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qui se jouèrent de tous les principes, mais qui n'en fut pas moins en usage, à toutes les phases de la révolution, vient consacrer les promesses de 36 millions de sujets. Les mêmes bouches qui jurèrent fidélité à Louis XVI et à quatre constitutions, jurent de ne pas devenir infidèles à l'empereur de la grande nation. Et ce dernier serment sera, pour le malheur des Français, religieusement observé ! Le clergé appose le dernier sceau à tous les actes de dégradation nationale et individuelle. Sa pieuse et savante adulation emploie les formules les plus expressives de la servitude hébraïque; elle épuise les termes obséquieux de la basse latinité. « Le dieu des dieux (dit le cardinal Cambacérés) et des rois, avait donné et il avait repris; il n'a pas rendu, mais il a donné de nouveau, comme il avait « donné le trône de Clovis à Charlemagne, et le trône de celui-ci, à saint Louis..... L'homme de la religion trouvera nos Un Dieu, et un monarque ( dit l'ar-

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« maximes dans l'Évangile.

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chevêque de Turin). Comme le Dieu des chrétiens est le seul digne « d'être adoré et obéi, vous (Napoléon) êtes le seul homme digne « de commander aux Français. Par-là, cesseront toutes abstractions philosophiques, tout dépècement du pouvoir. » — « Qu'elle est grande (s'écrie un autre pontife)! qu'elle est admirable, cette divine « sagesse qui établit les empires! - Napoléon, que Dieu appela des « déserts de l'Égypte, comme un autre Moïse. - Donnons pour garant « de notre fidélité à César, notre fidélité à Dieu. — Il fera concorder « le sage empire de la France avec le divin empire de Jésus-Christ.

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Ne cessons de le dire: LE DOIGT DE DIEU EST ICI.- Prions le « Très-Haut qu'il protège, par sa main puissante, L'HOMME DE SA « DROITE.- - Qu'il vive! qu'il commande à jamais, le nouvel Auguste, «< cet empereur si grand, qui reçoit, des mains de Dieu, la couronne ! << - Nouveau Mathatias, Bonaparte parut dans l'assemblée du peuple « envoyé par le Seigneur (V. 19 brumaire, ou 10 novembre 1799). Un nouveau Cyrus a paru. Généreux comme le pieux Onias. L'Écriture nous trace dans le règne de Josaphat, ce prince chéri a de Dieu et des hommes, l'image du gouvernement accompli de • Napoléon.- La soumission lui est due, comme dominant sur tous; « à ses ministres, comme envoyés par lui pour protéger le bien et punir le mal; à tous, à cause de Dieu; parce que tel est l'ordre « DE LA Providence ». Disons avec saint Grégoire, pape : « Dieu soit toujours glorifié, à travers les vicissitudes humaines, soit « qu'il transporte, soit qu'il raffermisse les couronnes! car le Très« Haut a déclaré, par son prophète, qu'il domine sur tous les

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« royaumes de la terre, et les distribue selon sa volonté. » — · C'est dans ces termes, que cette foule de prélats, oracles si renommés de l'église gallicane, que ces casuistes, qui se disent éclairés du SaintEsprit, préconisent l'obéissance passive, au nom de la loi des chrétiens !

A l'aide de ces divers moyens, Bonaparte réussit à mettre sur sa tête le diadême que ni César à Rome, ni Cromwell en Angleterre, n'osèrent ceindre. Dès-lors s'évanouit ce gouvernement républicain pour l'établissement duquel tant de milliers de Français ont péri. Les vestiges du gouvernement représentatif ne tarderont pas non plus à s'effacer.-Comme il ne veut qu'asservir les Français, il se hâtera de ramener les serviles habitudes de l'ancienne cour. On voit reparaître au palais des Tuileries, plus qu'on ne l'avait vu au château de Versailles, les livrées, les grands laquais, les pages, les écuyers, les chambellans, les aumôniers, les cordons, l'étiquette des grands et des petits jours. Dégrader, rabaisser les esprits; corrompre, avilir les ames; voilà les moyens qu'emploiera ce Louis XIV parvenu pour accréditer sa dignité.

Juin 10. Conspiration de Pichegru, de Georges Cadoudal; procès du général Moreau (V. 28 février, 6 avril). Quarante-sept prévenus sont mis en arrestation. Comme on trouverait très-difficilement dans les lois existantes, les moyens de perdre les principaux accusés, et comme le gouvernement affecte de respecter les lois; avant d'entamer les procédures, il a fait annuller les dispositions qui protégeraient ces accusés. Dès le 23 février ( c'est-à-dire, le jour même de l'arrestation de Pichegru, et douze jours après celle de Moreau ), un sénatus-consulte suspend pendant deux ans les fonctions de jury pour le jugement des crimes d'attentat contre la personne du premier consul. Le lendemain, une loi déclare, « que le recèlement de « Georges et de ses complices sera jugé et puni comme le crime « principal. » Cette loi définit le receleur. Un tribunal criminel SPÉCIAL est institué. On charge de l'instruction et de l'accusation l'un des plus vils complices de la tyrannie de Robespierre, le conventionnel Thuriot; et les conclusions de Thuriot sont, que les quarantesept prévenus sont coupables de conspiration effective, ou de contravention à la loi du 29 février.

Bonaparte aspire sur-tout à la condamnation de Moreau, son rival de renommée militaire, dont il cherche à rabaisser la savante campagne de 1796, en l'appelant une retraite de sergent. Mais l'opinion publique éclate en faveur de l'opprimé, de manière à faire reculer

le despote naissant. L'illustre vainqueur de Hohenlinden échappe à la peine capitale. Elles ne sont pourtant pas oubliées du public de Paris, ni cette lettre, ni cette proclamation (V. 4 septembre 1797), ni ces pusillanimes apologies de connivence. Moreau, si brave au champ de la gloire, ne cessa pas de se montrer timide dans l'arène politique. On ne devait pas attendre de celui qui montait à l'assaut d'une place, le jour que son père montait à l'échafaud, de celui qui obéit avec une entière abnégation aux bourreaux de sa famille, aux tyrans de sa patrie; qu'il servirait de bouclier au général qui l'instruisit dans l'art de vaincre l'étranger! Le désaveu de Moreau, à l'égard de Pichegru, immédiatement après le 18 fructidor, ce désaveu eût-il été concerté entre eux, dut éloigner du premier les cœurs vraiment français; mais s'ils réprouvèrent une démarche aussi peu généreuse, ils accourront au secours de l'illustre capitaine, alors que l'injustice voudra le perdre : plus le public démêle, dans les poursuites, l’iniquité de la haine, plus il s'efforce d'en briser les traits. On trouve aussi, dans ce tribunal SPÉCIAL, quelques juges intègres. L'un d'eux, nourri des exemples de l'antiquité (Clavier, savant traducteur de Pausanias) répond à un émissaire qui l'assure que Bonaparte ne desire la condamnation de Moreau qu'afin de lui faire grace : Et, qui nous la fera, à nous ?

Des 47 prévenus, 20 sont condamnés à mort, 5 à deux années d'emprisonnement. Les autres sont acquittés, mais non relâchés. Le sultan des Tuileries envoie ses muets, les agents de sa police, qui renferment dans des donjons, tous ceux dont le tribunal SPÉCIAL n'a pu s'empêcher de reconnaître l'innocence.

Afin d'effacer quelques souillures de la procédure, comme pour atténuer l'impression du meurtre de Vincennes (V. 21 mars), Bonaparte croit utile de signaler l'aurore de son règne par des actes de clémence. Et il convient ici de ne pas laisser ignorer que les plus vives instances pour le fléchir sont déployées par deux femmes auxquelles, sans doute, il a soigneusement dissimulé les motifs qui l'engagent à faire parade de miséricorde. N'eût-il pas eu ce dessein, il aurait dû céder; tant furent vives, animées, instantes, les sollicitations de l'une et de l'autre; de sa femme (l'impératrice Joséphine, mère du prince Eugène Beauharnais), en faveur d'Armand de Polignac ( duc et pair en 1818, par succession), et de sa sœur ( Mad. Murat, reine de Naples, de 1808 à 1815), pour Charles de Rivière (pair de 1815. ). C'est à elles, que les deux complices de Georges doivent de conserver leur existence qui eût fini sur l'échafaud. On

aime à penser qu'ils ont gardé le souvenir des démarches de leurs bienfaitrices.

Juin 23. Décret impérial qui dissout deux établissements formés par des congrégationnistes qui prennent les noms de Pères de la foi, Adorateurs de Jésus, Paccanaristes. Ces ténébreux sectaires sont les continuateurs de l'ordre de Loyola (V. l'art. suiv., 7 août 1814; 2 janvier 1816).

30. Bref du pape Pie VII, qui rétablit l'ordre des Jésuites dans le royaume des Deux-Siciles, d'après la prière du souverain, et conformément aux règles de leur établissement en 1801, dans l'empire de Russie, sur la demande de Paul Ier (V. l'art. précéd.; 7 août 1814, 2 janvier 1816).

Juillet 10. Décret impérial qui rétablit le ministère de la police générale, en l'investissant de toutes les attributions qui lui étaient dévolues avant sa réunion au ministère de la justice (en 1802).

Le brevet en est remis aux mains immondes et sanglantes de ce même homme qui eut la confiance des directeurs Sièyes, Barras, détestables auteurs de la journée du 30 prairial (18 juin 1799). Fouché dit de Nantes ( duc d'Otrante), ex-conventionnel, séide de Robespierre, bourreau des généreux Lyonnais (V. 12 octobre, 1er novembre 1793), se dévoue à Napoléon, son nouveau calife. Il le servira dans la recherche et l'emploi des mesures d'une obscure tyrannie, dans l'établissement de l'inquisition domestique et civile. A un autre Philippe II, il faut un autre Torquemada.

14. Inauguration de la légion-d'honneur, créée par la loi du 19 mai 1802. Lá cérémonie a lieu avec le plus pompeux appareil, dans l'église des Invalides à Paris. Les dignitaires prêtent serment entre les mains de l'empereur. Le grand chancelier de la légion, Lacepède, qui, de garde du cabinet d'histoire naturelle, était parvenu subitement aux plus hautes régions de la politique, en siégeant à l'assemblée législative, prononce un discours riche en déclamations assorties à la circonstance : « Aujourd'hui tout ce que le peuple a « voulu, le 14 juillet 1789, existe par sa volonté. Il a voulu l'éga« lité, elle est défendue par un gouvernement dont elle est la base. Il a voulu que la propriété fût sacrée, elle est rendue inviolable par « toutes nos institutions. Répétez ces mots qui ont déja été proférés << dans cette enceinte, et qu'ils retentissent jusqu'aux extrémités de l'empire. Tout ce qu'a établi le 14 juillet est inébranlable, rien de « ce qu'il a détruit ne peut reparaître. » — En prenant la négative

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sur tous ces détails, la description du phénomène serait beaucoup plus, d'après nature.

Juillet 16. Décret impérial déterminant une nouvelle organisation de l'école polytechnique (V. 21 mars 1795, 8 novembre 1799).-Les élèves seront casernés et soumis à la discipline, police, tenue et instruction militaire, comme dans un régiment. -Création de chaires de grammaire et de belles lettres, de topographie, pour les éléments des machines.

Août 11. L'empereur d'Allemagne, François II, ajoute à ses titres celui d'empereur héréditaire d'Autriche (V. 6 août 1806).

Octobre 2. Flottille de Boulogne. — Après des attaques réitérées depuis six mois, et toujours infructueuses, l'amiral anglais Keith vient entreprendre sa destruction. Douze brûlots, les plus formidables qui jamais aient été mis en usage, sont lancés sur ces petites embarcations; mais ils leur causent peu de dommages.

Bonaparte, empereur, a recommencé les immenses préparatifs de l'expédition d'Angleterre, à laquelle il sembla donner une si grande importance pendant son consulat. Ses principaux motifs subsistent (V. 4, 15 août 1801). Il y joint aujourd'hui, celui d'entretenir, d'augmenter, de consolider le dévouement à sa personne même, de ses troupes, qui sont le fondement essentiel, l'instrument le plus actif de sa puissance. La pompe des spectacles militaires, des fêtes dont il se fait le dieu, flattent son orgueil de général et de monarque. En portant toute l'attention des puissances du continent sur les dunes de Boulogne, il leur persuade que la sienne n'est fixée que sur les dunes de Kent; et il prépare, avec plus de mystère, ses projets de subversion générale. Les développements donnés aux préparatifs de l'expédition sont immenses. La flottille, à son complet, et réunie dans les ports d'Etaples, Boulogne, Wimereux, Ambleteuse et Calais, se composera, dans quelques mois, d'au-delà 2,000 petits bâtiments de toute espèce, montés par 16,000 marins, portant une armée de 160,000 hommes, avec 9,000 chevaux, tout son matériel et quinze jours de vivres pour la totalité des hommes faisant partie de l'expédition.

8. Le nègre Dessalines, imitant Bonaparte, prend le titre d'empereur d'Haïty, et se fait appeler Jacques Ier. Haïty est le nom primitif de Saint-Domingue (V. 1er janvier ).

Décembre 1er. Le sénat-conservateur présente à Napoléon le plébiscite qui reconnaît l'hérédité de la dignité impériale dans sa famille. Le résultat de 60,000 registres ouverts dans les 108 dépar

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