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proposer les ministres, afin de concilier les différends des deux premiers ordres avec le tiers - état, sur la vérification des pouvoirs en commun (V. 6 mai). Réponse du roi : « J'ai examiné l'arrêté de « l'ordre de la noblesse. J'ai vu avec peine qu'il persistait dans les « réserves et les modifications qu'il avait mises au plan de concilia«tion proposé par mes commissaires. Plus de déférence de la part de « l'ordre de la noblesse aurait peut-être amené la conciliation que j'ai desirée. »

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Juin 17. Les députés du tiers, réunis à quelques dissidents obscurs du clergé déclarent, dans une séance DE NUIT, et d'après la motion de l'abbé Sieyes, à la majorité de 480 voix, sur 569, qu'ils sont la seule réunion légitime; attendu qu'il ne peut exister entre le trône et cette assemblée, aucun pouvoir négatif; et s'intitulant, AsSEMBLÉE NATIONALE, ils se constituent immédiatement en activité.

On décrète sur-le-champ, que les contributions telles qu'elles se perçoivent actuellement dans le royaume, n'ayant point été consenties par la nation, sont toutes illégalement établies et perçues. On les autorise provisoirement, au nom de la nation; mais seulement, jusqu'au jour de la 1re séparation de cette assemblée, de quelque cause que la séparation puisse provenir. - Ce décret, qui est la révolution elle-même, et qui manifeste l'audace des chefs du tiers-état, n'aurait été ni proposé, ni admis, si la noblesse avait montré moins d'inconsidération, ou le gouvernement moins d'indécision ( V. 15 juin).

20. La salle où viennent s'assembler les députés du tiers, étant fermée par ordre supérieur, afin de la disposer pour une séance royale, Bailly, qui les préside, les réunit dans un jeu de paume, (rue Saint François). Ils y font le serment de ne se séparer qu'après

avoir donné une constitution à la France.

22. Cent quarante-neuf membres du clergé se réunissent aux députés du tiers, assemblés dans l'église Saint-Louis.

23. Séance royale. Les trois ordres se réunissent dans la salle du tiers-état. Louis XVI paraît, accompagné de ses ministres, excepté M. Necker qui a désapprouvé cette démarche.

Le roi se plaint de la division qui règne parmi les ordres, « divi«sion si funeste à l'ouvrage de la restauration. » Son discours est suivi de la lecture d'une déclaration précise et impérative, qui maintient l'ancienne distinction des ordres, comme essentiellement liée à la constitution du royaume; qui prononce sur la nature des mandats, sur les formes des délibérations, et ne les autorise en commun, que pour les seuls objets de finances; qui annulle la délibéra

tion prise le 17, par le tiers, et défend l'entrée de la salle au public.

Le roi annonce une seconde déclaration, où sont énumérés tous les avantages qu'il accorde à ses peuples.

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Je puis dire, sans me faire illusion, que jamais roi « n'en a autant fait pour aucune nation. Mais quelle autre peut l'a• voir mieux mérité par ses sentiments, que la nation française? » Cette déclaration en 35 articles, statue sur tous les objets qui fixent l'attention publique. Aucun impôt ne sera établi, aucun emprunt n'aura lieu, sans le consentement des représentants de la nation. Le tableau des finances sera rendu public chaque année, suivant le mode déterminé par les états-généraux. Les applications des sommes seront déterminées. Abolition des priviléges pécuniaires du clergé et de la noblesse, de la taille et du franc-fief. Respect pour les propriétés de tout genre, et pour les prérogatives utiles et honorifiques des terres et des personnes. Règles pour l'anoblissement. Abolition des lettres-de-cachet. Liberté de la presse. blissement d'états-provinciaux composés de pour le clergé, pour la noblesse, pour le tiers-état; les membres en seront librement élus par les ordres respectifs, suivant une mesure nécessaire de propriété pour être électeur et éligible, Ces états-provinciaux administreront, par des commissions intermédiaires, non-seulement ce qui touche aux finances, mais aussi tous les objets dont il sera avantageux de leur confier la direction. Les états-généraux s'expliqueront sur les domaines, sur le reculement des douanes aux frontières, sur la liberté du commerce, les corvées, les droits de mainmorte, les milices; ils s'occuperont sur-tout des codes, civil et criminel, de la liberté personnelle, de l'égalité des contributions, de l'établissement des états-provinciaux. Le roi détermine, que toutes les dispositions d'ordre public et de bienfaisance qu'il aura sanctionnées pendant la présente tenue des états-généraux, ne puissent jamais être changées sans le consentement des trois ordres, pris séparément.

Le roi fait la clôture de la séance par le discours suivant : « Vous ■ venez, Messieurs, d'entendre le résultat de mes dispositions et de « mes vues; elles sont conformes au vif desir que j'ai d'opérer le bien << public; et si, par une fatalité loin de ma pensée, vous m'aban« donniez dans une si belle entreprise, seul, je ferai le bien de mes a peuples; seul, je me considérerai comme leur véritable représentant; et, connaissant vos cahiers, connaissant l'accord parfait qui

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« existe entre le vœu le plus général de la nation et mes intentions « bienfaisantes, j'aurai toute la confiance que doit inspirer une si rare « harmonie, et je marcherai vers le but auquel je veux atteindre avec << tout le courage et la fermeté qu'il doit m'inspirer. Réfléchissez, Messieurs, qu'aucun de vos projets, aucune de vos dispositions ne << peut avoir force de loi, sans mon approbation spéciale. Ainsi je suis <«<le garant naturel de vos droits respectifs; et tous les ordres de « l'État peuvent se reposer sur mon équitable impartialité : toute dé<< fiance de votre part serait une grande injustice. C'est moi, jusqu'à-présent, qui fais tout pour le bonheur de mes peuples; et il est rare, peut-être, que l'unique ambition d'un souverain soit d'obtenir de « ses sujets qu'ils s'entendent enfin pour accepter ses bienfaits. Je « vous ordonne, Messieurs, de vous séparer tout de suite, et de vous rendre demain matin, chacun dans les chambres affectées à votre or« dre, pour y reprendre vos séances. J'ordonne en conséquence, au a grand-maître des cérémonies, de faire préparer les salles. »

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Le roi retiré, et la séance levée, le clergé, à l'exception de quelques curés, et la noblesse, obéissent et s'éloignent; les communes seules restent dans la salle. Le maître des cérémonies (Mis de Brézé) rappelant les intentions du roi, touchant la séparation de l'assemblée, Bailly répond, qu'il est lié par le vœu des membres dont il est le président. Le maître des cérémonies insistant, Mirabeau s'écrie: « Allez dire à ceux qui vous ont envoyé, que nous << sommes ici par la volonté du peuple, et que nous n'en sortirons <«< que par la puissance des baïonnettes. » La véhémence de cette apostrophe confond le dignitaire de cour; elle électrise l'assemblée qui décrète sur-le-champ, et à la majorité de 486 voix, contre 341, l'inviolabilité de ses membres.

Telle est cette séance royale dont les effets répondront si mal à l'espoir de ceux qui la conseillèrent. La déclaration d'un souverain qui dépose volontairement une portion considérable de son autorité, dans la seule vue d'amener le bonheur de ses sujets, devait être reçue aux acclamations de la joie et de la reconnaissance. Cette déclaration devait devenir la grande charte du peuple français. Mais les ambitieux, les méchants, les enthousiastes se verraient réduits au silence et à l'inaction; ils rentreraient dans l'obscurité, s'ils accédaient à la proposition du roi, s'ils comblaient, en un instant, les vœux de la nation! Sieyes, Mirabeau, Bailly, ne sauraient renoncer aux rôles qu'ils entreprennent. Louis XVI est incapable de fermeté dans ses actes de royauté; on le sait, et on lui résistera. On s'avancera

contre lui, parce qu'on est sûr de n'éprouver qu'une défensive mal combinée d'un ministère incertain et divisé, dont les avis sont, en outre, neutralisés par un conseil secret, formé de courtisans aussi présomptueux qu'inhabiles. Les chefs du tiers-état, connaissant toute leur popularité, se reposent sur ce moyen de succès qui les dispense et de courage et de génie. Que leur importe le danger auquel ils exposent l'État en soulevant la multitude, au cas même qu'ils présument ce danger, lorsqu'il s'agit de la satisfaction de leurs vanités de tribuns? Ils ne veulent point d'une transaction qui terminerait les divisions. Ils rejettent les immenses concessions du roi, parce qu'ils rejettent toute composition avec des propriétés et des prérogatives revêtues d'une longue prescription; parce qu'ils veulent dépouiller entièrement ceux dont il suffirait d'admettre les renonciations pour effectuer le bonheur général; parce qu'ils ne veulent pas d'un bien qui ne serait pas une dépouille.

S'il est positif que la liberté des peuples est l'effet d'un contrat entre l'indépendance et la sûreté; la liberté pleine et entière dérivait de l'acquiescement à la proposition du roi. — Quel affreux intervalle séparera cette déclaration de Louis XVI, au 23 juin 1789, de la charte apportée par Louis XVIII, le 4 jain 1814?

Juin 24. 151 ecclésiastiques se réunissent aux députés du tiers. 25. 47 membres de la noblesse se présentent dans la salle du tiers. Le duc d'Orléans est parmi eux, rangé dans l'ordre des bailliages.

27. D'après l'invitation du roi, la minorité du clergé et la majorité de la noblesse se rendent dans la salle de l'assemblée nationale; achevant ainsi la fusion des trois ordres.

Les membres les plus remarqués pendant la session de cette assemblée, surnommée Constituante, sont : Mirabeau (le comte), Cazalés (fils d'anobli), Maury abbé), le comte de Clermont-Tonnerre, Barnave (avocat), Mounier, Malouet (administrateur de la marine; ministre en 1814), Lally-Tollendal (pair de 1814), Montesquiou (abbé; pair de 1815; ministre en 1814-15), Tronchet (avocat; défenseur de Louis XVI), Target (avocat), Chapelier (avocat), Sièyes (abbé; conventionnel-votant la mort de Louis XVI; directeur; consul en 1799; etc., etc.), Talleyrand-Périgord ( évêque d'Autun, etc., etc., etc., etc., etc.) : ( V. la Table des matières), Grégoire (curé; évêque-constitutionnel; conventionnel), le duc de la Rochefoucauld, le duc de la Rochefoucauld - Liancourt (pair de 1814), Boissy-d'Anglas (conventionnel; pair de 1814), Lanjuinais

(conventionnel; pair de 1814), Volney (homme de lettres; pair de 1814), Bailly (homme de lettres), le marquis de La Fayette (général; député de la série de 1818), Bergasse (avocat).

Résultat du dépouillement des cahiers remis aux députés aux étatsgénéraux par leurs commettants. (Nota. Ce résultat a été présenté à l'assemblée nationale dans sa séance du 28 juillet suivant ).

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« Principes avoués. Art. 1°. Le gouvernement français est monarchique. — 2. La personne du roi est inviolable et sacrée.

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l'impôt.

3. La

11. La

« couronne est héréditaire de mâle en mâle. 4. Le roi est déposi«taire du pouvoir exécutif. 5. Les agents de l'autorité sont « responsables. — 6. La sanction royale est nécessaire pour la promulgation des lois.-7. La nation fait la loi avec la sanction royale. 8. Le consentement national est nécessaire à l'emprunt et à 9. L'impôt ne peut être accordé que d'une tenue des états - généraux à l'autre. 10. La propriété sera sacrée. &liberté individuelle sera sacrée. » — « Questions sur lesquelles l'uni« versalité des cahiers ne s'est point expliquée d'une manière uniforme. « Art. 1o. Le roi a-t-il le pouvoir législatif limité par les lois consti«<tutionnelles du royaume? 2. Le roi peut-il faire, seul, des lois « provisoires de police et d'administration dans l'intervalle des tenues « des états-généraux? 3. Ces lois seront-elles soumises à l'enregistrement libre des cours souveraines? 4. Les états généraux a ne peuvent-ils être dissous que par eux-mêmes? 5. Le roi peutil, seul, convoquer, proroger et dissoudre les états - généraux ?

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« 6. En cas de dissolution, le roi est-il obligé de faire sur-le-champ « une nouvelle convocation? 7. Les états - généraux seront-ils « permanents ou périodiques?-8. S'ils sont périodiques, y aura-t-il, « ou n'y aura-t-il pas une commission intermédiaire? 9. Les deux premiers ordres seront-ils réunis dans une même chambre ?

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<< 10. Les deux chambres seront elles formées sans distinction « d'ordre ? 11. Les membres de l'ordre du clergé seront-ils répartis dans les deux autres ordres? 12. La représentation du clergé, de la noblesse et des communes sera-t-elle dans la proportion d'un, deux, trois? 13. Sera-t-il établi un quatrième ordre, <«< sous le titre d'ordre des campagnes?— 14. Les personnes possédant « charges, emplois ou places à la cour peuvent-elles être députées aux états-généraux ? 15. Les deux tiers des voix seront-ils nécessaires « pour former une résolution? 16. Les impôts ayant pour objet la « liquidation de la dette nationale seront-ils perçus jusqu'à son en«tière extinction?-17. Les lettres-de-cachet seront-elles abolies ou

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