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militaires, exécutées en 1794, 95, 96, est sans fondement. Outre que les grands talents de deux des trois généraux ( Bonaparte, Moreau) chargés de l'exécution, doivent être comptés pour beaucoup dans les prodigieux succès qu'ils obtinrent; personne ne doute aujourd'hui que les revers de Jourdan et la retraite de Moreau, que ces revers rendirent nécessaire (en 1796), ne doivent être attribués, en très-grandepartie, aux fausses mesures décidées dans le cabinet dirigeant du Luxembourg, ou aussi à la timidité et aux principes de subordination de ces deux généraux, qui ne se permirent pas de modifier des plans qu'ils trouvaient eux-mêmes défectueux, et contre lesquels ils avaient fait des représentations réitérées. On n'ignore pas, non plus, que la commission intérieure chargée, par le comité de salut public, en 1794, 95, de la confection des plans d'opération, réunissait d'Arçon, Danissy, Lafitte, génies militaires du 1er ordre qui, possédant tous les projets soumis à Louis XIV, à Louis XV, et ne se trouvant gênés par aucune considération d'état, ni retenus par aucun motif de politique extérieure, ni même d'humanité, disposaient de toute la population, de toute la richesse accumulée, et de la ferveur enthousiaste d'une grande nation. Ainsi la part de gloire qui reviendrait à Carnot dans les plans de ces trois campagnes, pourrait se réduire à très-peu de chose. Ce n'est pas Carnot, non plus, ainsi qu'il l'a prétendu, c'est Barras qui porta le jeune Bonaparte au commandement de l'armée d'Italie.-Aussi-bien le parti triomphant au 18 fructidor, voyant la guerre continentale terminée, a pensé que les talents de bureau qui distinguent Carnot, deviennent aussi inutiles que les connaissances pratiques du négociateur Barthélemy. Et, pour tout dire, les trois méprisables directeurs Rewbell, Reveillère-Lepaux, Barras, se trouvant éclipsés, ou déconsidérés par le voisinage de leurs deux collègues, ont un autre motif de plus pour résoudre leur perte.

Les déportés envoyés à Sinamary, dans la Guyane française, seront traités, pendant leur voyage, jusqu'au port d'embarquement, et pendant la traversée, comme les plus vils malfaiteurs.

La journée de fructidor amène les suites les plus désastreuses. Elle prépare les voies à cette révolution qui doit courber la France sous le joug militaire.

Septembre 15. Loi qui exclut les ex-nobles des fonctions publiques, et les prive de l'usage des droits politiques.

18. Les conférences suivies à Lille, depuis le 6 juillet, pour traiter de la paix avec l'Angleterre, sont rompues par le directoire.

most de Hoche empoisonné par le directoire, dont la politique consiste dès-lors à se défaire des généraux dont le caractère prononcé, ou les talents supérieurs, ou la haute réputation, offusquent ces cinq magistrats sans renommée, sans mérite et sans popularité. Moreau est réformé, quoique il ait dénoncé Pichegru déja proscrit. Bernadotte sera jeté, malgré lui, dans la carrière diplomatique (V. 13 avril 1798). Bonaparte sera lancé sur les mers, dans l'espoir que sa fortune échouera. On l'enverra dans la baie d'Aboukir avec le même dessein particulier, qui fit envoyer Hoche dans la baie de Bantry (V. 24 décembre 1796).

Septembre 18. Mort du genéral Hoche, à 29 ans. On l'a cru

30. Finances publiques. — Loi d'après laquelle toute rente perpétuelle ou viagere, ainsi que toutes les autres dettes de l'État, anciennes et nouvelles, liquidées ou à liquider, seront remboursées; savoir: deux tiers en bons au porteur, libellés, dette publique mobilisée, lesquels bons ne seront échangeables qu'en biens nationaux. Le troisième tiers, conservé comme valeur numérique, sera inscrit sur le grand-livre, et portera un intérêt de 5 pour cent, payable par semestre. Ce troisième tiers (tiers-consolidé) est le principe de la dette publique. — Les bons, dits deux-tiers, perdent à l'instant même de leur émission de 70 à 80 pour cent.

Cette banqueroute est la sixième banqueroute générale, ou à-peuprès complète, faite par l'état, depuis l'avènement de Henri IV: 1o par Sully, qui réduisit arbitrairement les intérêts accordés aux prêteurs sous les règnes précédents, et affecta les à-compte déja payés au remboursement des capitaux; 2° par Desmarêts, à la fin du règne de Louis XIV; 3o par le duc de Noailles, chargé de l'opération du Visa sous la régence; 4° par l'abbé Terray, en 1770; 5° par l'extinction de 40 milliards de papier-monnaie, assignats ou mandats. Total: Six banqueroutes, en deux siècles. Ainsi chaque génération a pu en voir une. En outre, il faut ajouter à cette énumération les infractions moins considérables à la loyauté publique, telles que les suppresions arbitraires, les retranchements partiels, les refontes des monnaies, etc., etc., etc.

30. Finances publiques.-La loi qui prononce la banqueroute est suivie de la loi qui rétablit le pernicieux impôt des loteries. Sa suppression (V. 16 novembre 1793) était le seul bien opéré par la convention. On l'attend de nouveau en 1819. Quand on a proclamé, quand on met en usage les grands principes de morale publique, le gouvernement et les chambres ne voudront plus, sans

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doute, d'un profit aléatoire calculé sur une trop inégale répartition de chances, qui, par cela seul, est illicite et condamnable. Il est démontré que les bénéfices du gouvernement sont du tiers des mises, et ce jeu est celui où les joueurs ont, pour la plupart, le moins de fortune.

Octobre 17. TRAITÉ DE PAIX DE CAMPO-FORMIO (Hameau du Frioul, Campoprès d'Udine). Les signataires sont, le général Bonaparte, le comte Formio Louis Cobentzel. — L'Autriche cède les Pays-Bas à la France, Milan, Mantoue, Modène, à la république Cisalpine. L'état de Venise est 245 abandonné à l'empereur, à la réserve des îles Ioniennes, que la France retient. Les ministres impériaux reçoivent en présent de très-beaux diamants, que le pape a livrés en exécution du traité de Tolentino (V. 19 février).

Ainsi finit, aussi avantageusement que glorieusement, la première guerre continentale de la révolution. Ainsi expire, à trente lieues de Vienne, cette formidable coalition des principales puissances du continent contre la France, déchirée par les factions, et qui semblait à ces puissances en 1793, une proie aussi facile à saisir que la Pologne (V. 3, 19 janvier 1795).

Novembre 16. Mort du roi de Prusse, Frédéric Guillaume II, neveu de Frédéric II. Il meurt à 53 ans, après en avoir régné onze. Il a pour successeur Frédéric Guillaume 111, son fils, âgé de 27 ans. Décembre 9: Situation militaire. Plusieurs arrêtés du directoire indiquent de nouveaux projets politiques et militaires. L'armée d'Italie est mise sous les ordres du général Berthier. Le général Bonaparte est désigné pour commander les troupes qui se rassemblent sur les côtes de l'Océan et qui ont pris le nom d'armée d'Angleterre; mais il doit auparavant présider au congrès de Radstadt, la légation ↑ française chargée de traiter de la paix avec l'empire germanique. La première conférence a lieu, ce jour même.

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10. Présentation solennelle du général Bonaparte au directoire.— L'autel de la patrie s'élève au milieu de la cour du Luxembourg. Parvenu au pied de l'autel, le général est présenté par le ministre des relations extérieures, le citoyen Charles-Maurice Talleyrand-Périgord, le même qui, évêque d'Autun, célébra, le 14 juillet 1790, le saint sacrifice de la messe, en présence de Louis XVI. Ce ministre prononce, en face de quatre conventionnels qui condamnèrent ce roi (Rewbell, Réveillère - Lepaux, Barras, Merlin dit de Douai), un discours très-étendu à la louange du vainqueur de l'Italie.

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C'était, n'en doutons point, pour conquérir l'amour et la vertueuse

<< estime des Français, qu'il se sentait pressé de vaincre...... Tous «<les Français ont vaincu en Bonaparte; sa gloire est la prospérité de tous; il n'est aucun républicain qui ne puisse en revendiquer sa « part...... Tout en lui est l'ouvrage de cet amour insatiable de « la patrie et de l'humanité; et c'est là un fonds toujours ouvert « que les belles actions, loin de l'épuiser, remplissent chaque jour « davantage....... Il déteste le luxe et l'éclat, misérable ambition « des ames communes; et il aime les chants d'Ossian, sur-tout parce « qu'ils détachent de la terre....... Ah! loin de redouter ce qu'on « voudrait appeler son ambition, je sens qu'il nous faudra, peut-être, <«<le solliciter un jour pour l'arracher aux douceurs de sa studieuse « retraite. La France entière sera libre; peut-être lui ne le sera ja« mais telle est sa destinée. »

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:

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Décembre 25. Homélie du citoyen cardinal CHIARAMONTE évéque d'Imola, dans la Romagne (Pie VII, élu pape le 14 mars 1800).— L'évêque fait un pompeux éloge du gouvernement democratique, de la liberté, de l'égalité. «... Oui, mes très-chers frères, soyez

...... »

« bons chrétiens et vous serez d'excellents démocrates....... (siate « buoni cristiani e sarete ottimi democratici)........ Les vertus << morales rendent bons démocrates....... Les premiers chrétiens « étaient animés de l'esprit de démocratie .. Dieu favorisa « les travaux de Caton d'Utique et des illustres républicains de « Rome..... (L'évêque d'Imola aurait dû dire le contraire de ceci; car, à moins que d'être très-ignorant de l'histoire du paganisme, on sait que Caton se poignarda, parce qu'il n'avait pu préserver cette république du joug de César ). — Bonaparte, bouleversant les gouvernements de l'Italie et les remplaçant par des républiques informes et malfaisantes, trouve ainsi des auxiliaires parmi les prêtres romains. Il n'est pas douteux que cette homélie du prélat d'Imola sert autant, en 1798, les projets subversifs des démagogues français en Italie, que la présence à Paris, en 1804, de ce même prélat devenu chef de l'église, pour y sacrer ce même Bonaparte, devenu Napoléon, sera utile à l'établissement du despotisme impérial.

28. Des émeutes ont eu lieu à Rome, les jours précédents.-L'ambassadeur de la république française, Joseph Bonaparte, est insulté, dans le palais de l'ambassade, par les troupes pontificales, et le général Duphot est tué à ses côtés. La légation française sort de Rome et de l'état ecclésiastique.

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1798.

- Le directoire fait saisir au même

Janvier 4. Systéme continental. instant, sur tous les points de la France, toutes les marchandises anglaises.

5. Loi qui établit un emprunt forcé et progressif de 80 millions, pour subvenir aux frais des préparatifs d'une descente en Angleterre. – Depuis deux mois, tous les chantiers de nos ports sont dans une grande activité.

10. Le général Berthier, accouru pour venger l'assassinat de Duphot (V. 28 décembre) et s'opposer à la cour papale unie par des engagements secrets à la cour de Naples, campe sous les murs de Rome et occupe le château Saint-Ange.

28. Irruption de troupes françaises dans le pays de Vaud, sous prétexte de rétablir la tranquillité troublée en Suisse par l'insurrection des Vaudois contre le gouvernement de Berne; insurrection fomentée par la France. Le directoire motive son intervention sur de très-anciens traités du temps de Charles IX, lesquels rendent la France garante des droits du peuple vaudois. Les vrais motifs de l'agression sont le desir de révolutionner des voisins paisibles; le ressentiment de l'asyle accordé à des proscrits français, émigrés ou fructidorisés; le dessein de ravir le trésor de Berne, et d'imposer de fortes contributions sur ces pays, où de grands capitaux se refugièrent dès les premiers troubles de la France.

28. Réunion de Mulhouse (Haut-Rhin), ville libre et confédérée de la Suisse, au territoire français.

Février 11. Louis XVIII quitte le séjour de Blanckembourg (duché de Brunswick), où il vit, sous le nom de comte de Lille, depuis que la politique autrichienne l'a contraint de se séparer des émigrés formant le corps de Condé ( V. 18 juillet 1796). Il se rend en Russie, où Paul I" lui donne asyle.

15. Le peuple de Rome rejette l'autorité du pape (V. 28 décembre 1797). Les troupes françaises, qui occupent le château Saint-Ange (V. 10 janvier), favorisent l'insurrection. Le général Berthier reconnaît, au nom de la France, la république romaine.

20. Pie VI, dont le trône vient de s'écrouler (V. le 15), quitte Rome, et se retire à la Chartreuse de Pise.

Mars 1er. La députation de l'empire, au congrès de Radstadt (V. 9 décembre 1797), reconnaît la rive gauche du Rhin pour limite de la république française.

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