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n'est pas telle que cet aveu ne puisse être révoqué dans le cas où il serait prouvé qu'il y a erreur, et conséquemment cette présomption n'a pas tout l'effet de celle juris et de jure, qui n'admet aucune espèce de preuve contraire, Mais par la même raison que celui qui est dans l'erreur ne donne pas un consentement valable, de même aussi l'aveu de celui qui est dans l'erreur, ne doit point être regardé comme réel: Non fatetur qui errat. L. II. de Conf.

ART. 1360, 1359. Il résulte encore de ce principe, qu'il peut être déféré en tout état de cause: il faut seulement que ce soit sur un fait personnel à la partie à laquelle on le défère. On ne peut plus présumer que le fait soit à sa connaissance, ni qu'elle fasse à la justice une dissimulation coupable, quand ce n'est pas son propre fait.

Si la partie à laquelle on défère le serment croit avoir quelque intérêt de le déférer à son adversaire, c'est-à-dire, de prendre elle-même droit par la déclaration de cet ad

Il n'est ici question que d'erreur de fait : P'erreur de droit n'est autre chose que l'ignorance de la loi; ignorance qui ne doit être niversaire, celui-ci ne peut se refuser de rendre présumée, ni excusée.

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On n'a point suivi l'opinion des jurisconsultes qui pensent que le serment ne peut être déféré par celui qui n'a pas au moins un commencement de preuve par écrit ; et quoique l'on n'ait pas établi, en France comme à Rome, l'usage de faire prêter, au demaudeur, le serment qu'il agit de bonne foi, juramentum de calumnia, on a cru devoir également décider que celui auquel on défère le serment ne peut s'y refurer, parce qu'il n'est censé souffrir aucun préjudice de ce qu'on lui demande la déclaration de la vérité : on a donc admis, sans restriction, ce principe ce principe de morale et d'équité consacré dans la loi romaine, qui met au nombre des actions les plus honteuses, le refus du serment, et qui assimile ce refus à un aveu: Manifesto turpitudinis et confessionis est nolle jurare nec juramentum referre. Leg. XXXVIII., ff. de Jur. jur.

à la justice le même témoignage qu'il voulait exiger de l'autre partie.

ART. 1362. Il faut seulement, pour que le serment puisse être ainsi référé, que le fait, qui en est l'objet, soit le fait des deux parties, et qu'il ne soit pas purement personnel à celui auquel il avait été déféré. C'est une conséquence de la règle qui n'assujétit au serment la partie à laquelle on le défère, que sur les faits qui lui sont propres. ART. 1363. Ce serment, déféré par une partie à l'autre, est décisoire: c'est la condition sous laquelle la loi donne le droit de l'exiger. Ainsi, de l'exercice de ce droit sulte le consentement de se soumettre à la a déféré le condition, et dès-lors celui qui serment, ou qui l'a référé, n'est plus recevable, lorsqu'il a été fait, à en prouver la fausseté; (Art. 1364) et même avant le serment prêté, le consentement qui résulte de ce qu'on l'a déféré ou référé, ne peut plus être révoqué si l'adversaire a déclaré qu'il est prêt à le faire.

Ce sont ces motifs qui ont fait donner au serment décisoire, respectivement à celui qui l'a déféré ou référé, et respectivement à ses héritiers ou ayant cause, toute la force d'une présomption juris et de jure, contre laquelle aucune preuve, pas même celle de pièces nouvellement recouvrées nouvellement recouvrées, n'est admissible. Adversùs exceptionem jurisjurandi replicatio doli mali non debet dari; cùm prætor id agere debet, ne de jurejurando quæratur. L. XV. ff. de except.

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ou ayant cause, et à l'égard de la chose qui en a fait l'objet.

Si le débiteur principal est libéré par le serment, ses cautions le sont également. L'obligation principale cessant, celle des cautions, qui n'est qu'accessoire, doit aussi cesser, puisqu'autrement les cautions, qui seraient forcées de payer, auraient leurs recours contre le débiteur, et ce serait, de la part du créancier, éluder l'effet du serment.

Si c'est à la caution que l'on défère le serment sur l'obligation principale, et si elle fait le serment qu'il n'est rien dû, le débiteur principal est libéré, parce que ce serment équivaut à un paiement, et que le paiement fait par la caution libère le débiteur principal.

Par le même motif, le serment déféré à l'un des débiteurs solidaires, profite aux codébi

teurs.

Il n'en est pas ainsi du serment déféré par l'un des créanciers solidaires au débiteur : chaque créancier solidaire peut exiger l'exécution entière de l'obligation; mais il n'a pas seul le droit de changer ou d'anéantir cette obligation: ainsi, on a déjà vu que le débiteur n'est libéré par la remise de la dette que lui fait un des créanciers solidaires, que jusqu'à concurrence de la part de ce créancier. Lorsqu'un cocréancier défère le serment au débiteur, c'est également une convention particulière entre eux elle ne doit pas lier les autres créanciers. Ce serait une occasion de fraudes.

ART. 1366.-Le serment est au nombre des

moyens par lesquels la loi espère que la vérité sera découverte. Ce moyen, comme tous les autres, a dû être confié à la prudence du juge; soit qu'en le déférant il en fasse dépendre la décision de la cause, soit qu'il le défère seulement pour déterminer le montant de la condamnation.

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ART. 1369.-Le droit de déférer le serment n'étant confié au juge que comme une dernière ressource, à défaut d'autres moyens d'éclairer sa religion, il en résulte encore qu'il ne doit déférer le serment sur la valeur de la chose demandée, que lorsqu'il est d'ailleurs impossible de constater autrement cette valeur. Il ne doit pas même, dans ce cas, avoir une confiance illimitée dans celui auquel il défère le serment: il doit déterminer la somme jusqu'à concurrence de laquelle ce serment fera foi.

Telles sont, législateurs, les différentes espèces de preuves qu'il est possible d'employer pour constater qu'une obligation existe ou qu'elle a été acquittée.

C'est ici que se termine la série des principes dont se compose le titre des Contrats ou des obligations conventionnelles en général. Ces principes sont susceptibles de modifications et exceptions relativement à plusieurs contrats qui, par ce motif et par le développement qu'exige leur importance, seront la matière des titres qui vous seront successivement présentés et qui termineront le Code civil.

L

TITRE IV.

Des Engagements qui se forment sans convention.

Décrété le 19 pluviôse an x11 (9 février 1804); — Promulgué le 29 du même mois (19 février).

EXPOSÉ DES

LÉGISLATEURS,

[ARTICLES 1370 à 1386.]

MOTIFS par M. le Conseiller-d'Etat TREILHARD.
Séance du 9 pluvióse an x11 (30 janvier 1804).

Le titre du Code civil que le gouvernement vous présente aujourd'hui, ne contient qu'un petit nombre d'articles: il a pour objet les Engagements qui se forment sans convention.

Une société politique serait bien imparfaite, si les membres qui la composent n'avaient entre eux d'autres engagements que ceux qu'ils auraient prévus et réglés par une convention.

Quel est celui qui pourrait se flatter de lire dans les profondeurs de l'avenir, tous les rapports que les événements établiront entre lui et ses concitoyens? Et quelle opinion devrait-on se former de la sagesse d'un législateur qui laisserait les hommes errants sans guide et sans boussole dans cette vaste mer, dont personne ne sonda jamais les abîmes?

Que le philosophe recherche si l'homme est sorti bon des mains de la nature; le législateur ne saurait ignorer que les passions ont trop souvent étouffé la raison et fait taire la bonté.

La loi doit donc vouloir pour nous ce que nous voudrions nous-mêmes si nous étions justes, et elle suppose entre les hommes, dans les cas imprévus, les obligations nécessaires pour le maintien de l'ordre social.

Voilà le principe des engagements qui se forment sans convention.

ART. 1370.-Ces engagements peuvent être considérés sous deux rapports; ou ils résultent de la seule autorité de la loi, ou ils ont pour cause un fait personnel à celui qui se trouve obligé.

Les engagements des tuteurs, obligés en cette qualité, quoiqu'il n'ait pas été en leur pouvoir de la refuser; les engagements des voisins,

obligés entre eux, à raison de leur seule position, et sans aucun acte de leur volonté particulière, sont dans la première classe. Ces obligations et les autres de la même nature, prennent leur racine dans les besoins de la société.

Quel serait le sort d'un malheureux, privé des soins paternels dans sa plus tendre enfance, si la loi ne réparait pas envers lui les torts de la nature!

Où serait la garantie des propriétés, si nos voisins pouvaient jouir de la leur d'une manière qui compromettrait la nôtre? L'autorité du législateur a dû y pourvoir. Mais les engagements de cette espèce ne sont pas l'objet du présent titre; les règles qui les concernent sont répandues dans les diverses parties du Code: il s'agit, dans ce moment, des engagements qui se forment par le fait d'une seule personne. Un projet de loi vous fut présenté, il y a peu de jours, sur les engagements qui résultent du concours des volontés de toutes les parties intéressées ici, nous ne nous occupons que des engagements qui naissent d'un fait, et saus qu'il intervienne

aucune convention.

Les faits qui peuvent donner lieu à ces engagements, sont ou permis ou illicites.

Les faits permis forment ce qu'on a appelé des quasi-contrats; les faits illicites sont des délits ou des quasi-delits, cette division fournit la matière de deux chapitres.

ART. 1371. Dans les contrats, c'est le consentement mutuel des parties contractantes qui produit entre elles l'obligation.

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Dans les quasi-contrats, au contraire, comme dans les délits et les quasi-délits, l'obligation,

ainsi que je l'ai déjà observé, résulte d'un fait: c'est la loi qui le rend obligatoire. Les engagements de cette espèce sont fondés sur ces grands principes de morale si profondément gravés dans le cœur de tous les homines, qu'il faut faire aux autres ce que nous désirerions qu'ils fissent pour nous dans les mêmes circonstances, et que nous sommes tenus de réparer les torts et les dommages que nous avons pu causer. Les dispositions dont vous entendrez la lecture, sont toutes des conséquences plus ou moins éloignées, mais nécessaires, de ces vérités éternelles,

ART. 1372. Ainsi, celui qui, volontairement et sans mandat, gère l'affaire d'autrui, s'oblige par ce seul fait à continuer sa gestion jusqu'à ce que l'affaire soit terminée: il est tenu d'y porter les soins d'un bon père de famille.

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N'est-ce pas là en effet ce qu'il exigerait pour lui dans la même position? Si c'est une action louable de prendre en main l'affaire d'un absent, cet acte de bienfaisance ne serait-il pas une véritable trahison, si, après avoir commencé de gérer, après avoir peutê re prévu et écarté par une diligence apparente, des amis plus éclairés et plus solides, l'on pouvait abandonner l'affaire sans l'avoir terminée, ou si on ne la suivait qu'avec une incurie fatale au propriétaire.

En prenant la gestion d'une affaire, on contracte donc nécessairement l'obligation de la finir; et s'il ne faut pas glacer le zèle des amis par trop d'exigence, il ne convient pas moins de se garantir de ces officieux indiscrets, si actif quand il s'agit d'offrir des services, si prompts à se mettre en mouvement, mais dont l'ardeur se calme avec la même promptitude, et dont les empressements seraient une véritable calamité, si la loi ne les chargeait pas de toutes les suites de leur légèreté et de leur inconstance.

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ART. 1375. En forçant celui qui s'est ingéré dans une affaire à la terminer, il est aussi bien juste, lorsqu'il l'aura géré avec loyauté, qu'il puisse réclamer l'indemnité de tous les engagements qu'il aura pris, et le remboursement de toutes les dépenses utiles et nécessaires qu'il aura faites.

Cette indemnité, ce remboursement, sont une obligation étroite et sacrée pour celui dont on a géré l'affaire, l'obligation qui résulte du fait seul de la gestion, et qui se forme sans

le consentement et même à l'insu de celui qui est obligé.

Je ne m'attacherai pas à prouver la sagesse de dispositions si constamment fon lées sur l'équité naturelle, il ne serait pas moins superflu de m'arrêter sur les autres articles du même chapitre. (Art. 1376.) Qui pourrait en effet contester que celui qui a reçu une somme, ou toute autre chose qui ne lui était pas due est obligé par le fait à la rendre; que celui qui l'a reçue de mauvaise foi, est responsable même des cas fortuits; que celui à qui la chose est restituée, doit, de son côté, tenir compte des dépenses nécessaires et utiles pour sa conservation?

Toutes ces propositions sont d'une évidence à laquelle il n'est permis à personne de se refuser.

second, des délits et des quasi-délits, ne sont ART. 1382.-Les dispositions du chapitre pas moins nécessaires, moins justes, moins incontestables.

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Celui qui par son fait a causé du dommage, est tenu de le réparer; il est engagé à cette réparation, même quand il n'y aurait négligence ou imprudence: c'est une suite de sa part aucune malice mais seulement nécessaire de son délit ou quasi-délit. Il offrirait lui-même cette réparation, s'il était juste, comme il l'exigerait d'un autre s'il avait éprouvé le dommage.

Dirai-je que de graves docteurs ont mis en question si un interdit pour cause de prodigalité, s'oblige de réparer les torts causés par ses délits? Dirai-je que quelques-uns ont eu le courage de décider qu'il n'était pas tenu de cette réparation; qu'il pouvait, à la vérité, compromettre par son délit, sa liberté même sa vie, mais qu'il ne pouvait pas compromettre sa fortune, parce que toute aliénation lui est interdite.

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répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

55 La responsabilité des pères, des instituteurs, des maîtres, est une garantie et souvent la seule garantie de la réparation des dommages; sans doute elle doit être renfermée: dans de justes limites. Les pères ne répondent que du fait de leurs enfants mineurs et habitant avec eux; les maîtres, que du fait des domestiques dans les fonctions auxquelles ils -sont employés; les instituteurs, les artisans, que des dommages causés pendant le temps que les élèves ou les apprentis sont sous leur surveillance..

¡Ainsi réglée, la responsabilité est de toute justice. Ceux à qui elle est imposée ont à s'im

puter, pour le moins, les uns de la faiblesse, les autres de mauvais choix, tous de la négligence: heureux encore si leur conscience ne leur reproche pas d'avoir donné de mauvais principes et de plus mauvais exemples !

Puisse cette charge de la responsabilité rendre les chefs de famille plus prudents et plus attentifs! puisse-t-elle faire sentir aux instituteurs toute l'importance de leur mission! et puissent les pères surtout, se pénétrer fortement de l'étendue et de la sainteté de leurs devoirs! la vie que nos enfants tiennent de nous, n'est plus un bienfait, si nous ne les formons pas à la vertu, et si nous n'en faisons pas de bons citoyens.

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TITRE V.

Du Contrat de Mariage et des Droits respectifs des Epoux. Décrété le 20 pluviôse an x11 (10 février 1804);-Promulgué le 30 du même mois (20 février 1804)

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[ARTICLES 1387 à 1581.]

EXPOSÉ DES MOTIFS, par M. le Conseiller-d'Etat BERLIER.
Séance du 10 pluvióse an x11 (31 janvier 1804).

LÉGISLATEURS,

L'une des lois que vous avez portées dans votre dernière session détermine les condi tions requises pour le mariage, en règle les formes, et statue sur les droits et devoirs principaux qu'établit entre les époux le lien justement révéré qui est le fondement des familles et de la société.

Cette loi s'est occupée de tout ce qui touche à l'état civil des époux, et a laissé à d'autres dispositions du Code, le soin de régler ce qui regarde les conventions que les époux peuvent établir par rapport à leurs biens et droits que, dans leur silence, dans leur silence, la loi doit suppléer.

C'est ce complément que renferme le projet que nous vous apportons aujourd'hui, intitulé: Du contrat de mariage et des droits respectifs des époux..

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༣༣།

Dans cette importante matière, le gouver nement a dû ne rien admettre qui pût blesser l'institution fondamentale, ou fût capable de ralentir cet heureux élan que la nature ellemême a pris soin d'imprimer aux hommes en les dirigeant vers le mariage.

Ainsi point d'inutiles entraves; car si la volonté doit essentiellement présider aux coutrats, c'est surtout lorsqu'il s'agit de conventions matrimoniales.

Cependant cette volonté doit être limitée en quelques circonstances, éclairée toujours et suppléée quelquefois.

De là la nécessité d'une loi : puisse celle dont nous vous offrons le projet, remplir les vues qu'on s'est proposées!

Pour bien comprendre et surtout pour juger ses dispositions, il n'importe pas seulement

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