de leurs forfaits, Marat, Robespierre, Collot-d'Herbois, Fouquier-Tinville; et que, parce que la Providence laisse vivre Carnot, Fouché, Barras, Barrère, Merlin dit de Douai, Mailhe, on doit les tenir pour innocents, les considérer comme des hommes seulement égarés par de spécieuses théories? Que les Français trop enclins à l'indulgence, se souviennent éternellement de l'exaltation de ces personnages, de leurs sauvages discours, de leurs joies homicides; et qu'ils ne cessent de les vouer à l'exécration! « Pourraient-ils oublier que Barrère représentait les actes les plus barbares, comme des formes un peu acerbes? qu'il s'écriait à la a tribune? Frappez, frappez toujours; il n'y a que les morts qui ne << reviennent pas : qu'il trouvait admirable, de battre monnaie sur la place de la Révolution? (le lieu des exécutions) ». Ce monstre, se complaisant dans de féroces jeux d'esprit, a donné à la langue des bourreaux, une foule de mots épouvantables. Peut-on trouver quelque excuse dans les intentions d'aucun de ces conventionnels dirigeants?

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Depuis l'avènement des Capétiens, pendant 8 siècles (de 987 à 1787), la France compte 32 rois; elle n'a eu qu'un seul Louis XI. Sans doute, on reprochera éternellement de sanglantes exécutions, d'odieuses injustices à Philippe le Bel, à François Io, à Charles IX, à Louis XIII, à Louis XIV; mais quel parallèle pourrait-on établir entre des actes isolés, tout horribles qu'ils sont, et cette suite non interrompue de proscriptions, de massacres systématiques?

Enfin, va paraître le jour qui verra, sinon cesser entièrement, du moins beaucoup diminuer, l'effusion du sang humain. Robespierre, qui prétend être le seul régulateur de la république, s'étonne d'éprouver au comité de salut public, une légère résistance dans les détails de quelques mesures. Se jugeant assez fort, pour n'avoir plus besoin de cette profonde dissimulation qui lui a fait supplanter ses rivaux, abattre ses ennemis, il ose laisser connaître qu'il sacrifiera ceux de ses complices qui ne lui sont pas entièrement soumis. Aidé de ses intimes affidés, il transporte aux jacobins le siége de sa domination. Il s'isole du comité de salut public. Il est resté 36

jours sans y paraître, lorsque Barrère le plus impudent, et pourtant le plus cauteleux de ses interprètes, fait à la convention un rapport sur les dangers intérieurs qui menacent la patrie. Divaguant sur une foule d'objets, il parle de vastes complots, de conspirations intestines; il jette les soupçons autour de lui; il accuse la timidité, l'insuffisance des mesures suivies jusqu'à ce jour; il se plaint << que a des milliers de conjurés sont encore libres et s'agitent impunément: << il désigne, comme susceptibles d'être arrêtés, les artistes du Théâtre-Français, parce qu'il SERAIT POSSIBLE, dit-il, qu'ils fussent d'intelligence avec les ennemis de la France pour corrompre l'esprit « public. >> Il termine par un pompeux éloge du vertueux Robespierre. Le lendemain 26, celui-ci prononce un très-long discours, dans lequel après avoir célébré son patriotisme et son désintéressement, il se déchaîne contre ceux de ses collègues qui désapprouveraient le moindre de ses desseins, si éminemment conservateurs; s'exprimant de manière à convaincre ceux qu'il désigne, que s'ils ne préviennent ses coups et s'ils ne songent immédiatement à leur sûreté, leur perte est certaine. Le soir même, Couthon parle à la séance des jacobins, accusant de trahison plusieurs membres des comités de salut public et de sûreté générale.

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Le jour suivant 27, Couthon encore déclare, à la convention, que pour sauver le corps de l'état, il faut retrancher les membres gangrenés qu'il aperçoit de cette même tribune d'où il parle. Cette déclaration si positive accroît les alarmes des députés qui se présument proscrits; elle devient le signal d'un soulèvement. Vadier Tallien, Billaud, Fréron, épouvantés, dénoncent sur-le-champ Robespierre, comme voulant usurper la dictature. Les cris à bas le tyran se répondent de tous les points de la salle. Un décret d'accusation est lancé contre les deux Robespierre, Couthon, Saint-Just, Lebas, conventionnels; Henriot, commandant la garde nationale de Paris; Dumas (de Lons-le-Saulnier), président du tribunal révolutionnaire, et quelques autres individus.

Il se fait, à l'entrée de la nuit, un soulèvement en faveur de ces hommes; mais bientôt abandonnés, ils sont arrêtés. Les jacobins sont chassés du lieu de leurs séances.

« Enfin, le 28, vingt-deux de ces monstres sont exécutés sur la « place de Louis XV, aux acclamations universelles. >>

Juillet 29, 30. Ces deux jours voient la punition de 82 jacobins, membres, pour la plupart, du conseil général de la commune de

La chute du grand tyran Robespierre rendra plus circonspects ȧ commettre le crime, ceux d'entre ses exécrables collègues qui lui survivent. Mais les auteurs de cette révolution, Vadier, Billaud, Tallien, craindraient de s'avancer dans la route de la justice. Les amis de l'humanité auront long-temps encore à gémir sous le poids de cette lourde chaîne qui pèse sur la France et dont seulement quelques anneaux sont brisés. Collot -d'Herbois, et Barrère, conservant leur ascendant, s'efforceront de faire remettre en vigueur le même systême de cruauté, de despotisme et d'oppression. Si leurs propositions étaient admises, la convention redeviendrait esclave et la France serait perdue à jamais.

Heureusement, le sentiment de frayeur qui a soulevé les adversaires de Robespierre, les a portés à faire décréter, que les comités de salut public et de sûreté générale seront renouvelés tous les mois, au scrutin secret; et que les membres de la convention reprendront leur inviolabilité et leur liberté. Car ce n'est point ce régime de sang qu'ont attaqué les dénonciateurs du tyran, ou plutôt ses rivaux en scélératesse; mais bien cette dictature qui, dédaignant de les admettre au partage, les a tous menacés de ses proscriptions, et ne leur a laissé que l'expectative d'être ses victimes. En expulsant Tallien et Fréron des jacobins; en désignant indiscrètement plusieurs autres de ses collègues pour ses vengeances, Robespierre les oblige à le perdre pour n'être pas perdus eux-mêmes. Tallien, Fréron, Cambon, Vadier, Billaud, Collot, ont été spécialement marqués; ils sont les premiers à se mutiner. Pressés de se sauver, ils n'intéressent à leur péril la majorité de la convention, que par l'effroi contagieux d'un péril semblable. Quels crimes, ces hommes sanguinaires, peuvent ils donc reprocher à celui qu'ils conduisent au supplice; si ce n'est d'avoir préparé le leur? Qu'opposent-ils à ses principes, que des principes tout semblables; la terreur? Robespierre, improuvant les plans et les calculs de Cambon, a blessé son orgueil. Aussi Vadier, Billaud, Tallien, Amar, Cambon, reprocheront-ils avec fureur à Robespierre, non pas d'entraîner les comités et la convention à d'atroces mesures; mais « de calomnier et la «< convention et les comités dans leur marche énergique et révolu«<tionnaire; non pas d'attenter à la vie, à la liberté de tous les Français, mais d'étendre les arrestations et les proscriptions jusqu'à eux-mêmes; d'environner ses collègues d'espions; de les «< avoir placés sur une liste connue de ses victimes. » Vadier n'accusera pas Dumas président du tribunal révolutionnaire d'égorger des

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citoyens vertueux, mais d'avoir désigné, comme conspirateur, le vertueux Collot-d'Herbois. Les conventionnels qui proscrivent Robespierre ne l'inculpent que d'avoir voulu les proscrire. Tallien, craignant qu'on ne lui suppose l'intention de défendre l'innocence si odieusement assassinée par le tribunal révolutionnaire, s'écrie : « Nous ne serons pas pour cela des modérés, et nous voulons seule«ment que les accusés soient traités avec décence. » Car Tallien ne voit dans l'égorgement quotidien de 60 victimes qu'une violation de formes.

On ne doit pas attendre de ceux qui proclament de semblables principes, qu'ils y dérogeront. De tous les instruments affreux dont l'humanité desire la destruction, ils ne rejetteront que ceux qui les menacèrent ou les blessèrent eux-mêmes. Ce n'est point l'abrogation de ce comité dans lequel se concentrent tous les pouvoirs qu'ils sollicitent; c'est le complètement de ses membres et leur plus fréquent renouvellement. La convention, satisfaite de rentrer ainsi dans la participation du despotisme, s'empressera d'enlever à ce comité la faculté d'arrêter provisoirement un représentant du peuple; mais elle lui laissera le pouvoir d'opprimer 25 millions de Français, le droit de les renfermer dans ses innombrables bastilles et de les assas'siner avec ses innombrables tribunaux et commissions révolutionnaires. La convention craindra de rendre à la liberté les victimes d'une tyrannie vaincue; elle ne les délivrera qu'une à une, avec une lenteur calculée. Mais elle annoncera tous les biens qu'elle ne fera pas; et, couverte par l'hypocrisie de ses intentions, elle maintiendra le régime révolutionnaire avec ses institutions; elle saisira toutes les occasions d'en exercer les plus odieuses rigueurs (le massacre de Quiberon V. 21 juillet 1795.) Les juges-bourreaux du tribunal de Paris, redoutant plus les suites de leur infamie qu'ils n'en sont honteux, résigneront leurs fonctions. Leur retraite amènera quelques modifications dans la composition, dans les attributions de ce tribunal; mais il continuera d'être révolutionnaire. Ses arrêts seront moins nombreux, parce qu'on craint les soulèvements; mais ils n'en seront pas moins reconnus légaux et justes. Ce ne sera donc pas la réparation de ses forfaits que médite cette convention, toujours jalouse de son existence et de son pouvoir tyrannique. L'opinion publique luttera pendant près de quatre mois, avant d'obtenir la réintégration des 73 conventionnels proscrits au 21 mai 1793 (V. 8 décembre). On craint le retour de Lanjuinais et de quelques membres absolument étrangers aux crimes et aussi de plusieurs au

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tres qui, révolutionnaires plus imprudents que méchants, ont depuis leur proscription, fait d'amères réflexions sur leurs égarements; on redoute l'appui qu'ils donneront à cette foule de lâches qui laissèrent la tyrannie se déployer et qui voudraient des chefs moins indignes d'influer sur les délibérations. « Jacobins (s'écriera Collot-d'Herbois, dans leur antre rouvert), reprenez votre ancienne énergie... « Les jacobins du 9 thermidor ne furent pas les vieux et fidèles jacobins; ceux-ci vont reprendre leur lustre. » Les féroces collègues de ce misérable, Billaud-Varennes, Vadier, Amar, Vouland, accusés par l'exécration universelle, de tous les désastres dont les comités où ils siégeaient à côté de Robespierre, ont couvert la France, trouveront des soutiens intrépides dans la majorité des montagnards qui, après avoir été complices volontaires de leurs fureurs, prévoient les dangers d'une juste récrimination, et d'une responsabilité solidaire. Ces motifs engageront Carnot à défendre 1211 Barrère (V. 1er avril 1795). Ils porteront Fouché, dit de Nantes, Merlin, dit de Douai, Sieyes, à réclamer le concours de l'abjecte populace des faubourgs (V. 20 mai 1795). L'audace de ces jacobins ajoutera chaque jour à l'irritation de l'opinion publique : la convention devant être chaque jour amenée, par la force, à des capitulations nouvelles avec cette opinion qu'elle redoute, comme le malfaiteur redoute l'action de la justice, la convention sera contrainte, enfin, à la retraite; mais elle prendra toutes les mesures susceptibles de faire dominer son esprit dans le gouvernement qu'elle instituera pour lui succéder (V. 23 septembre 1795). Le génie du bien luttera long-temps encore avec le génie du mal; leurs succès alternatifs marqueront diversement les circonstances de la période qui com

F. 162.

mence.

1o

Août 1er. Prise de Fontarabie (Biscaye).

4. Prise de Saint-Sébastien, par le général Moncey.

6.

selle.

Occupation de Trèves, par l'armée de Rhin-et-Mo

9. Formation d'un nouveau tribunal révolutionnaire.— Il procédera suivant des formes plus favorables aux accusés, qui pourront avoir des défenseurs. Les exécutions n'ont plus lieu chaque jour, et commencent à ne comprendre à-la-fois qu'un petit nombre de condamnés.

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16. Reprise du Quesnoy (Nord), par le général Schérer (V. 11 septembre 1793 ).

18, 19. Incendie d'un atelier de salpêtrerie établie dans l'abbaye

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