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pose à ce que, pour l'intérêt personnel du créancier, la vie de son débiteur soit exposée.

La contrainte par corps a toujours aussi paru trop rigoureuse contre les femmes et les filles. Ceux qui contractent avec elles connaissent la faiblesse de leur sexe, combien leurs travaux sont en général peu lucratifs. Les bonnes mœurs sont même intéressées à ce qu'on ne les mette pas dans une aussi grande dépendance de leurs créanciers. C'est ce dernier motif qui, dans la loi romaine, avait déterminé la même exception.

Ainsi les septuagénaires, les femmes et les filles ont été, par ce motif, mis à l'abri de la contrainte par corps dans tous les cas, si ce n'est un seul, celui du stellionat. Quand on se rappelle combien cette faute est énorme, on reconnait que ni la vieillesse ni le sexe ne peuvent servir d'excuse.

Et même encore a-t-on fait à cet égard une distinction entre les femmes mariées qui se raient séparées de biens ou qui auraient des biens dont elles se seraient réservé l'administration, et celles qui, étant en communauté, se seraient obligées conjointement ou solidairement avec leurs maris.

Celles qui sont séparées de biens, et celles qui ont des biens dont elles se sont réservé l'administration, sont soumises à la contrainte par corps pour stellionat, à raison des engagements qui concernent ces biens.

Le stellionat est alors la faute personnelle de la femme, sans qu'elle puisse la rejeter sur son mari, sous prétexte de l'autorisation qui lui aurait été donnée. Cette prérogative du mari ne saurait être un motif pour le rendre responsable de la mauvaise foi de sa femme relativement à des biens qu'il n'a jamais administrés, sur lesquels la loi ne lui donne pas de surveillance. Il faudrait, pour soutenir que le mari est responsable du stellionat, pouvoir dire que, dans le cas où la femme séparée vendrait un bien qu'elle saurait ne pas lui appartenir, le mari, qui n'aurait pas reçu le prix et qui n'en aurait pas profité, serait tenu de rendre ce prix, et pourrait y être contraint par corps. Quelque ascendant que l'on suppose aux maris sur leurs femmes, ce ne peut pas être un motif pour les présumer coupables dans l'exercice d'une prérogative qui ne leur donne aucun droit pécuniaire: s'il en était autrement, aucun mari ne voudrait courir des risques personnels par

une autorisation; les femmes auraient recours à la justice, qui pourrait encore moins que le mari connaître leurs engagements antérieurs. Il n'est pas douteux que la femme qui, coupable de stellionat, aurait surpris la religion du juge, pût être contrainte par corps; elle n'en doit pas être dispensée, par le motif que c'est d'abord à son mari qu'elle a dû demander l'autorisation.

La loi voit d'un autre œil la femme qui est en communauté. Lorsque dans ce cas elle s'obige conjointement et solidairement avec son mari, c'est le mari qui, comme chef de la communauté et comme administrateur général des biens, est présumé avoir la connaissance de tout ce qui est relatif au contrat : c'est alors que la femme est présumée ne jouer qu'un rôle secondaire et subordonné. La loi ne voulant atteindre que celui du mari ou de la femme qui doit être présumé coupable, décide qu'en cas de communauté les femmes ne peuvent être réputées stelliopataires, à raison des contrats dans lesquels elles se sont obligées conjointement ou solidairement avec leurs maris.

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C'est ainsi qu'un édit du mois de juillet 1880 avait interprété l'article 8 du titre XXXIV de l'ordonnance de 1667 sur la procédure civile. ART. 2067. Enfin la loi donne à ceux même qu'elle asujétit à lá contrainte par corps une garantie que les créanciers ne pourront en abuser, et en même-temps un délai pour satisfaire à leur dette. La contrainte par corps ne pourra être appliquée qu'en vertu d'un jugement.

ART. 2068. Il avait été réglé, par la même ordonnance de 1667 (titre XXXIV, art. 12), que si une partie appelait de la sentence, si elle s'opposait à l'exécution de l'arrêt ou du jugement portant condamnation par corps, la contrainte serait sursise jusqu'à ce que l'appel ou l'opposition eussent été terminés; mais que si, avant l'appel ou l'opposition signifiés, les huissiers ou sergents s'étaient saisis de sa personne, point snrsis à la contrainte.

On vous propose une disposition qui a paru plus simple et plus conforme aux règles ordinaires de la procédure.

L'appel ne suspendra point la contrainte par corps prononcée par un jugement provisoirement exécutoire en donnant caution.

Ainsi l'exécution du jugement ne dépendra point de la célérité qu'aura mise le créancier

à poursuivre le débiteur, ou de celle qu'aura mise le débiteur à se rendre appelant ou opposant; ce qui n'est pas fondé en raison: mais cette exécution dépendra de l'objet et des circonstances de l'affaire, et ce seront les juges eux-mêmes qui d'après les règles prescrites par le Code de procédure, déclareront dans leur jugement s'il est ou s'il n'est provisoirement exécutoire.

La loi présentée procure d'ailleurs au condamné par corps une garantie qu'il n'avait pas lorsque, conformément à la loi de 1667, il avait été arrêté c'est celle d'une caution

:

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TITRE XVII.

Du Nantissement.

Décrété le 25 ventôse an XII (16 mars 1804); - Promulgué le 5 germinal (26 mars 1804). [ARTICLES 2071 à 2091.]

EXPOSÉ DES MOTIFS par M. le Conseiller-d'État BERLIER.

LÉGISLATEURS,

Séance du 22 ventóse an x11 (13 mars 1804).

La confiance, qui est la base ordinaire des contrats, n'existe pas toujours entre les hommes à un tel degré qu'il ne leur soit souvent convenable et utile de rechercher les moyens propres à garantir leurs obligations; et la législation ne saurait s'opposer à de telles précautions qui n'offensent point les mœurs, et multiplient les conventions de toute espèce, par la faculté qu'elle laisse de stipuler tout ce qui peut en assurer l'exécution.

Déjà, dans ces vues, le Code a réglé ce qui regarde les cautions personnelles.

Nous venons aujourd'hui vous entretenir du nantissement, qu'on peut considérer comme un cautionnement réel.

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Cette distinction, puisée dans les éléments de la matière, n'a pourtant pas toujours été exactement appliquée ou suivie par la législation romaine: le gage et l'hypothèque y sont souvent considérés comme une seule et même chose; et l'expression res, employée dans le texte, embrasse souvent la chose mobilière comme la chose immobilière, et celle qui est en la possession effective du créancier, comme celle qui est restée en la possession du débiteur.

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spécialement autorisés à prêter sur gages, mais quels seront, dans les transactions particulières des citoyens, la forme et les effets du contrat par lequel le débiteur aura remis un gage à son créancier. ART. 2077. Ce contrat, licite en soi se forme comme toute autre convention, et le gage peut même être donné par un tiers pour le débiteur; car la condition de celuici ne saurait être blessée par cet office d'ami. ART. 2073. Le gage donné n'en trans

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En circonscrivant donc comme nous le devons, le contrat de nantissement dans ses véritables limites, et en le coordonnant avec nos institutions nouvelles, cette matière ac-met pas la propriété au créancier; mais celui-ci querra beaucoup de simplicité. acquiert sur le gage un privilége sans lequel le contrat n'aurait point d'objet.

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ART. 2072. On peut donner en nantissement ou une chose mobilière, ou une chose immobilière.

Le nantissement d'une chose mobilière s'appelle gage; et cette dénomination qui, dans son sens restreint, pourrait être justifiée par des textes mêmes du droit romain (1), l'est bien mieux encore par l'acception que le mot gage a obtenu dans nos usages; car le langage des lois doit s'accorder avec les idées qu'y attache le peuple pour qui elles sont faites.

Le nantissement d'une chose immobilière s'appellera antichrèse.

Le projet de loi s'occupe, en deux chapitres distincts, des règles propres à chacun de ces contrats je vais les examiner séparément.

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Du gage.

ART. 2084. Pour dégager cette discussion de tout ce qui lui est étranger, il convient de remarquer d'abord que les matières de commerce en sont exceptées, et il n'est pas moins utile d'observer que les maisons de prét sur gage ou nantissement, soit celles qui existent encore aujourd'hui, soit celles qui seront organisées en exécution de la loi du 16 pluviose an XII, sont, par un article exprès, mises hors des dispositions du projet de loi qui vous est actuellement soumis.

Cet objet, important sans doute, et trop long-temps abandonné aux spéculations particulières, sera enfin ramené à des règles protectrices de l'intérêt des pauvres mais ce bienfait, préparé par la loi du 16 pluviôse, et que le Gouvernement est chargé d'accomplir, n'est point le sujet de la discussion présente. Il ne s'agit pas aujourd'hui de savoir comment seront organisés des établissements

(1) L. 238, §. II, ff. de Verb. signif

ART. 2081. Si le gage produit des fruits, comme si, par exemple, c'est un capital de rente portant intérêts, le créancier doit imputer ces intérêts d'abord sur ceux qui peuvent lui être dus à lui-même, et ensuite sur le capital de sa créance.

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le créan

ART. 2080. Détenteur du cier doit veiller à sa conservation, sauf à répéter les sommes qu'il aurait dépensées pour y pourvoir.

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Ces règles sont d'une telle simplicité qu'il serait superflu de s'attacher à les justifier. ART. 2078. Mais que deviendra le gage si le débiteur ne paie pas? La décision relative à ce point est l'une des plus importantes du projet.

Si vous l'adoptez, législateurs, le créancier ne pourra jamais s'approprier le gage de plein droit et par le seul défaut de paiement au terme; ses droits se borneront à faire ordonner en justice ou que le gage lui restera pour sa valeur estimée par experts, ou qu'il sera vendu aux enchères; et toute stipulation contraire sera nulle.

Les motifs de cette disposition sont faciles à saisir. Le créancier fait la loi à son débiteur; celui-ci remet un gage dont la valeur est ordinairement supérieure au montant de la dette le besoin qu'il éprouve, et l'espoir qu'il a de retirer le gage en payant, font que le débiteur s'arrête peu à la différence de valeur qui existe entre le gage et la dette. Si pourtant il ne peut payer au terme convenu, et que le gage devienne, sans autre formalité, la propriété de son créancier, un effet précieux n'aura souvent servi qu'à acquitter une dette modique.

Voilà ce qu'il convenait d'empêcher. Le gage, considéré comme un moyen d'assurer

l'exécution des engagements, est un contrat favorable sans doute; mais il deviendrait odieux et contraire à l'ordre public si son résultat était d'enrichir le créancier en ruinant le débiteur.

On a, il est vrai, opposé l'inconvénient de s'adresser toujours à la justice pour la vente d'un gage qui sera quelquefois de trèspeu de valeur, et on a paru désirer des exceptions mais comment pourrait-on les établir, et quelles limites fixerait - on? Le montant de la dette ne fournit aucun document sur la valeur du gage. Combien d'ailleurs n'abuserait-on pas de l'exception?

Si le principe est bon, il faut l'admettre sans restriction, et pourvoir seulement à ce que le recours à la justice soit simple et peu dispendieux cet ob et ne sera pas négligé dans le Code de la procédure.

Je viens d'indiquer, législateurs, de quelle manière le créancier pourra exercer ses actions sur le gage à défaut de paiement.

ART. 2082. Jusqu'à ce que ce paiement soit effectué, il est fondé à retenir le gage (c'est l'objet du contrat ), et il ne peut être contraint à s'en dessaisir avant cette époque qu'autant qu'il en abuserait.

Ici s'est présentée la question de savoir si le créancier payé de la dette pour laquelle le gage lui avait été remis, mais ayant depuis le premier contrat acquis une nouvelle créance dont l'objet est aussi devenu exigible, pourra retenir le gage à raison de cette dernière dette.

Notre projet, en adoptant l'affirmative n'a fait que se conformer au dernier état de notre législation (1), cependant comme cette décision a été controversée, il ne saurait être superflu d'en iudiquer les motifs.

L'opposition qu'elle a éprouvée se déduisait principalement de ce que l'impignoration consentie pour un objet ne pouvait s'étendre à un autre, sans ajouter aux conventions des parties et sans aggraver le sort du débiteur; mais cette objection, appliquée à la situation particulière que nous examinons, n'était que spé

cieuse.

Sans doute il ne faut pas arbitrairement ajouter aux contrats; mais la circonspection dont le législateur doit user en pareille matière n'est point blessée, lorsque la règle qu'il

(1) L. uniq. Cod. Ob chirogr. pecuniam, ·

Tome IIa

trace n'est que le complément naturel des conventions, et n'a pour objet que de faire observer ce que les parties ont vraisemblablement voulu elles-mêmes, dans la circonstance sur laquelle le législateur statue.

Or quelle est la situation des parties dans l'espèce proposée? Le créancier a déjà pris un gage pour une première dette; et s'il n'en demande pas pour une seconde dette qui devra être acquittée ou avant la première ou en même-temps qu'elle, ce sera indubitablement parce qu'il aura considéré le gage dont il est déjà saisi, comme suffisant pour répondre de l'une et de l'autre dette.

Quel tort d'ailleurs cette application fait-elle au débiteur, lorsqu'il peut et doit même la faire cesser en payant?

On suppose en effet que la deuxième dette. est exigible comme la première (et la disposition dont il s'agit n'est que pour ce cas ); mais comment alors le débiteur pourrait-il être admis justement à diviser sa dette, et à réclamer son gage sans payer tout ce qu'il doit?

ART. 2083. En repoussant l'objection qu'on vient d'examiner, notre projet n'a donc rien fait que de conforme à la stricte équité.

La règle posée touchant l'indivisibilité du gage n'est ni moins juste ni moins nécessaire.

Ainsi l'héritier du débiteur qui aura payé sa portion de la dette ne pourra, avant l'entier paiement de cette dette, exiger la restitution de sa portion dans le gage; car le créancier ne saurait être contraint à scinder ses droits lors même que le serait divisible: il l'a gage reçu d'une seule main et sans division; il n'en doit la restitution que de la même manière et après avoir été totalement payé.

De même l'héritier du créancier qui aurait reçu sa portion de la dette, ne pourra remettre le gage au préjudice de ses cohéritiers non payés, car le gage n'est dans ses mains, et pour la part de ses cohéritiers, qu'une espèce de dépôt qu'il violerait s'il osait s'en dessaisir sans avoir pourvu à leurs intérêts.

Je viens, législateurs, de retracer les principales règles relatives au gage proprement dit; il me reste à vous entretenir de l'antichrèse.

De l'Antichrèse.

L'antichrèse, d'après la définition qu'en donne le projet, consiste dans la remise que le débiteur fait à son créancier d'une chose 36

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ART. 2091. Cette dernière disposition, qui semble d'abord attribuer à l'antichrèse des effets moins étendus que ceux qui résultent du gage, n'offre pourtant que la moindre restriction possible; car le droit de percevoir les fruits, combiné avec celui de poursuivre l'expropriation du fonds en cas de non-paiement, donne au créancier tout ce qu'on peut lui attribuer dans un contrat qui ne lui confère ni droit de propriété ( car le fonds n'est pas aliéné), ni droit hypothécaire, puisqu'un tel droit ne peut s'acquérir que d'après les formes générales établies par les lois et par une inscription régulière.

Ce qui vient d'être dit met à même d'apprécier la vraie différence qui existe entre le créancier légalement saisi d'un gage, et celui qui se trouve détenteur d'un immeuble à titre d'antichrèse.

Le premier ne saurait craindre l'intervention de personne, si ce n'est celle de tiers qui prouveraient que le meuble donné en gage leur a été dérobé: hors cette exception et les cas de fraude, le créancier muni du gage est préféré à tous autres, même plus anciens que lui, parce que le meuble était sorti de la possession du débiteur, et que les meubles n'ont pas de suite en hypothèque, principe qui est devenu une maxime de notre droit français.

Dans l'antichrèse au contraire, si l'expropriation du fonds est poursuivie, soit par le créancier détenteur à défaut de paiement au terme, soit par tout autre créancier, le nantissement de l'immeuble n'établira ni priviléges ni hypothèques.

Le créancier simplement nanti à titre d'antichrèse ne pourrait en effet raisonnablement

prétendre qu'un tel acte effaçât les titres des tiers, et lui donnât sur eux une prééminence qui deviendrait subversive de l'ordre social.

L'antichrèse ne saurait donc prévaloir sur les droits hypothécaires acquis par des tiers, ni même concourir avec eux; mais si le créancier nanti est lui-même créancier hypothécaire et inscrit il exercera ses droits à son ordre et comme tout autre créancier.

La différence qui vient d'être remarquée, et qui existe entre le gage et l'antichrèse, résulte donc de celle que la nature des choses a établie entre les meubles et les immeubles, et du besoin de coordonner entre elles nos diverses ins

titutions sur cette matière.

Après ces observations, celles qui me restent à faire sur la partie du projet relative à l'antichrèse sont fort simples, et d'ailleurs en petit nombre.

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ART. 2085. L'antichrèse ne s'établit que par écrit. Cette règle, qu'il eût été inutile de retracer si l'on eût voulu la laisser circonscrire dans les termes ordinaires de la législation sur les contrats, indique ici que lors même que le fonds vaudrait moins de 150 fr., nul ne peut s'y entremettre ou du moins s'y maintenir contre le vœu du propriétaire, en alléguant des conventions verbales qui, en cette matière pourraient devenir le prétexte de nombreux désordres.

Au surplus, les obligations que l'antichrèse impose au détenteur de l'immeuble résultent si naturellement de son propre titre, qu'il suffit sans doute de les énoncer pour que la justice en soit aisément reconnue.

Ainsi il devra imputer les fruits qu'il percevra sur les intérêts, s'il lui en est dû, et ensuite sur le capital de sa créance.

ART. 2086.-Il devra de même payer les charges foncières qui courront pendant la jouissance, et pourvoir, sous peine de dommages et intérêts, à l'entretien et aux réparations de l'immeuble, sauf à prélever sur les fruits le montant de ces diverses dépenses.

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ART. 2089. De la situation respective du débiteur et du créancier, il résulte aussi qu'il faudrait entrer en compte des jouissances et de la gestion que l'antichrèse aura procurées au créancier; mais cette obligation de droit commun exclura-t-elle la faculté de stipuler en bloc la compensation des fruits avec les intérêts dus au créancier.

Dans plusieurs des ci-devant parlements, et

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