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sions, et préconisé d'avance les résultats. Dessalines est le copiste de Fouché.

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Tel est le premier effet bien marqué de la rupture du traité d'A miens; rupture effectuée par l'ambition de Bonaparte (V. 13 — 20 mai 1803). C'est de sa perfidie méditée dans le silence et le sang-froid du cabinet, que Dessalines s'autorise (V. 7°, 1or art., 20 mai, 10 juin 1802, 30 novembre 1803, 2o art.) Il ne se versera pas une goutte de sang en Europe ou en Amérique, pendant dix ans, qu'il ne retombe sur Bonaparte, violateur de la paix et moteur principal de toutes les catastrophes qui signaleront cette période.

Avril 30. Motion faite au tribunat de confier le gouvernement de la république à un empereur, et de déclarer l'empire héréditaire dans la famille du premier consul Napoléon Bonaparte. Cette motion est présentée par un membre obscur de cette chambre législative; il se nomme Curée. C'est sanctionner

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« par les siècles les institutions politiques, et assurer à jamais le << maintien des grands résultats qu'elles ont laissés après elles, que « de ramener et de rétablir dans un cours de successions certain, authentique, héréditaire, le gouvernement qui est incorporé à « ces grands résultats. . . . . . . . Les ennemis de notre patrie se sont effrayés de sa prospérité comme de sa gloire. Leurs trames se sont multipliées, et l'on eût dit qu'au lieu d'une nation tout entière, « ils n'avaient plus à combattre qu'un homme seul. C'est lui qu'ils « ont voulu frapper pour la détruire.... Avec lui, le peuple

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« français sera assuré de conserver sa dignité, son indépendance et « son territoire....... Il ne nous est plus permis de marcher lente«ment. Le temps se hâte, le siècle de Bonaparte est à sa qua« trième année, et la nation veut un chef aussi illustre que sa des« tinée. »

Mai 3, 4. Le tribunat adopte la proposition faite le 30 avril, de conférer à Bonaparte le titre d'empereur. Quoique dans le principe de son institution, la composition de ce corps fût soumise au choix du sénat, essentiellement dépendant de l'autorité consulaire, et que la seule attribution des tribuns consistât dans la discussion des projets de loi; le premier consul, redoutant néanmoins leur influence, et croyant apercevoir quelques faibles étincelles de liberté cachées dans cet élément de la constitution de l'an VIII, fit rendre le sénatus-consulte organique du 4 août 1802, par lequel les

tribuns furent réduits de 100 à 50. Dès-lors Bonaparte devint le maître des délibérations.

Presque tous les tribuns sont vendus, ou intimidés, ou séduits par de fausses similitudes historiques. Leur unanimité n'est hautement troublée que par la contradiction du proscripteur Carnot; ce directeur proscrit lui-même, en 1797 (V. 4 septembre); qui, affectant d'oublier qu'il a donné à l'exécrable comité de salut public un nombre infini de signatures de confiance, ainsi qu'elles sont qualifiées par les coopérateurs de Robespierre (V. 24 août 1794, 1er avril 1795), se croit un citoyen héroïque, en affectant des sentiments généreux qui font ressortir davantage l'ignominie de ses déférences pour les plus sanguinaires tyrans qu'ait vus la France; mais alors Carnot participait à la tyrannie. Il se trouve aussi cinq ou six tribuns que l'amour sincère de la patrie et d'une sage liberté invitent à refuser leur assentiment; mais que pourraient quelques efforts individuels contre une majorité qui demande le joug, et qui confond. les doctrines les plus dissemblables, sous prétexte d'amener la sécurité et la félicité publiques? 1α..... ... C'est moins d'une récom« pense, dont Bonaparte n'a pas besoin, dit un de ces obséquieux tribuns, nommé Siméon (V. Moniteur, no 222, an XII), « que de no« tre propre dignité et de notre sûreté, que nous nous occupe« rons..... Opposerait-on la possession longue, mais si solen<< nellement renversée de l'ancienne dynastie? Les principes et les « faits répondent......... Le peuple, propriétaire et dispensateur « de la souveraineté, peut changer son gouvernement; et, par conséquent, destituer dans cette occasion, ceux auxquels il l'avait << confié (les Bourbons). L'Europe l'a reconnu..... La maison qui règne en Angleterre n'a pas eu d'autres droits pour exclure les « Stuarts.... Il fallut qu'après les avoir repris, l'Angleterre << chassât les enfants de Charles Ier. Le retour d'une dynastie dé⚫ trônée, abattue par le malheur, moins encore que par ses fautes, « ne saurait convenir à une nation qui s'estime...... Ils vendaient « aux puissances dont ils s'étaient faits les clients, une partie de cet « héritage dans lequel ils les conjuraient de les rétablir..... Qu'on « ne se trompe pas; en regardant comme une révolution ce qui « n'est qu'une conséquence de la révolution, nous la terminerons; « rien ne sera changé dans la nation... » Le citoyen Gillet surpasse le citoyen Simeon dans l'étalage des sophismes; il s'humilie encore plus profondément dans la servitude. Une vingtaine de tribuns, tous

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également obscurs: Max. V. Fréville, Jaubert (de la Gironde), Duvidal, Carrion-Nisas, Delpierre, Faure, Arnould, Chabot (de l'Allier), Grenier, Albisson, Chabaud-Latour, Challan, Carret (du Rhône), Chassiron, Favard, etc., etc., se disputent l'encensoir, pour enfumer l'idole qu'ils viennent placer sur l'autel. Du moins les affranchis de Rome, et Narcisse et Pallas, acquirent de la célébrité; leurs heureuses mains amoncelèrent les trésors de Lucullus, de Crassus. Nos tribuns sont restés dans la poussière et n'ont pu se distinguer à force de complaisances. Que demandent-ils donc, en offrant l'empire à Bonaparte, à ce soldat dont plusieurs actions bien caractérisées décèlent la dépravation politique? Veulent-ils réserver à la France le sort de Rome dégénérée ? C'est ainsi que l'empire fut décerné à Octave, à Tibère, à leurs successeurs. Un usurpateur sanguinaire; un fourbe détestable; le plus cruel des fous; le plus dupe des imbécilles; un monstre exécrable dont le nom est la plus forte injure; un soldat ignoblement avare; un vil débauché; un glouton immonde: Tels furent jusqu'à Vespasien, les empereurs du peuple-roi. Et voilà les dominateurs dont la France se voit menacée, si la quatrième dynastie s'y établit par le sabre des soldats et la bassesse des affranchis; que les affranchis soient tribuns, législateurs, sénateurs de l'an VIII. Bonaparte, dira-t-on, ne verse pas, comme Octave, des flots de sang humain dans le Forum; non, mais il en inonde les champs du dieu Mars. Octave, devenu Auguste, pardonne à Maxime, à Cinna; Bonaparte, devenant Napoléon, sacrifie Pichegru, Moreau. L'empereur romain est maître de lui quelquefois; l'empereur des Français dissimule aussi quelquefois; mais jamais il ne se modère; jamais il n'adoucit ses plus violentes, ses plus injustes déterminations.

Enfin le vœu du tribunat arrive au sénat-conservateur. Là, François dit de Neufchâteau, s'écrie: « Depuis le 27 mars, le sénat a fixé « sur le même sujet la pensée attentive du premier magistrat. . . . . « Comme vous, citoyens tribuns, nous ne voulons pas la contre-ré« volution, seul présent que puissent nous faire ces malheureux transfuges qui ont emporté avec eux le despotisme, la noblesse, a la féodalité, la servitude et l'ignorance; et dont le dernier crime (la conspiration de Georges Cadoudal V. 28 février) est d'avoir supposé qu'un chemin, pour rentrer en France, pouvait passer par « l'Angleterre. »>

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Effectivement, déja le 27 mars, le sénat ayant reçu communica

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tion de la trame ourdie par la diplomatie anglaise, a voté une adresse confidentielle au premier consul.... « En réorganisant notre « ordre social, (dit ce sénat qui aurait disputé de servilité avec le << sénat de Domitien), votre génie supérieur a fait un oubli qui aug<< mente peut-être vos dangers et nos craintes..... Il manque à << notre constitution, une haute cour, un jury national. Vous avez « eu la confiance qu'un pareil tribunal ne serait pas nécessaire..... Mais, citoyen-consul, vous vous devez à la patrie ; vous n'êtes point « le maître de négliger votre existence; et le sénat qui, par essence, « est le conservateur du pacte social, demande que la loi s'explique « sur le premier objet de votre conservation.... Mais ce jury « national ne suffit pas pour assurer, en même temps, et votre vie et « votre ouvrage, si vous n'y joignez pas des institutions tellement « combinées, que votre systême vous survive. Vous fondez une ère « nouvelle; mais vous devez l'éterniser. L'éclat n'est rien sans la durée....... Vous êtes pressé par le temps, par les évènements,

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« par les conspirateurs, par les ambitieux; vous l'êtes, dans un autre << sens, par une inquiétude qui agite tous les Français. Vous pouvez << enchaîner le temps, maîtriser les évènements, mettre un frein aux conspirateurs, désarmer les ambitieux, tranquilliser la France entière, en lui donnant des institutions qui cimentent votre édifice « et prolongent pour les enfants ce que vous fites pour les pères. Citoyen premier consul, soyez bien assuré que le sénat vous parle «< ici au nom de tous les citoyens..... Dans les cours étrangères, la « saine politique vous tiendrait le même langage. Le repos de la « France est le gage assuré du repos de l'Europe. parle François dit de Neufchâteau, discourant en style de professcur de collége, au nom d'un sénat docile par terreur, adulateur par calcul, empressé par corruption. On peut juger du résultat de la redondante faconde de ce rhéteur, par les succès dont elle ne cesse pas d'être couronnée (V. 21 septembre 1792, 27 mai 1804); et voilà les hommes qui disposent de la France!

. » Ainsi

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Le 25 avril, Bonaparte répond : « Votre adresse n'a pas cessé d'ê« tre présente à ma pensée. Elle a été l'objet de mes méditations les Je vous invite donc à me faire con

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plus constantes....

<< naître votre pensée TOUT ENTIÈRE. »

Le 4 mai, le sénat conservateur vient donc l'assurer « qu'il est « DU PLUS GRAND INTÉRÊT DU PEUPLE FRANÇAIS, DE CONFIER LE GOU« VERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE A NAPOLÉON BONAPARTE, EMPEREUR

« HÉRÉDITAIRE. » Celui qui s'exprime ainsi, et qui place la couronne sur la tête d'un soldat ambitieux, est son collègue consul, ce même Cambacérès, qui s'écria, dans la nuit du 19 au 20 janvier 1792 « Citoyens représentants, en prononçant la mort du dernier « roi des Français, vous avez fait un acte dont la mémoire ne pas« sera jamais, et qui sera gravé, par le burin de l'immortalité, dans « les fastes des nations..... Qu'une expédition du décret de

a mort soit envoyé, A L'INSTANT, au conseil exécutif, pour le faire « exécuter DANS les 24 heures de la NOTIFICATION. » Dans ce cortége de sénateurs est aussi Garat, ministre de la justice au même 20 janvier, qui signifia le décret de mort à Louis XVI. Jamais empereur de Rome ne dut le diadême à de plus vils affranchis. Posé par de telles mains, il eût souillé le front même de Titus.

Quel besoin d'ailleurs de tout cet appareil de fausseté? N'était-il pas évident que le vœu général sollicitait l'union du pouvoir héréditaire au gouvernement représentatif? Pourquoi ne pas tenir de la nation elle-même ce qu'on se fait remettre par des valets de comédie? Pourquoi, encore, arriver au trône sur le corps de l'innocent? L'assassinat commis à Vincennes (V. 21 mars) fut certainement un crime perdu. Quelqu'un doutait-il en France que le général victorieux des factions et de la ligue continentale n'aspirât à la suprême magistrature? Du moment qu'il fut proposé à la nation de voter sur la question du consulat à vie ( V. 2 août 1802), chacun put aisément juger qu'il existait une arrière-pensée, et pressentir un but ultérieur. On voyait une foule d'institutions empruntées à l'ancienne monarchie, superposées au régime démocratique. Mais à chaque innovation de ce genre, on s'empressait de rassurer certains esprits, quoiqu'en assez petit nombre, inquiets sur l'altération des formes républicaines; on protestait que de telles institutions n'étaient établies qu'afin de protéger plus efficacement la liberté, l'égalité. Au moyen de ces hypocrites démonstrations, qui n'abusaient que les plus myopes des politiques, on avançait sans éprouver d'importunes réclamations. - Le terme de toutes ces mesures préliminaires fut enfin avoué, lorsque tout était prêt pour le dénouement; mais aussi, quand presque personne ne pouvait en être surpris.

La nation eût donc accédé volontairement à l'invitation du sénat. Se donner pour chef permanent celui qui, dans une magistrature de quatre années, a ramené l'ordre, ranimé l'industrie, et qui annonce le prochain développement des mesures les plus assorties au

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