Page images
PDF
EPUB

pouvait trouver place dans notre nouvelle législation.

ART. 1574.Je viens, législateurs, d'indi. quer les principales dispositions, comme les principaux effets du régime dotal; mais dans ce régime, ou plutôt à l'occasion de ce régime, viennent les biens paraphernaux.

Ces biens, qui comprennent tout ce qui n'a pas été expressément stipulé dotal, restaient dans le droit romain à la pleine disposition de la femme qui, pour les aliéner, n'avait pas besoin du consentement de son mari..

- ART. 1576.-Notre projet offre un changement notable à ce sujet, ou plutôt ce changement existait déjà dans l'une des lois que vous avez portées dans votre dernière session.

L'article 217 du premier livre du code civil, a posé la règle relative à la nécessité du consentement du mari ou de l'autorisation judiciaire, en cas que le mari refuse son consentement: le projet actuel devait se conformer à cette sage disposition; il l'a fait.

Ainsi le pouvoir de la femme sur ses biens paraphernaux, se réduira, comme le prescrivaient la raison et son propre intérêt l'administration et jouissance de cette espèce de biens.

[ocr errors]

à

ART. 1577. - Mais qu'arrivera-t-il si le mari gère et jouit lui-même? Notre projet le considère dans l'une des trois situations suivantes :

Ou il n'aura joui qu'en vertu d'un mandat exprès, et il sera tenu des mêmes actions que tout mandataire;

ART. 1579. Ou il se sera entremis et maintenu dans la jouissance par la force et contre le gré de sa femme; et alors il devra les fruits, car il n'a pu les acquérir par un délit ;

ART. 1578.-Ou enfin sa jouissance aura été paisible, ou du moins tolérée; et, dans ce cas, il ne sera tenu, lors de la dissolution du mariage, qu'à la représentation des fruits existants.

Il importait sans doute de prévoir tous ces cas, et de les distinguer; car si les biens paraphernaux ont une existence et une administration à part, s'ils sont de droit séparés et de la dot et des biens du mari, souvent et par la nature des choses, ils leur seront unis de fait il fallait donc pourvoir à ce qu'à raison de cette jouissance, les époux ne laissassent pas des procès pour héritage..

Je vous ai exposé, législateurs, tous les points essentiels du régime dota!.

ART. 1581.- Une disposition particulière, terminant le chapitre qui lui est consacré, exprime qu'en se soumettant au régime dotal, les époux peuvent néanmoins stipuler une société d'acquéts.

Sans doute les dispositions générales du projet de loi, sainement interprétées, eussent été suffisantes pour établir ce droit ou cette faculté ; mais le gouvernement n'a pas cru qu'il dût en refuser l'énonciation précise, réclamé pour quelques contrées du droit écrit, où cette stipulation est fréquente.

Cette mesure aura d'ailleurs le double avantage et de calmer des inquiétudes et de prouver formellement que nos deux régimes ne sont pas ennemis, puisqu'ils peuvent s'unir jusqu'à un certain point..

Législateurs, ma tâche est fort avancée, mais elle n'est pas finie. Je n'ai plus à justifier les dispositions écrites du projet, mais son silence sur certains avantages, qu'en quelques lieux les femmes survivantes obtenaient à titre d'augment de dot, et dans le plus grand nombre de nos coutumes, sous le nom de douaire.

Sur ce point, le projet a imité la sage discrétion du droit écrit ; et il le devait d'autant plus, qu'en établissant la communauté pour droit commun, il donne assez à la femme, si la communauté est utile, puisqu'elle en partagera les bénéfices, et lui accorderait trop, au cas contraire, puisque la libéralité de la loi s'exercerait sur une masse déjà appauvrie ou ruinée.

En se dépouillant d'ailleurs de tous les souvenirs de la routine, il fallait revenir aux premières règles de la raison. Or, la loi permet les libéralités, mais elle ne les fait pas, et ne doit point, en cette matière, substituer sa volonté à celle de l'homme, parce que souvent elle la contrarierait, sous prétexte de la suppléer.

ART. 1581. Que les époux puissent donc stipuler des droits de survie avec ou sans réciprocité, la loi ne doit point s'y opposer; mais comme les libéralités sont dans le domaine de la volonté particulière, on ne saurait en établir par une disposition de droit commun, sans blesser tous les principes.

Législateurs, je vous ai retracé tout le plan de la loi qui vous est proposée.

Dans une matière de si haute importance,

[ocr errors]

et que la diversité des usages rendait si délicate,« et à cette société, morale, qui déjà existe entre eux par le seul titre de leur union, sera et si difficile, on a moins cherché à détruire qu'à concilier, et surtout on a désiré que chacun pût votre droit commun ». facilement jouir de la condition légale dans lá-: quelle il voudrait se placer.

Si donc on a pu scinder la France pour donner des règles diverses aux diverses contrées qui la composent, ou a fait beaucoup, et tout ce qu'il était possible de faire, en disant à tous les citoyens de la République :

« Voilà deux régimes qui répondent à vos habitudes diverses; choisissez.

[ocr errors]

« Voulez-vous même les modifier, vous le « pouvez.

[ocr errors]

Législateurs, si cette communauté a été bien organisée, et si elle a conservé tout ce qu'il y avait de bon dans nos anciens usages, en rejetant seulement ce qui pouvait l'embarrasser sans fruit;

Si, d'un autre côté, le régime dotal, quoique dirigé vers une autre fin, mais organisé dans les mêmes vues, a recueilli et conservé les meilleurs éléments que nous eussions sur cette matière;

Si enfin le projet a laissé à la volonté la juste latitude qu'elle devait avoir, le gouvernement aura rempli ses vues...

« Tout ce qui n'est pas contraire à l'ordre public ou formellement prohibé, peut devenir « l'objet de vos conventions; mais si vous n'en << faites point, la loi ne saurait laisser les droits des époux à l'abandon; et la communauté, * comme plus conforme à la situation des épouxblique.

Et vous, Législateurs, en consacrant son travail par votre approbation, vous acquerrez de nouveaux droits à la reconnaissance pu

[blocks in formation]

Décrété le 15 ventôse an x1 (6 mars 1804); - Promulgué le 25 du même mois (16 mars 1804). [ARTICLES 1582 à 1701.]

EXPOSÉ DES MOTIFS par M. le Conseiller-d'État PORTÁLIS.

LÉGISLATEURS,

Séance du ventóse an X11 (27 février 1804).

7

Nous vous apportons un projet de loi sur le contrat de vente.

Ce projet est divisé en huit chapitres. Dans le premier, on s'est occupé de la nature et de la forme de la vente.

Le deuxième déclare quelles sont les personnes qui peuvent acheter ou vendre.

Le troisième est relatif aux choses qui peuvent être vendues.

Le septième a pour objet la licitation. Le transport des créances et autres droits incorporels est la matière du huitième et dernier chapitre.

Tel est le plan général du projet de loi.

CHAPITRE PREMIER.

Dans les quatrième et cinquième on déter- De la nature et de la forme du contrat

mine les obligations du vendeur et celles de l'acheteur.

On s'est occupé, dans le sixième, de la nullité et de la résolution de la vente.

de vente.

Les hommes ont des besoins réciproques : de là naissent les relations commerciales entre les

nations diverses et entre les individus de la 'même nation.

D'abord on ne connut pas l'usage de la monnaie; on ne trafiqua que par échanges: c'est l'unique commerce des peuples naissants. L'expérience découvrit bientôt les embarras, et démontra l'insuffisance de ce genre de commerce, car il arrivait souvent qu'un individu qui avait besoin des marchandises d'un autre, n'avait pas celles que celui-ci désirait acquérir lui-même. Deux personnes qui traitaient ensemble ne savaient comment se rapprocher, ni comment solder leurs comptes respectifs, Les difficultés que l'on rencontrait dans les communications entre particuliers, existaient également dans les communications entre les différents peuples; elles opposaient des obstacles journaliers à toutes les spéculations et à toutes ĺes entreprises.

[ocr errors]

Les nations, éclairées par la nécessité, établirent une monnaie, c'est-à-dire, un signe de toutes les valeurs; avec ce signe, les opérations devinrent moins compliquées et plus rapides; ceux qui prenaient plus de marchandises qu'ils ne pouvaient en donner se soldaient ou payaient l'excédent avec de l'argent. Dans ce nouvel ordre de choses, on procéda presque toujours par vente et par achat.

Quand on connaît l'origine du contrat de vente, on connaît sa nature.

ART. 1582. La vente est un contrat par lequel l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer.

Considérés dans leur substance, les contrats appartiennent au droit naturel, et en tout ce qui regarde leur forme, ils appartiennent au droit civil; (Art. 1583) en matière de vente, comme en toute autre matière, c'est le consentement, c'est la foi qui fait le contrat; conséquemment il existe une véritable vente dès les parties sont d'accord sur la chose et sur le prix.

que

Mais comment doit-il conster de cet accord, pour qu'il puisse devenir obligatoire aux yeux de la société? Ici commence l'empire de la loi civile.

Les jurisconsultes romains, plus frappés de ce qui tient à la substance du contrat, que de ce qui peut garantir sa sûreté, pensaient qu'il était libre au vendeur et à l'acheteur de traiter par parole ou par écrit.

Parmi nous, il a été un temps où l'on avait presque perdu jusqu'au souvenir de l'usage de

[blocks in formation]

Le projet de loi suppose et consacre à cet égard les principes existants.

Quand on parle de l'usage de l'écriture relativement aux différents actes, il faut distinguer les cas. Ordinairement l'écriture est exigée comme simple preuve de l'acte qu'il s'agit de constater. Quelquefois elle est exigée comme une forme nécessaire à la solennité même de l'acte. Dans ce second cas, l'écriture ne peut être suppléée. L'acte est nul s'il n'est pas rédigé

par

écrit, et dans la forme prescrite par la loi. Mais dans le premier cas, l'écriture n'étant exigée que comme une simple preuve, la seule absence de l'écriture n'opère pas la nullité d'un acte dont il consterait d'ailleurs par d'autres preuves équivalentes et capables de rassurer le juge.

L'ordonnance des Donations voulait que toute donation entre-vifs fût rédigée par contrat public, à peine de nullité. Il est évident que dans cette espèce de contrat l'écriture n'était pas simplement exigée pour la preuve de l'acte, mais pour sa solennité et sa validité, non tantùm ad probationem, sed ad solemnitatem.

Quelques jurisconsultes, et entre autres l'auteur du Traité des Assurances, enseignent que, dans le systême de l'ordonnance de la marine, l'écriture est exigée comme une forme essentielle au contrat d'assurance (1).

Dans la vente et dans les autres contrats ordinaires, l'écriture n'est exigée que comme preuve, tantùm ad probationem. Ainsi une

(1) Emérigon, Traité des Assurances, page 26.

vente ne sera pas nulle par cela seul qu'elle n'aura pas été rédigée par écrit. Elle aura tout son effet s'il conste d'ailleurs de son existence. Il sera seulement vrai de dire, comme à l'égard des autres conventions, que la preuve par témoins n'en doit point être admise, s'il n'y a des commencements de preuve par

écrit.

L'écriture n'étant exigée dans la vente que pour la preuve de l'acte, le projet de loi laisse aux parties contractantes la liberté de faire leurs accords par acte authentique ou sous seing-privé.

Il est de principe que l'on n'est pas moins lié par un acte que l'on rédige et que l'on signe soi-même, que par ceux qui se font en présence d'un officier public. Les derniers sont revêtus de plus d'authenticité; mais l'engagement que l'on contracte par les premiers n'est pas moins inviolable.

Deux parties, en traitant ensemble sous seing-privé, peuvent s'obliger à passer un contrat public à la première requisition de l'une d'elles. L'acte sous seing-privé n'est pas pour cela un simple projet; on promet seulement d'y ajouter une forme plus authentique, mais le fond du contrat demeure toujours indépendant de cette forme. On peut réaliser ou ne pas réaliser le vœu que l'on a exprimé de donner une plus grande publicité à la convention, sans que la substance des engagements pris puisse en être altérée.

On a jugé constamment qu'une vente sous seing-privé était obligatoire, quoique dans l'acte on se fût réservé de faire rédiger les accords en acte public, et que cette réserve n'eût jamais été réalisée. Toutes les fois qu'en pareil cas une partie a voulu se soustraire à ses engagements, elle a toujours été condamnée à les exécuter.

La rédaction d'une vente privée en contrat public ne peut être réputée essentielle qu'autant qu'il aurait été déclaré par les parties que, jusqu'à cette rédaction, leur premier acte demeurerait aux termes d'un simple projet.

ART. 1583.-On décide, dans le projet de loi, que la vente, en général, est parfaite, quoique la chose vendue n'ait pas encore été livrée, et que le prix n'ait point été payé.

Dans les premiers âges, il fallait tradition et occupation corporelle pour consommer un transport de propriété. Nous trouvons dans la jurisprudence romaine une multitude de règles et de subtilités qui dérivent de ces premières idées.

[blocks in formation]

Distinguons le contrat en lui-même d'avec son exécution. Le contrat en lui-même est formé par la volonté des contractants. L'exécution le contrat, mais elle n'est pas le contrat suppose le contrat,

même.

On est libre de prendre un engagement ou de ne pas le prendre; mais on n'est pas libre de l'exécuter ou de ne pas l'exécuter quand on l'a pris. Le premier devoir de toute personne qui s'engage est d'observer les pactes qu'elle a consentis, et d'être fidèle à la foi promise.

Dans la vente, la délivrance de la chose vendue et le paiement du prix sont des actes qui viennent en exécution du contrat, qui en sont une conséquence nécessaire, qui en dérivent comme l'effet dérive de sa cause; et qui ne doivent pas être confondus avec le contrat.

L'engagement est consommé dès que la foi est donnée; il serait absurde que l'on fût autorisé à éluder ses obligations en ne les exé

cutant pas.

Le systême du droit français est donc plus raisonnable que celui du droit romain; il a sa base dans les rapports de moralité qui doivent exister entre les hommes.

Ce systême est encore plus favorable au commerce. Il rend possible ce qui ne le serait souvent pas, si la tradition matérielle d'une chose vendue était nécessaire pour rendre la vente parfaite. Par la seule expression de notre volonté, nous acquérons pour nous-mêmes, et nous transportons à autrui toutes les choses qui peuvent être l'objet de nos conventions. "Il s'opère par le contrat une sorte de tradition civile qui consomme le transport du droit, et qui nous donne action pour forcer la tradition réelle de la chose et le paiement du prix. Ainsi la volonté de l'homme, aidée de toute la puissance de la loi, franchit toutes les distances, surmonte tous les obstacles, et devient présente partout, comme la loi même.

La règle que la vente est parfaite, bien que la chose vendue ne soit point encore livrée, et que le prix n'ait point encore été payé, ne s'applique qu'aux ventes pures et simples, et

[merged small][ocr errors][merged small]

ART. 1592. La nécessité de stipuler un prix certain n'empêche pourtant pas qu'on ne puisse s'en rapporter à un tiers pour la fixation de ce prix. Mais la vente est nulle si ce tiers. refuse la mission qu'on lui donne, ou s'il meurt avant de l'avoir remplie. Une des parties ne pourrait exiger qu'il fût remplacé par un autre.

On dira peut-être que le prix n'est pas certain quand on s'en rapporte à un tiers pour le fixer. Mais les parties contractantes peuvent convenir de tels pactes que bon leur semble, pourvu que ces pactes ne soient contraires ni à l'ordre public ni aux bonnes mœurs. Sans doute un prix dont la fixation est soumise à l'arbitrage d'un tiers n'est point encore certain; mais il le deviendra après cette fixation, et la vente ne sera parfaite qu'autant que cette fixation aura eu lieu.

ART. 1585. De la nécessité de s'accorder sur une chose déterminée, il suit que lorsque des marchandises ne sont pas vendues en bloc, mais au poids, au compte ou à la la mesure, la vente n'en est point parfaite en ce sens, que les choses vendues sont aux risques du vendeur jusqu'à ce qu'elles soient pesées, comptées ou mesurées. Mais l'acheteur peut en demander ou là délivrance ou des dommages et intérêts, s'il y a lieu, en cas d'inexécution de l'engagement, car il y a au moins une obligation précise de vendre.

ART. 1587. A l'égard du vin, de l'huile, et des autres choses que l'on est dans l'usage de goûter avant d'en faire l'achat, il n'y a pas de vente tant que l'acheteur ne les a pas goûtées et agréées, parce que, jusqu'à cette époque, il n'y a pas même un véritable consentement de sa part.

La vente faite à l'essai est toujours présumée faite sous une condition suspensive. ART. 1589.La promesse de vendre vaut

[ocr errors]

vente lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et le prix.

On trouve effectivement, en pareil cas, tout ce qui est de la substance du contrat de vente (1).

Dans l'usage, on traite quelquefois en donnant et en recevant des arches. Si les arrhes tiennent à une convention qui en détermine l'effet, il faut suivre exactement cette convention. S'il n'y a point de convention `expresse, alors, faute d'exécution du contrat de la part de l'acheteur, les arrhes sont perdues pour lui; et, faute d'exécution de la part du vendeur, celui-ci est tenu de rendre à l'acheteur le double des arrhes qu'il a reçues.

Il est de droit commun et général que les frais d'acte et autres frais accessoires à la vente sont à la charge de l'acheteur.

[blocks in formation]

En thèse, la faculté de vendre et d'acheter appartient à tous ceux auxquels la loi ne l'interdit pas.

ART. 1595. Le projet soumis à votre examen restreint cette faculté entre époux. On a craint avec raison l'abus que le mari peut faire de son autorité, et celui qui aurait sa source dans l'influence que la femme peut se ménager par les douces affections qu'elle inspire.

Ces motifs avaient déterminé la loi romaine et la plupart des coutumes à prohiber les donations entre-vifs entre la femme et le mari hors du contrat de mariage. Entre personnes si intimement unies, il serait bien à craindre que la vente ne masquât presque toujours une donation.

De plus, le mari est chef de la société conjugale; il est l'administrateur des intérêts communs; la femme ne peut faire aucun acte sans son autorisation : pourrait-on se promettre que la même personne sût concilier l'intérêt exclusif et personnel d'un contractant avec`la sage vigilance d'un protecteur?

(1) Cochin, tome v1, page 160,

« PreviousContinue »